Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur les grandes lignes et les priorités du projet de budget 2005 du ministère des affaires étrangères, Paris le 8 décembre 2004.

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Circonstance : Intervention de Michel Barnier au Sénat lors du débat budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2005 du ministère des affaires étrangères, à Paris le 8 décembre 2004

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Au nom de toute l'équipe du Quai d'Orsay, je souhaite d'abord remercier vos rapporteurs pour la qualité de leurs analyses et de leurs contributions. Le Sénat, j'en ai un souvenir précis avec M. Darcos, va toujours au fond des choses et vos interventions sur ce budget le démontrent une fois encore.
Je suis frappé par le large consensus qui s'exprime autour de la politique étrangère de notre pays, des objectifs et des moyens de notre diplomatie. Nous sommes capables de nous retrouver sur l'essentiel car nous sommes attachés à une parole et à une action fortes, respectées, solidaires de la France dans le monde.
Avant de tenter de répondre à chacun d'entre vous et de compléter certaines de mes réponses par écrit, quelques mots sur le contexte dans lequel s'inscrit ce budget.
Notre action extérieure se développe selon trois axes : le premier concerne la gestion des crises qui se multiplient et sont autant de défis majeurs pour la stabilité du monde et pour la paix : Irak, Côte d'Ivoire, Darfour, Grands Lacs, les Balkans, le Caucase, Haïti... Elles se multiplient et se diversifient : catastrophes naturelles et aériennes, épidémies, guerres, terrorisme, sécheresse, famine, criquets, quand ce n'est pas un peu tout à la fois pour certains pays martyrs !
Face à ces crises, nous gardons les mêmes principes pour l'action : respect de la règle de droit, volonté de dialogue et d'écoute, souci de la justice et de la solidarité, capacité permanente de mobilisation. Pour ce faire, nous avons besoin de diplomates bien formés, de contributions au maintien de la paix, de crédits pour l'aide publique au développement (APD) et l'aide humanitaire d'urgence, et de moyens pour la sécurité de nos communautés expatriées et de nos postes. Comme MM. Ferrand et Guerry viennent de le rappeler, il ne faut pas oublier les établissements d'enseignement pour les enfants de nos expatriés.
Le deuxième axe concerne la maîtrise de la globalisation.
Quels sont ces enjeux ? La lutte contre la pauvreté, le développement durable, la recherche d'un modèle économique et social équilibré, la construction européenne, la diversité culturelle et la francophonie, la maîtrise raisonnée des flux migratoires... Non, Madame Tasca, il ne s'agit pas d'objectifs de second ordre !
Tout ceci exige des moyens d'action : nos contributions aux organisations internationales, le soutien à la francophonie, la rénovation de notre réseau diplomatique, le traitement digne et efficace de la demande d'asile, la modernisation de notre administration consulaire.
Troisième axe, et qui découle des deux premiers, l'amélioration de nos méthodes de travail.
C'était mon message à nos ambassadeurs à la fin du mois d'août : développons notre influence à travers le monde sans arrogance, car la France n'est pas grande quand elle est arrogante et elle n'est pas forte quand elle n'est pas solidaire mais nous ne devons pas non plus faire de l'auto dénigrement, de l'auto flagellation.
Notre pays a de vrais atouts : il défend des principes et des valeurs qui ont un écho puissant dans le monde, je l'ai encore constaté à New York lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Il nous appartient, aujourd'hui, d'être en mouvement, de promouvoir nos idées et d'agir avec lucidité et conviction, de vivre avec notre temps qui est celui de l'Europe, de la mondialisation mais qui doit, en même temps, rester celui de la France.
Ce projet de budget s'efforce d'avancer sincèrement, sérieusement et concrètement dans ces directions.
Vos rapporteurs se sont, cette année, particulièrement intéressés à l'organisation et au fonctionnement de notre ministère, à sa capacité à s'adapter.
Méfions-nous des images convenues, alors même que c'est l'un des ministères les plus engagés dans la réforme de l'Etat. Vos rapporteurs, après le comité interministériel d'audit des programmes de la loi organique sur les lois de finance (LOLF) ou de la direction de la réforme budgétaire, ont bien voulu le relever et je les en remercie. Oui, la réforme est aujourd'hui au coeur du ministère.
Je l'évoquerai sous quatre angles : la maîtrise des dépenses publiques, la stratégie ministérielle de réforme, la LOLF et les relations avec nos opérateurs.
Votre rapporteur spécial, M. Gouteyron, a insisté sur la maîtrise des dépenses dans son rapport et il a raison. Depuis 1999, nos crédits de fonctionnement progressent moins que les crédits d'interventions. Cela tient avant tout aux efforts consentis en matière d'emplois et de rémunérations. L'évolution des taux de change, la réforme des indemnités de résidence, intervenue fin 2003 et, surtout, la baisse de nos effectifs, qui auront diminué de presque 10 % en dix ans, expliquent cette évolution.
En 2005, la suppression de 100 emplois, et le transfert de 52 autres, aboutira à une baisse de près de 2 % de la masse salariale du ministère.
Il y a pourtant des limites à la rigueur et il faut s'arrêter là. Je n'ai pas accepté que l'on touche à nouveau aux indemnités de résidence de nos agents à l'étranger, alors que l'expatriation est de plus en plus synonyme d'incertitudes et de dangers. Comment d'ailleurs concéder des diminutions supplémentaires d'effectifs alors que notre assistance technique est le dixième de ce qu'elle était il y a quinze ans ou que nos effectifs d'agents expatriés ont baissé de 18 % en dix ans ? Si j'ai pris cette période de référence, c'est parce qu'elle couvre de nombreux gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite. La responsabilité doit donc être partagée.
Cette maîtrise de nos coûts salariaux et, au-delà, de nos crédits de fonctionnement, est intervenue tandis que nos crédits d'intervention, notamment au titre de l'aide publique au développement, ont progressé de presque 25 % en cinq ans.
Ainsi, nos coûts de structure sont passés de 33 % du budget du ministère en 2000 à 25 % en 2005. Je remercie M. Branger d'avoir salué ce qu'il qualifie de remarquable effort de productivité du ministère.
Deuxième enjeu : la stratégie ministérielle de réforme, adoptée en 2003 et actualisée en septembre dernier, qui fixe les lignes directrices de notre action pour les années à venir. M. Gouteyron y a consacré une part importante de son rapport.
Deux volets de cette stratégie ont retenu l'attention de vos rapporteurs : la politique immobilière et la restructuration des réseaux diplomatique, consulaire et culturel.
La politique immobilière est l'un des premiers dossiers sur lequel je me suis engagé. Nos agents et nos services à Paris sont actuellement dispersés sur onze sites différents : quelle organisation moderne peut supporter de travailler ainsi ? J'ai proposé le regroupement des services de l'administration centrale sur un site unique pour des raisons évidentes de rationalité, mais aussi pour présenter un projet collectif et mobilisateur à tous nos agents.
Ce site unique, adapté aux besoins d'une diplomatie moderne, est indispensable. Je souhaite que nous puissions le lancer au printemps, lorsque nous disposerons des études demandées sur la valorisation de nos immeubles, sur le coût d'un programme adapté à nos besoins et les localisations possibles dans la capitale.
D'autres actions immobilières sont lancées : la construction des nouvelles archives diplomatiques à La Courneuve en partenariat avec le secteur privé ; la construction du campus diplomatique de Pékin qui sera achevé pour les Jeux olympiques de 2008, ou de celui de Tokyo, également en partenariat avec un opérateur privé.
De même, la relance de nos cessions immobilières a permis de doubler le rythme de nos ventes, qui ont atteint 12 millions cette année. Un stock de biens cessibles, d'une valeur de l'ordre de 50 millions a été identifié et nous allons accélérer ces ventes en nous assurant que leur produit a vocation à être intégralement reversé au budget du ministère des Affaires étrangères. Il s'agit bien d'entretenir, comme l'a souhaité M. Gouteyron, notre patrimoine et de permettre à notre réseau de respirer et d'évoluer.
Le deuxième aspect de la stratégie de réforme concerne l'adaptation de notre réseau à l'étranger. Non, ce réseau n'est pas figé ! Je suis bien d'accord avec M. Fournier et avec M. de Montesquiou, que je remercie d'ailleurs pour ses propositions audacieuses en matière de mutualisation - mot que j'aime bien - de nos représentations au niveau européen car "ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire". Au contraire, ce réseau n'a cessé d'évoluer depuis dix ans, passant de 457 à 422 implantations au total, soit une diminution de 8,2 %. Certes, le nombre de nos ambassades est passé de 148 à 156, du fait du démantèlement de l'Union soviétique et de la Yougoslavie, mais cette hausse s'est accompagnée de fermetures d'établissements culturels. Nous allons : rationaliser le réseau consulaire en Europe et son évaluation ; éviter les redondances qui peuvent encore exister entre alliances françaises et centres culturels ; rechercher des synergies nouvelles avec nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne ou l'Espagne. Une forme de mutualisation comme le souhaite M. Pozzo di Borgo !
Au-delà des services propres au ministère des Affaires étrangères, c'est l'ensemble des services de l'Etat implantés à l'étranger qu'il faut mieux utiliser.
La réforme de l'Etat, c'est aussi la préparation de la LOLF.
Votre rapporteur spécial a noté que le ministère des Affaires étrangères figure dans le peloton de tête des administrations pour cette réforme.
Les quatre programmes et leurs actions, répartis entre deux missions, l'une ministérielle, l'autre interministérielle, sont désormais définis. MM. Branger et Charasse ont relevé que la mission ministérielle "action extérieure de l'Etat" est loin de rassembler tous les crédits internationaux de l'Etat. C'est vrai, mais il faut lancer cette réforme, nous l'améliorerons ensuite.
La LOLF. donne l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères. En 2005, les crédits du fonds sida, en provenance du ministère de l'Economie et des Finances, et ceux de l'aide alimentaire, depuis l'Agriculture, vont être transférés vers mon budget. A l'inverse, en 2006, les crédits du budget civil de la recherche (BCRD) qui concernent le CERN passeront au ministère chargé de la Recherche.
Une première expérimentation, avec des "budget-pays", a été menée en 2004 sur cinq pays. M. Gouteyron craint que la "fongibilité asymétrique" n'introduise beaucoup de complexité. La maîtrise de cette gestion à l'étranger sera sans doute délicate, mais la logique "pays" demeure bonne. Cette expérimentation va être élargie en 2005 à dix pays et pour la totalité des crédits des futurs programmes, grâce à la création de quatre nouveaux chapitres budgétaires en lieu et place du chapitre expérimental 2004. Cette création a pu, en effet, donner l'impression que certaines dotations en matière culturelle ou de coopération diminuaient. Mais au total nous vous présenterons, l'année prochaine, un budget en format LOLF, fruit d'une véritable expérimentation et dans un format plus lisible et plus dynamique que celui bâti sur le modèle de l'ordonnance de 1959.
MM. Gouteyron et Charasse ont souligné nos efforts pour définir des indicateurs pertinents, malgré la difficulté qu'il y a à mesurer l'impact de l'action diplomatique. Sur leurs conseils, nous affinerons davantage certains de ces indicateurs.
M. Cointat a suggéré d'instaurer un programme propre aux Français de l'étranger, distinct de celui des étrangers en France. Le programme "Français à l'étranger et étrangers en France", dans son périmètre actuel, recouvre une véritable mission de service public, de service au public. Ce service recouvre des métiers spécifiques, bien identifiés au sein du ministère, notamment à la direction des Français de l'étranger et des étrangers en France. Il s'adresse également à des "usagers" de l'administration, que nous souhaitons traiter comme des "clients", Français ou étrangers : Français établis hors de France ou de passage à l'étranger, jeunes en âge scolaire, demandeurs de visas, demandeurs d'asile. Chacune de ces catégories fait l'objet d'une action clairement identifiée au sein de ce programme. Ce service public, enfin, doit pouvoir bénéficier des mécanismes de fongibilité prévus par la LOLF. Il le fera plus largement dans son état actuel qu'avec un programme au périmètre plus restreint. Si une urgence survient, il sera toujours plus facile de faire des arbitrages dans un programme de 603 millions d'euros que dans un budget de 480 millions. Et vous savez bien que la priorité ira toujours à nos compatriotes expatriés, comme les événements récents en Côte d'Ivoire l'ont montré.
Mme Brisepierre et M. Cantegrit ont appelé mon attention sur la situation des pensionnés Français des caisses de retraite des pays de l'Afrique francophone qui rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits à pension.
La France, qui ne peut se substituer à des Etats souverains pour garantir le paiement de prestations qui sont la contrepartie de cotisations versées, ne saurait se désintéresser du sort de ses compatriotes.
Nos interventions réitérées auprès des gouvernements concernés n'ont pas suffit pour parvenir à un règlement global de la question. C'est pourquoi, j'ai fait saisir, le 30 juillet dernier, les autres ministères intéressés pour lier le paiement de ces retraites aux concours financiers que la France accorde aux pays concernés. Désormais, le soutien de la France dans les négociations de ces pays avec le Fonds monétaire international et le Club de Paris sera conditionné à l'existence d'un mécanisme garantissant le paiement des pensions dues à nos compatriotes.
Enfin, la réforme de notre dispositif d'action extérieure, c'est aussi l'adaptation de nos opérateurs. Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rend désormais ses décisions en deux mois, comme le président de la République l'avait demandé. Je suis d'accord avec M. Lecerf, que je félicite pour sa nomination en tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de l'OFPRA, pour dire que le travail de la Commission de recours des réfugiés (CRR) conditionne désormais le succès de la réforme de décembre 2003.
L'augmentation de 18 % des crédits a permis d'instituer la Commission à Montreuil, dans des locaux fonctionnels, et de recruter 125 contractuels pour la résorption des dossiers en instance.
Cet effort est poursuivi en 2005 avec 8,1 millions d'euros supplémentaires.
Sachez qu'il y a 100 000 recours en instance ! L'accroissement de l'activité de l'OFPRA et de la CRR entraînera mécaniquement une forte augmentation du nombre de déboutés. Il est de l'intérêt de tous de réduire les délais, comme l'a indiqué M. Gouteyron, mais nous avons ensuite à traiter le problème des déboutés...
S'agissant de la scolarisation des enfants français à l'étranger, j'y suis sensible, ayant été moi-même parent d'élève vivant à l'étranger pendant cinq ans, Mmes Cerisier ben Guiga et Brisepierre ont insisté sur la nécessité de renforcer encore les capacités d'adaptation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'AEFE, qui va désormais gérer son patrimoine immobilier, réagira plus vite ; elle pourra fédérer des initiatives, recevoir des crédits en provenance de plusieurs partenaires et réhabiliter et sécuriser plusieurs de nos établissements scolaires. Elle recevra, à cette fin, une subvention d'investissement de plus de neuf millions d'euros. Les crédits pour les bourses scolaires destinées aux élèves français vont être portés à 41 millions d'euros.
Que M. Guerry sache que la concertation avec le ministère de l'Education nationale fonctionne très bien, à preuve la mobilisation remarquable des académies pour accueillir et affecter les enfants et les enseignants de nos écoles rapatriés de Côte d'Ivoire. Cette coordination doit être renforcée, notamment pour la gestion des affectations et des retours de personnel enseignant.
Enfin, je voudrais rassurer M. Fournier : la baisse du nombre des élèves de l'Agence en Afrique francophone s'explique par l'effet des premières crises en Côte d'Ivoire et non pas par un courant plus profond de désaffection ou de repli.
Le dossier de la chaîne d'information internationale avance. Ces derniers mois ont été mis à profit pour réfléchir collectivement aux conditions de création de cette chaîne. Plusieurs options ont été examinées. L'une des questions clés, au-delà du contenu, était celle d'un financement adéquat, dans une perspective pluriannuelle. Une autre est d'intervenir en complémentarité, et non pas en concurrence, avec les outils existants de l'audiovisuel extérieur : TV5, RFI, CFI, l'AFP. Le schéma qui s'esquisse, dans les réunions avec le Premier ministre, permettra de financer la montée en puissance de cette chaîne sans affecter le développement des outils existants. M. Legendre a dit l'importance de TV5 pour nos partenaires francophones. Comme Mme Cerisier ben Guiga, je crois nécessaire pour le ministère des Affaires étrangères de garder la tutelle et le pilotage de l'audiovisuel extérieur, instrument fondamental de la présence de la France à l'étranger.
En ce qui concerne la subvention à l'Institut du monde arabe (IMA), de 9,15 millions d'euros, elle n'a pas évolué depuis 1988. Les mauvais résultats de l'exercice 2001 avaient cependant amené le ministère à lui verser une subvention exceptionnelle de 2,3 millions d'euros en 2002. Cette année, nous lui avons à nouveau alloué une aide exceptionnelle d'un million d'euros. Cette aide devait être complétée d'ici la fin de l'année. Cela n'a pas été possible. L'Institut du monde arabe s'est engagé à maîtriser ses dépenses et s'efforce d'obtenir, avec notre soutien actif, le versement des arriérés dus par certains Etats arabes. Nous sommes conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve l'Institut. J'espère parvenir à dégager des marges suffisantes, grâce aux contributions obligatoires en 2005, pour pouvoir pérenniser cette aide et, idéalement, parvenir à l'augmentation de 20 % de la subvention que le président Guéna a souhaitée.
Enfin, je me dois d'évoquer la redistribution des rôles au sein de notre dispositif d'aide publique au développement. Nous poursuivons notre effort de rénovation, non seulement pour atteindre l'objectif quantitatif de 0,5 % du P.I.B. en 2007 fixé par le président de la République, mais aussi pour améliorer l'efficacité de cette aide.
Nous distinguons les fonctions d'impulsion politique et de pilotage stratégique, confiées naturellement au ministère des Affaires étrangères, et celles de mise en uvre de notre aide. L'Agence française de développement (AFD) va devenir l'opérateur pivot qu'elle n'est pas encore vraiment. Je conviens, avec M. Charasse, que les évaluations de l'AFD devront être plus transparentes et effectuées en externe : il est clair que l'Etat, donneur d'ordre, doit pouvoir faire ses propres évaluations.
On peut imaginer, dans un troisième temps, de regrouper encore davantage notre APD au sein de la mission interministérielle APD qui, comme le regrette M. Charasse, n'en consolide que la moitié à l'heure actuelle.
A propos des crédits dits "culturels", je répondrai à Mme Cerisier ben Guiga que si les crédits affectés à l'action culturelle extérieure sont, par nature, soumis à des contraintes, il n'est pas juste de dire que ce volet important de notre action serait traité comme une "variable d'ajustement".
L'action culturelle est clairement identifiée dans le programme "rayonnement" et constitue une part importante du programme "solidarité", car la culture fait partie du développement. Je veux donner une dimension humaine et citoyenne à mon action en m'appuyant sur le culturel. Je voudrais insister sur le volontarisme de ce budget en matière de bourses pour inciter les meilleurs étudiants étrangers à venir chez nous, et de coopération universitaire et scientifique, deux volets fondamentaux pour conforter la compétitivité française.
Telles sont les précisions que je voulais apporter sur l'adaptation de notre appareil diplomatique. L'administration des Affaires étrangères est en mouvement, elle est prête aux changements pour rester influente, tout en apportant à nos compatriotes de l'étranger, aux amis de la France, aux organisations internationales, aux collectivités territoriales - j'ai d'ailleurs toujours milité en faveur de la coopération décentralisée en tant que président de conseil général - et aux entreprises, un service public de qualité pour leur action internationale.
Pour 2005, mon ambition est de concentrer la ressource disponible autour de quelques grandes lignes : tout d'abord, l'aide publique au développement ; ensuite, un effort d'information et de sensibilisation - républicain, impartial - de nos concitoyens aux questions européennes et au projet de Constitution ; la remise à niveau de nos contributions aux Nations unies, sans avoir à solliciter de crédits en loi de finances rectificatives est également présentée. L'accueil en France des étudiants étrangers, dont le nombre inscrit dans nos universités augmente de 12 % par an depuis 1998 - M. Fournier l'a signalé -, cette évolution doit se poursuivre.
Les Français de l'étranger sont également une priorité, notamment dans les domaines scolaire et de la sécurité. Je reconnais, avec M. Cantegrit, que davantage pourrait être fait pour la solidarité avec les personnes âgées et les handicapés. Le fonds d'action sociale du ministère des Affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation de près de 20 % en six ans et nous soutenons près d'une centaine d'associations françaises de bienfaisance à l'étranger. Un effort particulier a été fait cette année en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires d'une allocation "handicapé" a augmenté de 3 % et les allocations versées aux enfants handicapés ainsi que les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.
Enfin, je veux accroître l'efficacité de la gestion du droit d'asile et de la circulation des étrangers. Sachez, Monsieur Arthuis, que le gouvernement est attentif à ce que progresse le nombre des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui est passé de 30 à 35 % cette année par rapport à 2003. La principale difficulté réside dans l'absence de documents de voyage. On y pallie en demandant un laissez-passer consulaire (LPC), mais qui n'arrive en temps voulu que dans un tiers des cas. Nous signons également des accords de réadmission avec les pays de destination. Je suis prêt à enquêter sur les irrégularités que vous pourriez me signaler.
Le budget que je vous soumets est un budget réaliste pour conduire le changement et mettre en uvre ces priorités.
Nos dotations pour 2005 progressent de 4,3 % pour s'établir à 4,408 milliards d'euros. La part du budget des Affaires étrangères dans le budget de l'Etat progresse de 1,51 % à 1,58 %.
Pour que ce budget reste un bon budget, il faut que les crédits ouverts lui soient garantis. M. Charasse a qualifié "d'éprouvants" les effets de la régulation budgétaire en 2003. Nous y avons échappé en 2004 par la volonté du président de la République.
Par ailleurs, un quart de notre budget est soumis au risque de change. Or, comme l'a souligné M. Gouteyron, aucune hypothèse de change n'a été fixée au cours de la négociation budgétaire. Il y à là un facteur d'incertitude que nous voulons intégrer dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de discussions avec le ministère des Finances.
Il y a d'autres incertitudes. C'est le cas des appels à contribution du Fonds européen de développement (FED) et des opérations de maintien de la paix de l'ONU. J'ai obtenu l'assurance que les moyens nécessaires seraient dégagés le cas échéant et sans redéploiement.
Un mot, enfin, sur les Français de l'étranger. M. Del Picchia a posé la question des indemnités versées aux membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui ne couvrent que partiellement les charges liées à leur mandat. Ils sont les seuls élus du peuple auxquels rien n'est versé au titre des frais qu'ils peuvent engager dans leur circonscription. Je suis donc favorable à la création de cette indemnité, pourvu que les modalités de son financement et de leur versement soient clairement définies. De même, je ne suis pas opposé à la tenue d'une deuxième session annuelle.
Avant de conclure, je souhaiterais répondre aux questions qui m'ont été posées sur quelques grands dossiers internationaux du moment.
M. Vinçon a parlé de l'OTAN et de son rôle futur. La France en est le troisième contributeur et des généraux français commandent les deux plus grandes opérations actuelles de l'OTAN, au Kosovo et en Afghanistan.
Même si les relations transatlantiques doivent évidemment être évoquées, - nous le ferons demain à Bruxelles où M. Powell sera présent pour la dernière fois - l'OTAN doit avant tout se concentrer sur ses opérations. Nous devons maintenir les effectifs de l'OTAN au Kosovo car les prochains mois seront difficiles. De même en Afghanistan, où la stabilisation progresse mais où la drogue est devenue un fléau : 80 % de l'héroïne consommée en Europe provient de ce pays. Dans toutes ces zones de crise, la réponse doit être globale et pas uniquement militaire.
Mme Durrieu m'a interrogé sur l'Iran. C'est un dossier sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec Jack Straw et Joschka Fischer, et qui nous offre un triple motif d'encouragement. Les trois Etats européens en s'engageant avec le soutien de Javier Solana ont donné l'image d'une Europe unie qui agit et qui convainc. Chacun des trois Etats a apporté ses atouts dans cette négociation, ce qui a rendu cet accord possible. Aucun de nous n'aurait pu la mener tout seul.
L'Iran a accepté de suspendre ses activités liées à l'enrichissement et au retraitement, cela figure dans l'accord signé à Paris le 15 novembre dernier.
L'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) a confirmé cette suspension. La résolution présentée par les trois Européens a été adoptée par consensus. Nous sommes maintenant disposés à entamer des négociations pour un accord de long terme : volet nucléaire, volet économique et de coopération et volet politique et de sécurité. Cet accord devrait apporter les garanties objectives de la finalité exclusivement civile du programme nucléaire iranien. Mme Brisepierre et M. Cantegrit, entre autres, m'ont interrogé sur la crise en Côte d'Ivoire. Je me suis déjà exprimé devant la Haute Assemblée quelques jours seulement après le bombardement de Bouaké. Je voudrais saluer les efforts du président Mbeki qui s'est rendu sur place au nom de l'Union africaine, avec des représentants de l'Union européenne, du FMI et de la Banque mondiale. Le président Bongo s'est également beaucoup impliqué, avec toute la sagesse qui le caractérise. C'est d'ailleurs lui qui avait relancé le processus, en novembre 2003, lors de la réunion de Libreville. La communauté africaine a confirmé la nécessité de mettre en oeuvre les accords de Marcoussis et d'Accra pour arriver au désarmement des forces en présence - il n'y a pas d'autre solution - et elle est appuyée par la communauté internationale. Nous maintenons notre engagement dans ce sens. La mission de la France en Afrique n'est pas d'être un gendarme, mais le partenaire du développement, de la paix et de la stabilité du continent.
M. Duvernois et Cantegrit ont souhaité connaître les modalités de l'aide destinée à nos compatriotes qui ont tout perdu en Côte d'Ivoire. Cette responsabilité devrait être confiée à la Mission interministérielle aux rapatriés. Aujourd'hui même, une réunion interministérielle a préparé un décret étendant à cette fin la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, qui avait été adoptée pour les Français d'Algérie. Je m'associe aux remerciements adressés aux fonctionnaires, aux volontaires et aux collectivités territoriales, qui ont été formidables pour accueillir nos compatriotes. Je leur dis ma gratitude et mon admiration.
Mme Bergé-Lavigne, MM. Bret et Plancade ont évoqué la situation en Irak et les perspectives du conflit israélo-palestinien après la disparition de Yasser Arafat.
Plus que jamais, l'instabilité au Moyen-Orient est au coeur de nos préoccupations. Il y a dans cette région un besoin de paix, de justice, de sécurité. Notre génération a le devoir d'y répondre.
Avec le décès de Yasser Arafat, une situation nouvelle est créée. Avec les Européens et le Quartet, notre action vise à ce que la transition politique permette la désignation des nouveaux responsables palestiniens dans les meilleures conditions possibles. D'où notre soutien actif à la tenue, le 9 janvier, d'une élection présidentielle transparente, démocratique, ouverte à tous les Palestiniens. Nous avons proposé à la Commission européenne 25 candidats - maximum pour la France - pour faire partie de l'équipe qui sera dirigée par M. Rocard.
Au-delà, notre priorité est la relance du Processus de paix. On perçoit actuellement une plus grande disponibilité au dialogue. J'ai qualifié de "courageux" le projet de retrait de Gaza, à condition d'en faire un territoire viable et stable, offrant un avenir aux jeunes Palestiniens. Il y a enfin des idées de conférence internationale, encore imprécises, mais qui correspondent à ce que la France demande depuis longtemps pour remettre la Feuille de route sur les rails. Il n'y a pas d'alternative à cette solution, hors de la spirale de la violence qui frappe les enfants d'Israël comme ceux de la Palestine.
La France s'engage pleinement pour que cette chance - la première depuis bien longtemps - soit saisie.
Sur l'Irak, MM. Bret et Plancade ont vu qu'à Charm el-Cheikh, le 23 novembre, les pays les plus concernés par ce conflit et tous les pays riverains se sont mis d'accord pour conforter le processus de transition prévu par la résolution 1546. Comment la France aurait-elle été absente d'une telle conférence, qui réintroduit un peu de multilatéralisme dans l'action internationale ? Nous avons pesé de tout notre poids pour faire adopter des textes conformes à nos vues : ouverture du champ politique irakien sur l'ensemble du territoire, notamment lors des élections programmées pour le 30 janvier ; perspective réaffirmée du départ des troupes étrangères d'ici le 31 décembre 2005.
Par ailleurs, nous voulons aider bilatéralement les autorités irakiennes à remettre leur pays sur pied - sans envisager le moindre engagement militaire. L'Union européenne met en place un ensemble de projets pour le scrutin du 30 janvier et dans le domaine de l'Etat de droit. Un effort particulier a été consenti par le Club de Paris pour alléger significativement le poids de la dette irakienne : progressivement, 80 % de la dette irakienne vis-à-vis du Club ont été supprimés. A Charm el-Cheikh, nous avons demandé un effort comparable aux autres créanciers. Constructifs et vigilants, nous sommes conscients des problèmes considérables de sécurité. La seule solution durable est politique : il faut rendre aux Irakiens la maîtrise de leur destin.
L'année 2003 avait été marquée par une vraie inquiétude sociale et budgétaire au ministère des Affaires étrangères.
La prise de conscience qui en est résultée, sous l'impulsion du chef de l'Etat et de M. de Villepin, a permis d'entamer la consolidation de nos crédits alors que chaque jour apporte de nouvelles crises qui placent notre diplomatie en première ligne.
Je vous sais gré de vos remerciements à tous le personnel du ministère.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2004)