Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la coopération franco-britannique en matière de formation supérieure au commerce international sous l'égide de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), Londres le 15 décembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Inauguration de l'école ESCP/EAP (Ecole supérieure de commerce de Paris, Ecole des affaires de Paris) à Londres (Grande-Bretagne) le 15 décembre 2004

Texte intégral

Your english is so good, good enough to be a French Minister !
Monsieur le Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Directeur de l'ESCP/EAP, Monsieur le Directeur général de la Chambre de Commerce, Madame la Directrice de Cabinet, Mesdames Messieurs, Mes chers Camarades,
Je suis très heureux aujourd'hui d'être avec vous pour cet événement qui a lieu à un moment important de l'amitié franco-britannique puisque nous sommes dans une phase de véritable renouveau après les cérémonies de l'Entente Cordiale qui, un an durant, ont rapproché nos deux pays. Une semaine à peine, le Chef de l'Etat était ici à Londres et ce voyage a ouvert de nouvelles perspectives à notre amitié et c'était important. J'étais tout à l'heure avec le Premier Ministre Tony Blair et nous avons de belles perspectives de coopération, notamment sur des sujets qui vous concernent : je pense à l'attractivité comparée de nos deux économies, et celle du Royaume-Uni et celle de France, les avantages des uns et les avantages des autres, essayer de progresser ensemble en se comparant et nous sommes décidés à faire ce challenge de la comparaison de notre attractivité réciproque. Tout cela parce que nous voulons rapprocher la France du Royaume-Uni et nos économies et nos peuples et donc le moment est bien venu pour renforcer la présence française ici dans une démarche très européenne de formation avec une école " unique and transnational ". Donc je voudrais vous dire que je suis très heureux de saluer cette démarche de l'ESCP qui reste sans doute l'une des plus grandes écoles du monde, il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître, et qui , grâce à votre talent et de ceux qui vous ont précédé -vous le savez partout !- je rêve un jour un Conseil des Ministres européen autour de Michel Barnier, de voir un Italien ESCP, un Anglais ESCP, et évidemment qu'on puisse faire un Conseil ESCP des Ministres ESCP des Affaires étrangères. Nous serons sûrs comme cela de la qualité de leur formation !
Je voudrais donc saluer cette initiative et dire combien elle montre d'abord en effet l'implication de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. Je disais en plaisantant par une Ecole qui arrive juste après l'ESCP en France : HEC que j'étais récemment dans un débat à peu près comme celui-ci et où je rencontrais le Directeur général de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris qu'il fallait toujours commencer ses speechs par remercier la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris parce que c'est quand même très important qu'une Chambre de Commerce, qui a mille missions, qui a beaucoup d'activités, mette autant de moyens aussi longtemps, avec une stratégie aussi pérenne, pour la formation des jeunes débutants et je crois que, Monsieur le Président, mon prédécesseur aussi , cette pérennité de l'action qui montre l'effort de formation du milieu économique consulaire est très important à Paris et dans toute la France et je voudrais saluer cette capacité d'engagement et aussi cette vision internationale parce que grâce au rapprochement entre l'ESCP et l'EAP aujourd'hui l'Ecole Supérieure de Commerce et de Paris et l'Ecole des Affaires de Paris ont donné ainsi à notre pays la capacité d'avoir un outil de formation plurinational et donc ainsi de pouvoir permettre à l'Union européenne de cadres dirigeants avec une vraie formation transnationale.
C'est particulièrement important pour la France qui doit s'ouvrir davantage, qui doit exporter davantage, qui doit aimer le monde davantage. Notre pays doit être plus impliqué dans les affaires du monde. Notre pays doit s'intéresser aux échanges. A chaque fois que nos exportations dépassent le milliard d'Euros, ce sont des milliers d'emplois qui sont développés, quinze mille emplois par milliards d'Euros de commerce international. A chaque fois que nous allons à l'étranger, à chaque fois que nous signons un bon de commande, que nous faisons un investissement, ce sont des emplois dans notre pays qui sont développés et qui sont souvent pérennisés et donc nous avons besoin d'internationalisation de la société française qui ne doit pas se sentir repliée sur elle-même et qui doit sentir qu'elle a des atouts, qu'elle a des talents qu'elle doit faire valoir ses atouts, qu'elle doit exprimer ses talents dans le monde entier et c'est très important de commencer à le faire très tôt parce qu'il faut non seulement maîtriser les langues, maîtriser les procédures économiques, il faut maîtriser les droits, maîtriser l'ensemble du fonctionnement des sociétés, de l'organisation des pouvoirs, et c'est ce que vous apprenez ici. C'est très utile pour la France, c'est très utile pour le monde.
Nous sommes aussi porteurs d'un certain nombre de valeurs, d'un certain nombre de convictions, et ces valeurs doivent exister. Vous savez qu'il y a peu de pays au monde qui sont capables aujourd'hui d'avoir une intervention internationale soutenue et durable. Quand on regarde les grandes diplomaties du monde, quand on regarde les grandes armées du monde, quand on regarde les grandes équipes économiques du monde, on voit que la France est classée parmi les pays qui ont une capacité internationale et donc on ne peut pas avoir ses atouts-là, faire ses investissements-là et être replié et avoir peur de la mondialisation. Alors bien sûr la mondialisation est un challenge, bien sûr c'est une compétition, bien sûr c'est difficile, mais nous n'avons pas le choix, le monde est comme cela et donc nous ne pouvons pas rester spectateurs d'un monde qui vit sans nous. Nous devons prendre part au développement du monde et donc prendre part aux échanges du monde.
C'est dans cette dynamique d'ouverture que réside une grande partie de la confiance que j'ai en mon pays, en ses acquis et en ses forces. Je crois que c'est très important de vous impliquer les uns et les autres dans cette formation transnationale et tel Ulysse après avoir voyagé pouvoir retourner au pays dans les belles régions de France - y compris l'Ile de France- et pour pouvoir investir vos talents, votre expérience dans le développement économique et social de notre pays. Dans ce contexte-là la dimension européenne est très importante. Je voudrais vraiment vous dire combien je crois que vous allez vivre mes chers camarades qui êtes actuellement à l'Ecole, vous allez vivre un nouveau monde et je souhaite vraiment pour vous, je souhaite pour nous tous, je souhaite pour les jeunesses de France que l'Union européenne soit capable de faire, dans les mois qui viennent les choix de son avenir. Nous avons d'ores et déjà donné une dimension continentale à la géographie européenne, cette géographie qui partait, comme vous le disiez tout à l'heure déjà avec le visionnaire Victor Hugo puis Jean Monnet ( vous savez où est né Jean Monnet ? En Charente !... Tous ces visionnaires ont construit cette idée européenne, ils l'ont construit avec un certain nombre de schémas, progressivement, avec beaucoup de travail, beaucoup de générations se sont impliquées, donc ont construit une organisation européenne qui, arrivés d'une certaine manière à une sorte de but ultime qui était de comment passer au vingt-et-unième siècle à une organisation à la fois élargie et efficace.
Alors il y avait toux ceux qui avaient cru à l'Europe intégrée, l'Europe fédérale, l'Europe initiale, cette Europe des Six qui se voulait finalement très rassemblée, et puis tous ceux qui -dont nos amis britanniques - pensaient à une Europe plus élargie mais plus une zone de libre échange. Entre ces deux types d'Europe, il fallait choisir et finalement aujourd'hui, nous avons une organisation européenne qui s'est élargie. Le premier mai nous avons accueilli dix pays nouveaux, nous couvrons une grande majorité maintenant du continent, nous avons accueilli ces pays qui avaient besoin de la liberté occidentale pour leur propre développement. Il faut les accueillir avec coeur, avec ardeur. Il ne faut pas avoir peur de cet élargissement, cet élargissement est une opportunité de développement. Je me souviens combien on a eu peur de l'Espagne, combien on a eu peur du Portugal et aujourd'hui l'Espagne et le Portugal sont des pays avec lesquels nous commerçons de manière très active et qui ont eux connus un développement très important de leur niveau de vie, donc n'ayons pas peur de ceux qui rejoignent l'Europe, leur espoir n'est pas d'être le prolétariat de l'Europe et de travailler à plus bas prix, leur espoir est d'avoir le même niveau de vie que nous.
Il y a naturellement un décalage mais ils vont participer au développement de l'Europe, donc l'élargissement est une bonne chose. Il fallait trouver le modèle politique entre la zone de libre échange et l'intégration qui à vingt-cinq est très difficile, donc un choix a été fait de renforcer politiquement l'organisation de l'Europe, non plus de changer de présidence tous les six mois, mais d'être capable d'avoir le même président cinq ans durant si il le faut, deux mandats de deux ans et demi, d'avoir une stabilité institutionnelle, avec quelqu'un élu par les vingt-cinq représentant les chefs d'Etat et chefs de gouvernement avec une vraie légitimité capable de diriger l'Europe avec du temps, de la pérennité, avec une Commission responsable devant le Parlement, vous l'avez vu récemment, avec un Parlement qui a plus de pouvoirs avec une organisation politique et une organisation politique fondée sur un principe qui est le principe de la double majorité, la majorité qualifiée avec cette idée que pour prendre une décision maintenant, il faudra une majorité des Etats, une majorité pondérée des peuples, c'est à dire qu'il faudra à la fois l'Europe des peuples et l'Europe des Etats, c'est à dire que nous avons créé là la ligne d'avenir de l'Union européenne. Cet espace continental s'est donné une capacité d'être gouverné.
C'est je pense très important. Au fond, ce Traité est un Traité qui donne une capacité politique. Je suis Européen depuis toujours. Quand j'étais à l'ESCP, j'avais fait plusieurs débats sur l'Union européenne. Je me souviens qu'on avait fait un formidable débat qui était Raymond Barre et Pierre Mendès-France et on avait, déjà à l'époque, posé les grands problèmes de la création de l'Union européenne. On voyait bien qu'il était nécessaire de redonner une dimension politique à l'Europe qui avait tendance à se bureaucratiser, à se technocratiser et bien aujourd'hui, l'Europe a les structures politiques, avec le Traité, l'Europe peut décider, elle a des visages, elle a des responsables, elle a des gens qui peuvent être devant les opinions publiques, devant les Parlements et qui peuvent être responsables de leurs décisions. C'est ça le Traité, c'est ça l'Europe que vous allez vivre. Je souhaite vraiment que vous puissiez vivre dans cette Europe-là parce que je crois qu'avec le temps, ce qui a été construit a été construit avec sagesse et penser que l'on pourrait construire autre chose rapidement, c'est penser que l'Europe aujourd'hui pourrait inventer un autre modèle, non, l'Europe elle s'est construite depuis la guerre pour apporter la paix et elle s'est construite étape après étape et refuser cette alternative qui est proposée avec le Traité constitutionnel, ce serait repartir à zéro dans un chemin bien long et bien dangereux, parce que la génération d'avant la mienne a fait l'Europe pour la paix et pour la paix entre la France et l'Allemagne, pour la paix entre la France et l'Italie, pour la paix à l'intérieur de nos frontières et aujourd'hui, nous devons faire l'Europe, nous devons faire l'Europe, vous devez faire, votre génération doit faire l'Europe pour la paix dans le monde.
La paix à l'intérieur de nos frontières aujourd'hui, elle peut être fragile, mais elle est globalement assurée. En revanche, les déséquilibres du monde, les chaos, les tensions, le terrorisme, les guerres régionales à résonance mondiale, l'ensemble de ces déséquilibres du monde appelle l'Europe, appelle une organisation européenne forte, appelle les dirigeants qui portent la culture, de ce que l'Europe a de meilleur et ses valeurs universelles, ce que l'Europe porte comme attention aux droits de l'Homme, de ce que porte l'Europe pour équilibrer le monde. Le monde a besoin d'équilibre, le monde a besoin d'être équilibré par une Europe qui existe sur la scène mondiale. C'est pour cela que l'Union européenne doit être cette force d'équilibre du monde, cette force de paix qui nous apportera les conditions du développement des peuples, notamment au travers des échanges et du commerce, au travers de vos métiers, au travers de vos responsabilités. Les échanges et le commerce ont besoin de la paix, autrement nous risquons d'être dans un monde trop dangereux, dans un monde trop instable qui menace le développement et la qualité de vie des uns et des autres.
C'est pour cela que l'Union européenne est à un tournant très important et je suis très fier de ce que fait l'ESCP/EAP en s'investissant comme ça par la formation des jeunes, en donnant à cette Europe d'aujourd'hui les managers dont elle a besoin, des managers qui n'ont pas peur des autres continents, des managers capables d'assumer la comparaison avec les grands continents qui aujourd'hui existent dans le monde, qui n'abordent pas le commerce international comme une rivalité avec des aigreurs et des humeurs mais comme la volonté de progrès, de vivre une vie qui sait dépasser les frontières, assumer une identité et profiter de cette identité, non pas pour se replier sur soi-même. Qu'on soit Français, Allemand, Anglais, soyons fiers de nos identités nationales et cette identité me permet de mieux me connaître moi-même et de me donner le goût de l'autre. C'est parce que je me connais, c'est parce que je me fonds (sic) de l'identité que l'identité de l'autre m'intéresse, que ma curiosité pour l'autre est importante. C'est ce qu'on apprend quand on valorise l'échange, c'est ce qu'on apprend aussi quand on valorise l'identité. Je suis très heureux donc de voir qu'une Ecole -la meilleure de toutes !- s'engage dans cette voie-là. Je crois que nous pouvons, les uns et les autres, êtres fiers de l'ESCP/EAP.
Merci à vous tous !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 décembre 2004)