Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à Europe 1 le 22 octobre 2004, sur le débat budgétaire, notamment sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et le soutien de la majorité à la politique de réforme.

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Média : Europe 1

Texte intégral

- Vous êtes le chef des 377 députés UMP. C'est vous le Premier ministre ?
Le chef de la majorité, c'est le Premier ministre.
- Est-ce qu'il ne faut pas voir encore plus haut, c'est-à-dire le président de la République ?
Il y a là une cohérence complète. Le président de la République donne des orientations de la politique, le Gouvernement la met en application et la majorité vote les textes en les améliorant, c'est son rôle.
- Maintenant, on voit que les députés tiennent compte de plus en plus du ministre de l'Economie, futur président de l'UMP, N. Sarkozy ; cela doit être un casse-tête pour vous tout cela, non ?
De toute façon, N. Sarkozy est un atout pour la majorité, c'est un atout pour l'UMP, il apporte ses propositions. Il le fait avec son efficacité habituelle et son dynamisme.
- Et quand il y a un grand sujet ou problème à traiter, il faut que tous vous soyez, de haut en bas, les responsables de l'exécutif, d'accord ? Par exemple, la majorité vient de passer huit jours qui vont apparemment rester dans les mémoires, monsieur Accoyer, on a tout vu jusqu'à cette nuit. Est-ce que vous félicitez votre majorité ?
La majorité, elle travaille.
- Non, mais vous la félicitez ? Vous lui dites, c'est bien de faire ce que vous faites depuis huit à dix jours ?
Je préfère que la majorité travaille, et essaye d'améliorer et améliorer effectivement les textes plutôt qu'elle soit absente. Au moins, on ne peut pas reprocher à la majorité d'être absente.
- Est-ce que vous reconnaissez que souffle un petit vent de fronde ou d'indiscipline ?
Non. Ne confondons pas diversité, enrichissement des textes par les véritables courroies de transmission entre le terrain et le Gouvernement que sont les députés et leur propre travail.
- On prend l'exemple de l'ISF. Matignon, Bercy et l'UMP vous avez trouvé cette nuit un compromis, après beaucoup de tractations que raconte d'ailleurs ce matin le Figaro. Et puis finalement, qu'est-ce qui ressort ?
Juste un mot, parce que l'ISF c'est une petite partie du budget. Ce budget, le budget de la France, c'est avant tout un budget juste qui est centré sur des efforts sans précédent en direction des revenus modestes apportés par le travail, à hauteur de 18 milliards d'euros. C'est sans précédent !
- Vous y avez consacré 48 heures à ce petit bout d'ISF qui montre bien que la grande réforme, et de la fiscalité et de l'ISF, vous ne la ferez pas.
Il y a eu un travail sur l'ISF depuis longtemps, par la commission des finances de l'Assemblée. Pourquoi ce travail ? Tout simplement parce que cet impôt est un impôt qui a des effets pervers sur l'emploi et que parmi les grandes priorités, et même la grande priorité du Gouvernement, c'est l'emploi. Et donc, il n'y a pas...
- Vous voulez dire que l'ISF c'est l'impôt qui délocalise ?
Oui, c'est évidemment une des causes des délocalisations, notamment des investisseurs. Je suis dans un département où près de 80 % des PME-PMI créées par des ouvriers spécialisés il y a quelques dizaines d'années, appartiennent désormais à des étrangers. Il y a là évidemment un lien avec les dispositions de l'ISF.
- Donc, le barème de l'ISF sera indexé, actualisé en 2005 sur l'inflation; quand cela sera-t-il voté ?
Ce matin. C'est une disposition qui fait que cet impôt, comme tous les autres sera, comme il l'était jusqu'en 1997, ajusté chaque année en fonction de l'inflation. C'est tout simplement l'équité.
- Nicolas Sarkozy proposait d'alléger l'ISF pour les sommes investies dans des entreprises PME innovantes.Y avez-vous renoncé ?
C'est un chantier qui est ouvert entre les commissions des finances et qui essayera de canaliser, effectivement, vers l'emploi vers les entreprises, vers les PME-PMI, vers la recherche, une partie de ce qui serait allé à l'ISF.
- Ce que l'on voit de l'extérieur, quand on ne vit pas comme vous, c'est que les députés UMP contraignent de plus en plus l'exécutif à bouger, qu'ils renâclent, qu'ils sont impatients, qu'ils veulent des réforme libérales. Vous qui êtes leur chef à l'Assemblée, le ressentez-vous ?
Il y a une sorte de déformation de ce qui se passe. Le Gouvernement n'a jamais eu à déplorer l'absence d'une voix de la majorité pour voter ses textes. Il est tout à fait vrai que le débat, au sein du groupe de l'UMP, apporte un certain nombre d'infléchissements, ce que nous considérons comme être des améliorations.
- On voit par exemple, contre l'avis du Gouvernement le vote nocturne de l'amendement sur la publicité sur les vins et les alcools...Vous allez revenir à la loi Evin ?
A titre personnel, je n'y étais pas favorable. Mais finalement de quoi s'agit-il ? Il s'agit simplement d'équilibrer alcools forts et vins de grande qualité...
- Non, mais vous reviendrez à la loi Evin ?
Mais il est faux de dire que la loi Evin a été significativement modifiée par cet amendement. Et la tendance très lourde de baisse majeure de consommation d'alcool en France ne sera pas infléchie par cette petite modification, car c'est la conséquence et de ce que fait ce gouvernement, de l'éducation sanitaire et de la loi de santé publique que nous avons votée.
- Vous allez maintenir cet amendement qui a été voté contre vous ou vous allez le supprimer ?
Ce texte en navette, on ne peut pas dire ce qui se passera. Il a d'ailleurs été voté au Sénat un amendement qui va dans un sens tout à fait inverse.
- Deuxième exemple : le cafouillage sur le licenciement économique. Est-ce que le gouvernement acceptera des propositions et des corrections des parlementaires et lesquelles ?
Le gouvernement est toujours ouvert à nos propositions et je trouve que c'est une très bonne chose. Le gouvernement pratique, avec les partenaires sociaux un échange, un dialogue et il infléchit ses propositions au texte. On ne peut pas le lui reprocher. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous trouvons que c'est une très bonne chose.
- Oui, mais il y en a d'autres qui lui reprochent ; vous avez entendu le Medef. Il ironise sur les reculades et "la bêtise économique de Matignon". Cela ne vous choque pas d'être traité de cette façon ? Et l'UMP se tait en plus...
Le Medef, c'est le Medef, il parle pour lui-même et pour ses associés et ce n'est pas le Medef qui doit faire la politique de la France.
- Autre exemple : le Gouvernement a refusé des mesures générales pour les Français touchés par l'envolée du prix du pétrole. En 48 heures, vous avez bougé. Allez-vous prendre des mesures significatives pour amortir le choc de la flambée du pétrole ?
Le Gouvernement a réagi immédiatement pour aider les catégories socioprofessionnelles menacées dans leur existence même : les pêcheurs, les agriculteurs, les routiers...
- Mais pour tous les Français ? Vous avez la pression de la gauche, de l'UDF et d'une partie de l'UMP ?
Oui, il y a une demande ; le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il ferait ce qui serait possible par les suppléments de recettes apportés par la hausse du baril. Donc, les choses sont déjà plantées, le décor est planté, on ne peut pas anticiper de la marge de manoeuvre dont disposera le Gouvernement.
- Il y a pas mal de choses qui sont plantées... Le 1er novembre, les prix du gaz et de l'électricité vont augmenter fortement, vous avez vu ?
Il y a un certain nombre de tarifs qui sont ajustés, parce qu'on ne peut pas être déconnecté des réalités. Endormir les Français en leur cachant la vérité, ce serait malhonnête. Donc, il s'agit d'une transparence qui est nécessaire dans un pays comme le nôtre, de démocratie.
- Le gouvernement Raffarin est attaqué de tous côtés, même par les siens. Que lui manque-t-il ?
Le Gouvernement est attaqué, parce qu'il a énormément réformé. C'est tout à son actif d'avoir fait des réformes que la gauche avait refusées, sur les retraites, sur la maladie, d'avoir restauré les fonctions dans les domaines de la sécurité, de la défense nationale, de la justice. Et en France, quand vous travaillez, vous êtes attaqués. C'est malheureux, mais ce n'est pas pour cela qu'il faut s'arrêter de travailler.
- Qu'est-ce que vous lui demandez aujourd'hui ?
Je lui dis "continuez à être courageux" et de ne pas s'arrêter, parce qu'il y aurait des critiques qui sont tout à fait injustifiées. Les Français se rendent compte et se rendront encore plus compte demain de tous les avantages qu'ils tireront d'avoir demain une retraite assurée grâce à ce Gouvernement, une assurance maladie qui soit encore là.
-Mais avant, monsieur Raffarin parlait de réforme ; il disait lesquelles, et il en réalisait. Aujourd'hui - je lisais une déclaration hier - il parle de vigilance, d'éviter des déstabilisations. Cela veut-il dire qu'il ne peut pas réformer ou qu'il ne veut pas ? Est-ce que vous l'encouragez à continuer à avancer ?
Il y a deux grandes réformes qui vont se concrétiser dans les semaines qui viennent : la réforme de notre système éducatif - et Dieu sait que c'est important dans un monde où tout a changé - et le plan de cohésion sociale qui est un plan extrêmement audacieux, qui fait que tout le monde, chacun doit être, dans notre pays, intégré à la vie active.
- Vous avez oublié une réforme, celle de La Poste ; elle était annoncée, elle est en retard. La poste allemande est dynamique et gagne des parts de marché, même ici. N. Sarkozy dit qu'il veut accélérer la réforme de la poste, et vous ?
Nous, nous pensons qu'il faut apporter toujours les services en milieu rural et la réforme qui est prévue gardera ses services, même s'il faut nécessairement que la poste se modernise.
- Et quand ?
C'est dans les mois qui viennent que ce texte sera examiné au Parlement.
- On a vu le Président dans le Cantal hier. Je ne sais pas s'il commence une campagne - et pour quoi ? Peut-être pour le référendum... Est-ce que vous ne voulez pas entendre plus bientôt le président de la République, plus clairement ?
Je suis extrêmement heureux que le président de la République ait retrouvé hier le secteur essentiel de la vie du pays, de la vie économique du pays, c'est-à-dire l'agriculture. Il a annoncé des mesures extrêmement importantes, conjoncturelles et notamment sur les OGM. C'est un enjeu d'avenir dans un pays comme le nôtre, qui a toujours été à l'avant-garde du progrès et la sécurité alimentaire.
- Est-ce que vous voulez l'entendre plus ?
Nous l'entendons. A chaque fois que le président de la République s'exprime, il donne un nouvel élan. Il a été élu pour cela pour le pays. Et déjà le bilan, au bout de deux ans et demi, est considérable pour les Français.

(Source http://www.u-m-p.org, le 25 octobre 2004)