Déclaration de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la maîtrise des impacts du traitement des déchets, la réduction de la production de déchets et l'amélioration du financement du service public de gestion des déchets, Paris le 7 septembre 2004.

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Circonstance : Colloque "Quelles propositions pour une acceptation de la gestion durable des déchets ?" à Paris le 7 septembre 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Vous êtes réunis ce matin sur une question déterminante pour les années à venir en matière de gestion de déchets. La difficulté du sujet n'échappe à personne. Vous avez comme moi pu constater les réactions de rejets de plus en plus nombreuses aux projets d'implantations de nouvelles unités de traitement de déchets. Plusieurs rapports ont confirmé, qu'à moyen terme un risque de pénuries de capacités de traitements de déchets pourrait toucher un grand nombre de départements.

Une telle situation n'est pas sans interroger : comment réconcilier les Français avec la gestion des déchets ?

J'esquisserai devant vous quatre axes.
Premier axe : faire preuve de la plus grande vigilance pour maîtriser les impacts du traitement.

Comment expliquer à nos concitoyens qui vivent à proximité d'un site sur lequel il est prévu d'implanter une installation de traitement de déchets que tout sera fait pour limiter les impacts et désagréments, si, par ailleurs, des incinérateurs non conformes demeurent en fonctionnement ou des décharges non autorisées sont toujours exploitées ?

Les résultats de l'enquête, qui vous ont été présentés il y a quelques instants sont à cet égard parlants : le traitement des déchets est une des premières préoccupations des élus en matière de santé publique et d'environnement.

C'est là un premier défi à relever pour une acceptation de la gestion durable des déchets.

Une grande vigilance pour le respect de la réglementation constitue une des réponses à cette préoccupation légitime. Ainsi, s'agissant de l'incinération, je tiens à dire devant vous la grande fermeté dont je ferai preuve pour le respect de l'échéance de fin 2005 pour la mise en conformité des usines d'incinération. A cette date, toute usine non conforme devra être mise à l'arrêt, le temps que les travaux prévus soient achevés.

Je constate avec satisfaction que les professionnels du secteur et des associations d'élus ont pris position dans ce sens.

Seuls quelques mois nous séparent de cette échéance. Ils doivent être mis à profit pour trouver, pour les usines pour lesquelles il est avéré que les travaux ne seront pas achevés à temps, des solutions alternatives pour traiter les déchets.

De même, et s'agissant du stockage, une liste complétée des décharges non autorisées sera prochainement rendue publique. J'ai bien conscience des progrès réalisés dans de nombreux départements et des résultats obtenus, il s'agit de faire un dernier effort et de fermer ces sites non autorisés.

Deuxième axe : détourner davantage de déchets de l'incinération et de la mise en décharge

En effet, le premier axe que j'ai évoqué devant vous - maîtriser les impacts - n'est pas suffisant. Nous sommes tous conscients que nous produirons toujours des déchets et qu'il est inévitable qu'une partie d'entre eux soit mise en décharge ou incinérée. Il n'en demeure pas moins qu'il faut tendre à réduire les quantités orientées vers ces deux modes de traitement.

Le recyclage, qui permet en outre d'éviter les impacts dus à l'extraction de certaines matières premières, contribue à cet objectif. S'agissant des déchets ménagers, la mise en place réussie des collectes sélectives au cours des dix années passées, a permis de sensibiliser les Français au devenir de leurs déchets.

Il nous faut maintenant aller plus loin.

Le processus de réagrément d'Eco-emballages et d'Adelphe touche bientôt à sa fin, après une négociation longue de plus de 18 mois. Il me semble que les principes fondamentaux en sont bons, avec, notamment, des conditions de reprise des matériaux collectés sélectivement plus proches du marché. Globalement le nouveau barème prévoit une plus grande rationalité dans la progressivité du soutien à la tonne triée.

J'ai bien entendu les inquiétudes manifestées par beaucoup d'entre vous sur la difficile transition entre les deux barèmes. Pour les communes dont les soutiens allaient diminuer, une compensation dégressive dans le temps est prévue, sur une durée de trois ans, maintenant portée à quatre. J'ai demandé à ce que cette compensation soit encore améliorée. Les sociétés agréées m'ont fait savoir qu'ils approuvaient un tel principe dont les modalités précises seront déterminées dans les prochains jours.

Surtout, une difficulté majeure du dispositif n'est toujours pas résolue : son champ d'application. Chacun sait que les communes et leurs groupements ne collectent pas uniquement les déchets d'emballages produits par les ménages. Pourtant, seule la collecte sélective de ceux-ci est soutenue. Je souhaiterais que dans un proche avenir, un champ d'intervention plus cohérent avec les pratiques puisse être défini et ai demandé à mes services de faire prochainement des propositions en ce sens.

Il ne s'agirait pas d'étendre le champ d'intervention du dispositif prévu par le décret du 1er avril 1992 à l'ensemble des déchets d'emballages, ni même à de grandes quantités de déchets d'emballages que des communes acceptent de prendre en charge : des filières de recyclage fonctionnent de façon très satisfaisante sans l'intervention des pouvoirs publics.

Il me paraîtrait en revanche souhaitable que le champ d'intervention des sociétés agréés soit étendu aux déchets d'emballages qui seront toujours, j'aurai tendance à dire, qui seront fatalement collectés par les communes.

Il conviendra de définir précisément ces déchets mais les travaux menés par le Conseil national des déchets, sous l'impulsion de son président, Monsieur Jacques Pélissard dont je salue ici l'action, devraient grandement nous y aider.

D'autres filières de traitement de produits en fin de vie se mettront prochainement en place, et je pense en particulier aux déchets d'équipements électriques et électroniques, qui contribueront à cet objectif de détourner davantage de déchets de l'élimination par mise en décharge ou incinération.

Il y a enfin les imprimés non sollicités. Les derniers arbitrages gouvernementaux sur le projet de décret pris pour l'application de l'article de loi instaurant le dispositif seront pris dans les prochains jours pour que le texte soit publié en temps et en heure et que, comme prévu par la loi, le dispositif démarre au 1er janvier 2005. J'y suis, comme beaucoup d'entre vous, très attaché.

Troisième axe : la prévention de la production de déchets

La prévention de la production de déchets est un autre moyen d'actions. La gestion des déchets ne sera-t-elle pas d'autant mieux acceptée que nous montrerons que loin d'être une simple incantation, une réelle volonté existe pour faire de la prévention une réalité ?

On ne redira jamais assez qu'en la matière nous avons trop souffert d'un certain fatalisme. J'ai tenu à présenter lors du lancement de la semaine du développement durable l'autocollant " merci d'épargner ma boîte aux lettres ! ", car c'est un moyen de montrer comment agir, concrètement. Je me félicite des premiers retours de cette opération : le million d'autocollants imprimés a été distribué et deux millions supplémentaires seront très prochainement disponibles.

Je me réjouis également que des acteurs importants du secteur, et je pense en particulier à la grande distribution, aient pris des initiatives sur le sujet.

Si cette opération est emblématique de ce qu'il est possible de faire et a été largement relayée par les médias, il serait erroné de la considérer comme une opération isolée, elle se place dans le cadre plus global du plan national de prévention, rendu public il y a quelques mois et mis en uvre par mon ministère, à travers mes services et l'ADEME. Je salue ici l'action de l'agence sur ce point et notamment pour son implication dans l'opération " Merci d'épargner ma boîte aux lettres ! "

Quatrième axe - L'amélioration du financement et de la transparence du service public des déchets

La sensibilisation de nos concitoyens à la prévention et à une meilleure gestion des déchets passe enfin par une amélioration du financement du service public des déchets.

Je ne reviendrai pas sur les très nombreux travaux déjà réalisés sur le sujet. Le groupe de travail mis en place en février 2004 se réunira à nouveau le 6 octobre prochain. Je souhaite que ses travaux se poursuivent activement. Des propositions très concrètes sont faites, elles me semblent aller, pour la plupart, dans le bon sens, notamment :
- pour faciliter la mise en place de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères,
- pour développer l'usage de la redevance spéciale
- et surtout, et c'est peut être le point le plus important, pour introduire une transparence accrue de la gestion du service public des déchets.

La hausse des coûts d'élimination des ordures ménagères est d'autant plus mal ressentie par les Français, que celle-ci demeure mal expliquée par manque de transparence et d'information. Il y a là, je pense, un enjeu fort en matière de gestion durable des déchets.

Au-delà des quatre axes que je viens d'évoquer devant vous, il nous faut préparer le plus long terme. Je pense ici bien entendu au projet de loi sur les déchets, sur lequel je compte entamer, dans les semaines qui viennent, une première concertation.

Je souhaite esquisser devant vous quatre pistes principales pour ce texte, en sus des questions du financement du service public des déchets.

Première piste : la prévention de la production de déchets.

La loi du 13 juillet 1992 affichait une priorité sur ce point, sans prévoir d'actions concrètes. Je souhaite que le projet de loi contienne des dispositions renforcées, tant en ce qui concerne la prévention quantitative que qualitative.

Sur le premier volet, il nous faut réfléchir à une incitation pour encourager une consommation plus respectueuse de l'environnement, d'encourager l'usage des éco-labels, comme le prévoit la stratégie nationale de développement durable. Des mesures très concrètes sont examinées par mes services.

Sur le second volet, nous pourrions par exemple, créer les conditions pour que la question des déchets dangereux des ménages avance véritablement et que les ordures ménagères résiduelles soient ainsi moins dangereuses : de nombreuses collectivités font des efforts en ce domaine sans être suffisamment soutenues, ne convient-il pas de remédier à la situation ?

Deuxième piste : créer les conditions propices à une meilleure structuration des filières de traitement de produits en fin de vie.

Le constat, partagé par tous, d'une trop grande hétérogénéité des organisations mises en place s'explique en partie par les silences de la loi sur le sujet. Il s'agit de poser des jalons pour faciliter une meilleure organisation de ces filières.

Ce sujet peut paraître très technique. Je crois cependant qu'un des enjeux est d'assurer une approche plus transversale au niveau des territoires. Toute nouvelle filière qui se met en place doit tenir compte de l'existant. Est-il raisonnable de penser que les ambassadeurs du tri, présents dans de nombreuses collectivités, ne se consacreront qu'aux déchets d'emballages ménagers sans évoquer les modalités de collecte sélective des déchets d'équipements électriques et électroniques ? Cette approche plus transversale n'est-elle pas l'occasion de traiter la question préoccupante des déchets dangereux des ménages ? N'est-ce pas l'occasion de penser à une information plus globale des Français sur les déchets, et pas seulement sur tel ou tel flux de déchet ?

En résumé, je crois qu'il nous faut sortir d'une approche trop segmentée entre grands types de déchets pour acquérir, à l'échelon territorial, une vision globale des différents flux de déchets et des risques qu'ils représentent.

Troisième piste justement - améliorer de la gestion territoriale des déchets.

Beaucoup de critiques sont faites sur les plans départementaux qui visent pourtant à donner des orientations pour l'organisation, sur un territoire, de la gestion des déchets. Leur rigidité est souvent mise en cause. Je crois qu'il faut réfléchir à préciser leur portée et en faire de véritables outils dynamiques, adaptés aux réalités des territoires et des bassins de vie. J'ai bien noté, sur cette dernière notion, les résultats de l'enquête qui vous ont été présentés.

Sans remettre en cause le caractère départemental de ces plans et la compétence nouvelle des Conseils généraux en la matière, il s'agit d'abandonner une vision trop étanche des frontières départementales, et considérer tout simplement les habitudes des Français.

Quatrième piste - mobiliser les énergies autour d'un objectif

La loi du 13 juillet 1992 avait fixé un horizon pour la décennie à venir avec la notion de déchet ultime. Il nous faut réfléchir à fixer un nouvel objectif pour mobiliser les énergies pendant la décennie qui vient. Il me semble qu'il nous faut voir plus large que la simple notion de déchet ultime, qui ne prend que très partiellement en compte un élément pourtant essentiel de l'action des pouvoirs publics en matière de déchets : la prévention.

La diminution globale des quantités mises en décharge et incinérées, ne résume-t-elle pas au mieux, finalement, l'objectif que nous recherchons ?

Voilà esquissées devant vous des premières pistes pour une acceptation de la gestion durable des déchets, pistes qu'il conviendra d'enrichir et d'approfondir au cours des prochains mois.

Avant de vous laisser poursuivre vos travaux, laissez moi vous redire mes quatre axes pour une acceptation de la gestion durable des déchets :

- faire preuve de la plus grande vigilance pour maîtriser les impacts du traitement ;
- détourner davantage de déchets de l'incinération et de la mise en décharge ;
- la prévention de la production de déchets ;
- l'amélioration du financement et de la transparence du service public des déchets.

Votre rencontre est une occasion d'avancer sur ces questions et de les compléter. Je souhaite une bonne continuation à vos débats.

Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 22 novembre 2004)