Texte intégral
- Le développement rural est au coeur des préoccupations du gouvernement. Ma nomination aux côtés d'Hervé Gaymard est un signe politique fort : celui de la volonté du gouvernement de démultiplier les efforts engagés en faveur du monde rural.
- Notre démarche est déterminée, globale et cohérente, afin de donner au monde rural les moyens de son dynamisme. Car nous avons une conviction forte : nous avons confiance dans l'avenir du monde rural. Les raisons de cette confiance sont nombreuses, chacun des élus que nous sommes connaît des exemples de réussites sur son territoire. Et c'est pour cela que notre objectif est ambitieux. Mais il suppose que les acteurs du monde rural se battent, portent des projets, innovent peut-être encore plus qu'ailleurs, et que les élus comme l'Etat les accompagnent. Il s'agit presque d'une politique de reconquête de l'espace rural, de la vie dans les territoires ruraux.
- Il n'y a, sans doute, jamais eu depuis longtemps autant d'outils, de moyens mis à disposition des acteurs du monde rural : les deux CIADT de l'automne 2003 (CIADT rural de septembre et CIADT grandes infrastructures de décembre) ; la loi Dutreil sur l'initiative économique, plus tournée vers les PME et TPE ; les mesures pour la couverture du territoire en téléphonie mobile (avec un objectif de couverture totale en 2007) et pour favoriser l'accès à l'Internet haut débit ; le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui viendra en 2ème lecture au Parlement cet automne ; la future loi de modernisation agricole, prévue pour 2005 ; le partenariat national pour le développement des industries agro-alimentaires, dont le Premier Ministre m'a confié l'élaboration et que je souhaite finaliser l'année prochaine.
- Mon rôle (au delà de mes 3 domaines de compétences, affaires rurales, industries agro-alimentaires, enseignement agricole) est aussi de faire vivre cet ensemble de mesures, dans sa cohérence, de vous aider et d'aider tous les acteurs concernés à les utiliser, de veiller, avec vous, à adapter certaines dispositions si cela s'avère nécessaire. Et de communiquer ce message de confiance, de valorisation des atouts de nos territoires ruraux, auquel je suis attaché. Et ceci, à nouveau, avec vous, car vous jouez -et vous le savez bien, un rôle déterminant dans le nécessaire renforcement de l'attractivité de nos campagnes.
Le projet loi sur le développement des Territoires ruraux
- N'écoutez pas le reproche trop facile selon lequel ce ne serait qu'un ensemble disparate. Je m'inscris en faux. Ce texte comprend une grande diversité de mesures parce qu'il répond, avec pragmatisme, à une grande diversité de situations et de territoires. C'est au contraire une véritable " boîte à outils ", adaptés à chaque cas. Et ceci d'autant plus qu'il a été élaboré en concertation avec les élus locaux, en particulier l'Association des Maires de France (AMF), et les organisations agricoles et rurales.
- Il apporte des réponses aux mutations du monde rural, des mutations qui ne sont pas forcément négatives, bien au contraire puisque le monde rural regagne des habitants. Ce mouvement a été bien exprimé dans le récent rapport de la Datar, qui a mis en lumière les trois campagnes que nous rencontrons désormais :
les campagnes des villes, où une part croissante des terres agricoles est soumise à la pression accrue de l'urbanisme et de la spéculation foncière. Leur population progresse, ceux que l'on appelle des néo-ruraux s'y installent mais nous devons y trouver un équilibre entre le maintien de l'activité agricole, la protection des zones sensibles et les attentes ou le mode de vie des nouveaux habitants.
les nouvelles campagnes, qui sous l'influence de petites villes dynamiques, se développent et dont la population progresse aussi (exemple de La Châtre). Entre 1975 et 2000, on peut estimer qu'elles ont gagné près d'un demi million d'habitants.
les campagnes fragiles, plus isolées, bénéficiant de moins d'infrastructures (notamment en matière de nouvelles technologies), qui continuent de perdre des habitants et souffrent d'un abandon progressif de leurs espaces agricoles.
- Le projet de loi est également articulé avec les textes qui mettent en oeuvre la décentralisation, la loi relative aux responsabilités locales et la loi organique sur les finances locales. Il met en effet à la disposition des collectivités des instruments dont elles gardent la maîtrise de la mise en oeuvre, en donnant une plus grande liberté d'action aux décideurs locaux. Il leur appartiendra donc de se saisir de leurs nouvelles compétences. L'articulation avec l'action de l'Etat se fera au plus près des besoins des habitants.
- Le projet de loi poursuit plusieurs grands objectifs : développer l'attractivité des territoires, inscrire l'emploi au coeur de ce développement, assurer l'accès de tous aux services, et protéger certains espaces spécifiques -les espaces agricoles et naturels périurbains- ou certains espaces sensibles -les zones de montagne, les zones humides-.
Développer l'attractivité des territoires
Les zones rurales fragiles nécessitent naturellement toutes les attentions. C'est pourquoi le projet de loi institue des mesures de soutien, notamment fiscales, de l'activité économique dans les zones de revitalisation rurale, avec en premier lieu l'exonération pendant 5 ans de taxe professionnelle, pour les entreprises exerçant des activités industrielles, commerciales, artisanales ou de service aux entreprises.
Des Sociétés d'Investissement pour le Développement Rural (SIDER) pourront être créées afin de soutenir l'investissement immobilier destiné aux activités économiques ou au logement et la réalisation d'équipements touristiques.
S'agissant des activités agricoles, nombre de dispositions fiscales et financières sont de nature à favoriser les dynamiques locales, de même que de nouvelles règles relatives aux GAEC, aux EARL, ou à l'organisation juridique des assolements en commun, qui visent à simplifier ou assouplir les régimes existants. Les activités équines sont intégrées dans les activités agricoles et bénéficieront en conséquence de la fiscalité agricole et des aides, notamment à l'installation des jeunes.
Agir pour l'emploi
Le projet de loi facilite la pluriactivité, en simplifiant les règles de rattachement aux régimes sociaux et le rattachement social du conjoint collaborateur.
Il encourage la mutualisation de l'emploi entre différents employeurs dans le cadre de partenariats locaux. Il élargit la possibilité de cumuler un emploi public et un emploi privé aux agents de la fonction publique territoriale employés par des communes de moins de 3500 habitants. Une commune pourra ainsi, par exemple, partager avec une entreprise de travaux agricoles un emploi de conducteurs d'engins. Le Sénat a cependant veillé à limiter les risques de conflits d'intérêts en la matière.
Les particuliers pourront assurer le transport scolaire en zone rurale en cas de défaillance des entreprises de transport, ainsi que le transport à la demande.
L'emploi saisonnier est par ailleurs encouragé par des mesures fiscales en faveur de leur hébergement, avec un amortissement accéléré des gros travaux d'amélioration ainsi qu'un aménagement de la taxe d'habitation et de la taxe foncière. La scolarisation des enfants des saisonniers, l'enchaînement de contrats saisonniers successifs sont facilités.
Faciliter l'accès au logement tout en valorisant le patrimoine bâti
Nos campagnes souffrent paradoxalement d'une crise du logement. L'offre de logements est souvent insuffisante, en nombre comme en qualité. Des maisons de village se dégradent, des corps de fermes sont laissés à l'abandon, les repreneurs des terres n'ayant pas besoin de ces bâtiments souvent inadaptés pour l'élevage et la culture. Pour améliorer l'offre de logements, nous avons choisi de mêler le développement de l'habitat locatif et la rénovation du patrimoine bâti. Plusieurs dispositions ont été votées en ce sens. Par exemple, la loi permettra désormais à tout propriétaire, en fin de bail, de reprendre le bâtiment devenu inutile à son fermier, pour le rénover et le louer.
Garantir l'offre de services aux populations
L'accès de tous aux services est essentiel pour l'attractivité économique et la qualité du cadre de vie dans les campagnes. Les services rendus au public dans le monde rural nécessitent une nouvelle logique fondée sur la polyvalence. Nous connaissons tous ici les enjeux attachés à la présence des services publics dans les communes rurales. Les exemples de solutions pragmatiques, adaptées, mises en uvre par les élus, avec les habitants, pour l'école ou le courrier ne manquent pas. C'est dans cet esprit que le projet de loi propose de simplifier et d'adapter le régime juridique des maisons de services publics, afin de pouvoir y accueillir des services privés.
L'accès aux services de santé constitue également un facteur essentiel de l'attractivité des territoires. Le projet de loi prévoit des aides aux professions médicales et aux étudiants en médecine de façon à assurer leur présence sur l'ensemble du territoire, et dans les zones de revitalisation rurale, des exonérations temporaires de taxe professionnelle aux médecins et aux vétérinaires pour leur installation ou leur regroupement.
Préserver les espaces spécifiques ou sensibles
L'agriculture et la forêt occupent 80% de notre territoire. Au-delà de la dimension économique de ces activités, leur rôle d'occupation de l'espace se heurte à l'étalement urbain, aux risques de déprise et de banalisation des espaces pastoraux et humides, à la perspective d'un morcellement de la propriété et d'une multiplication des dégâts de gibier en forêt. Le projet de loi apporte des réponses spécifiques aux problèmes de ces différents espaces : les espaces périurbains, les zones de montagnes, les forêts et les zones humides.
Un outil foncier efficace pour protéger les zones péri-urbaines
Le tiers des exploitations agricoles se situe désormais en zones péri-urbaines, où vivent 20 millions de nos compatriotes. Le projet de loi ouvre la possibilité aux départements de créer des périmètres de protection et de mise en valeur de ces espaces périurbains. Ces périmètres seront gérés selon des programmes d'action élaborés en accord avec les communes et leurs groupements.
Des dispositifs pour favoriser la restructuration des forêts privées
Afin de préserver nos forêts et de soutenir la filière bois, le projet de loi introduit des incitations fiscales favorisant la restructuration et la gestion durable des forêts privées. Il encourage également les pratiques pastorales remplissant des fonctions économiques et environnementales, telles que la lutte contre l'embroussaillement.
Un mécanisme de protection et de valorisation des zones humides
Grâce à une fiscalité adaptée et à des programmes d'action spécifiques, le projet permettra également une meilleure préservation des zones humides. Il prévoit par exemple d'accorder une exonération de taxe foncière, moyennant un engagement de préservation, et d'adapter les baux dans les zones présentant un intérêt stratégique pour l'eau.
Un outil d'aménagement foncier renouvelé
Le projet de loi modernise et simplifie le dispositif du remembrement, pour en faire un outil adapté à la préservation de l'environnement et à l'approfondissement de la décentralisation. L'introduction d'une procédure de " plan de réouverture de l'espace " aidera les collectivités à lutter contre la fermeture des paysages.
Valoriser la chasse dans le respect d'un équilibre avec l'agriculture et la forêt
La chasse appartient à la culture du monde rural et joue un rôle dans le développement des territoires et la protection de la nature. Le volet chasse du projet de loi adapte le cadre juridique de la chasse à ce constat. Du point de vue plus spécifiquement agricole, il renforce la protection contre les dégâts du gibier et sa prolifération.
Conclusion
- Ce texte, ambitieux mais aussi pragmatique, a vocation à évoluer. La loi n'est pas gravée dans le marbre, elle vit avec la société, avec le pays. Tout d'abord, nous sommes dans la navette parlementaire. J'ai d'ailleurs choisi d'adopter une démarche innovante, dans cette période intermédiaire entre les débats, en rencontrant de nouveau les parlementaires qui se sont impliqués, afin d'avancer avec eux sur les dispositions du texte qui ont posé problème, ou n'ont pas trouvé un consensus.
- J'entends consacrer mon énergie à faire vivre ce texte. Et en premier lieu, à veiller à ce que les décrets d'application, une fois la loi votée, ne tardent pas à être publiés. J'y serai particulièrement attentif. Puis à effectuer le maximum de déplacements afin d'expliquer cet ensemble de mesures, d'informer et de recueillir également les propositions des uns et des autres. A cet égard, la conférence annuelle de la ruralité, qui a été proposée et si elle est confirmée - et j'y étais pour ma part favorable-, permettra d'évaluer régulièrement les politiques mises en oeuvre.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 14 septembre 2004)