Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la politique de prévention des risques au niveau des communes, l'immigration clandestine, la délinquance, les nouvelles compétence des maires dans le cadre de la décentralisation et le report en 2008 des élections municipales, Paris le 18 novembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 87ème Congrès de l'Association des Maires de France, à Paris du 15 au 18 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Présidents de groupements de communes,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand honneur pour moi de participer à votre Congrès. C'est aussi une grande émotion de pouvoir pour la première fois, à travers votre assemblée, m'adresser à l'ensemble des maires de France.
Permettez-moi d'abord de vous féliciter, cher Jacques Pélissard, pour votre élection, et de vous adresser tous mes voeux de réussite. Vous êtes maire de Lons-le-Saunier depuis 1989, et vice-président de l'Association des Maires de France depuis 1995. Chacun connaît l'engagement qui est le vôtre dans le domaine de l'environnement où vous représentez avec compétence les maires de France.
Je tiens également à saluer votre prédécesseur, Monsieur Daniel Hoeffel. Mon cher Daniel, vous avez laissé avec la loi sur l'aménagement du territoire un souvenir marquant dans le ministère où je me trouve aujourd'hui. En tant que président de l'Association des Maires de France, vous avez prolongé votre engagement au service des collectivités locales.
J'associe à mes propos Jean-François Copé, qui hier a participé avec vous à une importante table ronde sur l'intercommunalité. Il accomplit tous les jours auprès de moi un travail remarquable. Le Premier Ministre nous avait confié le chantier de la décentralisation : nous l'avons conduit, avec une certitude : les maires sont les pivots de la démocratie locale.
Je sais combien votre tâche est lourde et j'entends votre inquiétude. C'est vrai, nous vivons un temps difficile, avec de nouveaux défis qui s'accumulent : l'immigration irrégulière, qui fragilise notre société ; les discriminations, qui nourrissent la frustration et le sentiment d'abandon ; la violence, qui prend des formes nouvelles et traumatise nos concitoyens.
Face à ces difficultés, vous êtes en première ligne. Vous êtes aux côtés des Français dans les moments d'épreuve, comme dans leur vie quotidienne : de l'acte de naissance aux inscriptions scolaires, de la célébration du mariage aux demandes de permis de construire ou de logement. Dans votre mission, vous ne comptez ni votre peine ni votre temps. Vous pouvez être fiers de votre engagement, dont les Français vous sont reconnaissants.
Je suis venu aujourd'hui vous livrer trois messages.
Tout d'abord, nous devons relever ensemble le défi républicain, pour faire respecter nos principes et renforcer notre cohésion nationale.
Ensuite, nous devons lutter ensemble sur le front de la sécurité et de la protection des Français : beaucoup a été fait. Mais je veux aller plus loin pour amplifier la baisse de la délinquance et combattre les nouvelles menaces. Dans cette mission, j'ai besoin de vous.
Enfin, je suis déterminé à renouveler la confiance entre l'Etat et les maires. Je serai vigilant sur la bonne application des lois de décentralisation : soyez en sûrs nous allons tenir nos engagements. Je ferai tout pour que, sur l'ensemble du territoire, l'Etat réponde davantage à vos attentes. Car notre pays a besoin de ses deux piliers : des collectivités locales renforcées dans leurs responsabilités et un Etat moderne et efficace.
1. Les valeurs républicaines que nous partageons, il nous appartient de les faire vivre chacun à notre place
Aujourd'hui il n'y a plus d'un côté les problèmes de l'Etat, de l'autre les problèmes des communes. Bien sûr chacun garde ses spécificités et ses contraintes propres. Mais nous nous retrouvons autour d'une même priorité : faire vivre la République sur tout le territoire.
Ensemble nous devons défendre l'intérêt général, rassembler les citoyens et renforcer les liens de la solidarité. Nous avons tous une responsabilité particulière pour préserver notre unité nationale.
Car notre monde est en mouvement. Des intercommunalités à l'espace Schengen, de la borne communale aux marches de l'Europe élargie, les frontières et les territoires se redéfinissent et se recomposent sans cesse. Ces évolutions peuvent éveiller chez nos concitoyens l'inquiétude et la peur : la peur de l'autre, qui peut conduire au repli sur soi et au communautarisme ; la peur du chômage et de la précarité, lorsqu'une usine ferme après avoir fait vivre pendant 50 ans toute une commune. Je mesure le désarroi des campagnes, qui font face notamment aux exigences de la politique agricole commune.
Mais chacun d'entre nous connaît l'autre visage de la France, une France qui espère et avance, qui connaît ses atouts et se projette dans l'avenir. Une France déterminée à "vivre ensemble", fière de ses valeurs républicaines dont vous êtes les porteurs.
En disant cela, je pense aux nombreux maires confrontés ces derniers mois à des actes intolérables de racisme et d'antisémitisme, comme en Alsace ou en Corse. Ils se sont efforcés de restaurer la sérénité et le dialogue. Je pense à tous ceux d'entre vous qui, dans certains quartiers, constatent la montée de l'islamisme radical : face à ce mal de l'intolérance, il nous appartient de défendre fièrement la laïcité, de l'expliquer et de l'appliquer. Je pense aussi à tous ceux qui se battent pour l'égalité sur notre territoire : égalité des chances pour que tous les jeunes trouvent leur place ; égalité de l'accès à l'emploi, en particulier dans les régions qui souffrent des délocalisations ; égalité d'accès au service public pour tous.
Je sais aussi combien l'immigration irrégulière met à l'épreuve vos communes. Car souvent, ce sont des années d'efforts et d'intégration qui se trouvent anéantis sous l'effet d'une arrivée massive d'étrangers en situation irrégulière. J'ai pu encore le constater la semaine dernière à Calais, où l'ensemble des élus ont approuvé le renforcement de notre dispositif de surveillance.
J'ai fait de la lutte contre l'immigration irrégulière une priorité de mon action. Il en va de l'intérêt de notre pays et sa tradition d'hospitalité. Il en va aussi de l'intérêt des étrangers qui respectent nos lois et nos principes.
Quelles sont les causes de l'immigration clandestine ? Ce sont d'abord toutes ces entrées irrégulières sur notre territoire, face auxquelles nous devons être fermes. D'ores et déjà, nous avons augmenté de 60 % le nombre d'expulsions. Nous allons passer de 650 places en centres de rétention en 2003 à 1600 l'année prochaine.
Mais il y aussi le dévoiement du droit d'asile. Nous avons fait des progrès importants en réduisant les délais d'instruction de l'OFPRA à trois mois. Il faut faire de même pour le traitement des recours. Le gouvernement s'y emploie car nous savons que faire durer les procédures, c'est faire durer des situations humaines insupportables. C'est laisser des familles s'installer et inscrire leurs enfants à l'école, alors que 90 % d'entre elles seront déboutées de leur demande.
Enfin l'immigration irrégulière, ce sont les visas touristiques, dont la durée n'est pas toujours respectée. Ce phénomène se développe et il y a urgence à le stopper. C'est pourquoi je veux vous donner les moyens d'agir à nos côtés : votre pouvoir de contrôle sur l'hébergement des étrangers va être renforcé.
- Le décret sur les attestations d'accueil, que j'ai signé la semaine dernière, sera publié dans les tout prochains jours au Journal Officiel. Vous pourrez désormais contrôler l'authenticité des certificats d'hébergement. Une circulaire vous donnera toutes les précisions nécessaires. De plus, ce décret institue une obligation d'assurance médicale pour les visiteurs étrangers non européens.
- Vos pouvoirs ont également été accrus pour le contrôle de la vie commune. Le mariage avec un ressortissant français, qui peut permettre à un étranger d'acquérir la nationalité française, ne doit être ni un prétexte ni un sauf-conduit. En cas de doute, avant le mariage, vous devez saisir le procureur pour vérifier la réalité des intentions des futurs époux. Après le mariage, lors des renouvellements de la carte de séjour annuelle, un contrôle sur la réalité de la vie commune sera désormais possible pour la préfecture.
C'est en maîtrisant l'immigration que nous préserverons notre modèle d'intégration. Nous y sommes tous attachés, car la France est une terre de diversité, dans ses paysages, ses traditions, et ses héritages. Or la France est UNE, à travers une conception ouverte de la citoyenneté, véritable marque de l'égalité entre tous. Pour préserver cette unité, nous devons nous donner dès à présent les moyens d'une immigration choisie.
Pour cela, nous avons besoin de l'Europe. Et je veux vous dire ici que la France est aux avant-postes d'une nouvelle politique d'immigration européenne. Nous avons refusé les camps de transit aux frontières de l'Union. Ils ne respectent pas la dignité essentielle des conditions d'accueil. Ils ne constituent pas non plus un gage d'efficacité.
Nous voulons au contraire aider ces pays, comme l'Algérie ou le Maroc, où je me suis rendu récemment, à mieux maîtriser les flux migratoires. Nous voulons aussi une vraie politique de co-développement pour inciter les populations à rester dans leur pays d'origine.
2. Mesdames et Messieurs les Maires, nous avons en effet un défi à relever : faire de la France un pays plus sûr.
C'est une demande forte de nos concitoyens. Ils attendent de l'Etat et de leurs élus davantage de protection, à la fois contre l'insécurité, mais aussi contre les catastrophes naturelles ou les accidents technologiques.
Pour cela, j'ai modernisé notre système de prévention des risques et la gestion des secours, en faisant adopter une loi le 13 août dernier. C'est une loi de reconnaissance envers les sapeurs-pompiers qu'ils soient professionnels ou volontaires. Comme moi, vous souhaitiez que l'on valorise et que l'on conforte leur action. C'est aussi une loi de clarification qui permettra de mieux définir les compétences et de mieux répartir les financements entre l'Etat et les collectivités.
Vous êtes au plan local les premiers responsables de la protection des Français. J'ai voulu vous donner les moyens de conforter votre rôle.
- Grâce aux plans communaux de sauvegarde qui s'intégreront désormais aux plans ORSEC, vous pourrez mieux prévenir les risques naturels et technologiques.
- Je veux rendre hommage ici aux Comités Communaux Feux de Forêts, qui ont contribué notamment dans le sud de la France à l'excellent bilan 2004. Les surfaces brûlées ont été divisées par 6 par rapport à l'an passé. Sans l'appui des maires, cette bataille n'aurait pu être remportée.
- J'ai souhaité que les communes puissent étendre et renforcer ce type d'actions, grâce aux réserves communales de sécurité civile. Bien entendu, vous déciderez de les créer en fonction de vos besoins et de vos contraintes. C'est un nouveau gisement de citoyenneté qui se mettra au service de la collectivité. C'est aussi le moyen de montrer que la sécurité est l'affaire de tous.
- Dans cet esprit, je me réjouis de votre participation à la conférence nationale des Services Départementaux d'Incendie et de Sécurité. Elle donnera son avis sur tous les décrets et projets de loi consacrés à la sécurité civile.
Sur le front de la lutte contre l'insécurité, nous devons également être côte à côte. Depuis plus de deux ans nous avons obtenu des résultats remarquables. Avec moins 4,5 % par rapport à 2003, nous enregistrons sur les 10 premiers mois de l'année la plus forte baisse de la délinquance depuis dix ans. Rien que pour le mois d'octobre, la délinquance générale a diminué de 9 % et les faits sur la voie publique de 15 % par rapport à l'an passé. Les violences contre les personnes reculent pour la première fois depuis 1997.
Tous nos concitoyens, qu'ils soient en zone rurale ou urbaine, doivent bénéficier de ces progrès. Nous ne transigerons jamais sur ce principe d'égalité des Français devant la sécurité. Nos forces de police et de gendarmerie sont à pied d'oeuvre dans chaque région, chaque département, chaque commune. Le redéploiement des zones de compétence sera achevé au début de 2005. Vous avez apporté une contribution essentielle à cette nouvelle carte de France qui n'avait pas évolué depuis 60 ans. Vous avez prouvé que vous étiez prêts à accepter que l'on modernise les services publics pour les défendre, pour que le service soit mieux rendu. Nous avons montré que dans ce domaine, l'efficacité et l'égalité ne sont pas incompatibles.
Désormais, chaque bassin de vie a un commandement et une stratégie de sécurité uniques. C'est ce que nous avons fait par exemple dans le Massif Central. Nous avons en même temps regroupé les forces de police dans les agglomérations et redéployé les effectifs de gendarmerie, dans les zones rurales. Dans l'ensemble du pays nous allons poursuivre la mise en place de communautés de brigades. Vous disposerez ainsi d'une gendarmerie plus efficace, plus opérationnelle et recentrée sur sa zone de compétence naturelle : l'espace rural, les zones périurbaines et les villes de moins de 20 000 habitants.
Au sein des communes aussi, nous avons besoin d'une meilleure répartition des tâches entre nos forces de sécurité et les polices municipales. Pour cela, il faut professionnaliser davantage les polices municipales et mieux les encadrer, en créant une catégorie A qui n'existait pas. Il faut aussi atteindre davantage de complémentarité avec la police et la gendarmerie nationales. Plus de 1700 conventions de coordination ont d'ores et déjà été signées dans plus de la moitié des communes disposant d'une police municipale. Il faut aller plus loin. Ainsi nous pourrons renforcer la sécurisation des transports publics ; favoriser la création d'observatoires locaux de la délinquance ; doter les services de police d'outils de cartographie de la délinquance, mais aussi soutenir vos projets de sécurisation par vidéosurveillance.
Parmi les situations les plus délicates auxquelles vous êtes confrontés, il y a bien sûr l'accueil des gens du voyage. Je connais les difficultés que vous rencontrez, qu'il s'agisse du manque de terrains disponibles, du coût financier de leur mise à disposition, ou des tensions locales qui parfois se font jour. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que vous bénéficiez d'un report de deux années supplémentaires pour mettre en place ces aires d'accueil qui sont indispensables.
Pour amplifier la lutte contre la délinquance nous devons également prendre le problème à la racine et prévenir les comportements délinquants. Tous ici ce soir nous partageons une conviction forte : pour faire respecter la règle commune, il faut que toute infraction soit sanctionnée. Afin de prévenir la récidive, la réponse pénale doit toujours être individualisée et tenir compte de la répétition des faits. Vous le savez mieux que quiconque, vous qui constatez chaque jour combien l'impunité peut nuire à l'ordre public. C'est pourquoi je veux vous donner les moyens d'agir contre tout ce qui exaspère les habitants de vos communes : les tags, le racket ou la violence scolaire. L'Etat appuiera par exemple les arrêtés municipaux interdisant la consommation d'alcool dans certains établissements sportifs ou sur la voie publique, qui sont parfois à l'origine d'attroupements hostiles et de violences urbaines.
Nous avons une priorité : agir en direction des jeunes. Près de 20 % des mises en cause concernent un mineur, avec un âge d'entrée dans la délinquance de plus en plus précoce, parfois inférieur à 13 ans. Mais les jeunes sont aussi les plus vulnérables à la violence, les plus exposés à la drogue ou à la marginalisation sociale. Pour y répondre, vous êtes souvent désemparés, car les structures en charge de la prévention ne sont pas assez lisibles. J'ai voulu remédier à cela avec le projet de loi sur la prévention que je soumettrai au Parlement avec Dominique Perben en 2005.
Il s'appuie sur une volonté claire : faire du maire le pilote des actions de prévention. Vous aurez à faire travailler ensemble tous les acteurs compétents.
- Prenons l'exemple de la protection de l'enfance et de l'adolescence. Les maires sont au coeur des dispositifs d'accompagnement et de suivi des familles "à risques". Ceux-ci doivent être renforcés. Inspirons-nous des expérimentations réussies comme les maisons de parents ou les visites à domicile. Dans ce domaine, comme dans celui des activités périscolaires ou de loisirs en direction des jeunes, la mise en commun de vos expériences et de vos bonnes pratiques peut beaucoup apporter.
- Vous avez aussi un rôle à jouez en matière de dissuasion. La mise en place de réseaux de vidéosurveillance urbaine ou de dispositifs de sécurité dans l'habitat social, les parkings, les transports collectifs, les espaces commerciaux, les équipements sportifs et peut-être les cimetières, représentent des moyens d'action efficaces.
Je m'engage à ce que l'Association des Maires de France soit étroitement associée à la préparation de la loi.
3. Avec la nouvelle donne de la décentralisation, nous devons tout faire pour renforcer la confiance entre l'Etat et les Maires.
Qu'est-ce que les Français attendent de nous ?
Des réponses et des résultats, de l'efficacité et de l'humilité, le respect de nos engagements et un rapport performant entre la qualité du service rendu et son coût. Pour cela, la décentralisation nous offre une véritable boîte à outils. Tout dépend maintenant de la façon dont nous saurons les utiliser.
Le premier outil, c'est l'intercommunalité : elle fait désormais partie de nos institutions. Vous la vivez parfois comme une contrainte. Pourtant aujourd'hui près de 32 000 communes, et plus de 50 millions de Français ont fait le choix de se regrouper dans 2 500 structures intercommunales à fiscalité propre. C'est le choix de l'intérêt collectif, c'est le choix de l'efficacité.
C'est pourquoi nous avons voulu en faciliter l'évolution. Ces intercommunalités pourront notamment fusionner entre elles, pour éviter certaines situations de blocage : mais vous seuls en tant que Maires aurez la possibilité de prendre une telle décision, si vous estimez que les cartes de l'intercommunalité doivent être revues. Vos communes ne doivent pas supporter la tutelle d'autres collectivités locales. C'est pourquoi je suis opposé, tout comme le Premier Ministre, à l'élection au suffrage direct des élus intercommunaux.
Les nouvelles compétences qui vous sont données vous offrent d'autres outils.
- Les grandes villes et les grands Etablissements Publics de Coopération Intercommunale gardent leur capacité d'agir dans le développement économique : le schéma régional prévu à l'article 1er de la loi ne sera en effet mis en oeuvre que de manière expérimentale, volontaire et avec l'accord de l'Etat.
- Vous disposerez de nouvelles compétences en ce qui concerne le logement social. J'ai personnellement défendu l'idée qu'il ne pouvait y avoir de délégation du " contingent préfectoral " de réservation des logements sociaux à un président d'EPCI sans votre accord. Si celui-ci y est favorable, vous pourrez signer une convention avec le Préfet.
- Autre nouveauté pour l'ensemble des groupements de communes : la possibilité de solliciter une délégation des aides à la pierre, dès lors qu'elles ont élaboré un Programme Local de l'Habitat, qui doit intégrer les priorités de chaque commune adhérente.
Mais la question c'est : avec quel argent ? Vous le savez, l'Etat depuis de nombreuses années avait pris de mauvaises habitudes. Il dépensait 20 % de plus que ce qu'il percevait. Nicolas Sarkozy a préparé un budget visant à ramener notre déficit à un niveau acceptable. Malgré ce contexte difficile, nous avons cependant tenu avec Jean-François Copé à ce que les moyens de fonctionnement des collectivités locales progressent fortement : + 1 milliard d'euros cette année, c'est un effort financier considérable.
Soyez en convaincus : l'Etat sera à vos côtés. C'est parce que vous avez démontré que vous faisiez bon usage de vos finances, qu'il se porte garant de l'autonomie budgétaire de vos communes, qui figure désormais dans notre constitution. Le projet de loi de finances 2005 prévoit de compenser intégralement les transferts de compétences. Il reconduit également le contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales. Qu'est ce que cela signifie concrètement ?
D'abord, que l'Etat ne gèle pas ses dotations. Il tient compte de l'inflation et de la croissance. C'est un effort substantiel. La Dotation Globale de Fonctionnement (60 milliards d'euros, un cinquième des dépenses de l'Etat) augmentera ainsi de plus de 3 %. Ses critères d'attribution sont également revus dans un souci d'équité : deux communes de même taille auront la même dotation par habitant ; les communes rurales, parfois très étendues et peu peuplées, recevront une dotation par habitant d'au moins 60 euros, mais aussi une dotation en fonction de leur superficie. Nous garantissons ainsi l'avenir de vastes espaces, éloignés des centres urbains qu'il faut entretenir et faire vivre.
Ensuite la péréquation est un gage de solidarité entre les collectivités. Nous l'amplifions pour plus d'égalité et une meilleure couverture de l'ensemble du territoire.
- La Dotation de Solidarité Urbaine augmentera de 120 millions d'euros par an pendant 5 ans. C'est un effort sans précédent qui aidera en priorité les communes comprenant des zones urbaines difficiles : les maires qui gèrent des banlieues sensibles savent de quoi je parle. Je connais le poids de leurs charges.
- Nous soutenons également le monde rural qui constitue l'ossature de la France. La Dotation de Solidarité Rurale augmentera de 20 % en 2005, et même de 40 % pour les 1 600 bourgs situés en zone de revitalisation rurale. Nous devons renforcer ces chefs lieux de cantons, qui portent parfois à bout de bras tout un territoire. Ce sont les lieux de vie qui peuvent donner envie aux jeunes générations de construire leur avenir au pays.
Pour atteindre cet objectif de cohésion territoriale, nous devons maintenir des services publics locaux de qualité. Vous le savez mieux que quiconque, dans les zones les moins peuplées, la fermeture d'un guichet public, c'est bien souvent la disparition du dernier lieu de rencontre et de sociabilité. Face à cela, l'Etat entend se mobiliser en faveur d'une totale concertation.
Rien de tout cela ne se fera sans vous : vous serez systématiquement consultés sur les changements d'organisation ; toute décision sera expliquée et concertée au préalable. Les Préfets ont reçu des instructions en ce sens: ils doivent accorder une attention particulière au dialogue avec vous, notamment avec ceux qui sont les plus isolés sur notre territoire national.
Pour mieux vous accompagner vos missions, nous avons voulu moderniser l'administration territoriale de l'Etat. Dans cet esprit j'ai présenté hier au Conseil des Ministres les orientations à venir des préfectures et des sous-préfectures. L'objectif c'est de les recentrer sur leur coeur de métier, c'est-à-dire la sécurité, la gestion interministérielle et la relation avec les élus.
Pour que vous disposiez d'interlocuteurs à même de décider sur place, nous avons renforcé l'échelon régional de l'Etat. En créant huit pôles principaux, nous voulons mieux coordonner les politiques sociale, éducative, économique et culturelle. Cet effort sera complété en 2005 par la réorganisation des services de l'Etat au niveau du département. Le Préfet pourra rapprocher ou regrouper des services déconcentrés, par exemple dans la gestion de l'environnement.
Par ailleurs, les Préfets peuvent désormais réviser les limites d'arrondissements afin de mieux s'adapter à la vie et aux organisations locales que vous incarnez. Cette démarche se fera en concertation avec vous.
4. Je veux pour terminer, évoquer une question qui vous concerne tout particulièrement : le report des élections municipales à 2008.
Il obéit à un principe de réalisme. Le calendrier électoral pour 2007 était intenable, avec 5 élections majeures prévues entre mars et septembre. Face à cette situation nous avons fait le choix de reporter les élections municipales d'un an. Cette option présente en effet trois avantages.
- Celui de la clarté, en regroupant les enjeux nationaux en 2007 et les enjeux locaux en 2008.
- Celui de la simplicité : les collectivités locales disposeront d'un calendrier budgétaire serein et pourront préparer de vraies campagnes pour les municipales et cantonales.
- Le troisième avantage est de ne pas remettre en cause le mode de renouvellement des conseils généraux : le mandat des conseillers généraux élus en 2004 est prolongé d'un an jusqu'en 2011.
Mesdames et Messieurs les Maires,
Chacun connaît la force de votre engagement et votre détermination au service de nos compatriotes. Chaque fois que je viens à votre rencontre dans vos communes je vois des hommes et des femmes animés par un même idéal de cohésion et de solidarité.
Dans votre mission, l'Etat et le gouvernement doivent vous prêter main forte. Soyez certains, en ce qui me concerne, que je suis à vos côtés.
Car je veux vous dire ma conviction : face à l'ampleur des défis, nous devons travailler ensemble. C'est ce que je veux faire avec vous, pour mettre en oeuvre une vraie politique de prévention, pour lutter contre l'immigration irrégulière, pour défendre nos valeurs communes.
Je veux le faire aussi avec les autres administrations, pour apporter des solutions à des problèmes complexes : je travaille avec François Fillon pour faire reculer la violence à l'école ; je travaille avec Dominique Perben, pour apporter des réponses plus efficaces à la récidive et assurer un meilleur suivi des criminels les plus dangereux.
Enfin, je veux fédérer toutes les énergies au niveau européen. C'est à cette échelle que nous gagnerons les combats de demain : le combat contre la criminalité organisée et notamment les trafics de drogue, le combat contre l'immigration clandestine, le combat contre le terrorisme. Dans cette Europe forte et responsable, nous pourrons ensemble construire la France de demain.
Je vous remercie.



(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 19 novembre 2004)