Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous, à l'occasion de votre congrès national.
En effet, cette manifestation est certes importante pour votre société, mais elle est très importante également, de manière plus générale, pour la gestion collective des droits dont la SACEM est, en quelque sorte, le navire amiral. Cette gestion collective, à laquelle je suis très attachée, vous le savez, est vilipendée et il nous faut réagir ensemble, j'y reviendrai. Mais votre congrès est aussi très important pour les auteurs, sans lesquels, je ne l'oublie jamais, il n'y a pas de création.
Il était donc parfaitement normal que je réponde à votre aimable invitation. Mais ce devoir du ministre en charge de la culture se double du réel plaisir du contact direct avec vous.
J'attends avec intérêt les fruits de la réflexion à la fois rétrospective et prospective sur les grands enjeux à laquelle vous vous livrerez pendant ces deux jours.
Le principal de ces enjeux me semble être la question internationale. Sur ce point faut-il rappeler que cette année nous a confrontés à des circonstances internationales difficiles et que nous avons su préserver l'essentiel en promouvant les conceptions françaises en matière de création et de culture. Nous continuerons, je continuerai de toutes mes forces, dans les combats futurs qui s'annoncent au moins aussi délicats, à faire prévaloir ces conceptions françaises auxquelles nous sommes, vous et moi, attachés.
Vous consacrez demain une partie de vos travaux à ces questions. J'aurai à cur d'entendre vos conclusions et propositions. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons avancer en la matière. J'y reviendrais à la fin de mon propos.
Mais la gestion collective doit, au plan national, prendre la mesure d'un autre enjeu tout aussi important : celui d'une contestation qui se fait forte et qui vient, parfois de vos rangs, souvent de l'extérieur, contestation du principe même de la gestion collective.
Je laisse délibérément de côté l'aspect médiatique du dossier et les articles qui émaillent la presse, expression indirecte ou directe de conflits personnels dont je n'ai pas à connaître pour ne m'attacher qu'au fond des problèmes; c'est la raison pour laquelle, je suis jusqu'à ce jour restée silencieuse face aux campagnes et approximations dont plusieurs sociétés d'auteurs et d'interprètes ont été l'objet.
Mon ministère lui même n'a pas échappé aux mises en cause. J'entends réagir à tout cela avec calme et détermination.
Je distingue clairement deux natures de défis que nous devons relever ensemble : le défi interne, qu'ont à affronter les sociétés de perception et de répartition en ce qui concerne leur fonctionnement et les défis externes, la mondialisation et les nouvelles technologies en réseaux.
Sur le premier point, je souhaite vous dire d'emblée que vous n'avez pas à rougir de ce que vous êtes et de ce que vous faites quoiqu'on en dise dans les colonnes des journaux ou ailleurs.
Cependant, à la pratique de treize années de la loi de 1985, il est clair, selon moi, que certaines améliorations sont sans doute souhaitables. A cet égard, je vois deux pistes de réflexion :
*d'une part, le renforcement de l'information des associés et de l'Etat sur le fonctionnement des sociétés de gestion collective,
*et, d'autre part, le lancement d'une réflexion que je conduirai, en liaison avec les sociétés, sur le bilan de l'application des dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives aux sociétés de perception.
La première de ces améliorations résultera de la très prochaine publication du décret modifiant la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle qui permettra une meilleure information des associés et de mon administration sur la gestion des sommes perçues et réparties par les sociétés de gestion collective.
Informés de manière beaucoup plus complète et transparente, les uns et les autres pourront mieux exercer leur pouvoir de contrôle ou leur droit de regard. Ce projet a été accepté par le Conseil d'Etat, il est soumis à la signature du Premier ministre et des ministres contresignataires et il doit paraître dans les prochains jours au journal officiel.
Bien sûr, le décret que j'ai souhaité et mis en uvre dès mon arrivée rue de Valois n'est pas en lui même très médiatique, car la bonne mise en uvre de ce texte suppose un travail patient, quasiment de bénédictin, et par nature peu spectaculaire. En tous cas, je suis convaincue de la portée réelle de ce texte en matière de transparence financière et j'y consacrerai les moyens humains nécessaires.
Mais si cet effort portera ses fruits dès la reddition des comptes de l'année 1998, c'est à dire courant 1999, je crois également qu'il ne faut pas attendre cette échéance, compte tenu du climat délétère qui s'est installé. Nous devons réagir immédiatement dans l'intérêt même de la gestion collective.
Votre congrès est à cet égard exemplaire de ce qu'il est possible de faire en termes de transparence sur les conditions de fonctionnement et d'organisation des sociétés. En particulier la journée d'aujourd'hui aura permis à votre société face à vos partenaires étrangers, face à la presse et aux médias de montrer ce qu'en réalité vous êtes. On ne peux que s'en féliciter et je vous en félicite.
J'ai souvent entendu proposer que vos sociétés soient soumises au contrôle de la cour des comptes. J'y suis, vous le savez, je l'ai souvent dit ou écrit, opposée : les SPRD ne sont pas des personnes publiques, elles ne gèrent pas d'argent public et ne font pas appel public à l'épargne. Elles sont des organismes de droit privé et gèrent de l'argent privé. Cette question est tranchée et nous n'y reviendrons pas.
On m'a aussi demandé de déclencher des audits de telle ou telle société de perception; ce n'est pas, je pense, la bonne méthode, car il n'y a pas lieu de désigner à la vindicte qui que ce soit.
Je préfère que l'on détermine les sujets qui méritent une étude transversale dans toutes les sociétés.
Sur ces sujets, que j'identifierai avec les présidents des sociétés, je demanderai à l'inspection générale du ministère de conduire une mission d'évaluation en liaison avec la direction de l'administration générale. Cette réflexion sera conduite à partir des éléments dont mes services disposent sur la base des informations que les sociétés leur communiquent chaque année et, bien sûr, si ces éléments devaient s'avérer insuffisants, ces services vous demanderont en mon nom des informations complémentaires.
Les résultats de cette étude transversale viendront compléter le rapport annuel que mes services préparent sur l'exercice pour lequel ils ont reçu les comptes des sociétés, c'est à dire l'exercice 1997. Il paraîtra au tout début de l'année 1999.
De la sorte, nous auront fait deux choses fondamentales dans des délais assez brefs : nous aurons amélioré la transparence, ce qui permettra de tordre le coup à de nombreux fantasmes, et nous aurons également alimenté et enrichi la réflexion que je souhaite conduire, comme je le disais tout à l'heure, sur le bilan des dispositions du code relatives aux sociétés de gestion collective.
Ce bilan est nécessaire après treize années, mais cette action de réflexion doit être cadrée de manière très stricte : il s'agit d'améliorer ce qui fonctionne et non pas de détruire ou d'affaiblir ce qui donne satisfaction.
Mes orientations pour cette réflexion sont les suivantes :
*tout d'abord le maintien de la philosophie de la loi de 1985: les sociétés de perception et de répartition sont, je le répète, des sociétés de droit privé, sui generis, gérant des fonds privés ; de ce principe maintenu découle la claire impossibilité d'infléchir dans le sens d'une plus grande "publicisation" le dispositif existant. Mon ministère doit rester en revanche le gardien du respect de certaines considérations d'intérêt général dont il a la charge dans ce secteur.
*La mission d'évaluation dont je viens de parler pourra proposer toutes améliorations du dispositif de 1985 à chaque fois que la réflexion établira que c'est nécessaire ; les axes suivants seront ainsi explorés : information des associés, démocratie interne, contrôle de gestion, modes de répartition.
J'attache une grande importance à ce que cette réflexion consacre une attention particulière au rôle de l'Etat dans le cadre réaffirmé de la philosophie de la loi de 1985 que j'ai rappelée à l'instant. Il s'agit de rechercher une meilleure efficacité de l'Etat dans sa mission de préservation de l'intérêt général. Cette mission m'incombe et je l'assumerai. Je ne sais si en la matière, comme l'a dit un ancien ministre de la culture, il y a ou il y a eu des dormeurs, mais je sais que la ministre actuelle pour sa part ne dort pas.
En liaison avec vous, mes services étudieront notamment s'il est satisfaisant que le "marché de la perception" soit entièrement concurrentiel et ouvert à tous candidats nouveaux, dès lors que des sociétés existent et fonctionnent correctement dans un domaine. Est-il normal que l'Etat, face à une société de gestion collective dont il estime le fonctionnement défectueux, ait, comme seule arme, la demande de dissolution formulée devant le juge? Ne devrait-il pas y avoir une gradation plus subtile des armes à la disposition des pouvoirs publics ?
L'Etat ne devrait-il pas pouvoir également s'opposer, dans des cas bien identifiés par la loi et sous le contrôle du juge, à des modifications statutaires contraires à l'intérêt général, qu'il est le mieux placé, par définition, pour apprécier, puisque c'est son rôle ? A l'heure actuelle il est réduit à ne pouvoir faire que des observations ou à utiliser l'arme atomique de la demande de dissolution devant le juge? Je n'insiste pas davantage, il faut réfléchir, ensemble, à ces sujets.
Pour terminer sur ce point, je souhaite vous dire que ce chantier très important a besoin de votre soutien et de votre participation active et constructive.
Je l'ai dit aux responsables des diverses sociétés, je le répète ici, il en va de l'avenir de la gestion collective. Le monde change, la France a souvent, grâce à vous les auteurs, été en avance ; je préfère qu'elle continue à montrer le chemin.
Au passage je vous indique, c'est un point important, que, de mon point de vue, il n'y a rien de scandaleux à ce que les sociétés, comme la SACEM ou d'autres, soutiennent financièrement, grâce aux sommes que la loi destine à des actions d'aide à la création, des projets qui sont également soutenus par des collectivités publiques, qu'il s'agisse des collectivités locales ou de l'Etat.
Evidemment, ces actions conjointes doivent être conduites, notamment du côté des collectivités publiques, dans des conditions irréprochables de transparence et de clarté des responsabilités, mais il ne faut surtout pas se priver de ces diverses sources de financement qui sont essentielles au développement culturel. Je crois aussi que les financements croisés sont bien souvent la preuve, puisqu'ils mettent à contribution plusieurs décideurs, de la qualité des projets. Je tenais à vous apporter ces précisions.
L'évolution législative dont j'ai tracé le cadre à l'instant devra, bien sûr, prendre l'exacte mesure de l'autre défi que nous avons à affronter, la mondialisation des échanges et les nouvelles technologies des réseaux. Sur ce point, je tiens à vous donner les orientations essentielles de ma politique, car là aussi les enjeux sont fondamentaux.
Je tiens en premier lieu à vous réaffirmer que le gouvernement gardera le cap qui a été le sien. La conception française est claire : les oeuvres ne sont pas des marchandises et la création n'est pas seulement l'acte économique de production d'un bien. C'est beaucoup plus que cela, vous le savez bien, vous, les auteurs. Dans ce combat qui est permanent, je suis avec vous et, j'ajoute immédiatement qu'il ne s'agit pas d'une position défensive, mais offensive et dynamique, pour faire prévaloir notre conception humaniste et personnaliste de la création.
Il est ainsi très clair pour moi que les développements potentiels de la société de l'information ne pourront être effectifs sans contenus de qualité, ce qui suppose que les titulaires de droits y trouvent leur compte. L'information libre de droit sur les réseaux est un leurre dangereux, vis à vis même du caractère souhaitable du développement de la société de l'information. Cette vision des choses je la défendrai dans toutes les enceintes, nationales, communautaires et internationales.
Ceci étant, nous ne pouvons faire l'économie de la réflexion prospective compte tenu des changements qui s'annoncent et si nous voulons anticiper les évolutions, ne pas être pris de court et faire prévaloir nos conceptions. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la direction de l'administration générale de conduire cette réflexion et de me faire des propositions d'adaptation de notre législation, si nécessaire, dans le prolongement des nombreux travaux déjà conduits : je cite ici le rapport du professeur Sirinelli sur les industries culturelles et les nouvelles techniques, le rapport de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat sur l'Internet.
Il ne s'agit pas de changer la loi pour le plaisir de le faire, ni pour renoncer à nos principes en matière de droit d'auteur, mais d'adapter notre législation lorsque cela s'avère nécessaire. Pour une bonne part, un tel chantier trouvera sa concrétisation dans les discussions communautaires en cours. Mais, il y aura aussi une part purement nationale à conduire.
Vous aurez vous mêmes, auteurs, à conduire des actions propres concourant au même objectif. Je pense au nécessaire développement rapide et efficace de votre projet SESAM, indispensable à une gestion simple des droits. Vous aurez aussi à continuer à apporter tout votre soutien au processus qui est en cours pour normaliser l'identification des oeuvres utilisées sur les réseaux. Je ne peux que vous inciter sur ces points au plus grand volontarisme car il faut faire vite et bien, les enjeux sont de taille, vous le savez.
Monsieur le président Tournier, par une lettre récente vous m'avez posé quelques questions auxquelles je réponds bien volontiers plus précisément.
Dans le domaine du multimédia et du numérique l'attitude du gouvernement est très claire notamment depuis le discours de Hourtin du Premier ministre et la publication du document relatif à l'entrée de la France dans la société de l'information. Il faut que notre pays soit en pointe et les pouvoirs publics doivent y contribuer.
La responsabilité des pouvoirs publics est de permettre un développement de la société de l'information conforme à nos intérêts culturels, car il y a va de la survie de notre identité. Pour cela il est vital que notre pays soit capable d'offrir des contenus de qualité, c'est la condition M. le Président, pour reprendre vos propres mots, pour que nos répertoires ne soient pas balayés du WEB par les produits étrangers. Pour ce faire, il faut savoir soutenir la création française et veiller à ce que les auteurs et les titulaires de droit soient efficacement protégés. C'est le sens même de mon action au plan national, communautaire et international. Soyez assurés, je l'ai dit et je le répète, je continuerai ce combat de toutes mes forces.
Il faut également que les initiatives prises contribuant à la simplification de la gestion des droits se poursuivent et se développent, c'est impératif. Je vous en ai parlé tout à l'heure, c'est un enjeu essentiel et je suis heureuse à cet égard de la participation de SESAM au consortium réunissant six sociétés d'auteurs européennes dans la cadre de l'INFO 2000 qui vise à renforcer le développement du commerce électronique et notamment la production multimédia.
S'agissant, et c'est un autre sujet fondamental pour nous tous, de la reprise des négociations sur la libéralisation du commerce, nous devons être extrêmement vigilants. La troisième réunion ministérielle de l'OMC qui se réunira à la fin de l'année 1999 lancera officiellement les négociations du prochain cycle multilatéral. Cette échéance doit être préparée au niveau communautaire et au niveau national. Le Premier ministre nous a demandé d'engager dès maintenant une réflexion sur nos intérêts offensifs et défensifs, sur la stratégie à suivre, ainsi que sur la gestion du calendrier. Le gouvernement n'en doutez pas travaille et, pour l'instant, aucune décision politique n'a été prise au niveau de l'Union sur le lancement d'un cycle de négociation et la manière de le conduire.
Vos observations seront sur ce sujet précieuses. Je sais que je peux compter sur votre aide et votre appui quant à la préservation de la propriété intellectuelle et des acquis communautaire et, pour ce faire votre propre vigilance m'est indispensable.
Enfin, dernier point, sur la question de la copie privée numérique, je serai particulièrement vigilante dans les discussions communautaires en cours, car, en effet, son sort n'est pas réglé de façon harmonisée par le projet de directive sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information. Il y a unanimité sur ce point. Or, c'est un sujet qui mérite la plus grande attention car le numérique, vous le savez, change la nature même de la copie. On peut parler, du fait de la qualité permise par le numérique, de véritable clone de l'original reproductible à l'infini sans perte de qualité.
Dans ces conditions, on ne peut pas rester avec le régime juridique qui a été parfaitement valable du temps du copiste isolé la plume à la main ; le numérique change la nature des choses, il faut donc s'adapter pour préserver les droits légitimes des auteurs et des titulaires de droits voisins.
Le second élément à prendre en compte dans cette appréciation, ce sont les mesures techniques de protection et leur efficacité et, de mon point de vue, l'impact du numérique et l'état des techniques de protection doivent être aujourd'hui conjugués pour se déterminer sur la question de la copie privée numérique. En effet, tant que l'état des techniques et des dispositifs de protection ne permettra pas aux titulaires de droit de faire respecter leurs droits exclusifs d'autoriser, il vaut mieux admettre le principe d'un droit à rémunération équitable du fait de la copie privée numérique ; c'est la voie de la sagesse et de la prudence pour ne pas risquer de tout perdre.
Cependant cette question est rendue encore plus difficile compte tenu de l'internationalisation des échanges, notamment sur le réseau des réseaux, et les solutions purement nationales risquent d'être peu efficaces. C'est pourquoi, je privilégie la voie communautaire. C'est le sens de mon action. J'aurai besoin sur ce point aussi du soutien des titulaires de droits.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs ,
Je suis bien consciente des difficultés qui nous attendent sur tous ces chantiers et face à tous ces défis, mais je suis persuadée que nous saurons, collectivement, les mener à bien. Je compte sur votre soutien. Je vous remercie et vous prodigue mes encouragements pour vos travaux aux résultats desquels je serai très attentive.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous, à l'occasion de votre congrès national.
En effet, cette manifestation est certes importante pour votre société, mais elle est très importante également, de manière plus générale, pour la gestion collective des droits dont la SACEM est, en quelque sorte, le navire amiral. Cette gestion collective, à laquelle je suis très attachée, vous le savez, est vilipendée et il nous faut réagir ensemble, j'y reviendrai. Mais votre congrès est aussi très important pour les auteurs, sans lesquels, je ne l'oublie jamais, il n'y a pas de création.
Il était donc parfaitement normal que je réponde à votre aimable invitation. Mais ce devoir du ministre en charge de la culture se double du réel plaisir du contact direct avec vous.
J'attends avec intérêt les fruits de la réflexion à la fois rétrospective et prospective sur les grands enjeux à laquelle vous vous livrerez pendant ces deux jours.
Le principal de ces enjeux me semble être la question internationale. Sur ce point faut-il rappeler que cette année nous a confrontés à des circonstances internationales difficiles et que nous avons su préserver l'essentiel en promouvant les conceptions françaises en matière de création et de culture. Nous continuerons, je continuerai de toutes mes forces, dans les combats futurs qui s'annoncent au moins aussi délicats, à faire prévaloir ces conceptions françaises auxquelles nous sommes, vous et moi, attachés.
Vous consacrez demain une partie de vos travaux à ces questions. J'aurai à cur d'entendre vos conclusions et propositions. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons avancer en la matière. J'y reviendrais à la fin de mon propos.
Mais la gestion collective doit, au plan national, prendre la mesure d'un autre enjeu tout aussi important : celui d'une contestation qui se fait forte et qui vient, parfois de vos rangs, souvent de l'extérieur, contestation du principe même de la gestion collective.
Je laisse délibérément de côté l'aspect médiatique du dossier et les articles qui émaillent la presse, expression indirecte ou directe de conflits personnels dont je n'ai pas à connaître pour ne m'attacher qu'au fond des problèmes; c'est la raison pour laquelle, je suis jusqu'à ce jour restée silencieuse face aux campagnes et approximations dont plusieurs sociétés d'auteurs et d'interprètes ont été l'objet.
Mon ministère lui même n'a pas échappé aux mises en cause. J'entends réagir à tout cela avec calme et détermination.
Je distingue clairement deux natures de défis que nous devons relever ensemble : le défi interne, qu'ont à affronter les sociétés de perception et de répartition en ce qui concerne leur fonctionnement et les défis externes, la mondialisation et les nouvelles technologies en réseaux.
Sur le premier point, je souhaite vous dire d'emblée que vous n'avez pas à rougir de ce que vous êtes et de ce que vous faites quoiqu'on en dise dans les colonnes des journaux ou ailleurs.
Cependant, à la pratique de treize années de la loi de 1985, il est clair, selon moi, que certaines améliorations sont sans doute souhaitables. A cet égard, je vois deux pistes de réflexion :
*d'une part, le renforcement de l'information des associés et de l'Etat sur le fonctionnement des sociétés de gestion collective,
*et, d'autre part, le lancement d'une réflexion que je conduirai, en liaison avec les sociétés, sur le bilan de l'application des dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives aux sociétés de perception.
La première de ces améliorations résultera de la très prochaine publication du décret modifiant la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle qui permettra une meilleure information des associés et de mon administration sur la gestion des sommes perçues et réparties par les sociétés de gestion collective.
Informés de manière beaucoup plus complète et transparente, les uns et les autres pourront mieux exercer leur pouvoir de contrôle ou leur droit de regard. Ce projet a été accepté par le Conseil d'Etat, il est soumis à la signature du Premier ministre et des ministres contresignataires et il doit paraître dans les prochains jours au journal officiel.
Bien sûr, le décret que j'ai souhaité et mis en uvre dès mon arrivée rue de Valois n'est pas en lui même très médiatique, car la bonne mise en uvre de ce texte suppose un travail patient, quasiment de bénédictin, et par nature peu spectaculaire. En tous cas, je suis convaincue de la portée réelle de ce texte en matière de transparence financière et j'y consacrerai les moyens humains nécessaires.
Mais si cet effort portera ses fruits dès la reddition des comptes de l'année 1998, c'est à dire courant 1999, je crois également qu'il ne faut pas attendre cette échéance, compte tenu du climat délétère qui s'est installé. Nous devons réagir immédiatement dans l'intérêt même de la gestion collective.
Votre congrès est à cet égard exemplaire de ce qu'il est possible de faire en termes de transparence sur les conditions de fonctionnement et d'organisation des sociétés. En particulier la journée d'aujourd'hui aura permis à votre société face à vos partenaires étrangers, face à la presse et aux médias de montrer ce qu'en réalité vous êtes. On ne peux que s'en féliciter et je vous en félicite.
J'ai souvent entendu proposer que vos sociétés soient soumises au contrôle de la cour des comptes. J'y suis, vous le savez, je l'ai souvent dit ou écrit, opposée : les SPRD ne sont pas des personnes publiques, elles ne gèrent pas d'argent public et ne font pas appel public à l'épargne. Elles sont des organismes de droit privé et gèrent de l'argent privé. Cette question est tranchée et nous n'y reviendrons pas.
On m'a aussi demandé de déclencher des audits de telle ou telle société de perception; ce n'est pas, je pense, la bonne méthode, car il n'y a pas lieu de désigner à la vindicte qui que ce soit.
Je préfère que l'on détermine les sujets qui méritent une étude transversale dans toutes les sociétés.
Sur ces sujets, que j'identifierai avec les présidents des sociétés, je demanderai à l'inspection générale du ministère de conduire une mission d'évaluation en liaison avec la direction de l'administration générale. Cette réflexion sera conduite à partir des éléments dont mes services disposent sur la base des informations que les sociétés leur communiquent chaque année et, bien sûr, si ces éléments devaient s'avérer insuffisants, ces services vous demanderont en mon nom des informations complémentaires.
Les résultats de cette étude transversale viendront compléter le rapport annuel que mes services préparent sur l'exercice pour lequel ils ont reçu les comptes des sociétés, c'est à dire l'exercice 1997. Il paraîtra au tout début de l'année 1999.
De la sorte, nous auront fait deux choses fondamentales dans des délais assez brefs : nous aurons amélioré la transparence, ce qui permettra de tordre le coup à de nombreux fantasmes, et nous aurons également alimenté et enrichi la réflexion que je souhaite conduire, comme je le disais tout à l'heure, sur le bilan des dispositions du code relatives aux sociétés de gestion collective.
Ce bilan est nécessaire après treize années, mais cette action de réflexion doit être cadrée de manière très stricte : il s'agit d'améliorer ce qui fonctionne et non pas de détruire ou d'affaiblir ce qui donne satisfaction.
Mes orientations pour cette réflexion sont les suivantes :
*tout d'abord le maintien de la philosophie de la loi de 1985: les sociétés de perception et de répartition sont, je le répète, des sociétés de droit privé, sui generis, gérant des fonds privés ; de ce principe maintenu découle la claire impossibilité d'infléchir dans le sens d'une plus grande "publicisation" le dispositif existant. Mon ministère doit rester en revanche le gardien du respect de certaines considérations d'intérêt général dont il a la charge dans ce secteur.
*La mission d'évaluation dont je viens de parler pourra proposer toutes améliorations du dispositif de 1985 à chaque fois que la réflexion établira que c'est nécessaire ; les axes suivants seront ainsi explorés : information des associés, démocratie interne, contrôle de gestion, modes de répartition.
J'attache une grande importance à ce que cette réflexion consacre une attention particulière au rôle de l'Etat dans le cadre réaffirmé de la philosophie de la loi de 1985 que j'ai rappelée à l'instant. Il s'agit de rechercher une meilleure efficacité de l'Etat dans sa mission de préservation de l'intérêt général. Cette mission m'incombe et je l'assumerai. Je ne sais si en la matière, comme l'a dit un ancien ministre de la culture, il y a ou il y a eu des dormeurs, mais je sais que la ministre actuelle pour sa part ne dort pas.
En liaison avec vous, mes services étudieront notamment s'il est satisfaisant que le "marché de la perception" soit entièrement concurrentiel et ouvert à tous candidats nouveaux, dès lors que des sociétés existent et fonctionnent correctement dans un domaine. Est-il normal que l'Etat, face à une société de gestion collective dont il estime le fonctionnement défectueux, ait, comme seule arme, la demande de dissolution formulée devant le juge? Ne devrait-il pas y avoir une gradation plus subtile des armes à la disposition des pouvoirs publics ?
L'Etat ne devrait-il pas pouvoir également s'opposer, dans des cas bien identifiés par la loi et sous le contrôle du juge, à des modifications statutaires contraires à l'intérêt général, qu'il est le mieux placé, par définition, pour apprécier, puisque c'est son rôle ? A l'heure actuelle il est réduit à ne pouvoir faire que des observations ou à utiliser l'arme atomique de la demande de dissolution devant le juge? Je n'insiste pas davantage, il faut réfléchir, ensemble, à ces sujets.
Pour terminer sur ce point, je souhaite vous dire que ce chantier très important a besoin de votre soutien et de votre participation active et constructive.
Je l'ai dit aux responsables des diverses sociétés, je le répète ici, il en va de l'avenir de la gestion collective. Le monde change, la France a souvent, grâce à vous les auteurs, été en avance ; je préfère qu'elle continue à montrer le chemin.
Au passage je vous indique, c'est un point important, que, de mon point de vue, il n'y a rien de scandaleux à ce que les sociétés, comme la SACEM ou d'autres, soutiennent financièrement, grâce aux sommes que la loi destine à des actions d'aide à la création, des projets qui sont également soutenus par des collectivités publiques, qu'il s'agisse des collectivités locales ou de l'Etat.
Evidemment, ces actions conjointes doivent être conduites, notamment du côté des collectivités publiques, dans des conditions irréprochables de transparence et de clarté des responsabilités, mais il ne faut surtout pas se priver de ces diverses sources de financement qui sont essentielles au développement culturel. Je crois aussi que les financements croisés sont bien souvent la preuve, puisqu'ils mettent à contribution plusieurs décideurs, de la qualité des projets. Je tenais à vous apporter ces précisions.
L'évolution législative dont j'ai tracé le cadre à l'instant devra, bien sûr, prendre l'exacte mesure de l'autre défi que nous avons à affronter, la mondialisation des échanges et les nouvelles technologies des réseaux. Sur ce point, je tiens à vous donner les orientations essentielles de ma politique, car là aussi les enjeux sont fondamentaux.
Je tiens en premier lieu à vous réaffirmer que le gouvernement gardera le cap qui a été le sien. La conception française est claire : les oeuvres ne sont pas des marchandises et la création n'est pas seulement l'acte économique de production d'un bien. C'est beaucoup plus que cela, vous le savez bien, vous, les auteurs. Dans ce combat qui est permanent, je suis avec vous et, j'ajoute immédiatement qu'il ne s'agit pas d'une position défensive, mais offensive et dynamique, pour faire prévaloir notre conception humaniste et personnaliste de la création.
Il est ainsi très clair pour moi que les développements potentiels de la société de l'information ne pourront être effectifs sans contenus de qualité, ce qui suppose que les titulaires de droits y trouvent leur compte. L'information libre de droit sur les réseaux est un leurre dangereux, vis à vis même du caractère souhaitable du développement de la société de l'information. Cette vision des choses je la défendrai dans toutes les enceintes, nationales, communautaires et internationales.
Ceci étant, nous ne pouvons faire l'économie de la réflexion prospective compte tenu des changements qui s'annoncent et si nous voulons anticiper les évolutions, ne pas être pris de court et faire prévaloir nos conceptions. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la direction de l'administration générale de conduire cette réflexion et de me faire des propositions d'adaptation de notre législation, si nécessaire, dans le prolongement des nombreux travaux déjà conduits : je cite ici le rapport du professeur Sirinelli sur les industries culturelles et les nouvelles techniques, le rapport de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat sur l'Internet.
Il ne s'agit pas de changer la loi pour le plaisir de le faire, ni pour renoncer à nos principes en matière de droit d'auteur, mais d'adapter notre législation lorsque cela s'avère nécessaire. Pour une bonne part, un tel chantier trouvera sa concrétisation dans les discussions communautaires en cours. Mais, il y aura aussi une part purement nationale à conduire.
Vous aurez vous mêmes, auteurs, à conduire des actions propres concourant au même objectif. Je pense au nécessaire développement rapide et efficace de votre projet SESAM, indispensable à une gestion simple des droits. Vous aurez aussi à continuer à apporter tout votre soutien au processus qui est en cours pour normaliser l'identification des oeuvres utilisées sur les réseaux. Je ne peux que vous inciter sur ces points au plus grand volontarisme car il faut faire vite et bien, les enjeux sont de taille, vous le savez.
Monsieur le président Tournier, par une lettre récente vous m'avez posé quelques questions auxquelles je réponds bien volontiers plus précisément.
Dans le domaine du multimédia et du numérique l'attitude du gouvernement est très claire notamment depuis le discours de Hourtin du Premier ministre et la publication du document relatif à l'entrée de la France dans la société de l'information. Il faut que notre pays soit en pointe et les pouvoirs publics doivent y contribuer.
La responsabilité des pouvoirs publics est de permettre un développement de la société de l'information conforme à nos intérêts culturels, car il y a va de la survie de notre identité. Pour cela il est vital que notre pays soit capable d'offrir des contenus de qualité, c'est la condition M. le Président, pour reprendre vos propres mots, pour que nos répertoires ne soient pas balayés du WEB par les produits étrangers. Pour ce faire, il faut savoir soutenir la création française et veiller à ce que les auteurs et les titulaires de droit soient efficacement protégés. C'est le sens même de mon action au plan national, communautaire et international. Soyez assurés, je l'ai dit et je le répète, je continuerai ce combat de toutes mes forces.
Il faut également que les initiatives prises contribuant à la simplification de la gestion des droits se poursuivent et se développent, c'est impératif. Je vous en ai parlé tout à l'heure, c'est un enjeu essentiel et je suis heureuse à cet égard de la participation de SESAM au consortium réunissant six sociétés d'auteurs européennes dans la cadre de l'INFO 2000 qui vise à renforcer le développement du commerce électronique et notamment la production multimédia.
S'agissant, et c'est un autre sujet fondamental pour nous tous, de la reprise des négociations sur la libéralisation du commerce, nous devons être extrêmement vigilants. La troisième réunion ministérielle de l'OMC qui se réunira à la fin de l'année 1999 lancera officiellement les négociations du prochain cycle multilatéral. Cette échéance doit être préparée au niveau communautaire et au niveau national. Le Premier ministre nous a demandé d'engager dès maintenant une réflexion sur nos intérêts offensifs et défensifs, sur la stratégie à suivre, ainsi que sur la gestion du calendrier. Le gouvernement n'en doutez pas travaille et, pour l'instant, aucune décision politique n'a été prise au niveau de l'Union sur le lancement d'un cycle de négociation et la manière de le conduire.
Vos observations seront sur ce sujet précieuses. Je sais que je peux compter sur votre aide et votre appui quant à la préservation de la propriété intellectuelle et des acquis communautaire et, pour ce faire votre propre vigilance m'est indispensable.
Enfin, dernier point, sur la question de la copie privée numérique, je serai particulièrement vigilante dans les discussions communautaires en cours, car, en effet, son sort n'est pas réglé de façon harmonisée par le projet de directive sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information. Il y a unanimité sur ce point. Or, c'est un sujet qui mérite la plus grande attention car le numérique, vous le savez, change la nature même de la copie. On peut parler, du fait de la qualité permise par le numérique, de véritable clone de l'original reproductible à l'infini sans perte de qualité.
Dans ces conditions, on ne peut pas rester avec le régime juridique qui a été parfaitement valable du temps du copiste isolé la plume à la main ; le numérique change la nature des choses, il faut donc s'adapter pour préserver les droits légitimes des auteurs et des titulaires de droits voisins.
Le second élément à prendre en compte dans cette appréciation, ce sont les mesures techniques de protection et leur efficacité et, de mon point de vue, l'impact du numérique et l'état des techniques de protection doivent être aujourd'hui conjugués pour se déterminer sur la question de la copie privée numérique. En effet, tant que l'état des techniques et des dispositifs de protection ne permettra pas aux titulaires de droit de faire respecter leurs droits exclusifs d'autoriser, il vaut mieux admettre le principe d'un droit à rémunération équitable du fait de la copie privée numérique ; c'est la voie de la sagesse et de la prudence pour ne pas risquer de tout perdre.
Cependant cette question est rendue encore plus difficile compte tenu de l'internationalisation des échanges, notamment sur le réseau des réseaux, et les solutions purement nationales risquent d'être peu efficaces. C'est pourquoi, je privilégie la voie communautaire. C'est le sens de mon action. J'aurai besoin sur ce point aussi du soutien des titulaires de droits.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs ,
Je suis bien consciente des difficultés qui nous attendent sur tous ces chantiers et face à tous ces défis, mais je suis persuadée que nous saurons, collectivement, les mener à bien. Je compte sur votre soutien. Je vous remercie et vous prodigue mes encouragements pour vos travaux aux résultats desquels je serai très attentive.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 septembre 2001)