Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, à Vendôme, en région Centre, à l'occasion de ce débat régional préalable à la future grande loi agricole. Ces débats vont contribuer à faire émerger une nouvelle ambition pour l'agriculture française. C'est notre objectif, Hervé Gaymard et moi-même, et votre participation montre qu'il est partagé.
Ces débats sont essentiels. Je suis convaincu qu'il nous faut avoir confiance en l'avenir, celui de l'agriculture et du monde rural. Mais il faut aussi se poser les bonnes questions, avoir de l'ambition, s'impliquer collectivement, pour se donner des perspectives, pour tracer ce que j'appelle une " nouvelle frontière " pour l'agriculture française. Et nous devrons également nous doter des outils qui nous permettront de nous adapter. Je le sais, je le vois : il y a un besoin de clarification, de visibilité. Nous sommes à un tournant ; il est difficile mais je tiens à vous dire que nous avons beaucoup d'atouts. C'est dans cet esprit que nous avons souhaité organiser ces débats.
Un projet de loi nécessaire
A l'origine des débats " Agriculture, territoires et société " et de la préparation de la future grande loi agricole, il y a, très certainement, la réforme de la PAC issue de l'accord de Luxembourg de juin 2003, ainsi que l'évolution du commerce international qui résulte des négociations de l'OMC. Ce contexte nouveau, en effet, nous incite à franchir une étape dans l'amélioration de la compétitivité de notre agriculture.
Il nous conduit également à revoir nos outils de régulation des marchés, ceux qui nous permettent de faire face aux crises et aux aléas, comme ceux qui peuvent favoriser un fonctionnement d'ensemble harmonieux de nos filières, de l'amont à l'aval.
Cette réforme de la PAC, enfin, aura sans doute des conséquences sur les structures mêmes de nos exploitations agricoles : quelles seront les conséquences du découplage sur le comportement des exploitants et des propriétaires, sur les conditions d'installation et de transmission des exploitations ?
Il faut que nous puissions anticiper, en prenant aussi en compte les changements que le monde agricole a connus :
- l'évolution des relations entre l'amont et l'aval des filières, l'apparition des pays émergents...
- les évolutions socio-économiques : place du conjoint dans l'exploitation, diversification des formes d'agriculture et d'exploitations, développement de la pluriactivité, sentiment croissant de décalage des conditions de vie et de travail entre le monde agricole et le reste de la société.
- l'évolution enfin - et c'est peut être le phénomène le plus visible et le plus sensible pour les agriculteurs - des attentes de la société à l'égard du monde agricole, par exemple en matière de qualité de l'alimentation, de respect de l'environnement ou encore de bien-être animal.
Ce sont autant de sujets qui méritent des réponses concrètes.
Nous sommes entrés aujourd'hui dans une nouvelle phase de mutations. C'est pourquoi le Président de la République a réaffirmé la nécessité d'une loi d'orientation agricole, socle - comme l'ont été les grandes lois des années 60 - d'une nouvelle ambition et de perspectives élargies pour notre agriculture.
J'ai ainsi entendu, comme vous, Jacques CHIRAC rappeler lors de son récent déplacement dans le Cantal qu'" il faut donner aux agriculteurs les moyens d'exercer pleinement leur métier, dans l'esprit d'entreprise et de conquête qui a toujours été le leur "
C'est bien l'état d'esprit qui doit présider à la préparation de la loi. Je suis conscient qu'il nous faut aussi répondre, dans le même temps, à un certain nombre d'interrogations sur l'avenir de notre agriculture. A cet égard, je tiens à vous dire que cet avenir n'est pas seulement celui de la production agricole ; c'est aussi celui des industries agroalimentaires, qui assurent 70 % des débouchés de l'agriculture. Ce sont plus de 10 000 entreprises, qui emploient plus de 420 000 salariés.
Je sais qu'il y a des doutes, des interrogations de la part de certains agriculteurs, qui se demandent s'il faut se préoccuper des industries agroalimentaires alors qu'ils doivent eux-mêmes résoudre de vrais problèmes. Eh bien, je vous le dis avec force et avec conviction : l'avenir de l'agriculture et du monde rural doit être considéré de manière globale. Nous avons à raisonner " de la fourche à la fourchette ", " du champ à l'assiette ", globalement. Il faut que nous ayons cette démarche constructive, cohérente, notamment en travaillant en parallèle -ce que je fais- à l'élaboration du Partenariat National pour le développement de l'industrie agroalimentaire.
Il faut que nous ayons cette volonté de définir, ensemble, des perspectives, une " nouvelle frontière " à atteindre. Et, je vous le redis, nous avons des atouts : nous avons devant nous dix ans de visibilité budgétaire, grâce à l'action du Président de la République, mise en oeuvre par le Premier Ministre et Hervé Gaymard. Nous avons la certitude de bénéficier de dix ans de soutien communautaire, avec un budget européen de 10 M d'euros, auquel il faut ajouter 5 M d'euros d'effort du budget national, et 1 M d'euros des collectivités territoriales. Cet effort est important, il est nécessaire. Alors, sachons mettre à profit cette période de stabilité, pour construire cette " nouvelle frontière ". C'est bien une vision stratégique dont il s'agit : quelle est la perspective que nous voulons donner à notre agriculture ?
Pour cela, nous avons une quadruple ambition
1. Une ambition économique
Le premier objectif de la future loi sera bien de renforcer la compétitivité de notre agriculture.
Cela suppose à la fois d'alléger les charges qui pèsent sur les agriculteurs, d'appuyer le développement des filières de qualité, d'encourager les exportations, d'accompagner le progrès technique.
Nous devrons imaginer les outils qui permettent aux agriculteurs de faire face aux risques propres aux activités agricoles, qu'il s'agisse des risques climatiques, des risques sanitaires ou liés à la formation des prix.
2. Une ambition sociale
En matière sociale, donnons-nous les moyens de tendre vers une équité dans les conditions de vie, de travail et de niveau de revenus avec le reste du pays. Comment, en effet, mettre en oeuvre les 35 heures, lorsque l'on est éleveur ? Et la problématique est d'ailleurs identique si l'on est, notamment, artisan ou commerçant.
Le président de la République l'a clairement affirmé : plus qu'une exigence économique et sociale, c'est bien une question d'équité. C'est aussi une question de respect pour la contribution des agriculteurs à la puissance économique de notre pays, à son équilibre social et au développement harmonieux de notre territoire.
3. Une ambition sociétale et environnementale
Premier point : comment faire pour répondre aux attentes de la société ? Il y a par exemple un sujet essentiel, actuel, qui est celui de la nutrition. Sommes-nous capables de préserver notre modèle alimentaire ? Comment le valoriser, y compris auprès des jeunes ? Là aussi, nos agriculteurs ont un rôle majeur à jouer
Deuxième point : la promotion d'une agriculture écologiquement responsable. Nous savons tous ici les efforts que les agriculteurs ont engagé, depuis des années. Il faut aussi le dire et le faire savoir. Il faut expliquer aux Français que les agriculteurs ont souvent été précurseurs, en matière d'environnement. C'est là encore un sujet essentiel, qui nécessite un engagement à long terme. Nous devons nous en emparer.
Il faut donc aider les agriculteurs à réaliser cet investissement dans la durée, notamment en veillant à ce que les réglementations européennes et nationales s'harmonisent au mieux, en évitant toute distorsion de concurrence avec nos voisins.
4. Une ambition pour nos territoires
Nous devons aussi replacer l'agriculture au coeur du développement des territoires ruraux. Arrêtons d'écouter les discours pessimistes, moroses, sur le monde rural. Ayons au contraire un discours positif, mobilisateur : qui sait aujourd'hui qu'en dix ans, le monde rural a gagné 500 000 habitants ? Bien sûr, les situations sont différentes selon les territoires, selon que l'on vit dans les campagnes des villes, les nouvelles campagnes ou, au contraire, les campagnes fragiles. Il faut nous battre pour un équilibre plus harmonieux du territoire national. Je le redis avec force : il faut que l'on replace l'agriculture au coeur du monde rural, car elle en est la sève. Elle a façonné et elle fait vivre nos territoires. Veillons à ne pas l'oublier.
Un débat national pour un diagnostic partagé
Nous avons donc besoin que les acteurs et les partenaires de l'agriculture française nous fassent part de leurs propositions. Chacun doit se mobiliser. Il faudra trouver des réponses neuves. Et il faudra être courageux, collectivement.
Cette loi, vous l'avez compris, va bien au-delà d'une adaptation des dispositifs actuels. Il nous faut repenser ensemble le lien qui unit les Français à leur agriculture, repenser le cadre dans lequel elle s'exerce, lui donner les moyens de construire son avenir en accompagnant sa démarche de projets.
Vous le savez, une Commission nationale d'orientation a été chargée d'accompagner l'ensemble des débats et de proposer, ensuite, quelques grandes orientations. Présidée par Jean-Marc Sylvestre, journaliste économique, cette commission associe des personnalités venus d'horizons très divers. Leurs réunions donnent ainsi lieu à des échanges animés ! Mais ils sont surtout très attentifs aux messages que vous pourrez leur faire passer, au travers des débats. Il n'y a pas de tabous, il n'y aura pas de langue de bois. Alors, n'hésitez pas !
Cinq grands axes de réflexion
Vos ateliers ont donc eu pour thème chacun des cinq axes de réflexion, qui sont apparus cruciaux pour l'avenir de l'agriculture. Je les évoque brièvement.
1. Premier thème : les règles de l'organisation économique, de la gestion des marchés, des relations commerciales entre les partenaires des filières. Avec plusieurs questions. Comment améliorer le revenu des producteurs agricoles ? Comment améliorer l'organisation de la production et assurer une répartition équilibrée de la valeur ajoutée entre les différents acteurs ? Comment les risques inhérents à l'activité agricole doivent-ils être pris en compte ? Cette question de la gestion des risques est centrale dans le monde agricole. Il faut rechercher un système de gestion qui soit pérenne et permette à chaque pays d'être réactif. Je vous rappelle, à cet égard, que la France a demandé à la Commission européenne de formuler des propositions en la matière.
2. Deuxième thème : l'adaptation de la notion d'exploitant et de l'exploitation agricole. Ici encore, des questions. Quels modèles d'exploitation peut-on se donner, compte tenu de l'évolution des missions de l'agriculture ? Quel statut juridique est le mieux adapté aux conditions actuelles de production ? Comment améliorer les conditions de travail et l'attractivité des métiers de l'agriculture ?
Chaque fois que je vais sur le terrain, c'est-à-dire deux à trois fois par semaine, je rencontre des femmes et des hommes qui ont choisi ce métier et l'exercent avec passion, mais qui s'interrogent et me font part de leurs attentes, du sentiment de décalage avec les autres professions dans une société des 35 heures.
Ils doivent pouvoir être fiers de leur métier, nous devons les aider à conserver cette fierté légitime.
3. Troisième thème : l'accès au foncier. Il nous faut réfléchir aux outils d'intervention d'une politique foncière globale de l'espace rural. Faites des propositions sur la redéfinition des outils d'une politique des structures, ou sur la modernisation des relations entre propriétaires et exploitants.
Dans ce domaine, il nous faut prendre en compte toutes les conséquences de la réforme de la PAC et de la mise en place du découplage. L'année 2005 sera majeure à cet égard, puisqu'elle verra une simulation sur le terrain, exploitation par exploitation. Nous devrons également imaginer ensemble les outils qui permettraient de mieux préserver l'activité agricole en zone périurbaine.
4. Quatrième thème : l'organisation institutionnelle. Nous partageons un constat : il nous faut simplifier et améliorer l'efficacité de l'environnement institutionnel de l'agriculture, pour un meilleur service à l'exploitant.
Ici, comme ailleurs, nous devons écouter et travailler, en partant des besoins des agriculteurs. Je serai particulièrement attentif à toutes les propositions. Alors j'ai à nouveau une question : que proposez-vous ? Et une suggestion : ne vous censurez pas ! Soyez audacieux et imaginatifs !
5. Cinquième thème : un nouveau contrat entre l'agriculture et la société. Nous devons réfléchir ensemble aux missions que la société confie aux agriculteurs. Gardons à l'esprit que la première relation entre le consommateur et l'agriculture est aujourd'hui fondée sur l'alimentation. Penser " du champ à l'assiette " doit être une réalité dans les esprits et dans les actes.
Je suis également convaincu que notre enseignement agricole, ancré dans les territoires, qui offre un excellent taux d'insertion professionnelle à ses diplômés, et qui accueille des publics de plus en plus divers, doit être mieux connu et reconnu. Car il joue un rôle important, et forme un lieu de médiation entre la société et le monde agricole.
Enfin, tout au long des débats de la commission nationale, des questions transversales ont émergé : 1. Comment pouvons-nous, y compris en termes de territoires, adapter le modèle d'exploitation agricole des années 60 pour tenir compte de la diversité croissante des formes d'agriculture et d'exploitations agricoles ? 2. Nous sommes convaincus de la spécificité de l'activité agricole mais nous constatons également la banalisation des règles de fonctionnement qui la régissent. Quel nouvel équilibre pouvons-nous trouver ? 3. Chaque région connaît des dynamiques de développement différentes. Depuis vingt ans, les étapes de la décentralisation ont conduit les collectivités territoriales à prendre une part de plus en plus active dans le développement des activités agricoles et agroalimentaires. Comment prendre en compte les différences ? Comment mieux associer les collectivités territoriales ? 4. Enfin, les agriculteurs doivent faire face à la complexité administrative. Comment pouvons-nous, dans un environnement de plus en plus complexe, simplifier les outils d'encadrement de l'agriculture ? Parlons franc : lorsque l'on bénéficie de 16 M d'euros de soutien à l'agriculture, il est normal que cela génère des contrôles. Le problème, c'est qu'ils ne doivent pas conduire à mettre l'exploitant dans une situation irréversible, alors même qu'il est de bonne foi. Il faudrait ainsi garder une marge de manoeuvre sur le terrain, de bon sens, pour l'autorité administrative, afin d'essayer des résoudre les problèmes. Nous y réfléchissons.
Tel est donc le cadre de nos travaux. N'hésitez pas à vous concentrer sur les questions qui vous paraissent les plus essentielles pour votre région. Ne craignez pas de laisser émerger les divergences. La synthèse n'en sera que plus riche. Pensez, lorsque des scénarios d'évolution sont évoqués, à préciser le rythme envisagé pour cette évolution : quelques années, une génération ? Les conséquences ne sont pas les mêmes...
Conclusion
Quelques repères de calendrier doivent enfin être rappelés. Le gouvernement s'est fixé comme objectif la mise en uvre de cette loi d'orientation courant 2006. Le projet de loi doit être présenté en Conseil des Ministres au 2ème trimestre 2005. La Commission nationale d'orientation remettra son avis sur la synthèse des débats régionaux avant Noël. La phase de préparation de la loi sera ensuite lancée.
Il ne m'appartient naturellement pas d'esquisser une synthèse des débats auxquels j'ai assisté ce matin.
Je suis venu vous délivrer un message de dynamisme et de confiance. Nous sommes à un tournant historique. Et la loi que nous allons préparer, sur la base de vos propositions, sera déterminante, pour donner des perspectives, pour tracer cette nouvelle frontière. Pour construire les trente à quarante ans à venir de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 3 décembre 2004)
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, à Vendôme, en région Centre, à l'occasion de ce débat régional préalable à la future grande loi agricole. Ces débats vont contribuer à faire émerger une nouvelle ambition pour l'agriculture française. C'est notre objectif, Hervé Gaymard et moi-même, et votre participation montre qu'il est partagé.
Ces débats sont essentiels. Je suis convaincu qu'il nous faut avoir confiance en l'avenir, celui de l'agriculture et du monde rural. Mais il faut aussi se poser les bonnes questions, avoir de l'ambition, s'impliquer collectivement, pour se donner des perspectives, pour tracer ce que j'appelle une " nouvelle frontière " pour l'agriculture française. Et nous devrons également nous doter des outils qui nous permettront de nous adapter. Je le sais, je le vois : il y a un besoin de clarification, de visibilité. Nous sommes à un tournant ; il est difficile mais je tiens à vous dire que nous avons beaucoup d'atouts. C'est dans cet esprit que nous avons souhaité organiser ces débats.
Un projet de loi nécessaire
A l'origine des débats " Agriculture, territoires et société " et de la préparation de la future grande loi agricole, il y a, très certainement, la réforme de la PAC issue de l'accord de Luxembourg de juin 2003, ainsi que l'évolution du commerce international qui résulte des négociations de l'OMC. Ce contexte nouveau, en effet, nous incite à franchir une étape dans l'amélioration de la compétitivité de notre agriculture.
Il nous conduit également à revoir nos outils de régulation des marchés, ceux qui nous permettent de faire face aux crises et aux aléas, comme ceux qui peuvent favoriser un fonctionnement d'ensemble harmonieux de nos filières, de l'amont à l'aval.
Cette réforme de la PAC, enfin, aura sans doute des conséquences sur les structures mêmes de nos exploitations agricoles : quelles seront les conséquences du découplage sur le comportement des exploitants et des propriétaires, sur les conditions d'installation et de transmission des exploitations ?
Il faut que nous puissions anticiper, en prenant aussi en compte les changements que le monde agricole a connus :
- l'évolution des relations entre l'amont et l'aval des filières, l'apparition des pays émergents...
- les évolutions socio-économiques : place du conjoint dans l'exploitation, diversification des formes d'agriculture et d'exploitations, développement de la pluriactivité, sentiment croissant de décalage des conditions de vie et de travail entre le monde agricole et le reste de la société.
- l'évolution enfin - et c'est peut être le phénomène le plus visible et le plus sensible pour les agriculteurs - des attentes de la société à l'égard du monde agricole, par exemple en matière de qualité de l'alimentation, de respect de l'environnement ou encore de bien-être animal.
Ce sont autant de sujets qui méritent des réponses concrètes.
Nous sommes entrés aujourd'hui dans une nouvelle phase de mutations. C'est pourquoi le Président de la République a réaffirmé la nécessité d'une loi d'orientation agricole, socle - comme l'ont été les grandes lois des années 60 - d'une nouvelle ambition et de perspectives élargies pour notre agriculture.
J'ai ainsi entendu, comme vous, Jacques CHIRAC rappeler lors de son récent déplacement dans le Cantal qu'" il faut donner aux agriculteurs les moyens d'exercer pleinement leur métier, dans l'esprit d'entreprise et de conquête qui a toujours été le leur "
C'est bien l'état d'esprit qui doit présider à la préparation de la loi. Je suis conscient qu'il nous faut aussi répondre, dans le même temps, à un certain nombre d'interrogations sur l'avenir de notre agriculture. A cet égard, je tiens à vous dire que cet avenir n'est pas seulement celui de la production agricole ; c'est aussi celui des industries agroalimentaires, qui assurent 70 % des débouchés de l'agriculture. Ce sont plus de 10 000 entreprises, qui emploient plus de 420 000 salariés.
Je sais qu'il y a des doutes, des interrogations de la part de certains agriculteurs, qui se demandent s'il faut se préoccuper des industries agroalimentaires alors qu'ils doivent eux-mêmes résoudre de vrais problèmes. Eh bien, je vous le dis avec force et avec conviction : l'avenir de l'agriculture et du monde rural doit être considéré de manière globale. Nous avons à raisonner " de la fourche à la fourchette ", " du champ à l'assiette ", globalement. Il faut que nous ayons cette démarche constructive, cohérente, notamment en travaillant en parallèle -ce que je fais- à l'élaboration du Partenariat National pour le développement de l'industrie agroalimentaire.
Il faut que nous ayons cette volonté de définir, ensemble, des perspectives, une " nouvelle frontière " à atteindre. Et, je vous le redis, nous avons des atouts : nous avons devant nous dix ans de visibilité budgétaire, grâce à l'action du Président de la République, mise en oeuvre par le Premier Ministre et Hervé Gaymard. Nous avons la certitude de bénéficier de dix ans de soutien communautaire, avec un budget européen de 10 M d'euros, auquel il faut ajouter 5 M d'euros d'effort du budget national, et 1 M d'euros des collectivités territoriales. Cet effort est important, il est nécessaire. Alors, sachons mettre à profit cette période de stabilité, pour construire cette " nouvelle frontière ". C'est bien une vision stratégique dont il s'agit : quelle est la perspective que nous voulons donner à notre agriculture ?
Pour cela, nous avons une quadruple ambition
1. Une ambition économique
Le premier objectif de la future loi sera bien de renforcer la compétitivité de notre agriculture.
Cela suppose à la fois d'alléger les charges qui pèsent sur les agriculteurs, d'appuyer le développement des filières de qualité, d'encourager les exportations, d'accompagner le progrès technique.
Nous devrons imaginer les outils qui permettent aux agriculteurs de faire face aux risques propres aux activités agricoles, qu'il s'agisse des risques climatiques, des risques sanitaires ou liés à la formation des prix.
2. Une ambition sociale
En matière sociale, donnons-nous les moyens de tendre vers une équité dans les conditions de vie, de travail et de niveau de revenus avec le reste du pays. Comment, en effet, mettre en oeuvre les 35 heures, lorsque l'on est éleveur ? Et la problématique est d'ailleurs identique si l'on est, notamment, artisan ou commerçant.
Le président de la République l'a clairement affirmé : plus qu'une exigence économique et sociale, c'est bien une question d'équité. C'est aussi une question de respect pour la contribution des agriculteurs à la puissance économique de notre pays, à son équilibre social et au développement harmonieux de notre territoire.
3. Une ambition sociétale et environnementale
Premier point : comment faire pour répondre aux attentes de la société ? Il y a par exemple un sujet essentiel, actuel, qui est celui de la nutrition. Sommes-nous capables de préserver notre modèle alimentaire ? Comment le valoriser, y compris auprès des jeunes ? Là aussi, nos agriculteurs ont un rôle majeur à jouer
Deuxième point : la promotion d'une agriculture écologiquement responsable. Nous savons tous ici les efforts que les agriculteurs ont engagé, depuis des années. Il faut aussi le dire et le faire savoir. Il faut expliquer aux Français que les agriculteurs ont souvent été précurseurs, en matière d'environnement. C'est là encore un sujet essentiel, qui nécessite un engagement à long terme. Nous devons nous en emparer.
Il faut donc aider les agriculteurs à réaliser cet investissement dans la durée, notamment en veillant à ce que les réglementations européennes et nationales s'harmonisent au mieux, en évitant toute distorsion de concurrence avec nos voisins.
4. Une ambition pour nos territoires
Nous devons aussi replacer l'agriculture au coeur du développement des territoires ruraux. Arrêtons d'écouter les discours pessimistes, moroses, sur le monde rural. Ayons au contraire un discours positif, mobilisateur : qui sait aujourd'hui qu'en dix ans, le monde rural a gagné 500 000 habitants ? Bien sûr, les situations sont différentes selon les territoires, selon que l'on vit dans les campagnes des villes, les nouvelles campagnes ou, au contraire, les campagnes fragiles. Il faut nous battre pour un équilibre plus harmonieux du territoire national. Je le redis avec force : il faut que l'on replace l'agriculture au coeur du monde rural, car elle en est la sève. Elle a façonné et elle fait vivre nos territoires. Veillons à ne pas l'oublier.
Un débat national pour un diagnostic partagé
Nous avons donc besoin que les acteurs et les partenaires de l'agriculture française nous fassent part de leurs propositions. Chacun doit se mobiliser. Il faudra trouver des réponses neuves. Et il faudra être courageux, collectivement.
Cette loi, vous l'avez compris, va bien au-delà d'une adaptation des dispositifs actuels. Il nous faut repenser ensemble le lien qui unit les Français à leur agriculture, repenser le cadre dans lequel elle s'exerce, lui donner les moyens de construire son avenir en accompagnant sa démarche de projets.
Vous le savez, une Commission nationale d'orientation a été chargée d'accompagner l'ensemble des débats et de proposer, ensuite, quelques grandes orientations. Présidée par Jean-Marc Sylvestre, journaliste économique, cette commission associe des personnalités venus d'horizons très divers. Leurs réunions donnent ainsi lieu à des échanges animés ! Mais ils sont surtout très attentifs aux messages que vous pourrez leur faire passer, au travers des débats. Il n'y a pas de tabous, il n'y aura pas de langue de bois. Alors, n'hésitez pas !
Cinq grands axes de réflexion
Vos ateliers ont donc eu pour thème chacun des cinq axes de réflexion, qui sont apparus cruciaux pour l'avenir de l'agriculture. Je les évoque brièvement.
1. Premier thème : les règles de l'organisation économique, de la gestion des marchés, des relations commerciales entre les partenaires des filières. Avec plusieurs questions. Comment améliorer le revenu des producteurs agricoles ? Comment améliorer l'organisation de la production et assurer une répartition équilibrée de la valeur ajoutée entre les différents acteurs ? Comment les risques inhérents à l'activité agricole doivent-ils être pris en compte ? Cette question de la gestion des risques est centrale dans le monde agricole. Il faut rechercher un système de gestion qui soit pérenne et permette à chaque pays d'être réactif. Je vous rappelle, à cet égard, que la France a demandé à la Commission européenne de formuler des propositions en la matière.
2. Deuxième thème : l'adaptation de la notion d'exploitant et de l'exploitation agricole. Ici encore, des questions. Quels modèles d'exploitation peut-on se donner, compte tenu de l'évolution des missions de l'agriculture ? Quel statut juridique est le mieux adapté aux conditions actuelles de production ? Comment améliorer les conditions de travail et l'attractivité des métiers de l'agriculture ?
Chaque fois que je vais sur le terrain, c'est-à-dire deux à trois fois par semaine, je rencontre des femmes et des hommes qui ont choisi ce métier et l'exercent avec passion, mais qui s'interrogent et me font part de leurs attentes, du sentiment de décalage avec les autres professions dans une société des 35 heures.
Ils doivent pouvoir être fiers de leur métier, nous devons les aider à conserver cette fierté légitime.
3. Troisième thème : l'accès au foncier. Il nous faut réfléchir aux outils d'intervention d'une politique foncière globale de l'espace rural. Faites des propositions sur la redéfinition des outils d'une politique des structures, ou sur la modernisation des relations entre propriétaires et exploitants.
Dans ce domaine, il nous faut prendre en compte toutes les conséquences de la réforme de la PAC et de la mise en place du découplage. L'année 2005 sera majeure à cet égard, puisqu'elle verra une simulation sur le terrain, exploitation par exploitation. Nous devrons également imaginer ensemble les outils qui permettraient de mieux préserver l'activité agricole en zone périurbaine.
4. Quatrième thème : l'organisation institutionnelle. Nous partageons un constat : il nous faut simplifier et améliorer l'efficacité de l'environnement institutionnel de l'agriculture, pour un meilleur service à l'exploitant.
Ici, comme ailleurs, nous devons écouter et travailler, en partant des besoins des agriculteurs. Je serai particulièrement attentif à toutes les propositions. Alors j'ai à nouveau une question : que proposez-vous ? Et une suggestion : ne vous censurez pas ! Soyez audacieux et imaginatifs !
5. Cinquième thème : un nouveau contrat entre l'agriculture et la société. Nous devons réfléchir ensemble aux missions que la société confie aux agriculteurs. Gardons à l'esprit que la première relation entre le consommateur et l'agriculture est aujourd'hui fondée sur l'alimentation. Penser " du champ à l'assiette " doit être une réalité dans les esprits et dans les actes.
Je suis également convaincu que notre enseignement agricole, ancré dans les territoires, qui offre un excellent taux d'insertion professionnelle à ses diplômés, et qui accueille des publics de plus en plus divers, doit être mieux connu et reconnu. Car il joue un rôle important, et forme un lieu de médiation entre la société et le monde agricole.
Enfin, tout au long des débats de la commission nationale, des questions transversales ont émergé : 1. Comment pouvons-nous, y compris en termes de territoires, adapter le modèle d'exploitation agricole des années 60 pour tenir compte de la diversité croissante des formes d'agriculture et d'exploitations agricoles ? 2. Nous sommes convaincus de la spécificité de l'activité agricole mais nous constatons également la banalisation des règles de fonctionnement qui la régissent. Quel nouvel équilibre pouvons-nous trouver ? 3. Chaque région connaît des dynamiques de développement différentes. Depuis vingt ans, les étapes de la décentralisation ont conduit les collectivités territoriales à prendre une part de plus en plus active dans le développement des activités agricoles et agroalimentaires. Comment prendre en compte les différences ? Comment mieux associer les collectivités territoriales ? 4. Enfin, les agriculteurs doivent faire face à la complexité administrative. Comment pouvons-nous, dans un environnement de plus en plus complexe, simplifier les outils d'encadrement de l'agriculture ? Parlons franc : lorsque l'on bénéficie de 16 M d'euros de soutien à l'agriculture, il est normal que cela génère des contrôles. Le problème, c'est qu'ils ne doivent pas conduire à mettre l'exploitant dans une situation irréversible, alors même qu'il est de bonne foi. Il faudrait ainsi garder une marge de manoeuvre sur le terrain, de bon sens, pour l'autorité administrative, afin d'essayer des résoudre les problèmes. Nous y réfléchissons.
Tel est donc le cadre de nos travaux. N'hésitez pas à vous concentrer sur les questions qui vous paraissent les plus essentielles pour votre région. Ne craignez pas de laisser émerger les divergences. La synthèse n'en sera que plus riche. Pensez, lorsque des scénarios d'évolution sont évoqués, à préciser le rythme envisagé pour cette évolution : quelques années, une génération ? Les conséquences ne sont pas les mêmes...
Conclusion
Quelques repères de calendrier doivent enfin être rappelés. Le gouvernement s'est fixé comme objectif la mise en uvre de cette loi d'orientation courant 2006. Le projet de loi doit être présenté en Conseil des Ministres au 2ème trimestre 2005. La Commission nationale d'orientation remettra son avis sur la synthèse des débats régionaux avant Noël. La phase de préparation de la loi sera ensuite lancée.
Il ne m'appartient naturellement pas d'esquisser une synthèse des débats auxquels j'ai assisté ce matin.
Je suis venu vous délivrer un message de dynamisme et de confiance. Nous sommes à un tournant historique. Et la loi que nous allons préparer, sur la base de vos propositions, sera déterminante, pour donner des perspectives, pour tracer cette nouvelle frontière. Pour construire les trente à quarante ans à venir de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 3 décembre 2004)