Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les moyens mis en place et le bilan des actions menées pour lutter contre la contrefaçon, Paris le 16 novembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Lancement des Ateliers de la consommation à Paris le 16 novembre 2004

Texte intégral

Je suis heureux d'ouvrir ces ateliers de la consommation qui, cette année, sont opportunément consacrés au thème de la contrefaçon.
A l'évidence la contrefaçon constitue un défi majeur pour nos économies. Au cours des quatre dernières années, la contrefaçon s'est considérablement développée. Le commerce des produits contrefaits représentait 5% du commerce mondial en 2000. Il en représente aujourd'hui 10%. Le nombre de saisies dans l'Union européenne a été multiplié par quatre entre 1999 et 2003, passant de 25 à 100 millions d'articles saisis. Pour la France, les saisies sont passées de 300 000 articles en 1995 à près de deux millions en 2003. La contrefaçon est aujourd'hui l'oeuvre de filières criminelles de plus en plus sophistiquées.
Je veux souligner que le phénomène ne concerne plus seulement les produits de luxe. Il s'étend désormais à tous les secteurs de la vie économique. Le préjudice pour notre économie est de 30 000 emplois par an, 200 000 en Europe. Au préjudice économique, s'ajoutent des risques graves et croissants pour la santé et la sécurité des consommateurs.
C'est pourquoi, dès le 22 avril, avec Nicolas SARKOZY, nous avons réuni les professionnels principalement concernés, afin de déterminer les actions à entreprendre pour enrayer ce fléau.
Nicolas SARKOZY a présenté, le 2 juin dernier, une communication en conseil des ministres qui a retenu une série de mesures, préparées dans le cadre de la concertation menée avec les industriels et l'ensemble des filières professionnelles concernées.
Les ateliers qui se tiennent aujourd'hui sur ce thème sont pour moi l'occasion de vous présenter un premier bilan des mesures retenues dans le cadre de cette communication.
Les résultats sont très encourageants et je veux, en particulier, saluer la très forte mobilisation des personnels sur le terrain et celle des entreprises.
Les mesures annoncées, le 2 juin, sont, dans leur quasi-totalité, d'ores et déjà en place. Permettez-moi de vous les détailler.
1. D'abord, Nicolas SARKOZY a demandé à l'administration des douanes d'élaborer un plan d'action national constitué d'objectifs précis et évaluables.
Dès le 30 juillet, une instruction a été envoyée aux services déconcentrés des douanes avec des objectifs chiffrés en termes de saisies et de valeur des produits.
Sur les 9 premiers mois de l'année 2004, les résultats sont là. Environ 3 000 constatations ont été effectuées par la douane et ont abouti à la saisie de plus de 2 500 000 articles de contrefaçon, soit une hausse de plus de 50% en nombre de constatations et de plus de 70 % en nombre d'articles saisis, par rapport à la même période 2003. Ces bons résultats s'expliquent notamment par l'action particulièrement soutenue menée par les services douaniers dans ce domaine durant la période estivale, conformément aux orientations du Gouvernement.
Compte tenu de ces bons résultats, la quantité de contrefaçons saisies pour l'année 2004 sera vraisemblablement de l'ordre de 3 millions d'articles, soit un résultat nettement supérieur à celui enregistré au titre de l'année 2003 (1 987 630).
Ce plan s'accompagne d'un renforcement du service national de douane judiciaire. Outre l'accroissement de ses effectifs qui sera poursuivi en 2005, le projet de loi anti-contrefaçon, dont je vais vous parler dans un instant, étendra ses compétences.
Je veux souligner que la DGCCRF a également considérablement renforcé son action : ainsi, sur les 10 premiers mois de l'année 2004, 2 164 actions de contrôles ont été menées contre 923 pour l'ensemble de l'année 2003. 88 procédures contentieuses ont été engagées ou sont en passe de l'être contre 58 pour toute l'année 2003.
Les contrôles de la DGCCRF ont été fortement intensifiés pendant l'été et rien qu'en juillet-août, on dénombre 1 201 contrôles principalement sur les marchés, foires, étals saisonniers dans les lieux de vacances, notamment en bord de mer, que ce soit sur la méditerranée ou sur la côte atlantique.
La Police nationale a elle-même réalisé de nombreux contrôles, notamment dans le cadre d'actions ciblées dans le sud-est de la France. Des résultats probants ont été obtenus. Par exemple, le 7 juillet 2004, le commissariat de Cannes et les agents des douanes ont interpellé 7 individus et saisis 17 000 articles de luxe contrefaits.
2. Il faut aussi s'attaquer à la demande et sensibiliser les consommateurs aux méfaits de la contrefaçon. C'est pourquoi nous avons jugé nécessaire de poursuivre les actions de sensibilisation du grand public et la mise en oeuvre de contrôles réguliers.
Les consommateurs doivent en effet prendre conscience qu'en achetant des produits contrefaits, ils contribuent à détruire des emplois et à alimenter des réseaux sous-terrains parfois mafieux. Ils risquent aussi d'acheter des produits qui ne sont pas sûrs. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de ces ateliers de la consommation qui vont permettre d'analyser le comportement du consommateur en matière d'achat des produits de contrefaçons.
Deux campagnes nationales de communication ont été engagées en partenariat entre la douane et des fédérations professionnelles (le comité Colbert et l'Union des Fabricants).
Ces campagnes ont été accompagnées de contrôles renforcés sur les voyageurs, dans les régions à forte fréquentation touristique (les Alpes-maritimes, le Var, les Cotes languedocienne et atlantique), les aéroports franciliens et les aéroports régionaux recevant des vols en provenance des pays sensibles (Thaïlande, Turquie, Maroc).
La Gendarmerie a, au cours de l'été 2004, mis en place un plan d'action visible de contrôle et d'actions judiciaires. Essentiellement mené dans les départements du littoral méditerranéen, les contrôles ont eu le mérite de sensibiliser la population au fait que l'achat de produits contrefaits est un acte répréhensible.
Les résultats sont notables. Deux importantes opérations de contrôle, conduites en présence du Procureur de la République de Nice et de la presse télévisée locale et nationale, ont été réalisées les 12 et 24 juillet 2004 au péage autoroutier de La Turbie. 87 véhicules et 2 autocars ont été contrôlés, tous signalés en provenance des marchés italiens. Plus de 220 articles de luxe (maroquinerie, montres et vêtements) ont été saisis puis détruits. 22 procédures ont été transmises au parquet.
Des opérations de contrôle sur les marchés hebdomadaires de Saint Tropez, de Beausset et Saint Vallier de Thiez ont été également conduites par les gendarmes, les 20 et 30 juillet et le 10 août 2004. Au total, 478 articles de luxe contrefaits, pour la plupart des sacs à mains, ont été saisis, puis détruits.
Parallèlement à l'action de sensibilisation menée par l'Union des fabricants, plusieurs opérations, dont une en collaboration avec les agents des douanes et de la DRCCRF, ont été conduites sur les plages du Var et des Alpes Maritimes par la gendarmerie. Quatre d'entre elles (les 20, 23 et 28 juillet et le 1er août 2004) ont permis l'interpellation de sept vendeurs ambulants en possession de 217 articles de luxe contrefaits, essentiellement des sacs à main et de la maroquinerie.
3. Le groupe de travail interservices, annoncé le 2 juin, a été créé.
Il comprend des représentants de la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects, de la cellule TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), de la DGCCRF, de la Police, de la Gendarmerie et de la Chancellerie.
Ce groupe de travail est naturellement particulièrement utile pour permettre aux services d'échanger des informations ou des renseignements relatifs aux filières, de programmer des actions communes et de mettre en place des synergies durables.
4. L'efficacité de l'action de lutte contre la contrefaçon passe aussi par l'identification des produits contrefaits. C'est pourquoi il a été décidé d'expérimenter, puis de mettre en service, un fichier des images et des caractéristiques des produits authentiques des entreprises pour permettre aux services d'enquête d'identifier en temps réel les produits contrefaits.
Ce projet a progressé rapidement. La Douane et l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ont défini les modalités de travail et la participation des entreprises au projet appelé e-mage. L'expérimentation par les services douaniers commencera dès la fin du mois de novembre dans des centres de dédouanement importants. La DGCCRF sera également associée à l'expérimentation. Ce projet doit vous être présenté ce matin par l'INPI.
5. Nous avons en outre estimé qu'il était utile de procéder dès maintenant à une harmonisation des techniques d'authentification et de traçabilité des produits, afin de faciliter les contrôles.
L'Imprimerie Nationale a été chargée de cette mission. Elle a bien avancé dans son étude. L'objectif est clair : proposer des documents normatifs au niveau national et relayer très rapidement les normes préconisées au niveau communautaire (CEN) puis international (ISO).
6. Accroître les contrôles et les moyens mais aussi renforcer les cas de poursuites et de condamnations des contrefacteurs.
Je rappelle tout d'abord que les sanctions pénales, prévues par le code de la propriété intellectuelle, ont été récemment renforcées. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a porté la peine d'emprisonnement de deux à trois ans et la peine d'amende de 150 000 à 300 000 euros pour le délit de contrefaçon concernant les marques, les droits d'auteur et droits voisins, les bases de données, les dessins et modèles ainsi que les brevets. En outre, la circonstance aggravante de bande organisée est désormais prévue pour tous les délits visés dans ce code ; les peines sont alors portées à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende.
Conformément au plan d'action gouvernemental, une circulaire de politique pénale en matière de contrefaçon a été diffusée à l'ensemble des parquets, le 9 août 2004, dans le but de renforcer l'action pénale Elle a déjà trouvé un écho favorable, à la fois auprès des entreprises et des services répressifs. Plusieurs enquêtes judiciaires sont en cours sur la base des ces nouvelles orientations.
Nous souhaitons par ailleurs, dans le cadre du projet de loi en cours de préparation, les dommages et intérêts à verser aux entreprises soit mieux évalués.
7. Il est tout aussi fondamental d'agir au niveau international afin d'aider les entreprises françaises à se défendre sur place et à faire valoir leurs droits.
Un réseau d'experts français (attachés douaniers, experts de l'Institut national de la propriété industrielle et agents des missions économiques) couvrant 75 pays, est chargé d'aider nos entreprises à faire valoir leurs droits dans les pays de contrefaçon. Ce réseau d'experts anti-contrefaçon est opérationnel depuis juin. 40 experts ont été désignés.
Les rencontres mondiales anti-contrefaçon, qui ont réuni à Bercy du 22 au 24 juin 2004 les entreprises touchées par la contrefaçon économique et les différentes administrations en charge de la lutte anti-contrefaçon, ont été l'occasion de présenter ce nouveau réseau d'experts et de le sensibiliser aux préoccupations des professionnels.
8. Le renforcement des contacts bilatéraux avec les pays les plus sensibles dans le but, notamment, d'arrêter des engagements précis et opérationnels est un autre volet de l'action internationale qu'avec Nicolas SARKOZY nous avons voulu développer.
8.1 D'abord, nous avons souhaité donner une dimension plus opérationnelle aux comités mixtes existants, avec les pays les plus touchés par la contrefaçon.
Les travaux du Comité franco-italien anti-contrefaçon, mis en place en 2002, viennent d'être relancés.
Le 8 novembre dernier, Nicolas SARKOZY a présidé la réunion de ce comité aux côtés de son homologue italien des activités productives.
A cette occasion, un programme opérationnel d'actions a été arrêté pour l'année 2004-2005. Il comportera :
- l'échange d'informations sur les circuits et l'orientation des contrôles ;
- des campagnes d'information à l'intention des entreprises et des consommateurs ;
- la mise en oeuvre de formations coordonnées ou communes dans le domaine judiciaire et en matière de propriété industrielle, ainsi que l'organisation de séminaires de formations pour les enquêteurs et les magistrats ;
- la promotion de rencontres entre magistrats italiens et français ;
- la mise en commun d'un réseau d'experts internationaux.
Avec nos amis italiens, nous entreprendrons également des opérations communes de contrôles et nous mettrons en place des programmes coordonnés de démantèlement des filières.
En outre, nos deux pays veilleront à coordonner leurs prises de position préalablement à toute décision communautaire ou internationale en la matière et à se concerter sur l'évolution de notre dispositif législatif et de nos pratiques administratives ou judiciaires.
Avec la Russie, à la suite du déplacement que Nicolas SARKOZY a effectué à Moscou le 17 septembre dernier, la coopération en matière de lutte anti-contrefaçon a été institutionnalisée. Il a été décidé de créer un comité mixte propriété intellectuelle et contrefaçon, sous la forme d'un groupe de travail interne au Conseil économique, financier, industriel et commercial franco-russe (CEFIC).
Des démarches sont aussi engagées auprès de la Chine pour une coopération renforcée comprenant notamment la création d'un comité franco-chinois de lutte contre la contrefaçon. Dans ce cadre, une délégation officielle chinoise a été reçue à Paris le 7 septembre dernier pour avancer sur cette voie.
8.2. Pour stimuler la dynamique de coopération, des séminaires " Propriété intellectuelle et contrefaçon " sont également programmés dans les pays sensibles.
8.3. Enfin, la France soutient le plan américain de lutte anti-contrefaçon (initiative STOP)
Ce plan, baptisé " Strategy Targeting Organized Piracy " (STOP), a été présenté en octobre 2004. Dans le cadre de ce plan, l'administration américaine cherche à favoriser la coopération internationale. Le budget total de ce projet a été estimé à 750 000 euros et pourrait être finalisé à la fin de l'année 2005.
8.4 Bien sûr, la France entend également agir au plan communautaire pour améliorer le cadre juridique existant, mobiliser certains pays insuffisamment actifs et sensibiliser les nouveaux États membres.
9. Un projet de loi sera par ailleurs finalisé d'ici la fin de l'année.
Il permettra notamment de transposer la directive du 26 avril 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle et de prendre en compte le nouveau règlement communautaire douanier.
En outre, il renforcera les moyens juridiques du service national de douane judiciaire et facilitera les échanges d'informations entre les services. Il étendra les moyens d'intervention de TRACFIN dans le domaine du financement de la contrefaçon et du blanchiment de ses profits.
Ce projet a d'ores et déjà été adressé aux membres du groupe de travail, que nous avions constitué le 22 avril, afin de recueillir leurs avis et propositions.
10. La lutte contre le piratage et contre la distribution des contrefaçons par Internet est également au coeur de notre action
Le 28 juillet dernier, avec Nicolas SARKOZY et Renaud DONNEDIEU DE VABRES, nous avons signé une charte d'engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne et le respect des droits de propriété intellectuelle.
Les fournisseurs d'accès à Internet et les professionnels de la musique, signataires de cette charte, ont pris avec les pouvoirs publics des engagements réciproques qui devraient produire des résultats bénéfiques. La piraterie de la musique comme celle des films est inacceptable. Les mesures prévues par la Charte sont en cours de mise en oeuvre. Nous en ferons prochainement un premier bilan.
En outre, une mission d'experts associera un juriste, un expert en nouvelles technologies et un industriel. Elle s'appuiera sur la mission conjointe culture-industrie, mise en place en juin 2003, et proposera un plan de lutte contre l'utilisation de l'Internet pour distribuer des produits de contrefaçon.
11. Toutes ces actions doivent naturellement être poursuivies et amplifiées.
Dans cette perspective, le Comité national Anti-Contrefaçon peut jouer un rôle essentiel. Par sa composition, par les missions qui lui sont dévolues, le CNAC peut, en effet, constituer un cadre adéquat pour assurer une bonne coordination des actions de lutte contre la contrefaçon. Ses missions doivent également s'étendre au piratage numérique qui représente un défi majeur pour la propriété intellectuelle.
C'est pourquoi, avec Nicolas SARKOZY, nous adresserons, dans les prochains jours, une lettre de mission au président du CNAC, Bernard BROCHAND, dont chacun connaît l'engagement sur ce dossier de la contrefaçon, pour confier à cet organisme une mission de coordination de la lutte anti-contrefacon. Cette mission intégrera la lutte contre le piratage numérique.
Les moyens du CNAC en personnel seront renforcés. Le CNAC sera, en outre, doté de moyens financiers pour engager, en 2005, une campagne de communication contre la contrefaçon, amplifiée par rapport à celle menée en 2004 et comportant un volet sur la piraterie.
* *
*
Comme vous pouvez le constater, depuis le 2 juin, beaucoup de choses ont été faites. Le succès de la lutte anti-contrefaçon est l'affaire de toutes les administrations qui se sont mobilisées et sur lesquelles nous comptons pour poursuivre leurs actions de manière déterminée.
C'est aussi naturellement l'affaire des entreprises. Outre qu'elles doivent se porter partie civile dans les actions contentieuses, leur concours est indispensable pour fournir en amont des enquêtes des dossiers les éléments permettant d'identifier les produits authentiques et leurs copies, pour former les enquêteurs et les aider à se prononcer sur le caractère contrefaisant des produits.
Nous devons également continuer notre action pour convaincre les pays où les produits de contrefaçon sont élaborés de l'intérêt qu'ils ont à coopérer et à développer une économie loyale.
Il faut enfin persuader les consommateurs des méfaits causés par la contrefaçon, et ne pas avoir peur de leur dire quand ils se font complices de ce délit et des destructions d'emplois qu'il entraîne en achetant les produits en cause.
Nous avons arrêté une feuille de route au mois de juin. Le sillon a été tracé depuis cette date. Il s'agit désormais de poursuivre résolument dans cette voie avec la collaboration de tous.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 17 novembre 2004)