Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Après avoir salué chacune et chacun d'entre vous pour marquer ma volonté d'établir avec vous un contact personnel chaque fois que ce sera nécessaire, je veux vous dire ma fierté d'exercer mes fonctions à la tête d'un ministère qui est le ministère de l'Etat par excellence, et qui est aussi le ministère de l'administration du territoire.
Servir l'Etat, c'est le choix que vous avez fait à l'âge où l'on choisit un métier. Mais servir l'Etat dans la fonction préfectorale est un choix exigeant qui vous confère des responsabilités éminentes, procure de grandes satisfactions mais impose des devoirs particuliers.
Dans notre Etat de droit, les fonctions publiques sont définies par un texte. Pour les préfets, ce texte est la Constitution. C'est la seule fonction que le texte constitutionnel définit, en dehors des pouvoirs centraux nationaux. L'article 72 de la Constitution dispose en effet : "dans les départements et les territoires, le délégué du gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois". La loi et le règlement sont venus préciser et organiser ce que la Constitution indique, mais ce dernier alinéa de l'article 72 exprime mieux que de longs discours l'importance de votre fonction, celle de garant de la cohésion sociale dans votre circonscription.
Cette fonction que vous exercez avec le corps des sous-préfets et les personnels du cadre national des préfectures est reconnue par tous nos concitoyens qui souvent se tournent vers vous, attendant beaucoup de vous par temps calme comme par temps de crise, parce que vous représentez l'Etat, expression de la nation.
La période de crise que nous avons connue il y a quelques jours a été une nouvelle illustration de la nécessité de votre fonction, de votre compétence et de votre savoir faire. Vous avez su prendre les initiatives opportunes pour assurer l'approvisionnement en carburant des services prioritaires, faire preuve du sens du dialogue et de la fermeté nécessaire pour accompagner la sortie de crise qui n'aura été marquée par aucune violence. Au delà du débat sur le fond des revendications et la nature des réponses qui leur ont été apportées, tous les observateurs ont souligné l'efficacité des dispositions prises pour gérer cette crise et le Premier Ministre a notamment rendu hommage au travail accompli par les fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur.
Cette fonction éminente, qui est la vôtre, célèbre cette année son bicentenaire. Depuis deux siècles, l'institution préfectorale structure notre système administratif territorial. Elle a subi, certes, de nombreux changements, comme toutes les institutions humaines, mais a fait constamment la preuve de son efficacité dans l'administration de notre pays en s'adaptant aux besoins et aux préoccupations des Français. Les missions essentielles du corps préfectoral sont restées fondamentalement les mêmes parce qu'elles correspondent à la culture de notre pays.
Il lui revient d'exprimer, comme le veulent les Français, à la fois la permanence de l'Etat et le mouvement de la société, de concilier l'intérêt général national et le légitime développement des responsabilités locales, de permettre l'expression de la diversité et de garantir l'aspiration à l'unité.
C'est une tâche exaltante, difficile que vous exercez avec ce sens de l'Etat qui est au cur de votre fonction et auquel je tiens à rendre hommage.
A propos de sens de l'Etat, je vous confirme que j'ai dû reporter le colloque qui lui était consacré, prévu les 5 et 6 octobre prochains. Certains d'entre vous s'en sont étonnés, m'a-t-on dit. Je tiens à les rassurer à la fois sur le sens de l'Etat du nouveau ministre de l'intérieur et sur l'intérêt qu'il porte à la célébration du bicentenaire du corps préfectoral et des préfectures. Mais il était impossible matériellement de tenir la date prévue, la préparation du colloque ayant été suspendue pendant l'été et mes engagements en octobre, notamment ceux liés à la présidence française de l'Union européenne et aux travaux du Parlement, ne m'ont pas permis de trouver une date proche de celle initialement prévue.
Le service du pays, le sens de l'Etat ont été la ligne directrice de l'un de vos collègues qui a été atteint hier par la limite d'âge et auquel je tiens à rendre un hommage particulier. Georges PEYRONNE, Préfet de la région Aquitaine, Préfet de la Gironde a connu un parcours exceptionnel qui mérite à tous égards d'être cité en exemple. Très grièvement blessé dans les combats en Algérie, il est entré dans l'administration comme adjoint administratif. Par son travail, sa volonté, ses talents exceptionnels, il a accédé aux plus hautes responsabilités de la fonction publique. Grand serviteur de l'Etat, il a acquis une connaissance exceptionnelle des hommes à laquelle il a souvent été fait appel ; c'est aussi un grand amateur d'art moderne ; bref, un haut fonctionnaire humaniste qui aura marqué votre corps. En votre nom à tous, je veux lui témoigner notre reconnaissance et notre amitié.
Avant de développer devant vous les principes qui vont guider mon action et les principaux chantiers que j'entends conduire ou engager avec vous, je voudrais rapidement vous présenter mes collaborateurs directs dont les fonctions sont définies dans un document qui vous sera distribué. Vous connaissez vos deux collègues qui sont à mon cabinet, Bernard BOUCAULT et Michel BART, ainsi qu'Yves COLMOU conseiller auprès de moi et qui a eu l'occasion, dans de précédentes fonctions, de travailler avec nombre d'entre vous. Vous serez également en contact pour vos déplacements avec Jean-Christophe ERARD, chef de cabinet. Pour l'équipe des conseillers techniques, j'ai notamment fait appel à plusieurs hauts fonctionnaires de cette maison, administratifs et de police, dont j'ai déjà apprécié, depuis un mois, la compétence, la disponibilité et la réactivité. Quand je parle de collaborateurs directs, il s'agit de ceux qui sont géographiquement les plus proches de moi. Mais je tiens à consulter très fréquemment les directeurs généraux et les directeurs sur les questions de leur compétence. Un cabinet doit filtrer, informer, synthétiser, mais il ne doit pas être un écran ou jouer un rôle d'obstruction. Je l'ai dit aux directeurs généraux et directeurs, et je tiens à le redire devant vous. Je sais que les membres de mon cabinet ne m'empêcheront pas de rester en contact direct avec les uns et les autres chaque fois que nécessaire.
I - PRINCIPES D'ACTION
Trois principes fondamentaux vont guider mon action.
1er principe d'action : la continuité
Mon action s'inscrira, tout d'abord, dans la continuité des mesures prises depuis trois ans pour mettre en uvre les orientations définies par le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale.
*Ce sera, en premier lieu, le cas en matière de sécurité des personnes et des biens, deuxième priorité de l'action gouvernementale après la lutte contre le chômage.
- L'objectif a été clairement fixé : faire reculer l'insécurité au quotidien. Ainsi que le soulignait le Premier Ministre en juin 1997, "la sécurité est un droit fondamental de la personne humaine Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité."
Il nous incombe, il vous incombe de tout mettre en uvre pour lutter contre l'insécurité. Celle-ci est, en effet, une injustice sociale parce qu'"elle menace d'abord les plus faibles, notamment les personnes âgées, et les plus démunis d'entre nous". En garantissant le droit à la sécurité, nous permettons l'exercice des libertés publiques et contribuons à la justice sociale.
- Les modalités de cette action résolue contre l'insécurité ont été définies lors du colloque de Villepinte, à l'automne 1997, et reposent sur trois idées fondamentales :
- 1ère idée fondamentale : la sécurité ne peut être le seul fait de la police ou de la gendarmerie, mais doit également mobiliser tous ceux qui peuvent y concourir : services de l'Etat, collectivités locales, organismes parapublics, associations La sécurité est et ne peut être qu'une coproduction, dont l'un des instruments fondamentaux est le contrat local de sécurité.
- 2ème idée fondamentale : la sécurité doit reposer sur une approche globale, qui implique de la prévention autant qu'il est possible, de la dissuasion autant qu'il est souhaitable, et de la sanction dès que nécessaire.
- 3ème idée fondamentale : la priorité est et doit être donnée à la lutte contre l'insécurité au quotidien sur tout le territoire. Les services de police doivent, en conséquence, pouvoir concentrer leurs efforts sur les missions opérationnelles, notamment de voie publique. C'est la raison d'être de la police de proximité, qui doit continuer d'être mise en uvre avec détermination.
*Continuité également en matière d'administration du territoire.
"L'évolution du monde et de notre société, les nouvelles technologies rendent nécessaires aujourd'hui une adaptation de l'Etat et un vaste effort de rénovation du service public", indiquait le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale.
Sous votre impulsion, l'administration territoriale s'est résolument engagée dans cette voie. Les préfectures sont au cur du processus de réformes fondé notamment sur l'élaboration et la mise en uvre du projet territorial de l'Etat, la réalisation d'un système d'information territorial, le développement des pratiques de travail interministériel, la globalisation et la déconcentration des moyens.
Dans tous ces domaines, le processus engagé doit se poursuivre et s'amplifier. J'y veillerai personnellement.
Préfectures et sous-préfectures occupent -et doivent continuer d'occuper- une place centrale dans l'organisation territoriale de l'Etat, et dans sa nécessaire et permanente adaptation aux attentes de nos concitoyens.
*Poursuite, en troisième lieu, de l'action engagée en matière d'exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux.
Continuité également dans le domaine des libertés publiques sans lesquelles, vous le savez bien, il n'y a pas de sécurité qui vaille. Liberté d'expression, liberté de conscience, liberté d'aller et venir il appartient à ce ministère non pas seulement de protéger ces libertés fondamentales mais, chaque fois que possible, de les développer.
Des chantiers majeurs pour l'avenir de notre pays ont à cet effet été ouverts. Il nous faut les poursuivre et les faire réussir.
Tel est le cas de l'accès à la citoyenneté et des actions engagées avec les CODAC, grâce à votre concours déterminant, pour permettre à tous les jeunes, et tout particulièrement à ceux issus de l'immigration, de pleinement s'intégrer dans notre société, d'y exercer leurs droits, mais aussi d'y remplir leurs devoirs.
Tel est le cas, également, de l'action engagée, avec la consultation des musulmans de France, en direction de l'Islam pour assurer l'intégration du culte musulman, dans le cadre juridique particulier qui régit en France les rapports entre les pouvoirs publics et les cultes.
A cette fin, un dialogue a été ouvert, d'une part, pour permettre aux personnes de confession musulmane d'exercer les droits que la loi républicaine rend incontournables, d'autre part, pour les aider à réaliser la représentation nationale de leur culte. Ces objectifs sont nécessaires et difficiles, mais j'entends y parvenir.
J'aurai l'occasion de rencontrer dans un avenir proche les responsables des principales organisations musulmanes.
De récentes polémiques, qui ont provoqué une légitime émotion parmi les musulmans, m'incitent à vous recommander de demeurer attentifs aux questions touchant à l'islam. Vous aurez notamment à conseiller aux municipalités, chaque fois que cela sera nécessaire, de faciliter, dans la mesure du possible et dans le respect des préoccupations d'urbanisme, de sécurité et d'ordre public, l'accès des musulmans à des lieux de culte dignes et sûrs, qu'il leur appartient naturellement de louer, d'acquérir ou de faire construire. Cette question est au cur du libre exercice des cultes, qui est un des droits fondamentaux reconnus par la République dans le cadre de la laïcité.
Tel est le cas, enfin, d'un autre chantier majeur pour l'avenir de notre pays, celui des importantes réformes mises en uvre pour moderniser notre vie politique : inscription d'office sur les listes électorales des personnes âgées de 18 ans, incompatibilités entre mandats électoraux, égal accès des femmes et des hommes à la vie publique...
S'agissant de l'exercice du droit fondamental qu'est le droit de vote, des efforts importants demeurent cependant à accomplir pour garantir la pleine transparence de notre vie démocratique. Pour ce faire, les listes électorales doivent être tenues de façon exemplaire. A cet effet, et j'y reviendrai dans quelques minutes, l'implication des préfets et de l'administration préfectorale est essentielle pour y parvenir.
*Continuité, enfin, en matière de lutte contre l'immigration clandestine.
L'action voulue par le Premier Ministre depuis trois ans, fondée sur la maîtrise des flux migratoires et le respect de la dignité humaine, a permis de procéder au règlement d'un ensemble de situations difficiles héritées de la période antérieure. De nouvelles dispositions législatives ayant été fixées par la loi du 11 mai 1998, cette question a perdu son tour polémique, et l'effort de lutte contre l'immigration clandestine a été développé avec le souci constant d'une application humaine et égale de la loi.
Cet équilibre-là, j'entends le maintenir, de même que je veux prévenir les dérives qui le remettraient en cause.
2ème principe d'action : la proximité
Le deuxième principe qui déterminera mon action est la mise en place d'un véritable service public de proximité.
Un service public de proximité, c'est bien sûr un service géographiquement proche de l'usager. Mais c'est aussi un service public plus accessible, qui sait aller au devant des attentes de nos concitoyens et qui sait être proche des plus démunis et des plus isolés.
*C'est l'objectif de la police de proximité, qui ne saurait se réduire à une remise au goût du jour de l'îlotage .
La police de proximité a une toute autre ambition. Ainsi que l'a clairement et précisément défini la doctrine d'emploi, la police de proximité c'est, certes, une police territorialisée, mais c'est aussi une police au contact permanent avec la population, soucieuse d'assurer le meilleur service au public, et assurée par des policiers ayant une mission polyvalente et disposant d'une réelle capacité d'initiative.
De la mise en uvre de ces nouveaux modes de travail et de ce nouvel état d'esprit dépend le plein succès de la police de proximité telle que la souhaitent nos concitoyens. La police nationale a la capacité d'y parvenir ; elle seule peut lui donner toute sa dimension à la fois de prévention, de dissuasion et de répression.
*Assurer un service de proximité, c'est le fondement même de l'administration territoriale de l'Etat, et au premier rang de celle-ci des préfectures et des sous-préfectures.
Par sa présence sur tout le territoire avec le réseau des préfectures et des sous-préfectures, l'administration préfectorale constitue un service de proximité par excellence.
Au contact quotidien des élus, comme de la population et de leurs préoccupations, les préfectures et les sous-préfectures doivent être le fer de lance d'une administration plus proche de nos concitoyens, plus soucieuse d'efficacité, plus désireuse encore d'aller vers l'usager et de répondre à ses attentes.
La proximité de l'administration préfectorale dans l'action de terrain au service de tous nos concitoyens, et en particulier des plus démunis qui ont le plus besoin d'Etat, doit ainsi être encore renforcée, et la présence de l'Etat sur tout le territoire être affirmée.
*Police de proximité, administration territoriale de proximité, mais aussi démocratie de proximité.
Ainsi que l'a rappelé récemment le Premier ministre dans son discours de la Rochelle, le 3 septembre dernier, nous devons "démocratiser notre République, pour lui donner de la vitalité, pour la rapprocher des citoyens, pour qu'elle prenne plus de sens à leurs yeux." Cela implique notamment, soulignait-il, "une République plus démocratique, accordant pour cela plus de pouvoir au peuple, et soulignant mieux la responsabilité de l'élu."
C'est tout l'enjeu de la nouvelle phase de la décentralisation qui doit s'engager, nouvelle phase destinée non pas à démembrer le service public ou à remettre en cause les attributions régaliennes de l'Etat ou ses missions de solidarité nationale, mais qui doit avoir pour objectif de parvenir à une véritable démocratie de proximité.
Cette démocratie de proximité renouvelée implique une clarification des compétences dévolues aux différents niveaux de collectivités locales, un renforcement de la démocratie locale grâce à une simplification des procédures et à une transparence accrue, ainsi que la mise en place de règles et de moyens permettant aux élus locaux de mieux assurer encore leurs responsabilités devant leurs électeurs.
Définir et créer les conditions de cette démocratie de proximité sera, avec la mise en uvre de la police de proximité, l'un des principaux chantiers que nous aurons à conduire ensemble dans les mois à venir.
3ème principe d'action : la modernisation.
La modernisation des services du ministère de l'Intérieur, qu'ils soient centraux ou locaux, est une tâche d'actualité permanente, auxquels plusieurs de mes prédécesseurs ont fait franchir des étapes déterminantes. Je pense en particulier à la loi de modernisation de la police nationale en 1985 ou au plan de modernisation des préfectures en 1990.
Aujourd'hui, à l'aube du nouveau millénaire, en raison tout à la fois des attentes de la population et des évolutions des technologies, une nouvelle étape doit être franchie sans délai, avec le souci de répondre à une triple préoccupation :
*Cette modernisation doit, tout d'abord, concerner tous les secteurs d'activités du ministère de l'Intérieur :
- la police nationale dont la modernisation doit aller de pair avec la mise en uvre de la police de proximité, ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner lors de ma première visite des services de police à Créteil, le 1er septembre dernier ;
- la sécurité civile dont la modernisation doit accompagner l'achèvement et l'adaptation de la départementalisation, comme je l'ai indiqué lors de ma première rencontre à Marignane avec tous les acteurs de la sécurité civile, le 2 septembre dernier ;
- les préfectures pour lesquelles, ainsi que je l'ai rappelé lors de mon déplacement à Beauvais le 14 septembre dernier, il faut réussir ensemble le processus de modernisation engagé, et qui sera notamment marqué par le rendez-vous déterminant des Assises prévues le 23 novembre prochain à Lyon.
*En deuxième lieu, cette modernisation ne doit pas seulement porter sur les conditions de fonctionnement interne : elle doit d'abord et avant tout avoir pour objectif d'améliorer le service rendu et les rapports avec le public et les différentes catégories d'usagers.
*Enfin, cette modernisation ne saurait être seulement une modernisation des moyens, des outils ou des locaux.
Elle doit porter sur tous ces aspects, mais aussi sur les procédures, et plus globalement sur les conditions dans lesquelles le service public est assuré. Les procédures doivent être systématiquement repensées à la lumière des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information. Il nous faut engager résolument cette modernisation tout particulièrement en matière de délivrance des titres réglementaires, et plus généralement pour adapter modes de travail et relations avec l'usager.
L'enjeu est de taille, mais cette modernisation est le corollaire indispensable à la mise en place d'un véritable service public de proximité.
II - LES PRINCIPAUX CHANTIERS QUE J'ENTENDS CONDUIRE OU
ENGAGER AVEC VOUS
Ces principes d'action étant posés, j'en viens aux principaux chantiers que j'entends conduire ou engager avec vous.
J'aborderai aujourd'hui, pour cette première réunion, les six thèmes prioritaires suivants :
- les questions de sécurité publique,
- la sécurité civile,
- la nouvelle étape de décentralisation,
- la modernisation des préfectures et des services locaux de l'Etat,
- l'immigration et la lutte contre le travail clandestin,
- les élections.
Un septième thème fait partie de mes priorités : la Corse. Le Premier ministre m'a confié la responsabilité du projet de loi qui doit permettre d'inscrire l'avenir de la Corse dans la République.
Je ne développerai pas ce thème aujourd'hui, mais je tiens à rappeler les principes qui guident le gouvernement dans sa démarche. Ainsi que l'a indiqué le Premier Ministre à La Rochelle, il ne s'agit pas d'affaiblir les principes républicains ou de distendre l'unité nationale, mais de prendre en compte la spécificité corse, son histoire, son insularité, sa culture et les problèmes particuliers qu'elle pose depuis des décennies. Notre objectif, c'est bien de mieux affirmer la place de la Corse dans la République et d'offrir une perspective positive à nos compatriotes corses. Mais, ce faisant, la Corse n'a pas vocation à être je ne sais quel lieu d'expérimentation pour une nouvelle décentralisation. Par ailleurs, qu'il soit bien entendu que l'Etat ne renonce à aucune de ses prérogatives pour rétablir l'Etat de droit là où il doit l'être, et pour combattre la violence sous toutes ses formes. Les récentes opérations de police judiciaire l'ont bien illustré s'il en était besoin. Et le processus engagé ne peut aller à son terme que s'il y a renonciation et disparition de la violence politique.
2.1 - La sécurité publique
La sécurité de nos concitoyens constitue ma première priorité. Elle requiert de chacun d'entre vous toute votre énergie et toute votre attention pour être à l'écoute des attentes de la population en ce domaine, et pour mettre en uvre des dispositifs efficaces pour faire reculer l'insécurité sous toutes ses formes.
J'insisterai aujourd'hui sur trois orientations majeures.
2.1.1 - Conforter et développer la dynamique des contrats locaux de sécurité :
Parce qu'ainsi je vous l'indiquais tout à l'heure, la sécurité est une coproduction, elle ne peut être atteinte que par la voie d'une politique globale associant les services de l'Etat mais aussi d'autres acteurs, et notamment les collectivités locales et le secteur associatif et social.
Les contrats locaux de sécurité sont l'outil privilégié de la mise en uvre de ce partenariat.
Plus de 420 contrats ont d'ores et déjà été signés ; environ 300 sont en cours de préparation. Près des de la population habitant en zone de police nationale est couverte par un contrat local de sécurité signé ou en voie de l'être.
L'objectif est donc désormais moins quantitatif que qualitatif.
La dynamique des contrats locaux de sécurité, dont les premiers sont arrivés à maturité, doit être conservée.
A partir des retours d'analyse des missions d'inspection des différents ministères, comme des observations de la cellule interministérielle d'animation et de suivi des contrats locaux de sécurité, il m'apparaît indispensable d'en renforcer le suivi, d'en approfondir le contenu, en tenant compte, tout particulièrement, des incidences de la mise en place de la police de proximité.
Il vous appartient de faire vivre chaque contrat local de sécurité en vous assurant de son enrichissement, de son adéquation à la situation de chaque partie du territoire concerné et de son adaptation permanente aux besoins de sécurité pour lesquels les partenaires du contrat doivent pouvoir développer et adapter leur potentiel d'actions concrètes.
Je vous demande, pour la fin de cette année, de me transmettre un bilan des premiers résultats obtenus à l'occasion de la mise en uvre des contrats locaux de sécurité signés dans vos départements, de leur impact global sur la sécurité et des conditions effectives de leur suivi. Je vous demande également de me faire toutes propositions pour en conforter l'efficacité.
2.1.2 - Mettre en uvre la police de proximité selon le calendrier arrêté par le gouvernement.
Il ne doit y avoir aucun répit pour la mise en uvre de la police de proximité et le calendrier fixé par le gouvernement doit être strictement respecté.
Conformément à la décision du Conseil de Sécurité Intérieure du 27 janvier 1999, des expérimentations de police de proximité ont été lancées en avril 1999 dans cinq circonscriptions pilotes, puis dans des sites situés dans 63 circonscriptions.
A la suite des Assises nationales de la police de proximité, organisées par mon prédécesseur et dont les travaux ont été clôturés par le Premier ministre, une première vague de généralisation a été lancée concernant la totalité du territoire de ces circonscriptions et intéressant un peu plus de 10 millions d'habitants.
Que ce soit dans les sites d'expérimentation, dans les circonscriptions de sécurité publique déjà concernées par la généralisation ou à Paris, les premiers résultats enregistrés sont encourageants.
La réforme est perçue favorablement par la population et par les élus qui y voient une réponse adaptée à leurs attentes en matière de sécurité au quotidien.
Dans les sites expérimentaux, on observe une baisse de la délinquance générale et, surtout, de la délinquance de voie publique, celle qui touche directement la vie quotidienne de nos concitoyens. Les faits élucidés et l'activité judiciaire y ont sensiblement progressé.
Ces éléments traduisent l'adhésion de tous les personnels aux principes d'action au cur de cette nouvelle doctrine d'emploi.
Le calendrier de généralisation de la police de proximité sera respecté. A la lumière de vos observations et suggestions, la liste des circonscriptions retenues dans la deuxième vague sera arrêtée début octobre pour une mise en place effective en février 2001.
Comme pour la première phase, il vous appartiendra de préparer pour chacune des circonscriptions concernées un projet de police de proximité. Ce projet devra très concrètement mettre en uvre la doctrine de police de proximité. Une attention toute particulière devra être portée à la territorialisation, mais aussi à la polyvalence des fonctions confiées à chaque fonctionnaire de police. Vous devrez également veiller à ce que ces projets prévoient effectivement de nouvelles formes de collaboration entre la sécurité publique, les renseignements généraux et la police judiciaire, s'appuyant sur la police de proximité.
Les moyens nécessaires à la réussite de la réforme, humains et matériels, ont été dégagés pour la mise en place des expérimentations et de la première phase. Des moyens ont d'ores et déjà été prévus pour la 2ème phase lors de la préparation du budget de 2001. Nous en reparlerons plus en détail lors de notre rencontre du 2 octobre sur le budget 2001. L'effort sera ensuite poursuivi dans les mêmes termes : je m'y emploierai au cours des prochaines discussions budgétaires.
2.1.3 - Renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance
Malgré les résultats encourageants enregistrés dans les sites de police de proximité, les indicateurs dont je dispose sur l'évolution de la délinquance depuis le début de l'année montrent une augmentation sensible de certaines catégories de faits constatés.
Certes, la délinquance de voie publique diminue légèrement, attestant ainsi que la mise en place de la police de proximité pèse favorablement sur les délits les plus courants.
Je vous demande, cependant, de rester vigilant et de suivre avec beaucoup d'attention la situation de la délinquance dans vos départements, ses caractéristiques, pour mobiliser les services et les différents acteurs propres à la combattre.
J'ai noté en particulier que la délinquance économique et financière liée à l'utilisation de nouveaux moyens de paiement progressait de façon très significative depuis plusieurs mois. Vous devez en conséquence engager des actions de sensibilisation auprès des usagers et des professionnels pour mieux les informer de ces évolutions et les inciter à prendre toutes mesures utiles, d'information et de précaution notamment, pour limiter ces évolutions très préoccupantes.
Par ailleurs, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance, depuis le début septembre la Direction Générale de la Police Nationale a mis à la disposition d'une dizaine de départements particulièrement sensibles des unités de forces mobiles supplémentaires.
J'attache la plus grande importance à ce que vous suiviez personnellement l'évolution des différentes formes de délinquance et les mesures prises pour les faire reculer. Je vous demande, par ailleurs, de veiller à la bonne coordination de l'ensemble des services qui concourent à la lutte contre la toxicomanie et contre le trafic de produits stupéfiants, trafic qui alimente, comme vous le savez, l'insécurité dans de nombreux quartiers et cités. Je serai, enfin, très attentif aux suggestions que vous pourriez me faire pour renforcer l'efficacité de la lutte contre l'insécurité en tel ou tel domaine.
2.2 - La sécurité civile
Je vais aborder maintenant les questions de sécurité civile.
Les mois qui viennent de s'écouler ont été particulièrement difficiles. Je tiens à vous adresser mes félicitations pour le remarquable travail qui a été réalisé, ainsi que pour la mobilisation efficace de vos services face à des situations de crise très diverses, qui à chaque fois mettaient en péril la sécurité de nos concitoyens.
J'entends faire de la sécurité civile l'un des axes forts de mon action à travers trois grands domaines.
2.2.1 - Une dimension opérationnelle, qui doit être au cur de vos préoccupations
La préparation, l'organisation et la mise en uvre des moyens de secours figurent, je le sais, parmi vos toutes premières priorités. Il en va de l'efficacité, mais aussi de l'image de l'Etat.
Les catastrophes ou crises des derniers mois et les retours d'expérience réalisés ont montré l'absolue nécessité de disposer de plans parfaitement opérationnels. Pour chacun de vos départements, je vous demande de veiller personnellement à ce que le plan ORSEC, les plans de secours spécialisés ou les plans particuliers d'intervention soient à jour. Vous veillerez également à ce que des exercices soient régulièrement organisés pour vérifier leurs conditions de mise en uvre. Il en va de même des règles applicables aux établissements recevant du public, dont l'application et le contrôle doivent s'exercer avec vigilance et rigueur.
De même, sans méconnaître les difficultés auxquelles vous êtes parfois confrontés, je souhaite que les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, dans les départements où cela n'est pas encore fait, soient rapidement publiés.
2.2.2 - Achever et réussir la départementalisation
La loi du 3 mai 1996 a modifié profondément le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. Elle aura permis de dynamiser et de rationaliser l'organisation des secours. La départementalisation doit être achevée en mai 2001 avec la signature des dernières conventions. J'entends que ce processus aille à son terme dans les délais fixés.
Avec la mise en uvre de cette loi, le monde des sapeurs-pompiers a cependant été traversé par de légitimes interrogations.
Dès ma prise de fonction, j'ai tenu à rencontrer l'équipe dirigeante de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Dans l'esprit de reconnaissance que constitue la journée nationale des sapeurs-pompiers, je crois utile que vous puissiez multiplier les contacts tant avec les professionnels qu'avec les volontaires dans le respect, bien entendu, des compétences de chaque collectivité publique.
Tout à l'heure, je rencontrerai le député Jacques Fleury, auteur du rapport sur la mise en uvre de la départementalisation. Nous examinerons les conclusions des travaux de la commission qu'il a présidée.
Très prochainement, je ferai part au Premier ministre de mes propositions qui permettront de donner à la départementalisation son entière plénitude et de gommer certaines imperfections apparues lors de la mise en uvre de la loi de 1996.
2.2.3 - Moderniser la sécurité civile
Mon troisième objectif en la matière est de moderniser la sécurité civile.
La départementalisation est le socle indispensable de cette modernisation. Depuis 3 ans, de grands chantiers ont été engagés. Ainsi, en 2001 débutera le renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères. Toutefois, je crois qu'il faut aller plus loin.
Si l'organisation des secours est, et doit demeurer d'essence locale, l'Etat y a sa place à plus d'un titre. C'est dans un esprit de solidarité et de complémentarité avec les collectivités locales, mais en aucun cas de substitution, que j'entends articuler les différents niveaux de compétences.
Afin de disposer d'une organisation moderne de secours, je souhaite mettre en place un véritable plan de modernisation dont les grands axes de réflexion pourraient être le renforcement des moyens tant juridiques qu'opérationnels des zones de défense, la poursuite de la modernisation de la flotte aérienne et de ses infrastructures au sol, la refonte du réseau de transmission des acteurs de la sécurité civile, la formation des officiers de sapeurs-pompiers et la modernisation du statut des sapeurs-pompiers.
Je compte sur vous pour m'aider à définir, et ensuite pour mener à bien cet ambitieux projet qui devra se dérouler sur plusieurs années.
2.3 - Une nouvelle étape de décentralisation.
Autre chantier aussi prioritaire qu'essentiel : la préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation.
Cette nouvelle étape se profile, vingt ans après les grandes lois Defferre. Non pas que rien n'ait bougé depuis 1982, bien au contraire ! Fondée sur le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, notre décentralisation "à la française" repose sur la loi : c'est dire si le système n'est pas si rigide qu'on le dit. Ainsi, la répartition des compétences n'a pas été figée depuis 1983. De grandes lois, celle de 1992 sur l'administration territoriale de la République ou celle du 12 juillet 1999 portée par mon prédécesseur, ont pu mettre en place et dynamiser l'intercommunalité, cette "révolution silencieuse" comme dit Pierre Mauroy, le président de la commission pour l'avenir de la décentralisation.
Cette commission remettra son rapport au Premier ministre le 18 octobre prochain, résultat d'un long travail approfondi et consensuel, en dépit de réactions de dernière minute qui ne remettent pas en cause les orientations d'ores et déjà définies. Celles-ci devraient comprendre de très nombreuses propositions regroupées autour de grands objectifs rappelés par Pierre Mauroy : une clarification et un accroissement des transferts de compétences, une réorganisation des structures territoriales, le développement de la démocratie locale et sa transparence, une refonte d'ensemble des moyens accordés aux élus locaux pour qu'ils puissent assumer leurs responsabilités.
Il est trop tôt pour dire ce que le Gouvernement entend proposer au pays et, sur la base du rapport de la commission, l'ensemble des mesures envisagées fera l'objet d'un débat public.
Pour ma part, je veux vous dire ma conception de la décentralisation.
Comme l'avait écrit le Premier ministre dans sa lettre à Pierre Mauroy, la décentralisation se doit d'être plus légitime, plus efficace et plus solidaire.
J'y vois d'abord, et avant tout, le moyen de développer, vivifier, entretenir la démocratie de proximité. Je suis convaincu que la bonne gestion publique est celle qui se fait au plus proche du citoyen. La recherche de la proximité est ce qui fonde la décentralisation, car c'est elle qui conditionne davantage de démocratie. Si la participation aux élections locales reste importante, cela ne doit rien au hasard : les citoyens y voient concrètement le sens de leur suffrage et du contrôle qu'ils souhaitent exercer sur leurs mandants. Renouer et accroître le lien entre le citoyen et l'élu est, à mon sens, la priorité en la matière et doit être l'axe autour duquel s'articuleront les décisions.
Ce lien démocratique est un bien trop précieux pour être gâché dans des débats stériles. Ainsi de la question institutionnelle sur le nombre de niveaux et, pour parler clair, de l'avenir des départements. Aux Français, cela importe peu et la France ne souffre pas d'un trop plein de services publics. L'exception française ne tient pas au nombre de niveaux de collectivités : une structuration en trois niveaux n'est pas inhabituelle en Europe. Une réforme brutale de la carte territoriale doit être écartée. Je préfère voir redéfinis le rôle et l'action des départements, maintenant que l'intercommunalité s'affirme, notamment dans les agglomérations, ainsi que le mode d'élection de leurs représentants qui doit trouver un meilleur équilibre dans la représentation du monde urbain et du monde rural.
Pour que la décentralisation gagne en légitimité, le débat peut également s'ouvrir sur des mesures favorisant la participation à la vie locale, permettant l'émergence d'élus davantage encore à l'image de la population, et simplifiant l'exercice de leur mandat. Et, bien entendu, viendra le temps de l'élection au suffrage universel des délégués intercommunaux.
Gagner en efficacité : la question n'est pas de savoir pour qui se fait la décentralisation, mais pour quoi faire. C'est ainsi que devront être abordés de nouveaux transferts de compétences et la coordination de l'exercice des compétences de chacun. Aucun domaine n'est aujourd'hui tabou et les propositions de la commission, qui pourraient concerner les établissements d'enseignement, les équipements, le logement, l'action sanitaire et sociale, pourront déboucher sur des propositions concrètes si un consensus se dégage.
La solidarité doit guider la répartition des moyens. Je suis attaché à une fiscalité locale, à la fois plus juste, qui soit la garantie de la libre administration des collectivités locales, et qui assure un lien étroit entre le contribuable et la collectivité locale, entre le citoyen et l'élu. Sans doute, faut-il aller vers une certaine spécialisation des impôts afin que le citoyen s'y retrouve.
C'est un grand chantier que pourraient ouvrir les propositions de la commission en matière de finances locales. J'aurai, quant à moi, trois priorités : justice de l'impôt, solidarité et péréquation dans les dotations, simplification du système dont je mesure chaque jour un peu plus l'immense complexité.
Enfin, pas plus qu'en 1982, cette nouvelle étape de la décentralisation ne se fera contre l'Etat. D'abord, parce que les élus eux-mêmes ne le demandent pas : ils souhaitent plutôt un Etat bien identifié, regroupant tous les services sous une autorité unique -celle du préfet- afin d'avoir un interlocuteur efficace et disponible. Le projet territorial de l'Etat, combinant la diversité des objectifs publics assignés à l'administration et la nécessaire unité d'action de l'Etat, met les préfets en excellente position face à une nouvelle avancée de la décentralisation. L'équilibre entre les politiques nationales applicables sur tout le territoire et leur adaptation aux situations locales pourra ainsi être maintenu. Et plus la décentralisation sera large, plus l'Etat sera légitime à faire prévaloir la loi commune. Il appartiendra ainsi aux préfets d'être à la fois les acteurs de la décentralisation et ses gardiens.
2.4 - La modernisation des préfectures et des services locaux de l'Etat.
La réforme de l'Etat territorial est une priorité du gouvernement, et particulièrement du ministre de l'intérieur. Plusieurs éléments militent pour une évolution rapide de notre mode d'administration du territoire :
- tout d'abord, les perspectives que je viens de rappeler en matière de décentralisation. La recomposition du territoire avec les nouvelles formes d'intercommunalité et de nouveaux transferts de compétences ne resteront pas sans impact sur les missions, l'organisation et le fonctionnement de l'Etat territorial,
- les attentes des usagers, ensuite : la modernisation de l'Etat a avant tout pour objectif le service du citoyen. Ce dernier exprime des attentes que nous avons le devoir de prendre en compte.
Attentes en matière de proximité tout d'abord, je l'ai indiqué. Les préfectures et les sous-préfectures sont les correspondants naturels des acteurs locaux et des usagers des services publics ; il faut renforcer leur présence.
Mais aussi attentes en termes d'efficacité : l'usager, qui peut constater quotidiennement les avancées réalisés par d'autres services publics ou privés, admet de moins en moins un mode de fonctionnement qui ne fait pas suffisamment place à un accueil individualisé, à une écoute de qualité et à un traitement rapide des dossiers.
En prenant la tête du ministère de l'intérieur, qui est aussi celui de l'administration du territoire, j'ai l'ambition de conforter notre institution préfectorale en poursuivant , en accélérant et en complétant les chantiers de modernisation qui ont été ouverts depuis quelques années.
J'ai une conviction forte : pour faire face aux enjeux des prochaines années, l'Etat territorial ne sera fort que s'il conforte sa présence auprès de tous les citoyens et s'il évolue vers une administration plus cohérente et plus lisible autour du préfet. Les préfectures et les sous-préfectures doivent naturellement être le pivot de cette administration modernisée.
Lors du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat, le gouvernement a confirmé le rôle de l'administration territoriale dans la mise en uvre des politiques publiques et a donné un nouvel élan à la déconcentration. Il l'a fait en vous conférant des pouvoirs nouveaux en matière d'organisation des services et de régulation du travail interministériel dans les régions et les départements. L'objectif est de promouvoir un management participatif et transparent des services déconcentrés.
Ces outils sont en cours de mise en uvre. Je souhaite être informé régulièrement de la situation, car il m'appartiendra de rendre compte au gouvernement de la façon dont les ambitions qu'il a exprimées pour l'administration territoriale se sont traduites dans les faits.
Tout en reconnaissant l'ampleur du travail accompli, je note des différences de situation importantes entre départements. Je ne retiendrai que deux exemples.
- Le projet territorial de l'Etat.
C'est la clé de voûte du dispositif. C'est dans ce document que le préfet et toute son équipe de chefs de services définissent la stratégie de l'Etat pour une période pluriannuelle qui ne doit pas être inférieure à trois ans. C'est à la fois un outil de lisibilité de l'action de l'Etat pour ses partenaires, mais aussi un guide et une référence pour tous les fonctionnaires de l'Etat. Tous les départements doivent être dotés d'un tel projet avant la fin de l'année.
En vue d'un comité de pilotage que le directeur général de l'administration présidera avec le délégué interministériel à la réforme de l'Etat, le 29 septembre prochain, vous avez adressé au ministère une première ébauche de votre projet territorial. En première analyse, les résultats sont inégaux selon les départements. En soi, ce n'est pas une surprise puisque l'exercice a été totalement déconcentré et la part laissée à l'initiative locale a été grande. Indépendamment de quelques très rares cas dans lesquels les objectifs même du projet territorial n'ont pas été bien compris, deux faiblesses ont été pointées dans plusieurs documents :
- un décalage entre un état des lieux et un diagnostic précis, exhaustifs et pertinents, et une définition de priorités très générales et le plus souvent en retrait par rapport aux ambitions affichées ;
- l'absence de traduction de ces priorités dans un schéma de répartition des compétences entre les services, ou dans l'organisation même des services.
Ces imperfections s'expliquent sans doute par le fait que les documents transmis ne sont pas achevés et que les dernières phases de la préparation des projets n'ont pas encore été menées à leur terme. Le comité de pilotage national sera amené à vous faire des recommandations. Je vous demande de maintenir la mobilisation de vos collaborateurs et de vos services jusqu'au parfait achèvement de ces documents, car ce qui est en jeu c'est notre capacité collective à faire évoluer l'administration territoriale.
- Les systèmes d'information territoriaux.
Alors que l'échéance fixée par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat est la fin de cette année, la situation est, là encore, très inégale. Une enquête est en cours et me permettra de prendre la mesure des réalisations. Le SIT est le premier élément d'un nouveau mode de fonctionnement en réseau des services de l'Etat. Si nous ne démontrons pas notre capacité à mettre en place un outil aussi essentiel, c'est notre crédibilité interministérielle qui sera en cause. Compte tenu des délais, je demande à ceux d'entre vous qui estiment qu'ils ne seront pas en mesure de respecter l'instruction gouvernementale de se signaler rapidement auprès de la DGA pour que des solutions appropriées soient trouvées ensemble.
La modernisation des préfectures nécessite aussi une évolution des relations avec les administrations centrales. Le réseau territorial doit être piloté, c'est la mission de la direction générale de l 'administration.
La réforme de l'administration centrale et de ses modes de fonctionnement est une de mes priorités. J'encouragerai tout ce qui ira dans le sens d'un accroissement des responsabilités des acteurs locaux sur la base d'objectifs clairs, et à condition que les moyens correspondants soient déconcentrés en parallèle. Tous les outils de dialogue et de contrôle de gestion qui sont en cours de définition ou de mise en uvre, notamment dans le cadre de l'expérimentation de la globalisation des crédits, me paraissent aller dans le bon sens.
Tous ces éléments ne résument pas la réforme de l'Etat territorial et celle des préfectures. Il faut repenser notre organisation, nos modes de fonctionnement en les mettant en relation avec l'évolution des missions ; la question des moyens n'est pas absente, et tout particulièrement celle de la gestion des ressources humaines. C'est l'objet même des assises de la modernisation des préfectures de mettre tous ces éléments en perspective.
Mon prédécesseur avait souhaité que la définition d'un plan de modernisation soit précédé d'une phase de réflexion et de débat avec l'ensemble des agents des préfectures. J'ai pu voir à la préfecture de l'OISE, que j'ai récemment visitée, et en consultant le forum ouvert sur l'intranet du ministère, que le dialogue est bien engagé et que le cadre national des préfectures s'exprime de façon très positive sur l'avenir des préfectures, même s'il exprime aussi des craintes qui appellent des réponses.
Dès ma prise de fonction, j'ai confirmé mon intérêt tout particulier pour ses assises, qui se dérouleront à, LYON le 23 novembre prochain. Ce sera pour moi l'occasion d'aller à la rencontre des personnels, de les écouter et de débattre.
A partir des nombreuses contributions, nous construirons un plan pluriannuel, qui aura vocation à conforter l'institution préfectorale, à donner des perspectives aux agents et à permettre aux préfectures et aux sous-préfectures d'être le fer de lance de cette administration de l'Etat de proximité, que j'évoquais précédemment.
2.5 - L'immigration et la lutte contre le travail clandestin
En matière d'immigration, je l'ai dit tout à l'heure, je veux confirmer les orientations qui ont été prises.
Depuis quinze ou vingt ans, cette question a été au cur de bien des débats. La loi a été souvent modifiée, brouillant tout à la fois la compréhension des réalités et la politique suivie. Les invectives, les craintes irraisonnées, les naïvetés aussi n'ont pas manqué. Mais on voit bien que la question est au cur de bien des sujets : l'état des rapports que nous avons avec le monde extérieur - lequel d'entre nous a été indifférent au drame du conflit algérien de ces récentes années, ou de celui de l'Afrique des grands lacs ? - ; la place de la main-d'uvre peu qualifiée dans notre vie économique ; la solidité de notre système d'aide sociale ; l'étendue des droits des membres d'une même famille à vivre ensemble Tout cela n'est pas négligeable et doit être soigneusement pesé.
La loi du 11 mai 1998 a voulu reprendre l'ensemble de ces données. Elle a réalisé un bon équilibre entre les droits et les devoirs des étrangers : simplification des procédures (notamment sur l'attestation d'accueil), inscription dans la loi des droits liés à ceux ouverts par le juge (protection de la vie privée et familiale), garanties accrues données aux personnes (y compris en centre de rétention), nouveaux titres destinés à faciliter le séjour (je pense à la carte dite " retraités " ou à celle dite " scientifique ").
Dans le même sens que la loi, des textes réglementaires ou internationaux vont être pris : j'ai présent à l'esprit par exemple les négociations en cours avec l'Algérie pour améliorer l'accord bilatéral ou l'initiative que je prendrai bientôt en matière de titres de séjour des ressortissants communautaires.
Mais en même temps - c'est l'équilibre que j'évoquais tout à l'heure -, la loi a renforcé les sanctions contre les passeurs ; elle a allongé les délais de la rétention pour l'éloignement. Elle a donc donné à l'autorité publique des moyens accrus de lutter contre l'immigration clandestine. Ces moyens doivent être utilisés et une plus grande efficacité doit en résulter.
Cet équilibre réalisé dans notre pays a permis à la France de peser très substantiellement dans les préparatifs du Conseil européen de Tampere qui, voici moins d'un an, a défini ce que devait être la politique européenne en la matière. La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement met l'accent simultanément sur quatre thèmes indissociables : le rapprochement avec les pays d'origine pour les développer (notamment par le biais de mouvements migratoires acceptés) : c'est le co-développement ; l'intégration des étrangers installés régulièrement dans l'Union européenne ; la maîtrise des flux migratoires, c'est-à-dire le contrôle efficace des frontières ; enfin le respect du droit d'asile, qui correspond, vous le savez, aux traditions de la France.
Ce sont ces principes qui sont mis en uvre durant la présidence française de l'Union européenne ; ce sont eux qui ont inspiré les textes que nous avons déposés et les initiatives que nous avons prises depuis le 1er juillet.
Aujourd'hui, cet équilibre pourrait être mis en cause par l'arrivée de clandestins. Faute d'être arrêtés efficacement, ces clandestins arrivent dans les Etats-membres depuis les Balkans, le Moyen-Orient ou l'Asie. La mort à Douvres, le 19 juin, de 58 Chinois a révélé une part cruelle de ce trafic. Elle ne l'a pas fait cesser.
Cet afflux transite par la France ou y aboutit. On sait les difficultés de Calais ou de la zone d'attente de Roissy ou encore de Modane, de Menton ou du Perthus. On sait aussi les difficultés qui en découlent pour l'hébergement, les prestations sociales, les soins, l'enseignement : les fonctionnaires, notamment de préfecture et de police, se débattent aujourd'hui avec des problèmes difficiles.
Je vous demande de veiller d'abord à "bousculer", ensuite à ralentir et à diminuer substantiellement ces flux, notamment dans le couloir qui relie la frontière italienne au littoral de la mer du Nord. Une circulaire en ce sens a été envoyée à ceux d'entre vous qui sont concernés, le 20 juillet dernier. Pour réussir, vous devez mobiliser de la manière la plus efficace possible tous les services concernés. La tâche est difficile ; il me revient de vous la faciliter. Mais je serai attentif aux résultats que vous obtiendrez.
Parmi les difficultés nouvelles, l'utilisation des procédures à des fins dévoyées est devenue fréquente. L'asile et l'asile territorial, en particulier, sont demandés par l'étranger dès qu'il a le sentiment qu'il risque un éloignement. Il en résulte l'embouteillage des guichets, la lassitude des agents, l'allongement inconsidéré des délais et la multiplication du nombre de séjours d'étrangers obtenus par la ruse ou la fraude.
Je vais d'abord m'attacher à vous aider à régler les difficultés matérielles qui en résultent : un contingent de 38 emplois a été obtenu, en loi de finances pour 2001, d'agents affectés exclusivement à ces tâches. Je m'efforcerai d'obtenir davantage.
Et, simultanément, j'ai demandé à ce qu'on réfléchisse dans les meilleurs délais sur toutes les mesures possibles pour faire cesser un état de fait, qui n'est pas acceptable.
Ces difficultés ne doivent pas vous faire oublier la tâche entreprise pour faciliter l'intégration - c'est aussi d'ailleurs une autre orientation du Conseil européen de Tampere. Les CODAC, mais aussi des mesures concrètes, comme en matière de recrutement d'adjoints de sécurité ou de policiers, y concourent.
Vous devez rester vigilant à cet égard : l'abondance des appels enregistrés au " téléphone vert " sur les discriminations est incontestablement un révélateur de l'importance de l'effort à accomplir pour surmonter les difficultés qui demeurent vivaces en la matière. Cette abondance d'appels est sans aucun doute le miroir d'un vrai malaise social, auquel il faut résolument s'attaquer. L'accueil sans réserve, au sein de notre société, des jeunes issus de l'immigration, devenus Français, est un impératif que chacun doit comprendre. La baisse du chômage pourrait à cet égard se révéler catastrophique, si le reflux laissait au bord du chemin ceux que l'absence de travail a le plus pénalisés.
Voilà ce que je voulais vous dire pour l'immigration : équilibre entre l'intégration et la fermeté. Toutes deux concourent à la préservation de notre vie sociale.
2.6 - Les élections.
Je terminerai en abordant la question des élections et plus particulièrement des listes électorales.
La phase de révision annuelle des listes électorales, qui a débuté le 1er septembre dernier et qui s'achèvera le 30 décembre prochain, se déroule dans le contexte d'une actualité particulièrement sensible à la sincérité des listes électorales dans la perspective des élections municipales et cantonales de mars 2001.
Mon prédécesseur vous a déjà demandé, par une circulaire du 9 juin dernier, de porter une attention toute particulière à la composition des commissions administratives chargées de la révision des listes électorales. Je souhaite à mon tour vous indiquer tout l'intérêt que j'attache à ces questions essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie. L'article 72 de la Constitution, qui confie la charge du respect des lois aux délégués du gouvernement que sont les préfets, trouve là une de ses applications essentielles. J'ai donc prescrit des mesures nouvelles pour renforcer votre action.
La révision en cours est propice à la mise en uvre d'une procédure nouvelle permettant aux préfectures de mettre à la disposition des commissions administratives un instrument d'appréciation distinct et complémentaire des dossiers habituellement instruits pas les seuls services municipaux. La tenue du référendum du 24 septembre 2000, dont les préfectures maîtrisent l'essentiel de l'organisation matérielle, notamment en matière d'expédition des documents électoraux adressés aux électeurs, offre une occasion particulière d'initiative aux services de l'Etat pour identifier les électeurs indûment inscrits sur les listes électorales.
Les mesures à mettre en uvre sont détaillées dans une circulaire que je viens de signer. Elles s'appuient sur la possibilité de croiser les données dont vous disposez avec le fichier du service national de l'adresse de La Poste qui retrace les changements d'adresse au cours des 36 derniers mois dans les départements de métropole. Ces mesures, qui sont limitées aux communes de plus de 10.000 habitants pour réduire la charge de travail de vos services, doivent permettre de radier les électeurs inscrits indûment tout en préservant les droits des citoyens de bonne foi. En effet, 12% environ de la population française change d'adresse annuellement, sans pour autant que les électeurs concernés pensent toujours à modifier en conséquence leur inscription sur les listes électorales.
Le respect du calendrier qui vous est indiqué dans la circulaire est un élément essentiel de réussite de cette opération ; je vous demande d'y veiller. Des moyens supplémentaires vous seront donnés pour faire face à cette charge nouvelle et ponctuelle. En plus des informations que vous transmettrez aux commissions administratives, vous vous ferez rendre compte de leurs travaux et vous ne devrez pas hésiter à engager les contentieux qui devront sanctionner le travail incomplet ou partial de certaines commissions.
Cette action importante n'est rendue possible que par l'organisation d'un référendum ; elle ne pourra donc pas se renouveler facilement. Or, il faut tenir compte des faiblesses du système actuel reposant sur le bénévolat des membres insuffisamment formés des commissions administratives placés auprès des 64.000 bureaux de votes de notre pays, dans un contexte de mobilité croissante de la population. Ces éléments me conduisent donc à engager une réflexion sur une réforme de plus grande ampleur de notre système d'établissement des listes électorales dont j'aurai l'occasion de vous reparler.
Pour cette première rencontre, Mesdames et Messieurs les Préfets, j'ai tenu à vous faire part de mes orientations et instructions sur les principaux sujets qui font le quotidien de ce ministère et de votre activité. D'où la durée tout à fait exceptionnelle de mon intervention d'aujourd'hui.
Je souhaite, par ailleurs, que ces réunions de préfets soient l'occasion d'un réel échange. C'est pourquoi après l'intervention de Christian PAUL, Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je vous demanderai de me faire part de vos observations sur le climat social dans vos départements, mais également dans vos services.
Je vous remercie.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 25 septembre 2000)
Après avoir salué chacune et chacun d'entre vous pour marquer ma volonté d'établir avec vous un contact personnel chaque fois que ce sera nécessaire, je veux vous dire ma fierté d'exercer mes fonctions à la tête d'un ministère qui est le ministère de l'Etat par excellence, et qui est aussi le ministère de l'administration du territoire.
Servir l'Etat, c'est le choix que vous avez fait à l'âge où l'on choisit un métier. Mais servir l'Etat dans la fonction préfectorale est un choix exigeant qui vous confère des responsabilités éminentes, procure de grandes satisfactions mais impose des devoirs particuliers.
Dans notre Etat de droit, les fonctions publiques sont définies par un texte. Pour les préfets, ce texte est la Constitution. C'est la seule fonction que le texte constitutionnel définit, en dehors des pouvoirs centraux nationaux. L'article 72 de la Constitution dispose en effet : "dans les départements et les territoires, le délégué du gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois". La loi et le règlement sont venus préciser et organiser ce que la Constitution indique, mais ce dernier alinéa de l'article 72 exprime mieux que de longs discours l'importance de votre fonction, celle de garant de la cohésion sociale dans votre circonscription.
Cette fonction que vous exercez avec le corps des sous-préfets et les personnels du cadre national des préfectures est reconnue par tous nos concitoyens qui souvent se tournent vers vous, attendant beaucoup de vous par temps calme comme par temps de crise, parce que vous représentez l'Etat, expression de la nation.
La période de crise que nous avons connue il y a quelques jours a été une nouvelle illustration de la nécessité de votre fonction, de votre compétence et de votre savoir faire. Vous avez su prendre les initiatives opportunes pour assurer l'approvisionnement en carburant des services prioritaires, faire preuve du sens du dialogue et de la fermeté nécessaire pour accompagner la sortie de crise qui n'aura été marquée par aucune violence. Au delà du débat sur le fond des revendications et la nature des réponses qui leur ont été apportées, tous les observateurs ont souligné l'efficacité des dispositions prises pour gérer cette crise et le Premier Ministre a notamment rendu hommage au travail accompli par les fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur.
Cette fonction éminente, qui est la vôtre, célèbre cette année son bicentenaire. Depuis deux siècles, l'institution préfectorale structure notre système administratif territorial. Elle a subi, certes, de nombreux changements, comme toutes les institutions humaines, mais a fait constamment la preuve de son efficacité dans l'administration de notre pays en s'adaptant aux besoins et aux préoccupations des Français. Les missions essentielles du corps préfectoral sont restées fondamentalement les mêmes parce qu'elles correspondent à la culture de notre pays.
Il lui revient d'exprimer, comme le veulent les Français, à la fois la permanence de l'Etat et le mouvement de la société, de concilier l'intérêt général national et le légitime développement des responsabilités locales, de permettre l'expression de la diversité et de garantir l'aspiration à l'unité.
C'est une tâche exaltante, difficile que vous exercez avec ce sens de l'Etat qui est au cur de votre fonction et auquel je tiens à rendre hommage.
A propos de sens de l'Etat, je vous confirme que j'ai dû reporter le colloque qui lui était consacré, prévu les 5 et 6 octobre prochains. Certains d'entre vous s'en sont étonnés, m'a-t-on dit. Je tiens à les rassurer à la fois sur le sens de l'Etat du nouveau ministre de l'intérieur et sur l'intérêt qu'il porte à la célébration du bicentenaire du corps préfectoral et des préfectures. Mais il était impossible matériellement de tenir la date prévue, la préparation du colloque ayant été suspendue pendant l'été et mes engagements en octobre, notamment ceux liés à la présidence française de l'Union européenne et aux travaux du Parlement, ne m'ont pas permis de trouver une date proche de celle initialement prévue.
Le service du pays, le sens de l'Etat ont été la ligne directrice de l'un de vos collègues qui a été atteint hier par la limite d'âge et auquel je tiens à rendre un hommage particulier. Georges PEYRONNE, Préfet de la région Aquitaine, Préfet de la Gironde a connu un parcours exceptionnel qui mérite à tous égards d'être cité en exemple. Très grièvement blessé dans les combats en Algérie, il est entré dans l'administration comme adjoint administratif. Par son travail, sa volonté, ses talents exceptionnels, il a accédé aux plus hautes responsabilités de la fonction publique. Grand serviteur de l'Etat, il a acquis une connaissance exceptionnelle des hommes à laquelle il a souvent été fait appel ; c'est aussi un grand amateur d'art moderne ; bref, un haut fonctionnaire humaniste qui aura marqué votre corps. En votre nom à tous, je veux lui témoigner notre reconnaissance et notre amitié.
Avant de développer devant vous les principes qui vont guider mon action et les principaux chantiers que j'entends conduire ou engager avec vous, je voudrais rapidement vous présenter mes collaborateurs directs dont les fonctions sont définies dans un document qui vous sera distribué. Vous connaissez vos deux collègues qui sont à mon cabinet, Bernard BOUCAULT et Michel BART, ainsi qu'Yves COLMOU conseiller auprès de moi et qui a eu l'occasion, dans de précédentes fonctions, de travailler avec nombre d'entre vous. Vous serez également en contact pour vos déplacements avec Jean-Christophe ERARD, chef de cabinet. Pour l'équipe des conseillers techniques, j'ai notamment fait appel à plusieurs hauts fonctionnaires de cette maison, administratifs et de police, dont j'ai déjà apprécié, depuis un mois, la compétence, la disponibilité et la réactivité. Quand je parle de collaborateurs directs, il s'agit de ceux qui sont géographiquement les plus proches de moi. Mais je tiens à consulter très fréquemment les directeurs généraux et les directeurs sur les questions de leur compétence. Un cabinet doit filtrer, informer, synthétiser, mais il ne doit pas être un écran ou jouer un rôle d'obstruction. Je l'ai dit aux directeurs généraux et directeurs, et je tiens à le redire devant vous. Je sais que les membres de mon cabinet ne m'empêcheront pas de rester en contact direct avec les uns et les autres chaque fois que nécessaire.
I - PRINCIPES D'ACTION
Trois principes fondamentaux vont guider mon action.
1er principe d'action : la continuité
Mon action s'inscrira, tout d'abord, dans la continuité des mesures prises depuis trois ans pour mettre en uvre les orientations définies par le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale.
*Ce sera, en premier lieu, le cas en matière de sécurité des personnes et des biens, deuxième priorité de l'action gouvernementale après la lutte contre le chômage.
- L'objectif a été clairement fixé : faire reculer l'insécurité au quotidien. Ainsi que le soulignait le Premier Ministre en juin 1997, "la sécurité est un droit fondamental de la personne humaine Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité."
Il nous incombe, il vous incombe de tout mettre en uvre pour lutter contre l'insécurité. Celle-ci est, en effet, une injustice sociale parce qu'"elle menace d'abord les plus faibles, notamment les personnes âgées, et les plus démunis d'entre nous". En garantissant le droit à la sécurité, nous permettons l'exercice des libertés publiques et contribuons à la justice sociale.
- Les modalités de cette action résolue contre l'insécurité ont été définies lors du colloque de Villepinte, à l'automne 1997, et reposent sur trois idées fondamentales :
- 1ère idée fondamentale : la sécurité ne peut être le seul fait de la police ou de la gendarmerie, mais doit également mobiliser tous ceux qui peuvent y concourir : services de l'Etat, collectivités locales, organismes parapublics, associations La sécurité est et ne peut être qu'une coproduction, dont l'un des instruments fondamentaux est le contrat local de sécurité.
- 2ème idée fondamentale : la sécurité doit reposer sur une approche globale, qui implique de la prévention autant qu'il est possible, de la dissuasion autant qu'il est souhaitable, et de la sanction dès que nécessaire.
- 3ème idée fondamentale : la priorité est et doit être donnée à la lutte contre l'insécurité au quotidien sur tout le territoire. Les services de police doivent, en conséquence, pouvoir concentrer leurs efforts sur les missions opérationnelles, notamment de voie publique. C'est la raison d'être de la police de proximité, qui doit continuer d'être mise en uvre avec détermination.
*Continuité également en matière d'administration du territoire.
"L'évolution du monde et de notre société, les nouvelles technologies rendent nécessaires aujourd'hui une adaptation de l'Etat et un vaste effort de rénovation du service public", indiquait le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale.
Sous votre impulsion, l'administration territoriale s'est résolument engagée dans cette voie. Les préfectures sont au cur du processus de réformes fondé notamment sur l'élaboration et la mise en uvre du projet territorial de l'Etat, la réalisation d'un système d'information territorial, le développement des pratiques de travail interministériel, la globalisation et la déconcentration des moyens.
Dans tous ces domaines, le processus engagé doit se poursuivre et s'amplifier. J'y veillerai personnellement.
Préfectures et sous-préfectures occupent -et doivent continuer d'occuper- une place centrale dans l'organisation territoriale de l'Etat, et dans sa nécessaire et permanente adaptation aux attentes de nos concitoyens.
*Poursuite, en troisième lieu, de l'action engagée en matière d'exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux.
Continuité également dans le domaine des libertés publiques sans lesquelles, vous le savez bien, il n'y a pas de sécurité qui vaille. Liberté d'expression, liberté de conscience, liberté d'aller et venir il appartient à ce ministère non pas seulement de protéger ces libertés fondamentales mais, chaque fois que possible, de les développer.
Des chantiers majeurs pour l'avenir de notre pays ont à cet effet été ouverts. Il nous faut les poursuivre et les faire réussir.
Tel est le cas de l'accès à la citoyenneté et des actions engagées avec les CODAC, grâce à votre concours déterminant, pour permettre à tous les jeunes, et tout particulièrement à ceux issus de l'immigration, de pleinement s'intégrer dans notre société, d'y exercer leurs droits, mais aussi d'y remplir leurs devoirs.
Tel est le cas, également, de l'action engagée, avec la consultation des musulmans de France, en direction de l'Islam pour assurer l'intégration du culte musulman, dans le cadre juridique particulier qui régit en France les rapports entre les pouvoirs publics et les cultes.
A cette fin, un dialogue a été ouvert, d'une part, pour permettre aux personnes de confession musulmane d'exercer les droits que la loi républicaine rend incontournables, d'autre part, pour les aider à réaliser la représentation nationale de leur culte. Ces objectifs sont nécessaires et difficiles, mais j'entends y parvenir.
J'aurai l'occasion de rencontrer dans un avenir proche les responsables des principales organisations musulmanes.
De récentes polémiques, qui ont provoqué une légitime émotion parmi les musulmans, m'incitent à vous recommander de demeurer attentifs aux questions touchant à l'islam. Vous aurez notamment à conseiller aux municipalités, chaque fois que cela sera nécessaire, de faciliter, dans la mesure du possible et dans le respect des préoccupations d'urbanisme, de sécurité et d'ordre public, l'accès des musulmans à des lieux de culte dignes et sûrs, qu'il leur appartient naturellement de louer, d'acquérir ou de faire construire. Cette question est au cur du libre exercice des cultes, qui est un des droits fondamentaux reconnus par la République dans le cadre de la laïcité.
Tel est le cas, enfin, d'un autre chantier majeur pour l'avenir de notre pays, celui des importantes réformes mises en uvre pour moderniser notre vie politique : inscription d'office sur les listes électorales des personnes âgées de 18 ans, incompatibilités entre mandats électoraux, égal accès des femmes et des hommes à la vie publique...
S'agissant de l'exercice du droit fondamental qu'est le droit de vote, des efforts importants demeurent cependant à accomplir pour garantir la pleine transparence de notre vie démocratique. Pour ce faire, les listes électorales doivent être tenues de façon exemplaire. A cet effet, et j'y reviendrai dans quelques minutes, l'implication des préfets et de l'administration préfectorale est essentielle pour y parvenir.
*Continuité, enfin, en matière de lutte contre l'immigration clandestine.
L'action voulue par le Premier Ministre depuis trois ans, fondée sur la maîtrise des flux migratoires et le respect de la dignité humaine, a permis de procéder au règlement d'un ensemble de situations difficiles héritées de la période antérieure. De nouvelles dispositions législatives ayant été fixées par la loi du 11 mai 1998, cette question a perdu son tour polémique, et l'effort de lutte contre l'immigration clandestine a été développé avec le souci constant d'une application humaine et égale de la loi.
Cet équilibre-là, j'entends le maintenir, de même que je veux prévenir les dérives qui le remettraient en cause.
2ème principe d'action : la proximité
Le deuxième principe qui déterminera mon action est la mise en place d'un véritable service public de proximité.
Un service public de proximité, c'est bien sûr un service géographiquement proche de l'usager. Mais c'est aussi un service public plus accessible, qui sait aller au devant des attentes de nos concitoyens et qui sait être proche des plus démunis et des plus isolés.
*C'est l'objectif de la police de proximité, qui ne saurait se réduire à une remise au goût du jour de l'îlotage .
La police de proximité a une toute autre ambition. Ainsi que l'a clairement et précisément défini la doctrine d'emploi, la police de proximité c'est, certes, une police territorialisée, mais c'est aussi une police au contact permanent avec la population, soucieuse d'assurer le meilleur service au public, et assurée par des policiers ayant une mission polyvalente et disposant d'une réelle capacité d'initiative.
De la mise en uvre de ces nouveaux modes de travail et de ce nouvel état d'esprit dépend le plein succès de la police de proximité telle que la souhaitent nos concitoyens. La police nationale a la capacité d'y parvenir ; elle seule peut lui donner toute sa dimension à la fois de prévention, de dissuasion et de répression.
*Assurer un service de proximité, c'est le fondement même de l'administration territoriale de l'Etat, et au premier rang de celle-ci des préfectures et des sous-préfectures.
Par sa présence sur tout le territoire avec le réseau des préfectures et des sous-préfectures, l'administration préfectorale constitue un service de proximité par excellence.
Au contact quotidien des élus, comme de la population et de leurs préoccupations, les préfectures et les sous-préfectures doivent être le fer de lance d'une administration plus proche de nos concitoyens, plus soucieuse d'efficacité, plus désireuse encore d'aller vers l'usager et de répondre à ses attentes.
La proximité de l'administration préfectorale dans l'action de terrain au service de tous nos concitoyens, et en particulier des plus démunis qui ont le plus besoin d'Etat, doit ainsi être encore renforcée, et la présence de l'Etat sur tout le territoire être affirmée.
*Police de proximité, administration territoriale de proximité, mais aussi démocratie de proximité.
Ainsi que l'a rappelé récemment le Premier ministre dans son discours de la Rochelle, le 3 septembre dernier, nous devons "démocratiser notre République, pour lui donner de la vitalité, pour la rapprocher des citoyens, pour qu'elle prenne plus de sens à leurs yeux." Cela implique notamment, soulignait-il, "une République plus démocratique, accordant pour cela plus de pouvoir au peuple, et soulignant mieux la responsabilité de l'élu."
C'est tout l'enjeu de la nouvelle phase de la décentralisation qui doit s'engager, nouvelle phase destinée non pas à démembrer le service public ou à remettre en cause les attributions régaliennes de l'Etat ou ses missions de solidarité nationale, mais qui doit avoir pour objectif de parvenir à une véritable démocratie de proximité.
Cette démocratie de proximité renouvelée implique une clarification des compétences dévolues aux différents niveaux de collectivités locales, un renforcement de la démocratie locale grâce à une simplification des procédures et à une transparence accrue, ainsi que la mise en place de règles et de moyens permettant aux élus locaux de mieux assurer encore leurs responsabilités devant leurs électeurs.
Définir et créer les conditions de cette démocratie de proximité sera, avec la mise en uvre de la police de proximité, l'un des principaux chantiers que nous aurons à conduire ensemble dans les mois à venir.
3ème principe d'action : la modernisation.
La modernisation des services du ministère de l'Intérieur, qu'ils soient centraux ou locaux, est une tâche d'actualité permanente, auxquels plusieurs de mes prédécesseurs ont fait franchir des étapes déterminantes. Je pense en particulier à la loi de modernisation de la police nationale en 1985 ou au plan de modernisation des préfectures en 1990.
Aujourd'hui, à l'aube du nouveau millénaire, en raison tout à la fois des attentes de la population et des évolutions des technologies, une nouvelle étape doit être franchie sans délai, avec le souci de répondre à une triple préoccupation :
*Cette modernisation doit, tout d'abord, concerner tous les secteurs d'activités du ministère de l'Intérieur :
- la police nationale dont la modernisation doit aller de pair avec la mise en uvre de la police de proximité, ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner lors de ma première visite des services de police à Créteil, le 1er septembre dernier ;
- la sécurité civile dont la modernisation doit accompagner l'achèvement et l'adaptation de la départementalisation, comme je l'ai indiqué lors de ma première rencontre à Marignane avec tous les acteurs de la sécurité civile, le 2 septembre dernier ;
- les préfectures pour lesquelles, ainsi que je l'ai rappelé lors de mon déplacement à Beauvais le 14 septembre dernier, il faut réussir ensemble le processus de modernisation engagé, et qui sera notamment marqué par le rendez-vous déterminant des Assises prévues le 23 novembre prochain à Lyon.
*En deuxième lieu, cette modernisation ne doit pas seulement porter sur les conditions de fonctionnement interne : elle doit d'abord et avant tout avoir pour objectif d'améliorer le service rendu et les rapports avec le public et les différentes catégories d'usagers.
*Enfin, cette modernisation ne saurait être seulement une modernisation des moyens, des outils ou des locaux.
Elle doit porter sur tous ces aspects, mais aussi sur les procédures, et plus globalement sur les conditions dans lesquelles le service public est assuré. Les procédures doivent être systématiquement repensées à la lumière des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information. Il nous faut engager résolument cette modernisation tout particulièrement en matière de délivrance des titres réglementaires, et plus généralement pour adapter modes de travail et relations avec l'usager.
L'enjeu est de taille, mais cette modernisation est le corollaire indispensable à la mise en place d'un véritable service public de proximité.
II - LES PRINCIPAUX CHANTIERS QUE J'ENTENDS CONDUIRE OU
ENGAGER AVEC VOUS
Ces principes d'action étant posés, j'en viens aux principaux chantiers que j'entends conduire ou engager avec vous.
J'aborderai aujourd'hui, pour cette première réunion, les six thèmes prioritaires suivants :
- les questions de sécurité publique,
- la sécurité civile,
- la nouvelle étape de décentralisation,
- la modernisation des préfectures et des services locaux de l'Etat,
- l'immigration et la lutte contre le travail clandestin,
- les élections.
Un septième thème fait partie de mes priorités : la Corse. Le Premier ministre m'a confié la responsabilité du projet de loi qui doit permettre d'inscrire l'avenir de la Corse dans la République.
Je ne développerai pas ce thème aujourd'hui, mais je tiens à rappeler les principes qui guident le gouvernement dans sa démarche. Ainsi que l'a indiqué le Premier Ministre à La Rochelle, il ne s'agit pas d'affaiblir les principes républicains ou de distendre l'unité nationale, mais de prendre en compte la spécificité corse, son histoire, son insularité, sa culture et les problèmes particuliers qu'elle pose depuis des décennies. Notre objectif, c'est bien de mieux affirmer la place de la Corse dans la République et d'offrir une perspective positive à nos compatriotes corses. Mais, ce faisant, la Corse n'a pas vocation à être je ne sais quel lieu d'expérimentation pour une nouvelle décentralisation. Par ailleurs, qu'il soit bien entendu que l'Etat ne renonce à aucune de ses prérogatives pour rétablir l'Etat de droit là où il doit l'être, et pour combattre la violence sous toutes ses formes. Les récentes opérations de police judiciaire l'ont bien illustré s'il en était besoin. Et le processus engagé ne peut aller à son terme que s'il y a renonciation et disparition de la violence politique.
2.1 - La sécurité publique
La sécurité de nos concitoyens constitue ma première priorité. Elle requiert de chacun d'entre vous toute votre énergie et toute votre attention pour être à l'écoute des attentes de la population en ce domaine, et pour mettre en uvre des dispositifs efficaces pour faire reculer l'insécurité sous toutes ses formes.
J'insisterai aujourd'hui sur trois orientations majeures.
2.1.1 - Conforter et développer la dynamique des contrats locaux de sécurité :
Parce qu'ainsi je vous l'indiquais tout à l'heure, la sécurité est une coproduction, elle ne peut être atteinte que par la voie d'une politique globale associant les services de l'Etat mais aussi d'autres acteurs, et notamment les collectivités locales et le secteur associatif et social.
Les contrats locaux de sécurité sont l'outil privilégié de la mise en uvre de ce partenariat.
Plus de 420 contrats ont d'ores et déjà été signés ; environ 300 sont en cours de préparation. Près des de la population habitant en zone de police nationale est couverte par un contrat local de sécurité signé ou en voie de l'être.
L'objectif est donc désormais moins quantitatif que qualitatif.
La dynamique des contrats locaux de sécurité, dont les premiers sont arrivés à maturité, doit être conservée.
A partir des retours d'analyse des missions d'inspection des différents ministères, comme des observations de la cellule interministérielle d'animation et de suivi des contrats locaux de sécurité, il m'apparaît indispensable d'en renforcer le suivi, d'en approfondir le contenu, en tenant compte, tout particulièrement, des incidences de la mise en place de la police de proximité.
Il vous appartient de faire vivre chaque contrat local de sécurité en vous assurant de son enrichissement, de son adéquation à la situation de chaque partie du territoire concerné et de son adaptation permanente aux besoins de sécurité pour lesquels les partenaires du contrat doivent pouvoir développer et adapter leur potentiel d'actions concrètes.
Je vous demande, pour la fin de cette année, de me transmettre un bilan des premiers résultats obtenus à l'occasion de la mise en uvre des contrats locaux de sécurité signés dans vos départements, de leur impact global sur la sécurité et des conditions effectives de leur suivi. Je vous demande également de me faire toutes propositions pour en conforter l'efficacité.
2.1.2 - Mettre en uvre la police de proximité selon le calendrier arrêté par le gouvernement.
Il ne doit y avoir aucun répit pour la mise en uvre de la police de proximité et le calendrier fixé par le gouvernement doit être strictement respecté.
Conformément à la décision du Conseil de Sécurité Intérieure du 27 janvier 1999, des expérimentations de police de proximité ont été lancées en avril 1999 dans cinq circonscriptions pilotes, puis dans des sites situés dans 63 circonscriptions.
A la suite des Assises nationales de la police de proximité, organisées par mon prédécesseur et dont les travaux ont été clôturés par le Premier ministre, une première vague de généralisation a été lancée concernant la totalité du territoire de ces circonscriptions et intéressant un peu plus de 10 millions d'habitants.
Que ce soit dans les sites d'expérimentation, dans les circonscriptions de sécurité publique déjà concernées par la généralisation ou à Paris, les premiers résultats enregistrés sont encourageants.
La réforme est perçue favorablement par la population et par les élus qui y voient une réponse adaptée à leurs attentes en matière de sécurité au quotidien.
Dans les sites expérimentaux, on observe une baisse de la délinquance générale et, surtout, de la délinquance de voie publique, celle qui touche directement la vie quotidienne de nos concitoyens. Les faits élucidés et l'activité judiciaire y ont sensiblement progressé.
Ces éléments traduisent l'adhésion de tous les personnels aux principes d'action au cur de cette nouvelle doctrine d'emploi.
Le calendrier de généralisation de la police de proximité sera respecté. A la lumière de vos observations et suggestions, la liste des circonscriptions retenues dans la deuxième vague sera arrêtée début octobre pour une mise en place effective en février 2001.
Comme pour la première phase, il vous appartiendra de préparer pour chacune des circonscriptions concernées un projet de police de proximité. Ce projet devra très concrètement mettre en uvre la doctrine de police de proximité. Une attention toute particulière devra être portée à la territorialisation, mais aussi à la polyvalence des fonctions confiées à chaque fonctionnaire de police. Vous devrez également veiller à ce que ces projets prévoient effectivement de nouvelles formes de collaboration entre la sécurité publique, les renseignements généraux et la police judiciaire, s'appuyant sur la police de proximité.
Les moyens nécessaires à la réussite de la réforme, humains et matériels, ont été dégagés pour la mise en place des expérimentations et de la première phase. Des moyens ont d'ores et déjà été prévus pour la 2ème phase lors de la préparation du budget de 2001. Nous en reparlerons plus en détail lors de notre rencontre du 2 octobre sur le budget 2001. L'effort sera ensuite poursuivi dans les mêmes termes : je m'y emploierai au cours des prochaines discussions budgétaires.
2.1.3 - Renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance
Malgré les résultats encourageants enregistrés dans les sites de police de proximité, les indicateurs dont je dispose sur l'évolution de la délinquance depuis le début de l'année montrent une augmentation sensible de certaines catégories de faits constatés.
Certes, la délinquance de voie publique diminue légèrement, attestant ainsi que la mise en place de la police de proximité pèse favorablement sur les délits les plus courants.
Je vous demande, cependant, de rester vigilant et de suivre avec beaucoup d'attention la situation de la délinquance dans vos départements, ses caractéristiques, pour mobiliser les services et les différents acteurs propres à la combattre.
J'ai noté en particulier que la délinquance économique et financière liée à l'utilisation de nouveaux moyens de paiement progressait de façon très significative depuis plusieurs mois. Vous devez en conséquence engager des actions de sensibilisation auprès des usagers et des professionnels pour mieux les informer de ces évolutions et les inciter à prendre toutes mesures utiles, d'information et de précaution notamment, pour limiter ces évolutions très préoccupantes.
Par ailleurs, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance, depuis le début septembre la Direction Générale de la Police Nationale a mis à la disposition d'une dizaine de départements particulièrement sensibles des unités de forces mobiles supplémentaires.
J'attache la plus grande importance à ce que vous suiviez personnellement l'évolution des différentes formes de délinquance et les mesures prises pour les faire reculer. Je vous demande, par ailleurs, de veiller à la bonne coordination de l'ensemble des services qui concourent à la lutte contre la toxicomanie et contre le trafic de produits stupéfiants, trafic qui alimente, comme vous le savez, l'insécurité dans de nombreux quartiers et cités. Je serai, enfin, très attentif aux suggestions que vous pourriez me faire pour renforcer l'efficacité de la lutte contre l'insécurité en tel ou tel domaine.
2.2 - La sécurité civile
Je vais aborder maintenant les questions de sécurité civile.
Les mois qui viennent de s'écouler ont été particulièrement difficiles. Je tiens à vous adresser mes félicitations pour le remarquable travail qui a été réalisé, ainsi que pour la mobilisation efficace de vos services face à des situations de crise très diverses, qui à chaque fois mettaient en péril la sécurité de nos concitoyens.
J'entends faire de la sécurité civile l'un des axes forts de mon action à travers trois grands domaines.
2.2.1 - Une dimension opérationnelle, qui doit être au cur de vos préoccupations
La préparation, l'organisation et la mise en uvre des moyens de secours figurent, je le sais, parmi vos toutes premières priorités. Il en va de l'efficacité, mais aussi de l'image de l'Etat.
Les catastrophes ou crises des derniers mois et les retours d'expérience réalisés ont montré l'absolue nécessité de disposer de plans parfaitement opérationnels. Pour chacun de vos départements, je vous demande de veiller personnellement à ce que le plan ORSEC, les plans de secours spécialisés ou les plans particuliers d'intervention soient à jour. Vous veillerez également à ce que des exercices soient régulièrement organisés pour vérifier leurs conditions de mise en uvre. Il en va de même des règles applicables aux établissements recevant du public, dont l'application et le contrôle doivent s'exercer avec vigilance et rigueur.
De même, sans méconnaître les difficultés auxquelles vous êtes parfois confrontés, je souhaite que les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, dans les départements où cela n'est pas encore fait, soient rapidement publiés.
2.2.2 - Achever et réussir la départementalisation
La loi du 3 mai 1996 a modifié profondément le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. Elle aura permis de dynamiser et de rationaliser l'organisation des secours. La départementalisation doit être achevée en mai 2001 avec la signature des dernières conventions. J'entends que ce processus aille à son terme dans les délais fixés.
Avec la mise en uvre de cette loi, le monde des sapeurs-pompiers a cependant été traversé par de légitimes interrogations.
Dès ma prise de fonction, j'ai tenu à rencontrer l'équipe dirigeante de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Dans l'esprit de reconnaissance que constitue la journée nationale des sapeurs-pompiers, je crois utile que vous puissiez multiplier les contacts tant avec les professionnels qu'avec les volontaires dans le respect, bien entendu, des compétences de chaque collectivité publique.
Tout à l'heure, je rencontrerai le député Jacques Fleury, auteur du rapport sur la mise en uvre de la départementalisation. Nous examinerons les conclusions des travaux de la commission qu'il a présidée.
Très prochainement, je ferai part au Premier ministre de mes propositions qui permettront de donner à la départementalisation son entière plénitude et de gommer certaines imperfections apparues lors de la mise en uvre de la loi de 1996.
2.2.3 - Moderniser la sécurité civile
Mon troisième objectif en la matière est de moderniser la sécurité civile.
La départementalisation est le socle indispensable de cette modernisation. Depuis 3 ans, de grands chantiers ont été engagés. Ainsi, en 2001 débutera le renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères. Toutefois, je crois qu'il faut aller plus loin.
Si l'organisation des secours est, et doit demeurer d'essence locale, l'Etat y a sa place à plus d'un titre. C'est dans un esprit de solidarité et de complémentarité avec les collectivités locales, mais en aucun cas de substitution, que j'entends articuler les différents niveaux de compétences.
Afin de disposer d'une organisation moderne de secours, je souhaite mettre en place un véritable plan de modernisation dont les grands axes de réflexion pourraient être le renforcement des moyens tant juridiques qu'opérationnels des zones de défense, la poursuite de la modernisation de la flotte aérienne et de ses infrastructures au sol, la refonte du réseau de transmission des acteurs de la sécurité civile, la formation des officiers de sapeurs-pompiers et la modernisation du statut des sapeurs-pompiers.
Je compte sur vous pour m'aider à définir, et ensuite pour mener à bien cet ambitieux projet qui devra se dérouler sur plusieurs années.
2.3 - Une nouvelle étape de décentralisation.
Autre chantier aussi prioritaire qu'essentiel : la préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation.
Cette nouvelle étape se profile, vingt ans après les grandes lois Defferre. Non pas que rien n'ait bougé depuis 1982, bien au contraire ! Fondée sur le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, notre décentralisation "à la française" repose sur la loi : c'est dire si le système n'est pas si rigide qu'on le dit. Ainsi, la répartition des compétences n'a pas été figée depuis 1983. De grandes lois, celle de 1992 sur l'administration territoriale de la République ou celle du 12 juillet 1999 portée par mon prédécesseur, ont pu mettre en place et dynamiser l'intercommunalité, cette "révolution silencieuse" comme dit Pierre Mauroy, le président de la commission pour l'avenir de la décentralisation.
Cette commission remettra son rapport au Premier ministre le 18 octobre prochain, résultat d'un long travail approfondi et consensuel, en dépit de réactions de dernière minute qui ne remettent pas en cause les orientations d'ores et déjà définies. Celles-ci devraient comprendre de très nombreuses propositions regroupées autour de grands objectifs rappelés par Pierre Mauroy : une clarification et un accroissement des transferts de compétences, une réorganisation des structures territoriales, le développement de la démocratie locale et sa transparence, une refonte d'ensemble des moyens accordés aux élus locaux pour qu'ils puissent assumer leurs responsabilités.
Il est trop tôt pour dire ce que le Gouvernement entend proposer au pays et, sur la base du rapport de la commission, l'ensemble des mesures envisagées fera l'objet d'un débat public.
Pour ma part, je veux vous dire ma conception de la décentralisation.
Comme l'avait écrit le Premier ministre dans sa lettre à Pierre Mauroy, la décentralisation se doit d'être plus légitime, plus efficace et plus solidaire.
J'y vois d'abord, et avant tout, le moyen de développer, vivifier, entretenir la démocratie de proximité. Je suis convaincu que la bonne gestion publique est celle qui se fait au plus proche du citoyen. La recherche de la proximité est ce qui fonde la décentralisation, car c'est elle qui conditionne davantage de démocratie. Si la participation aux élections locales reste importante, cela ne doit rien au hasard : les citoyens y voient concrètement le sens de leur suffrage et du contrôle qu'ils souhaitent exercer sur leurs mandants. Renouer et accroître le lien entre le citoyen et l'élu est, à mon sens, la priorité en la matière et doit être l'axe autour duquel s'articuleront les décisions.
Ce lien démocratique est un bien trop précieux pour être gâché dans des débats stériles. Ainsi de la question institutionnelle sur le nombre de niveaux et, pour parler clair, de l'avenir des départements. Aux Français, cela importe peu et la France ne souffre pas d'un trop plein de services publics. L'exception française ne tient pas au nombre de niveaux de collectivités : une structuration en trois niveaux n'est pas inhabituelle en Europe. Une réforme brutale de la carte territoriale doit être écartée. Je préfère voir redéfinis le rôle et l'action des départements, maintenant que l'intercommunalité s'affirme, notamment dans les agglomérations, ainsi que le mode d'élection de leurs représentants qui doit trouver un meilleur équilibre dans la représentation du monde urbain et du monde rural.
Pour que la décentralisation gagne en légitimité, le débat peut également s'ouvrir sur des mesures favorisant la participation à la vie locale, permettant l'émergence d'élus davantage encore à l'image de la population, et simplifiant l'exercice de leur mandat. Et, bien entendu, viendra le temps de l'élection au suffrage universel des délégués intercommunaux.
Gagner en efficacité : la question n'est pas de savoir pour qui se fait la décentralisation, mais pour quoi faire. C'est ainsi que devront être abordés de nouveaux transferts de compétences et la coordination de l'exercice des compétences de chacun. Aucun domaine n'est aujourd'hui tabou et les propositions de la commission, qui pourraient concerner les établissements d'enseignement, les équipements, le logement, l'action sanitaire et sociale, pourront déboucher sur des propositions concrètes si un consensus se dégage.
La solidarité doit guider la répartition des moyens. Je suis attaché à une fiscalité locale, à la fois plus juste, qui soit la garantie de la libre administration des collectivités locales, et qui assure un lien étroit entre le contribuable et la collectivité locale, entre le citoyen et l'élu. Sans doute, faut-il aller vers une certaine spécialisation des impôts afin que le citoyen s'y retrouve.
C'est un grand chantier que pourraient ouvrir les propositions de la commission en matière de finances locales. J'aurai, quant à moi, trois priorités : justice de l'impôt, solidarité et péréquation dans les dotations, simplification du système dont je mesure chaque jour un peu plus l'immense complexité.
Enfin, pas plus qu'en 1982, cette nouvelle étape de la décentralisation ne se fera contre l'Etat. D'abord, parce que les élus eux-mêmes ne le demandent pas : ils souhaitent plutôt un Etat bien identifié, regroupant tous les services sous une autorité unique -celle du préfet- afin d'avoir un interlocuteur efficace et disponible. Le projet territorial de l'Etat, combinant la diversité des objectifs publics assignés à l'administration et la nécessaire unité d'action de l'Etat, met les préfets en excellente position face à une nouvelle avancée de la décentralisation. L'équilibre entre les politiques nationales applicables sur tout le territoire et leur adaptation aux situations locales pourra ainsi être maintenu. Et plus la décentralisation sera large, plus l'Etat sera légitime à faire prévaloir la loi commune. Il appartiendra ainsi aux préfets d'être à la fois les acteurs de la décentralisation et ses gardiens.
2.4 - La modernisation des préfectures et des services locaux de l'Etat.
La réforme de l'Etat territorial est une priorité du gouvernement, et particulièrement du ministre de l'intérieur. Plusieurs éléments militent pour une évolution rapide de notre mode d'administration du territoire :
- tout d'abord, les perspectives que je viens de rappeler en matière de décentralisation. La recomposition du territoire avec les nouvelles formes d'intercommunalité et de nouveaux transferts de compétences ne resteront pas sans impact sur les missions, l'organisation et le fonctionnement de l'Etat territorial,
- les attentes des usagers, ensuite : la modernisation de l'Etat a avant tout pour objectif le service du citoyen. Ce dernier exprime des attentes que nous avons le devoir de prendre en compte.
Attentes en matière de proximité tout d'abord, je l'ai indiqué. Les préfectures et les sous-préfectures sont les correspondants naturels des acteurs locaux et des usagers des services publics ; il faut renforcer leur présence.
Mais aussi attentes en termes d'efficacité : l'usager, qui peut constater quotidiennement les avancées réalisés par d'autres services publics ou privés, admet de moins en moins un mode de fonctionnement qui ne fait pas suffisamment place à un accueil individualisé, à une écoute de qualité et à un traitement rapide des dossiers.
En prenant la tête du ministère de l'intérieur, qui est aussi celui de l'administration du territoire, j'ai l'ambition de conforter notre institution préfectorale en poursuivant , en accélérant et en complétant les chantiers de modernisation qui ont été ouverts depuis quelques années.
J'ai une conviction forte : pour faire face aux enjeux des prochaines années, l'Etat territorial ne sera fort que s'il conforte sa présence auprès de tous les citoyens et s'il évolue vers une administration plus cohérente et plus lisible autour du préfet. Les préfectures et les sous-préfectures doivent naturellement être le pivot de cette administration modernisée.
Lors du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat, le gouvernement a confirmé le rôle de l'administration territoriale dans la mise en uvre des politiques publiques et a donné un nouvel élan à la déconcentration. Il l'a fait en vous conférant des pouvoirs nouveaux en matière d'organisation des services et de régulation du travail interministériel dans les régions et les départements. L'objectif est de promouvoir un management participatif et transparent des services déconcentrés.
Ces outils sont en cours de mise en uvre. Je souhaite être informé régulièrement de la situation, car il m'appartiendra de rendre compte au gouvernement de la façon dont les ambitions qu'il a exprimées pour l'administration territoriale se sont traduites dans les faits.
Tout en reconnaissant l'ampleur du travail accompli, je note des différences de situation importantes entre départements. Je ne retiendrai que deux exemples.
- Le projet territorial de l'Etat.
C'est la clé de voûte du dispositif. C'est dans ce document que le préfet et toute son équipe de chefs de services définissent la stratégie de l'Etat pour une période pluriannuelle qui ne doit pas être inférieure à trois ans. C'est à la fois un outil de lisibilité de l'action de l'Etat pour ses partenaires, mais aussi un guide et une référence pour tous les fonctionnaires de l'Etat. Tous les départements doivent être dotés d'un tel projet avant la fin de l'année.
En vue d'un comité de pilotage que le directeur général de l'administration présidera avec le délégué interministériel à la réforme de l'Etat, le 29 septembre prochain, vous avez adressé au ministère une première ébauche de votre projet territorial. En première analyse, les résultats sont inégaux selon les départements. En soi, ce n'est pas une surprise puisque l'exercice a été totalement déconcentré et la part laissée à l'initiative locale a été grande. Indépendamment de quelques très rares cas dans lesquels les objectifs même du projet territorial n'ont pas été bien compris, deux faiblesses ont été pointées dans plusieurs documents :
- un décalage entre un état des lieux et un diagnostic précis, exhaustifs et pertinents, et une définition de priorités très générales et le plus souvent en retrait par rapport aux ambitions affichées ;
- l'absence de traduction de ces priorités dans un schéma de répartition des compétences entre les services, ou dans l'organisation même des services.
Ces imperfections s'expliquent sans doute par le fait que les documents transmis ne sont pas achevés et que les dernières phases de la préparation des projets n'ont pas encore été menées à leur terme. Le comité de pilotage national sera amené à vous faire des recommandations. Je vous demande de maintenir la mobilisation de vos collaborateurs et de vos services jusqu'au parfait achèvement de ces documents, car ce qui est en jeu c'est notre capacité collective à faire évoluer l'administration territoriale.
- Les systèmes d'information territoriaux.
Alors que l'échéance fixée par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat est la fin de cette année, la situation est, là encore, très inégale. Une enquête est en cours et me permettra de prendre la mesure des réalisations. Le SIT est le premier élément d'un nouveau mode de fonctionnement en réseau des services de l'Etat. Si nous ne démontrons pas notre capacité à mettre en place un outil aussi essentiel, c'est notre crédibilité interministérielle qui sera en cause. Compte tenu des délais, je demande à ceux d'entre vous qui estiment qu'ils ne seront pas en mesure de respecter l'instruction gouvernementale de se signaler rapidement auprès de la DGA pour que des solutions appropriées soient trouvées ensemble.
La modernisation des préfectures nécessite aussi une évolution des relations avec les administrations centrales. Le réseau territorial doit être piloté, c'est la mission de la direction générale de l 'administration.
La réforme de l'administration centrale et de ses modes de fonctionnement est une de mes priorités. J'encouragerai tout ce qui ira dans le sens d'un accroissement des responsabilités des acteurs locaux sur la base d'objectifs clairs, et à condition que les moyens correspondants soient déconcentrés en parallèle. Tous les outils de dialogue et de contrôle de gestion qui sont en cours de définition ou de mise en uvre, notamment dans le cadre de l'expérimentation de la globalisation des crédits, me paraissent aller dans le bon sens.
Tous ces éléments ne résument pas la réforme de l'Etat territorial et celle des préfectures. Il faut repenser notre organisation, nos modes de fonctionnement en les mettant en relation avec l'évolution des missions ; la question des moyens n'est pas absente, et tout particulièrement celle de la gestion des ressources humaines. C'est l'objet même des assises de la modernisation des préfectures de mettre tous ces éléments en perspective.
Mon prédécesseur avait souhaité que la définition d'un plan de modernisation soit précédé d'une phase de réflexion et de débat avec l'ensemble des agents des préfectures. J'ai pu voir à la préfecture de l'OISE, que j'ai récemment visitée, et en consultant le forum ouvert sur l'intranet du ministère, que le dialogue est bien engagé et que le cadre national des préfectures s'exprime de façon très positive sur l'avenir des préfectures, même s'il exprime aussi des craintes qui appellent des réponses.
Dès ma prise de fonction, j'ai confirmé mon intérêt tout particulier pour ses assises, qui se dérouleront à, LYON le 23 novembre prochain. Ce sera pour moi l'occasion d'aller à la rencontre des personnels, de les écouter et de débattre.
A partir des nombreuses contributions, nous construirons un plan pluriannuel, qui aura vocation à conforter l'institution préfectorale, à donner des perspectives aux agents et à permettre aux préfectures et aux sous-préfectures d'être le fer de lance de cette administration de l'Etat de proximité, que j'évoquais précédemment.
2.5 - L'immigration et la lutte contre le travail clandestin
En matière d'immigration, je l'ai dit tout à l'heure, je veux confirmer les orientations qui ont été prises.
Depuis quinze ou vingt ans, cette question a été au cur de bien des débats. La loi a été souvent modifiée, brouillant tout à la fois la compréhension des réalités et la politique suivie. Les invectives, les craintes irraisonnées, les naïvetés aussi n'ont pas manqué. Mais on voit bien que la question est au cur de bien des sujets : l'état des rapports que nous avons avec le monde extérieur - lequel d'entre nous a été indifférent au drame du conflit algérien de ces récentes années, ou de celui de l'Afrique des grands lacs ? - ; la place de la main-d'uvre peu qualifiée dans notre vie économique ; la solidité de notre système d'aide sociale ; l'étendue des droits des membres d'une même famille à vivre ensemble Tout cela n'est pas négligeable et doit être soigneusement pesé.
La loi du 11 mai 1998 a voulu reprendre l'ensemble de ces données. Elle a réalisé un bon équilibre entre les droits et les devoirs des étrangers : simplification des procédures (notamment sur l'attestation d'accueil), inscription dans la loi des droits liés à ceux ouverts par le juge (protection de la vie privée et familiale), garanties accrues données aux personnes (y compris en centre de rétention), nouveaux titres destinés à faciliter le séjour (je pense à la carte dite " retraités " ou à celle dite " scientifique ").
Dans le même sens que la loi, des textes réglementaires ou internationaux vont être pris : j'ai présent à l'esprit par exemple les négociations en cours avec l'Algérie pour améliorer l'accord bilatéral ou l'initiative que je prendrai bientôt en matière de titres de séjour des ressortissants communautaires.
Mais en même temps - c'est l'équilibre que j'évoquais tout à l'heure -, la loi a renforcé les sanctions contre les passeurs ; elle a allongé les délais de la rétention pour l'éloignement. Elle a donc donné à l'autorité publique des moyens accrus de lutter contre l'immigration clandestine. Ces moyens doivent être utilisés et une plus grande efficacité doit en résulter.
Cet équilibre réalisé dans notre pays a permis à la France de peser très substantiellement dans les préparatifs du Conseil européen de Tampere qui, voici moins d'un an, a défini ce que devait être la politique européenne en la matière. La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement met l'accent simultanément sur quatre thèmes indissociables : le rapprochement avec les pays d'origine pour les développer (notamment par le biais de mouvements migratoires acceptés) : c'est le co-développement ; l'intégration des étrangers installés régulièrement dans l'Union européenne ; la maîtrise des flux migratoires, c'est-à-dire le contrôle efficace des frontières ; enfin le respect du droit d'asile, qui correspond, vous le savez, aux traditions de la France.
Ce sont ces principes qui sont mis en uvre durant la présidence française de l'Union européenne ; ce sont eux qui ont inspiré les textes que nous avons déposés et les initiatives que nous avons prises depuis le 1er juillet.
Aujourd'hui, cet équilibre pourrait être mis en cause par l'arrivée de clandestins. Faute d'être arrêtés efficacement, ces clandestins arrivent dans les Etats-membres depuis les Balkans, le Moyen-Orient ou l'Asie. La mort à Douvres, le 19 juin, de 58 Chinois a révélé une part cruelle de ce trafic. Elle ne l'a pas fait cesser.
Cet afflux transite par la France ou y aboutit. On sait les difficultés de Calais ou de la zone d'attente de Roissy ou encore de Modane, de Menton ou du Perthus. On sait aussi les difficultés qui en découlent pour l'hébergement, les prestations sociales, les soins, l'enseignement : les fonctionnaires, notamment de préfecture et de police, se débattent aujourd'hui avec des problèmes difficiles.
Je vous demande de veiller d'abord à "bousculer", ensuite à ralentir et à diminuer substantiellement ces flux, notamment dans le couloir qui relie la frontière italienne au littoral de la mer du Nord. Une circulaire en ce sens a été envoyée à ceux d'entre vous qui sont concernés, le 20 juillet dernier. Pour réussir, vous devez mobiliser de la manière la plus efficace possible tous les services concernés. La tâche est difficile ; il me revient de vous la faciliter. Mais je serai attentif aux résultats que vous obtiendrez.
Parmi les difficultés nouvelles, l'utilisation des procédures à des fins dévoyées est devenue fréquente. L'asile et l'asile territorial, en particulier, sont demandés par l'étranger dès qu'il a le sentiment qu'il risque un éloignement. Il en résulte l'embouteillage des guichets, la lassitude des agents, l'allongement inconsidéré des délais et la multiplication du nombre de séjours d'étrangers obtenus par la ruse ou la fraude.
Je vais d'abord m'attacher à vous aider à régler les difficultés matérielles qui en résultent : un contingent de 38 emplois a été obtenu, en loi de finances pour 2001, d'agents affectés exclusivement à ces tâches. Je m'efforcerai d'obtenir davantage.
Et, simultanément, j'ai demandé à ce qu'on réfléchisse dans les meilleurs délais sur toutes les mesures possibles pour faire cesser un état de fait, qui n'est pas acceptable.
Ces difficultés ne doivent pas vous faire oublier la tâche entreprise pour faciliter l'intégration - c'est aussi d'ailleurs une autre orientation du Conseil européen de Tampere. Les CODAC, mais aussi des mesures concrètes, comme en matière de recrutement d'adjoints de sécurité ou de policiers, y concourent.
Vous devez rester vigilant à cet égard : l'abondance des appels enregistrés au " téléphone vert " sur les discriminations est incontestablement un révélateur de l'importance de l'effort à accomplir pour surmonter les difficultés qui demeurent vivaces en la matière. Cette abondance d'appels est sans aucun doute le miroir d'un vrai malaise social, auquel il faut résolument s'attaquer. L'accueil sans réserve, au sein de notre société, des jeunes issus de l'immigration, devenus Français, est un impératif que chacun doit comprendre. La baisse du chômage pourrait à cet égard se révéler catastrophique, si le reflux laissait au bord du chemin ceux que l'absence de travail a le plus pénalisés.
Voilà ce que je voulais vous dire pour l'immigration : équilibre entre l'intégration et la fermeté. Toutes deux concourent à la préservation de notre vie sociale.
2.6 - Les élections.
Je terminerai en abordant la question des élections et plus particulièrement des listes électorales.
La phase de révision annuelle des listes électorales, qui a débuté le 1er septembre dernier et qui s'achèvera le 30 décembre prochain, se déroule dans le contexte d'une actualité particulièrement sensible à la sincérité des listes électorales dans la perspective des élections municipales et cantonales de mars 2001.
Mon prédécesseur vous a déjà demandé, par une circulaire du 9 juin dernier, de porter une attention toute particulière à la composition des commissions administratives chargées de la révision des listes électorales. Je souhaite à mon tour vous indiquer tout l'intérêt que j'attache à ces questions essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie. L'article 72 de la Constitution, qui confie la charge du respect des lois aux délégués du gouvernement que sont les préfets, trouve là une de ses applications essentielles. J'ai donc prescrit des mesures nouvelles pour renforcer votre action.
La révision en cours est propice à la mise en uvre d'une procédure nouvelle permettant aux préfectures de mettre à la disposition des commissions administratives un instrument d'appréciation distinct et complémentaire des dossiers habituellement instruits pas les seuls services municipaux. La tenue du référendum du 24 septembre 2000, dont les préfectures maîtrisent l'essentiel de l'organisation matérielle, notamment en matière d'expédition des documents électoraux adressés aux électeurs, offre une occasion particulière d'initiative aux services de l'Etat pour identifier les électeurs indûment inscrits sur les listes électorales.
Les mesures à mettre en uvre sont détaillées dans une circulaire que je viens de signer. Elles s'appuient sur la possibilité de croiser les données dont vous disposez avec le fichier du service national de l'adresse de La Poste qui retrace les changements d'adresse au cours des 36 derniers mois dans les départements de métropole. Ces mesures, qui sont limitées aux communes de plus de 10.000 habitants pour réduire la charge de travail de vos services, doivent permettre de radier les électeurs inscrits indûment tout en préservant les droits des citoyens de bonne foi. En effet, 12% environ de la population française change d'adresse annuellement, sans pour autant que les électeurs concernés pensent toujours à modifier en conséquence leur inscription sur les listes électorales.
Le respect du calendrier qui vous est indiqué dans la circulaire est un élément essentiel de réussite de cette opération ; je vous demande d'y veiller. Des moyens supplémentaires vous seront donnés pour faire face à cette charge nouvelle et ponctuelle. En plus des informations que vous transmettrez aux commissions administratives, vous vous ferez rendre compte de leurs travaux et vous ne devrez pas hésiter à engager les contentieux qui devront sanctionner le travail incomplet ou partial de certaines commissions.
Cette action importante n'est rendue possible que par l'organisation d'un référendum ; elle ne pourra donc pas se renouveler facilement. Or, il faut tenir compte des faiblesses du système actuel reposant sur le bénévolat des membres insuffisamment formés des commissions administratives placés auprès des 64.000 bureaux de votes de notre pays, dans un contexte de mobilité croissante de la population. Ces éléments me conduisent donc à engager une réflexion sur une réforme de plus grande ampleur de notre système d'établissement des listes électorales dont j'aurai l'occasion de vous reparler.
Pour cette première rencontre, Mesdames et Messieurs les Préfets, j'ai tenu à vous faire part de mes orientations et instructions sur les principaux sujets qui font le quotidien de ce ministère et de votre activité. D'où la durée tout à fait exceptionnelle de mon intervention d'aujourd'hui.
Je souhaite, par ailleurs, que ces réunions de préfets soient l'occasion d'un réel échange. C'est pourquoi après l'intervention de Christian PAUL, Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je vous demanderai de me faire part de vos observations sur le climat social dans vos départements, mais également dans vos services.
Je vous remercie.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 25 septembre 2000)