Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, au "Journal de Saint-Barth" du 8 juillet 2004, sur le choix du futur statut de la collectivité territoriale de Saint-Barthelemy.

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Média : Journal de Saint-Barth

Texte intégral

Journal de Saint-Barth : Lors de la réunion que vous avez tenue avec le conseil municipal, il a essentiellement été question du statut européen de la future collectivité de Saint-Barth. Dans votre discours, vous avez également demandé à ce que le conseil municipal délibère sur le sujet. Bien qu'ils reviennent aux élus de Saint-Barth de décider du statut européen, quel est sur ce sujet votre sentiment personnel ?
Brigitte Girardin : Vous le savez, Saint-Barth a le choix : elle peut rester dans le statut actuel de région ultra périphérique (RUP) ou demander à basculer dans celui de Pays et territoires d'outre-mer (PTOM). J'ai demandé qu'assez vite le conseil délibère sur le sujet, parce que le gouvernement a besoin d'être fixé avant de ratifier le nouveau traité constitutionnel européen. Si Saint-Barth reste RUP, il y aura une déclaration de la France indiquant qu'il n'y a pas de changement de son statut européen. Et on a besoin de le dire. Si Saint-Barth veut basculer dans le statut de PTOM, nous sommes obligés de demander une modification du Traité pour ajouter Saint-Barth dans la liste des PTOM. Maintenant, et à titre personnel, j'ai fait deux suggestions au conseil municipal : j'ai tout d'abord demandé aux élus de m'adresser très vite la liste de questions qui les préoccupent par rapport au statut européen de RUP afin que nous puissions y répondre d'un point de vue technique. Ils ont besoin de savoir si telle mesure, notamment en matière fiscale, serait incompatible avec le droit communautaire. Toujours à titre personnel et je le répète, les élus se déterminent librement et nous suivrons leur avis, je me suis également permise de leur conseiller de ne pas agir précipitamment et de choisir dans un premier temps de rester RUP. De voir concrètement les difficultés auxquelles ils sont confrontés. En quelque sorte d'expérimenter ce statut de RUP. Si celui-ci pose vraiment problème à ce moment là et en toute connaissance de cause, les élus demanderont leur basculement en PTOM. Sachant qu'ils en ont la possibilité : dans le nouveau traité européen, nous avons en effet fait introduire une clause de " respiration " qui permet beaucoup plus facilement qu'auparavant de faire un va-et-vient entre le statut de RUP et celui de PTOM. Nous y tenions beaucoup pour Mayotte qui est actuellement PTOM, mais que nous voudrions voir basculer en RUP, conformément aux vux de sa population. Dans la négociation de cette clause, les Pays-Bas nous ont considérablement soutenu, car il veulent, si tel était le choix de leur élus, la faire jouer le cas échéant pour Sint-Maarten.
Journal de Saint-Barth : Le fait que les lois organiques de Saint-Martin et Saint-Barth soient incluses dans un texte général sur l'outre-mer fait craindre un certain retard par rapport au calendrier, notamment en cas de non accord des élus saint-martinois sur le projet qui, comme Saint-Barth leur sera soumis à la rentrée. Est-ce fondé ?
Brigitte Girardin : Il n'y a pas de retard à craindre. Nous allons progresser dans les deux dossiers à la même vitesse. Les élus de Saint-Martin et de Saint-Barth seront respectivement saisis pour avis d'un projet de texte en septembre ou octobre au plus tard. Ces deux textes tiennent compte de la consultation populaire du 7 décembre 2003 et bien évidemment du document d'orientation qui a servi de base à cette consultation populaire et auquel les textes collent parfaitement. Je ne vois donc pas quel genre de problème il pourrait y avoir. Quant aux autres collectivités concernées par le texte, ce sont des ajustements purement techniques pour tenir compte de la révision constitutionnelle. Par exemple pour tenir compte qu'il n'y a plus de TOM alors que le statut de Wallis en parle encore.
Journal de Saint-Barth : Quid de la représentation nationale ? Les deux collectivités des Iles du Nord bénéficieront-elles chacune d'un sénateur et d'un député ?
Brigitte Girardin : Du moment où on crée deux nouvelles collectivités, il faudra obligatoirement créer un siège de sénateur pour chacune. S'agissant du député, on ne peut créer de siège qu'avec des ratios de population. Nous devons encore regarder la jurisprudence du conseil constitutionnel. Je réserverais donc ma réponse.
Journal de Saint-Barth : Les élus d'opposition souhaitent une modification du mode de scrutin prévu -élection au suffrage universel avec une prime majoritaire de 50 % au sortant- lui préférant une prime majoritaire moins importante afin que l'opposition soit mieux représentée au sein du futur conseil. Cela peut-il être modifié ?
Brigitte Girardin : Je m'estime liée par le document d'orientation. Nous en étudierons donc la possibilité en fonction de ce qui a été indiqué à l'intérieur.
Journal de Saint-Barth : A Saint-Martin, vous avez insisté sur le renforcement des services de l'Etat dans la future collectivité. Ce n'est pas le cas ici ?
Brigitte Girardin : J'ai peut-être plus insisté à Saint-Martin car il y a beaucoup plus de problèmes liés à l'insécurité, aux trafics en tout genre, mais c'est également valable pour Saint-Barth : il n'y a pas de désengagement de l'Etat. Bien au contraire. En fonction du rapport que nous soumettra prochainement l'inspection générale de l'administration, nous allons regarder comment assumer mieux les représentations de l'Etat qui sont actuellement et essentiellement basées en Guadeloupe. Je pense notamment au secteur de la santé qui me préoccupe à Saint-Barth. Il faut voir si le personnel qui est en Guadeloupe y reste, ou bien s'il doit être transféré à Saint-Barth.
Journal de Saint-Barth : Une quarantaine de fonctionnaires ainsi que des membres de la société civile sont actuellement poursuivis par les services fiscaux. Dans le cadre de la mise en place de la future collectivité, peuvent-ils espérer une amnistie ou des dégrèvements ?
Brigitte Girardin : D'une façon générale, je suis pour le traitement au cas par cas des dossiers et non pour des mesures générales qui amnistient tout le monde. J'ai refusé de le faire sur ma loi-programme pour les annulations des dettes fiscales et sociales des entreprises, parce que je trouve que c'est la pire des méthodes. Cela pénalise les bons élèves qui ont payé et qui se disent qu'on aurait mieux fait de mal se comporter. Je veux bien qu'il y ait des cas particuliers et régler des situations cas par cas en fonction des dossiers si vraiment c'est justifié, mais les mesures générales, c'est non.
Journal de Saint-Barth : Le changement de statut de Saint-Barth serait-il menacé au cas où vous ne soyez plus à la tête du ministère de l'Outre-Mer ?
Brigitte Girardin : Ce n'est pas une action personnelle. J'agis au nom du gouvernement. Ce projet n'est pas le mien et je mets simplement en uvre une politique arrêtée par le Président de la République et son Premier ministre.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 22 juillet 2004)