Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, sur les changements engagés dans le secteur agricole dans un contexte de réforme de la procédure budgétaire, de nouveaux aménagements de la PAC, d'évolution de l'organisation administrative (notamment des offices agricoles), à Paris le 4 janvier 2005.

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Circonstance : Discours adressé aux directeurs régionaux et départementaux de l'agriculture et des forêts (DRAF et DDAF) à Paris le 4 janvier 2004

Texte intégral

Messieurs les Présidents de Groupement,
Mesdames et Messieurs les Directeurs Régionaux et Départementaux,
Je suis très heureux de vous rencontrer dès les premiers jours de janvier et de profiter de cette occasion pour vous présenter personnellement mes voeux. Que 2005 vous apporte ainsi qu'à vos familles joie et bonheur !
J'ai pris mes fonctions comme Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité il y a un mois maintenant. Je me réjouis de la confiance que m'ont témoignée le Premier Ministre et le Président de la République en me confiant cette mission. C'est avec grand plaisir que je retrouve Nicolas FORISSIER, Secrétaire d'Etat. Croyez bien que je suis très fier et convaincu de la qualité des hommes et des femmes qui composent ce ministère. Dans l'environnement actuel très changeant, ils manifestent parfois une certaine inquiétude. C'est pourquoi je tiens à affirmer que je suis à vos côtés ainsi qu'aux côtés de vos agents pour relever les défis présents. Je compte sur vous pour réussir ensemble et pour relayer ce message de confiance et d'exigence auprès de vos services. Permettez moi d'ajouter que mes responsabilités déjà anciennes d'élu local et national m'ont permis d'apprécier la place que vous occupez dans la conduite des actions de l'Etat dans les départements et les régions.
Vous aurez compris que les relations et ressources humaines sont à mes yeux le premier facteur de réussite. C'est vrai avec vos services, cela le sera aussi avec vos interlocuteurs, les exploitants. Quant à moi, je veille à la disponibilité de mon cabinet dirigé par Monsieur le Préfet Michel CADOT pour répondre à vos sollicitations. En retour, j'attends engagement, dynamisme de votre part ; n'hésitez pas à entrer directement en contact avec mon cabinet quand vous le jugez nécessaire. Nous formons tous ensemble une équipe qui réussira parce qu'elle sera réactive.
Je souhaite que ces échanges, qui constituent une source unique d'information, soient nombreux et fructueux. A cet égard, j'ai déjà depuis un mois bien travaillé avec les directeurs d'administration centrale et devrai prochainement recevoir les directeurs départementaux des services vétérinaires.
J'achève ces propos liminaires en précisant que les attributions du Ministère et du Secrétariat d'Etat sont clairement définies. J'ai notamment élargi, à la recherche et aux animaux de compagnie, le portefeuille délégué au Secrétaire d'Etat antérieurement circonscrit à l'enseignement agricole, au développement rural et aux industries agroalimentaires. Nous travaillons naturellement en étroite coordination.
Bien entendu, les enjeux essentiels de cette année concernent l'application de la réforme de la PAC, la loi d'orientation agricole et la Réforme de l'Etat appliquée à notre ministère notamment pour ce qui concerne l'évolution des services déconcentrés départementaux, et spécifiquement des Directions Départementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF). Je souhaite toutefois élargir quelque peu notre champ ce matin de manière à bien resituer notre réflexion dans une action gouvernementale plus large d'une part, et dans le cadre des adaptations à un environnement extérieur nouveau, européen ou mondial dans le cadre de l'OMC, d'autre part. Je veux souligner que mon engagement et le partenariat européens sont sans arrière-pensée. Une de mes premières rencontres fut avec Madame Renate KUNAST avec laquelle j'entretiens des relations franches et cordiales. J'ai également rencontré très rapidement les Commissaires européens.
Mon propos s'articulera par conséquent suivant trois axes :
- la mise en place de la réforme de la PAC dans un contexte européen nouveau ;
- le maintien des moyens budgétaires en 2005 qui permet d'envisager des mesures très attendues ;
- enfin, les deux grands chantiers pour 2005 que sont la définition de la loi d'orientation agricole et l'approfondissement de la réforme de l'Etat.
[ I - La réforme de la PAC : une chance pour une agriculture plus compétitive dans un environnement fortement concurrentiel ]
Devant l'avenir, je suis convaincu qu'il faut être réaliste, ce qui ne signifie nullement inquiet. Permettez-moi de citer Virgile qui affirme qu'un " travail opiniâtre vient à bout de tout " (labor omnia vincit improbus, Les Géorgiques). Je crois en effet que les réformes engagées, si elles sont quelque peu contraintes par l'environnement international, sont aussi une chance pour notre agriculture à double titre. D'une part, les primes liées à la conditionnalité devraient permettre de restaurer le lien distendu entre de trop nombreux Français et les exploitants. L'image productiviste colle de manière négative à notre agriculture alors même que les Français sont profondément attachés à leur patrimoine agricole et à leurs relations avec le monde rural comme en témoigne la fréquentation du Salon de l'Agriculture. D'autre part, la qualité de la production devrait s'en trouver accrue et les produits français et européens bénéficier ainsi d'une différenciation bienvenue sur des marchés fortement concurrentiels.
Par conséquent, les réformes lancées traduisent l'engagement européen de la France, l'adaptation de notre agriculture y compris à un contexte international plus concurrentiel et, enfin, les préoccupations de tous les citoyens. En d'autres termes, l'agriculture s'inscrit dans une réflexion générale sur l'avenir économique et social, notamment à travers le souci de l'environnement et de la santé publique. Je crois que vous avez une responsabilité particulière pour faire passer ce message auprès de vos services et, bien entendu, auprès des agriculteurs et du monde rural qui s'interrogent sur les évolutions engagées. Loin d'être un passé à conserver, l'avenir est à bâtir et c'est une chance.
C'est pourquoi la réforme de la PAC doit être présentée de manière pédagogique et mise en uvre non seulement progressivement mais avec discernement.
[ I - 1 L'application de la conditionnalité ]
S'agissant de la conditionnalité tout d'abord. Je voudrais insister sur votre implication personnelle dans cette mise en uvre en rappelant la nécessité d'être à l'écoute non seulement de vos services qui seront responsables de l'application de la réforme mais aussi des exploitants qui ont exprimé leur appréhension. Ils l'ont manifestée notamment par l'intermédiaire de leurs organisations représentatives lors de la réception des livrets d'information sur la conditionnalité.
Il convient donc de montrer une attention de tous les instants à leurs préoccupations. J'ai moi-même entendu leur message et porté celui-ci auprès de mes collègues européens. Le Conseil et la Commission ont reconnu les difficultés de mise en oeuvre de la réforme dans une déclaration conjointe le 22 décembre ; ils ont préconisé une application efficace et équilibrée. Dans cet état d'esprit, un bilan de son application pour l'année 2005 sera établi par les Etats-membres et la Commission. A cet égard, des instructions vous seront très prochainement données sur les conditions dans lesquelles vous procédez à l'évaluation semestrielle du dispositif. J'ai demandé par ailleurs que vous soyez dotés des supports informatiques vous permettant de gérer et de suivre l'application de la conditionnalité et d'en restituer un bilan. Enfin, j'ai l'intention de confier une mission d'appui et d'évaluation au Comité Permanent de Coordination des Inspections (COPERCI) sur la mise en uvre de la nouvelle PAC durant l'année 2005.
Je vous ai informés dans ma note du 22 décembre des ajustements nécessaires à la mise en uvre de la réforme. Pour la première année d'application du dispositif, les écarts réglementaires très secondaires, c'est-à-dire les " anomalies mineures " ne seront pas sanctionnées financièrement. Je préfère y substituer un mécanisme d'alerte et d'accompagnement. En outre, vous ne devez pas relever comme anomalie l'absence d'une boucle ou son caractère illisible sur un seul animal.
Je souhaite, aujourd'hui, vous confirmer l'attachement que je porte à ce que cette première année se déroule le mieux possible. Vous y aurez un rôle central, en tant qu'autorité de coordination des contrôles d'abord puisqu'il vous reviendra, avec les corps de contrôles spécialisés, de programmer et de réguler la pression de contrôle sur les exploitants. Il faudra agir avec discernement. Une circulaire précisant les rôles et missions de chacun vous sera adressée dans les prochains jours.
Rôle central également dans les suites à donner aux contrôles. A partir des relevés ou des rapports, il conviendra d'établir une synthèse afin d'aboutir soit à une lettre d'alerte aux agriculteurs soit à une définition de sanctions. Je vous rappelle qu'une phase, au cours de laquelle l'exploitant peut faire part de ses observations, s'engage alors. Vous communiquerez ensuite ce taux de sanction tant aux agriculteurs qu'aux organismes payeurs.
Enfin, j'ajoute que j'ai souhaité que le COPERCI poursuive et amplifie son expertise sur une appréhension plus globale de la problématique des contrôles dont je vous tiendrai informés.
[ I - 2 Les droits à paiement unique ]
Pour les droits à paiement unique (DPU), l'année 2005 impliquera une forte mobilisation de vous-mêmes et de vos équipes afin que nous abordions l'année réelle de mise en uvre 2006 dans les meilleures conditions possibles.
Je connais les inquiétudes suscitées par cette tâche nouvelle et importante au sein de vos services. Des réunions de travail ont déjà eu lieu pour analyser le calendrier du travail. Je n'en rappellerai ici que les grandes lignes.
La première phase consistera à envoyer aux agriculteurs leurs droits historiques accompagnés des notices explicatives pour leur calcul entre la fin du mois de février et courant mars.
Vous aurez donc un premier chantier à mener pour corriger les références envoyées aux agriculteurs, car il ne faut pas se leurrer, il y aura des réclamations. Vous disposerez des moyens pour les traiter.
La deuxième phase aura pour but de recenser les événements intervenus sur les exploitations depuis le 1er janvier 2000 et qui auront un impact sur la détermination des D.P.U. reçus par les agriculteurs dans le régime futur. Pour cela, un formulaire leur sera adressé dès la première phase. Vous fixerez vous-mêmes les délais de réponse donnés aux agriculteurs afin de mieux maîtriser le calendrier de travail ; ce sera, j'en conviens, la partie la plus délicate de l'exercice qui nous attend, vous comme nous. L'ONIC est en train d'élaborer les logiciels et les manuels de procédure pour permettre à vos services de fonctionner dans les meilleures conditions possibles.
Pour préparer cette phase délicate, des cycles de formation seront organisés dès janvier par le ministère et d'autres suivront mis en place par l'ONIC auprès de vos collaborateurs pour les aspects plus opérationnels telle l'informatique de gestion.
Des moyens importants en vacation seront mis à votre disposition pour faire face à cette charge de travail supplémentaire.
La Direction Générale de l'Administration (DGA), la Direction des Politiques Economique et Internationale (DPEI) et la Direction Générale de la Forêt et des Affaires Rurales (DGFAR) continueront en outre à organiser des réunions régulières avec vous-mêmes et vos services. Je tiens également à ce que les DDAF, et notamment les Services d'Economie Agricoles (SEA), soient associés systématiquement aux comités opératoires de la réforme de la PAC.
Je ressens enfin comme vous le besoin des agriculteurs de voir clarifier, préciser, en rappelant parfois simplement les arbitrages précédents, les règles s'appliquant à la gestion et au transfert des droits. J'ai demandé qu'une nouvelle communication sur ce sujet puisse s'effectuer rapidement. Les travaux progressent au sein des groupes de travail du Conseil Supérieur d'Orientation et de Coordination de l'Economie Agricole et Alimentaire (CSO). Un guide pour l'installation des Jeunes est dans ce cadre en cours de finalisation.
Je voudrais conclure sur ces réformes engagées en évoquant le Projet de Loi sur le Développement des Territoires Ruraux dont l'adoption doit intervenir courant janvier. Celui-ci, premier texte législatif spécifiquement dédié à la ruralité, a pour ambition de replacer l'ensemble des territoires ruraux au cur du notre politique d'aménagement du territoire. La réalité du monde rural a en effet profondément changé depuis une dizaine d'années mais, surtout, la ruralité est aujourd'hui diverse, et ne peut ni ne doit plus être appréhendée de manière uniforme. Votre place en tant qu'acteurs de proximité est donc entière notamment dans le cadre de la décentralisation et de la réforme des services déconcentrés.
[ II - Le budget, moyen de la réforme, et dispositions budgétaires spécifiques pour 2005 ]
L'application de ces réformes intervient dans un contexte budgétaire contraint ce qui pourrait ajouter à la difficulté. Nous devons toutefois nous féliciter tant de l'évolution du budget de l'agriculture national que des accords européens conclus. L'enveloppe budgétaire nationale est maintenue comme vous le savez : 4,888 milliards d'euros pour les dépenses ordinaires et crédits de paiements et 1,822 milliards en autorisations de programmes. S'y ajoutent 90 millions d'euros reportés fin 2004 pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions. Quant aux fonds européens, l'agriculture française bénéficie de 9 milliards d'aides dans le cadre de la PAC et de 800 millions d'euro d'aides pour le développement rural. Ces aides sont pérennisées, au moins jusqu'en 2013, en contrepartie des réformes entreprises.
J'ajouterai à ce tableau la protection sociale agricole qui représente 12,5 milliards d'euros hors cotisations sociales. Bref sans manifester d'euphorie excessive, nous pouvons être satisfaits des moyens alloués.
[ II - 1 Répondre aux aléas ]
En effet, de tels moyens permettent d'envisager des mesures essentielles pour l'avenir. Ainsi, le principe d'une assurance-récolte intervenant dans le cadre d'aléas climatiques est acquis. Nous travaillons avec les représentants de la profession agricole et des assureurs à l'élaboration d'un dispositif assuranciel adapté à notre agriculture à partir du rapport remis par le député Christian MENARD. Notre objectif est la mise en place de l'assurance-récolte dès 2005. A ce titre, une provision de 10 millions d'euros est prévue dans le budget 2005 pour amorcer les nouveaux instruments de couverture des risques.
D'un point de vue plus conjoncturel, la filière des fruits et légumes a nécessité une action ciblée en particulier pour les exploitations les plus touchées. 10 millions d'euros ont été débloqués pour la profession. Par ailleurs, l'audit de la filière réalisé par Jacques MORDANT doit nous permettre d'identifier les causes objectives des problèmes de compétitivité. Je reste bien entendu en contact avec les représentants de cette filière tout comme je maintiens des relations étroites avec ceux de la filière viticole. Vous savez que, pour cette dernière, des mesures ont été adoptées à partir des dispositifs d'aide existants tels que le régime " agriculteurs en difficulté ", le Fonds d'allègement des charges (FAC) et l'aide à la préretraite. Courant janvier, le Conseil de la Modération sera installé.
[ II - 2 Les productions animales ]
J'en viens aux dispositions concernant l'élevage. Souvent très lourds pour les exploitants, les investissements sont aidés mais peuvent être compliqués par les démarches administratives requises. C'est pourquoi nous créons un fonds unique des bâtiments d'élevage pour l'adaptation de ceux-ci. Un guichet unique gèrera les différentes aides et ses moyens seront accrus et portés à 80 millions d'euros en 2005 et jusqu'à 120 millions en 2007 grâce aux aides communautaires. J'ai notifié aux Directeurs Régionaux de l'Agriculture et de la Forêt, à la fin de la semaine dernière, la clé de répartition définie en concertation avec les professionnels pour les enveloppes régionales. Le Premier Ministre a rappelé lors du sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand que ce plan constitue une priorité inscrite dans le Plan de Développement Rural National couvrant la période 2007-2013.
Par ailleurs, les Primes au Maintien du Troupeau de Vaches Allaitantes (PMTVA), pour les demandes 2004 qui peuvent être liquidées, devraient être réglées par un paiement intervenant dans les premiers jours de 2005.
[ II - 3 Les biocarburants ]
Ce budget doit être mis au service de l'emploi et du maintien du revenu des agriculteurs. Les réformes engagées visent à ancrer l'agriculture française dans un monde concurrentiel. Le souci de la compétitivité de ce secteur répond aux enjeux en chaîne concernant l'efficacité des industries agro-alimentaires, domaine de compétence de N. FORISSIER. Au final, c'est l'emploi qu'il s'agit de préserver et même d'augmenter en accroissant les débouchés pour l'agriculture, ce qui rend si déterminant l'horizon du plan biocarburants pour les producteurs de betteraves que j'ai déjà reçus. L'année 2005 devrait se traduire ainsi par un doublement des agréments.
J'ajoute que l'emploi, notamment dans sa composante saisonnière, est une préoccupation partagée et qui fait l'objet d'un travail commun avec mes collègues Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER. J'ai, par ailleurs, proposé au Premier Ministre de confier une mission à Jacques LE GUEN, Député du Finistère, sur les distorsions de concurrence en terme de main d'oeuvre. Enfin, je m'inscris tout à fait dans le cadre de réflexion du Président de la République qui, dès son discours d'Ussel de 2002, appelait à " replacer la question du revenu des agriculteurs au coeur de notre politique agricole " et à " consolider durablement le revenu des agriculteurs ". Il en faisait une question de dignité que je reprends à mon compte. Je vous ai rappelé l'enveloppe de la protection sociale agricole hors cotisations ; cette question traverse aussi une partie des 15 thèmes clés soulevés lors du débat préparatoire à la loi d'orientation agricole.
[ III - Des objectifs pour 2005 : loi d'orientation agricole et poursuite de la réforme de l'Etat ]
Celle-ci constitue l'une des priorités de 2005 avec la mise en oeuvre de la réforme de la PAC déjà abordée et l'organisation des services déconcentrés.
[ III - 1 La loi d'orientation agricole : pour une application en janvier 2006 ]
Comme vous le savez, la Commission Nationale d'Orientation, installée par Hervé GAYMARD et Nicolas FORISSIER le 20 septembre, m'a remis le 20 décembre la synthèse des débats régionaux et ses conclusions. Vous en avez été destinataires. Je souhaite tout d'abord vous adresser mes plus vifs remerciements, [en particulier aux directeurs régionaux de l'agriculture et de la forêt], pour votre engagement personnel dans l'organisation et l'animation des débats régionaux. Je me félicite à cette occasion de l'excellent partenariat entre les chambres et les services de l'État. Dans toutes les régions, en métropole comme outre-mer, ces débats ont été organisés dans d'excellentes conditions et dans un temps record. Je voudrais ajouter que ces débats peuvent être consultés sur l'Intranet du Ministère.
Malgré parfois quelques doutes au départ, les acteurs régionaux se sont montrés heureux de la démarche et ces débats régionaux, que ce soit en métropole ou outremer, ont été un succès. Ils ont permis à près de 3000 acteurs de terrain, impliqués localement dans les structures locales ou dans les CDOA, de s'approprier les enjeux de cette loi et d'exprimer leurs attentes et leurs propositions. Les quelque 500 pages des comptes rendus représentent une matière riche à exploiter. J'ai noté l'intérêt particulier que la démarche a suscité dans les régions de l'Outremer.
Ces débats ont montré, s'il en était besoin combien d'espoirs et d'attentes cette loi suscite. Mais, paradoxalement, la commission nationale a également relevé la prudence des propositions formulées pour y répondre. Nous ne devons pas nous en étonner. Nous savons tous combien le changement peut être à la fois attendu et redouté. Sans renoncer à une volonté réformatrice, nous devrons savoir expliquer et aménager la progressivité et les transitions nécessaires.
Plusieurs d'entre vous ont mentionné dans leur compte rendu que ces débats avaient été l'occasion d'engager une dynamique régionale et qu'ils entendaient la poursuivre en accord et en partenariat avec la Chambre régionale d'agriculture. Je ne peux que vous encourager dans cette voie : parmi les questions qui attendent réponses, toutes ne sont pas d'ordre législatif et un certain nombre d'actions peuvent d'ores et déjà être lancées dans le cadre législatif et réglementaire actuel.
Sur le fond, le Président de la République à MURAT le 21 octobre dernier nous a donné un certain nombre d'orientations qui constituent une première feuille de route. Il a apporté ainsi un message politique fort - souhait exprimé par la Commission Nationale-, une vision d'avenir de l'agriculture partagée par la société dans son ensemble. Dans un contexte national et international profondément modifié, cette loi doit apporter un cadre nouveau qui permette à l'agriculture française d'exploiter ses propres atouts. La France est une puissance agricole mondiale de premier ordre, ce texte doit lui permettre de conforter sa position et créer les conditions pour aller de l'avant.
Sur des thèmes forts, qui structurent l'activité agricole, comme l'installation, les métiers de l'agriculture, l'accès au foncier ou les mécanismes de gestion de crise, des perspectives claires doivent être tracées. Je voudrais insister en outre sur les contours d'une nouvelle organisation économique à dessiner. Ainsi la Commission ouvre-t-elle la voie d'une réflexion sur le regroupement de l'offre ou le renforcement des interprofessions.
La Commission réfléchit par ailleurs à la problématique de la gestion de risque à travers, par exemple, le dispositif de l'assurance revenu ou de l'adaptation du Fonds national pour les calamités agricoles. Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue, là encore, les motifs d'une telle orientation. L'intervention publique pour la stabilisation des risques constitue le nécessaire contrepoids à leur accroissement du fait d'une régulation du secteur agricole sur le modèle standard du marché fondée notamment sur le droit de la concurrence. Les aléas climatiques, sanitaires, biologiques requièrent l'intervention d'un tiers, la puissance publique, pour assurer l'optimum social.
J'ajoute que les débats fructueux dans les DOM témoignent de la spécificité de ces régions ultramarines et réclament probablement ainsi que l'envisage la Commission Nationale d'Orientation une réflexion particulière.
L'ensemble de ces perspectives une fois traduites en textes devra assurer non seulement un progrès économique mais encore des avancées sociales, dans un respect toujours amélioré de l'environnement ; c'est la condition pour installer un développement agricole durable. Nous avons encore sans aucun doute à approfondir et à enrichir cette vision. Sur ce point, je serai attentif à ce qu'elle soit effectivement partagée. Dans cette perspective, les travaux que mènent le Conseil National du Développement Durable me semblent particulièrement intéressants. Je souhaite aussi, dans les phases ultérieures, associer le Conseil Économique et Social, et, à travers lui les conseils économiques et sociaux régionaux et le Conseil National de l'Alimentation.
Pour les toute prochaines semaines, il me revient de retenir les orientations prioritaires du texte législatif afin de définir les modalités de travail les plus adaptées pour engager les phases plus institutionnelles de concertation et de rédaction du projet de loi. En termes d'horizon, je vous confirme que je maintiens l'objectif initial d'une entrée en application de la loi en 2006.
S'agissant du fonctionnement et des évolutions nécessaires de l'organisation administrative, particulièrement des services déconcentrés, notre objectif doit être d'accompagner la transformation du monde agricole ainsi que le mouvement général de réforme de l'Etat.
Au sein du ministère, la démarche de simplification du fonctionnement et des procédures illustre l'esprit qui doit guider ces évolutions : l'amélioration du service rendu aux usagers. Je serai bref car j'ai noté l'intervention de M. Van HAECKE en cours d'après-midi. Vous avez un rôle essentiel à jouer dans l'adhésion aux changements provoqués par la simplification. Vous devez la présenter aux agents comme un gain aussi pour eux, passé l'inconfort de la nouveauté. Par exemple, la mise en place en 2005 d'un numéro unique d'identification des exploitations doit alléger les procédures. De même, la réorganisation des offices doit aussi faciliter la compréhension des procédures puisqu'elle doit déboucher sur, par exemple, l'installation d'une agence adossée dans un premier temps à l'ONIC et à l'ONIOL et chargée du paiement de toutes les aides. Par ailleurs, l'OFIVAL associé à l'ONILAIT traitera de l'élevage et les cultures spécialisées seront regroupées dans l'association ONIFLHOR-ONIVINS.
La réorganisation des offices me permet d'évoquer, dans le cadre de la réforme de l'Etat, la création au sein du ministère d'un Secrétariat Général.
Venons en plus spécifiquement à l'évolution de l'administration départementale qui s'inscrit dans la démarche engagée par le gouvernement de réforme de l'Etat depuis maintenant deux ans et précisées par les orientations exprimées le 16 novembre dernier par le Premier Ministre. C'est une nécessité d'adapter son organisation pour lui permettre de suivre et d'anticiper les évolutions de la société, de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens, et de faciliter la coordination avec nos partenaires, notamment les collectivités territoriales dont le rôle et les compétences connaissent aussi des évolutions sensibles.
Depuis deux ans donc, la réflexion engagée pour une meilleure organisation des services déconcentrés a notamment abouti à la réorganisation en 8 pôles régionaux. Dans ce cadre nouveau pour l'action de l'Etat, les Directeurs Régionaux de l'Agriculture et de la Forêt sont responsables de l'animation du pôle " économie agricole et monde rural ", en particulier pour mieux coordonner les interventions de nos propres services et celles des établissements publics de notre ministère. Je suis convaincu de l'efficacité de cette coordination accrue par les DRAF des missions conduites en région. Je vous invite à procéder de manière pragmatique et vous informe qu'une instruction précisant les conditions de mise en uvre de l'animation de ce pôle est en préparation.
Parallèlement, les évolutions concernant l'administration départementale doivent également être envisagées de manière progressive et avec le même pragmatisme. Suivant la circulaire du Premier Ministre du 16 novembre, les préfets sont invités à proposer, avant le 31 mars 2005, l'option privilégiée dans leur département : ils devront clarifier le rôle de chacun des deux services tout en renforçant les coopérations, voire dans certains cas, les engager dans une fusion. Il est vrai que les compétences des DDAF et des DDE se rejoignent sur quelquessujetsdans le champ de l'aménagementdu territoire, qu'il s'agisse des domaines de l'eau, des risques naturels, de l'occupation de l'espace, ou des modalités d'un appui intellectuel et technique aux collectivités locales.
A ce stade, il est encore difficile de cerner l'importance que les préfets proposeront de donner à l'option de la fusion des deux directions car il leur appartient de conclure l'analyse et de mener les consultations leur permettant de formuler des propositions. Le pragmatisme doit à mon sens servir de guide à la réflexion qui s'engage. Aussi l'option de fusion des services doit-elle s'inscrire d'abord dans une démarche expérimentale sans doute limitée à environ une dizaine de départements.
Il s'agit d'un chantier important qui nécessite comme l'a indiqué le Premier Ministre, une large consultation des personnels, des organisations syndicales, des élus et des usagers. Il faudra tenir compte en particulier de la nécessité pour vos directions d'assumer pleinement le rôle qui leur est dévolu, et je tiens évidemment à ce que la mise en oeuvre de la réforme de la PAC, dont je fais une priorité, se déroule dans les meilleures conditions.
Dès cette semaine je vais engager une concertation très étroite avec le Ministère de l'Equipement et avec celui de l'Intérieur pour examiner les orientations à mettre en oeuvre. La réussite d'une telle opération suppose en tout état de cause que l'équilibre entre les ministères de l'agriculture et de l'équipement soit pleinement respecté. A cet égard, je veillerai à ce que l'attribution des postes de responsabilités dans les nouvelles directions soit conforme avec un principe de parité, et à ce que l'ensemble des missions que vous exercez le soit aussi dans une nouvelle entité. Il n'est en effet pas envisageable que ces regroupements conduisent à exclure de la nouvelle structure telle ou telle mission de la DDAF, qu'il s'agisse d'agriculture, d'ingénierie publique, ou d'environnement, trois domaines de vos interventions qui se complètent et se confortent mutuellement. Je proposerai de ne pas entreprendre l'expérimentation dans les départements des chefs-lieux de région, où il s'agit d'abord pour vous de réussir le rapprochement des DRAF et des DDAF dans lequel vous êtes engagés.
Dans les cas où l'option de la fusion serait décidée, il faudra que vous vous lanciez sans complexes dans le mouvement. Les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt sont en effet des acteurs importants du changement que l'Etat a entrepris au niveau local. Vos directions, par les missions qu'elles exercent et les compétences reconnues des agents qui les composent, disposent des atouts pour prendre toute la place qui leur revient dans les nouveaux services qui se constitueraient.
La reconnaissance du rôle des DDAF en matière de politique de l'eau et de police de l'eau est consacrée. Il s'agit d'un domaine très important au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Comment assurer une bonne gestion prioritaire quantitative et qualitative de la ressource en eau ? Vous avez au sein de vos services l'expertise qui convient ; elle est reconnue par la circulaire du Premier Ministre. Votre action en la matière est confortée et le texte sur la politique de l'Etat en département dans le domaine de l'eau signé fin novembre vous donne les moyens d'améliorer l'exercice de vos missions dans ce secteur. Je vous invite à vous engager activement auprès des Préfets dans cette voie.
Je note que, s'agissant de la prévention des risques naturels, dont les DDE se voient fort logiquement confier la charge, les missions spécifiques de notre ministère et de ses services sont maintenues tant en matière de Restauration des Terrains de Montagne (RTM) que de Défense contre les incendies de forêt.
Enfin la réaffirmation de l'importance de l'ingénierie publique au service de l'Etat comme des collectivités territoriales est sans ambiguïté. La Directive nationale d'orientations en cours de signature fixera le cadre de l'exercice de ces missions. La coopération entre DDE et DDAF dans ce domaine est déjà largement établie dans les départements. Il s'agira dans la plupart des cas de formaliser des modes de relations partenariales existants.
Je voudrais conclure ce volet réforme de l'Etat en évoquant brièvement les conséquences de la LOLF sur les DDAF. J'en rappellerai les étapes et les priorités pour 2005.
Depuis deux ans ont été définies les orientations générales qui ont permis de préciser les outils de gestion nécessaires à sa mise en oeuvre. Elles ont fait l'objet de plusieurs textes en 2004. Les premiers travaux pratiques ont même déjà été engagés. En vue du passage à la comptabilité générale, vos services ont par exemple participé au recensement des immobilisations. Vous participerez cette année à des sujets encore au stade exploratoire sur lesquels vous serez consultés. Je voudrais citer très rapidement :
- les modalités de l'analyse des coûts généraux ou coûts " support " de vos directions dans des actions correspondant à des politiques publiques identifiées ;
- l'évolution des ressources humaines et le repyramidage des corps qui ne pourra plus être adossé à la notion d'emplois budgétaires mais à celle du double plafond en terme d'effectif et de masse salariale.
J'insisterai enfin sur deux priorités pour 2005 :
- la mise en place des budgets opérationnels de programme et le dialogue de gestion à engager entre les différents échelons de l'administration ainsi qu'au plan local avec les préfets ;
- la formation et l'accompagnement du changement, sans lesquels la réforme en cours ne pourra pas prendre corps. Le réseau de formateurs internes au ministère constitué en 2004 doit être à cet égard sollicité. Un plan de formation présentera sous peu l'ensemble des actions en cours et celles qui vont se systématiser en 2005 sous forme de sessions types. Il vous appartient d'encourager les agents à se former voire à être directifs lorsque vous l'estimez nécessaire.
Au-delà d'aspects techniques, votre action doit d'abord être tournée vers la mobilisation des ressources humaines. Le haut niveau des compétences et la qualité des relations humaines au sein du ministère et des services déconcentrés conditionnent la réussite des réformes engagées.
CONCLUSION
J'ai cherché à apporter des réponses à vos préoccupations, à celles exprimées par vos deux présidents de groupement, Messieurs Hervé PIATON et Jean-François BOUDY. Je renouvelle mon invitation à échanger vite et directement si nécessaire. Elle s'adresse en particulier à vos présidents de groupement qui doivent se constituer en force de proposition.
Pour conclure, au risque d'insister, j'aimerais revenir sur la responsabilité majeure qui vous incombe pour faire comprendre les mutations engagées non seulement auprès de vos services mais aussi auprès des agriculteurs. Les réformes traduisent des préoccupations sociales nouvelles pour l'environnement et la santé. Elles répondent aussi à un souci d'efficacité de l'Etat au service de l'activité agricole et des exploitants. Car, finalement, l'enjeu est la compétitivité d'un secteur agricole qui fonde la puissance de l'industrie agroalimentaire française. C'est donc aussi un défi pour l'emploi que nous menons en soutenant de la sorte l'agriculture française et en lui demandant de s'adapter. Je suis convaincu que les exploitants agricoles comprennent l'enjeu de la qualité qui permet la différenciation de leurs produits dans un monde très concurrentiel. Je suis également convaincu de votre capacité à mener ces réformes et vous assure de ma confiance en votre action. En ce début d'année 2005, tous mes vux de réussite professionnelle et personnelle vous accompagnent, vous et les équipes que vous animez.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 janvier 2005)