Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le bilan de son action pour l'outre-mer en 2004 et les perspectives pour 2005, Paris le 13 janvier 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voeux à la presse, à Paris le 13 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les présidents d'associations,
Mesdames et Messieurs les représentants de la presse,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve en ce début d'année, que vous soyez originaires, amis ou partenaires de l'outre-mer, pour vous adresser tous mes vux de bonheur et de réussite pour 2005.
J'attache beaucoup d'importance à ce moment privilégié qui, au début de chaque nouvelle année, nous réunit pour partager ensemble quelques instants de convivialité. Car c'est l'occasion pour moi d'évoquer à la fois les actions qui ont mobilisé ce ministère au cours de l'année écoulée, les projets que j'entends mener à bien durant l'année qui s'ouvre, et d'échanger avec vous sur ces sujets qui me tiennent à cur.
Laissez-moi néanmoins en tout premier lieu vous redire avec conviction la méthode qui anime mon action depuis bientôt 3 ans à la tête de ce ministère.
Faire des réformes pour l'outre-mer est possible, mais c'est probablement plus difficile qu'ailleurs. Car plus qu'ailleurs, la réforme ne peut évidemment pas se concevoir depuis un bureau parisien, sauf à être d'emblée discréditée auprès des populations et des élus particulièrement attentifs à ce que l'on s'attache d'abord à répondre à leurs demandes. Réformer outre-mer, c'est donc avant tout être à l'écoute de l'outre-mer, et plus encore dialoguer avec l'outre-mer. Rien n'y va jamais de soi, et tout projet doit y être soigneusement préparé, patiemment expliqué, pour convaincre du bien fondé de la démarche poursuivie.
On ne réforme pas utilement à coup d'amendements parlementaires ponctuels, mais bien à partir d'un projet d'ensemble, élaboré à partir d'attentes exprimées localement, et selon des modalités validées avec l'ensemble des acteurs locaux. On ne réforme pas davantage avec pour seul objectif de faire des économies budgétaires. Si on aboutit à un tel résultat, je considère qu'il est alors impératif de réaffecter les économies éventuelles au développement économique et social de nos collectivités d'outre-mer. Car celles-ci contrairement à celles de métropole, doivent faire face à des handicaps structurels, comme l'éloignement, l'enclavement, l'insularité, reconnus d'ailleurs depuis longtemps par l'Union européenne qui a su en tirer toutes les conséquences financières.
Toute réforme comporte donc des exigences fortes, qui pourraient conduire à renoncer : il est en effet toujours plus facile de ne pas entreprendre pour tenter d'éviter les critiques. Je pense pouvoir revendiquer au contraire une volonté constante de faire bouger les choses pour les améliorer, chaque fois que cela est possible, et surtout chaque fois que cela est souhaité localement.
Et pour illustrer mon propos, l'occasion m'est donnée aujourd'hui de passer en revue les différents chantiers ouverts depuis près de trois années, qu'il s'agisse de la modernisation institutionnelle, de la progression vers l'égalité économique et la cohésion sociale, de la continuité territoriale, ou encore de la politique culturelle et audiovisuelle.
Mais parce que cette année 2004 est venue nous rappeler combien l'outre-mer est particulièrement exposé aux risques naturels, je veux d'abord avoir une pensée toute particulière pour nos compatriotes guadeloupéens qui ont été victimes du tremblement de terre du 21 novembre dernier. J'ai pu mesurer sur place l'ampleur des dégâts, mais aussi le traumatisme vécu par les habitants. Je les ai assurés de la solidarité nationale, et c'est à ce ministère qu'incombe à présent de traduire dans les faits l'expression de cette solidarité de la Nation. Ce sont en effet les différentes procédures d'indemnisation actuellement mises en uvre qui doivent permettre d'accorder aux victimes, dans des délais que je souhaite les plus brefs possibles, la juste réparation des préjudices subis. J'entends donc y veiller personnellement.
Plus prévisibles mais néanmoins exceptionnellement nombreuses en 2004, les élections nous ont également largement mobilisé à l'occasion des différents scrutins qui se sont succédés : élections cantonales et régionales des 21 et 28 mars, élections territoriales du 9 mai en Nouvelle-Calédonie et du 23 mai en Polynésie, élections européennes du 13 juin, et élections sénatoriales du 26 septembre. Je n'oublie pas les nombreux contentieux qui ont suivi certaines de ces élections, notamment en Polynésie, en faisant observer que toutes les décisions rendues par le Conseil d'État à la suite des 31 requêtes dont il avait été saisi, ont toutes été conformes à la position défendue par mon ministère. J'y vois là un bel hommage à notre capacité d'expertise juridique, mais aussi à la ligne de conduite fondée sur le respect de la loi et de l'État de droit que j'ai suivie tout au long de cette agitation post électorale
Sur le plan institutionnel et statutaire, notre effort de modernisation et d'actualisation s'est concrétisé par l'adoption en février 2004 du nouveau statut de la Polynésie française, mais aussi par le franchissement d'une nouvelle étape importante dans le processus de départementalisation souhaité par Mayotte, avec le transfert de l'exécutif au conseil général le 1er avril dernier. Cet effort sera poursuivi encore en 2005, avec la préparation du projet de loi organique statutaire qui créera les deux nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, conformément à ce que les populations locales ont souhaité lors de la consultation du 7 décembre 2003.
Mais l'année 2004 aura surtout été pour l'outre-mer l'année de la consolidation des acquis de la loi de programme voulue par le Président de la République. Grâce aux mesures proposées par le Gouvernement et adoptées par le Parlement, c'est en effet une véritable dynamique de développement qui s'est mise en place. J'en veux pour preuve le recul sensible du chômage dans les départements d'outre-mer, mais aussi l'amélioration du rythme de création d'entreprises, de même que l'augmentation du nombre de dossiers déposés au titre de la défiscalisation. Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs de constater le nombre important de nouveaux chantiers de construction qui fleurissent un peu partout dans les départements d'outre-mer. Pour ma part, j'y vois l'amorce franche d'une reprise de l'investissement, et un formidable encouragement à l'action engagée par ce Gouvernement.
Mais ce développement économique doit aller naturellement de pair avec le développement social : l'emploi et le logement, notamment, doivent contribuer au développement durable de l'outre-mer. De ce point de vue, le projet de budget 2005 que je viens de défendre au Parlement prévoit une augmentation globale de 6 % des moyens fiscaux et budgétaires destinés à répondre aux besoins spécifiques du logement outre-mer. Quant à la politique en faveur de l'emploi, elle verra en 2005 son efficacité renforcée par la mise en uvre du plan national de cohésion sociale, dont les nouvelles mesures s'appliqueront bien entendu à l'outre-mer, et viendront s'ajouter aux mesures existantes.
Dans un autre secteur essentiel pour nos compatriotes d'outre-mer, celui de la desserte aérienne vers la métropole, nous avons également pris depuis 2002 des mesures sans précédent en reconnaissant, pour la première fois, la nécessité d'une véritable politique de continuité territoriale : d'abord avec le passeport-mobilité, dont 12 000 jeunes d'outre-mer ont bénéficié en 2004, ce qui témoigne du succès de ce dispositif ; mais aussi avec la dotation de continuité territoriale qui permettra d'aider, dans les collectivités territoriales qui l'ont souhaité, environ 200 000 trajets par an à hauteur, en moyenne, de 30 % du coût du billet d'avion.
Mais ce budget 2005, pourtant élaboré dans un contexte difficile, comporte également un effort significatif en direction des collectivités locales d'outre-mer, dont nous avons amorcé la réforme des dotations de l'État pour mieux prendre en compte leurs contraintes spécifiques liées à l'éloignement et l'insularité. D'ores et déjà, les nouveaux mécanismes et les nouveaux critères mis en place permettront d'augmenter d'environ 30 M le montant de la DGF versée aux communes d'outre-mer. Chacune d'entre elles en verra d'ailleurs la traduction financière dès cette année.
Bien sûr, d'autres enjeux importants nous attendent encore en 2005, et je songe notamment aux difficiles négociations européennes qui s'annoncent pour la réforme des organisations communes de marché pour la banane et pour le sucre.
L'Europe sera d'ailleurs d'une manière plus générale au cur de mon action en 2005. Le référendum pour la ratification du projet de constitution européenne constitue en effet un enjeu considérable pour notre pays, et donc pour l'outre-mer. Je souhaite en conséquence que mes prochains déplacements soient l'occasion de mieux faire connaître cette Europe trop souvent décriée, alors même qu'elle contribue pour une large part aux projets structurants de nos différentes collectivités d'outre-mer. J'observe d'ailleurs, pour les départements d'outre-mer bénéficiaires du FEDER, qu'aucun projet d'envergure ne s'y réalise sans l'apport financier de l'Union européenne, dans des proportions souvent décisives. Il convient donc probablement de sensibiliser à nouveau nos concitoyens sur l'intérêt qui est le nôtre à conforter ce processus de construction européenne, et je compte m'y employer.
Le volet culturel constitue un autre aspect important de l'action menée par mon ministère. Il s'agit notamment de favoriser le développement des échanges entre l'outre-mer et la métropole, car en matière culturelle aussi, il faut construire une continuité territoriale.
Je souhaite promouvoir la visibilité des identités et des cultures d'outr-mer en France métropolitaine. Non pas enfermer les artistes dans des ghettos, mais les aider à inscrire leur création dans les réseaux habituels de diffusion : j'ai d'ailleurs le sentiment que les mentalités évoluent. Ainsi la presse nationale s'est-t-elle largement fait l'écho à l'automne dernier des beaux projets qui ont su faire leur chemin, qui ont su ouvrir les portes et qui ont reçu le soutien de mon ministère. Je pense en particulier aux talents de ceux qui ont portés par exemple : les " Cannibales " de José Pliya mis en scène par Jacques Martial au Théâtre national de Chaillot, " la Cerisaie " de Tchékhov dans une mise en scène de Jean-René Lemoine à la Maison de la Culture de Bobigny, ou encore les grands peintres de la Caraïbe mis à l'honneur lors du salon d'automne. Ce sont aussi des sorties de films comme " Biguine " de Guy Deslauriers ou " Neg Marron " de Jean-Claude Flamant-Barny. Pour 2005, je me réjouis du soutien que nous apporterons à la présence de jeunes talents musicaux originaires de Guyane au Festival Banlieues Bleues. Au total, ce sont plus de 10 Millions d'Euros qui ont été consacrés à la culture entre 2002 et 2004 par le ministère de l'Outre-Mer, hors contrats de plan et de développement.
Pour que les cultures ultramarines soient enfin connues, reconnues et appréciées, nous continuerons à aider les artistes d'outre-mer à affirmer leur présence dans les grands événements culturels et artistiques nationaux.
Par ailleurs, j'ai installé en avril dernier le comité pour la mémoire de l'esclavage présidé par Maryse Condé. D'ici le printemps, ce comité devrait proposer au Premier ministre une date de commémoration annuelle en France métropolitaine de l'abolition de l'esclavage. Je souhaite que, dès 2006, cette commémoration devienne une réalité pour tous nos concitoyens de métropole. Pour consolider la communauté nationale, pour construire notre destin commun, nous devons faire partager à tous les citoyens français l'ensemble des mémoires qui forgent la France d'aujourd'hui et de demain.
Tous ces efforts sont nécessaires, et plus encore légitimes. Mais au-delà, c'est toute la visibilité de l'outre-mer en métropole qui me tient à cur.
Le Gouvernement s'est attaché à donner en 2004 un véritable contenu à l'égalité audiovisuelle entre la métropole et l'outre-mer, avec l'intégration de Réseau France Outre-Mer à France Télévisions. L'arrivée de RFO dans le groupe audiovisuel public, à l'égal de France 2, France 3 ou France 5, constitue me semble-t-il un pas fondamental dans la construction d'une véritable " continuité audiovisuelle ".
L'outre-mer a aujourd'hui toute sa place au cur de la holding : le directeur des affaires économiques, sociales et culturelles du ministère de l'outre-mer siège en effet au conseil d'administration du groupe France Télévisions en compagnie d'une personnalité qualifiée d'outre-mer nommée à l'été dernier par le CSA. Et je sais, Chère Henriette Dorion-Sébéloué, que vous aurez à cur d'y défendre les intérêts de l'outre-mer. Le Conseil d'administration de la filiale RFO, quant à lui, préserve la place de l'outre-mer à travers la présence d'élus, de représentants de ce ministère ou encore des milieux artistiques et culturels comme Greg Germain et Jacques Martial.
Je sais que les arbitrages budgétaires pour 2005 ont été favorables à RFO. Jamais ces dernières années, RFO n'aura connu une augmentation aussi significative de ses ressources. Les moyens financiers supplémentaires permettront la mise en uvre du plan de relance de la production locale tant en télévision qu'en radio. Je me réjouis également que RFO Sat puisse être diffusée 24h sur 24 dans quelques semaines, pour la plus grande satisfaction de nos compatriotes ultramarins de métropole. De même nos compatriotes de Wallis et Futuna bénéficieront dans quelques jours de la mise en place d'une liaison satellite permanente qui autorisera la remontée des images et permettra ainsi le désenclavement de leurs îles.
Au delà de RFO, je tiens plus généralement à saluer l'ensemble des représentants de la presse pour la place croissante consacrée à l'outre-mer dans les différents média. Je relève en effet que les articles ou reportages se sont multipliés au cours des derniers mois, et pas seulement pour rendre compte de tel ou tel cataclysme naturel ou turbulence politique De nombreuses idées reçues méritent d'être combattues, et je vous remercie de nous y aider : tordons ensemble le cou à trop de caricatures et de contre vérités. L'Etat ne dépense pas plus pour un habitant d'outre-mer que pour un métropolitain. C'est même l'inverse. Il y a donc là un effort de compréhension tout à fait essentiel à réaliser, car il faut à mon sens comprendre l'outre-mer pour pouvoir l'apprécier à sa juste valeur. Et je suis persuadée qu'on finit par commettre des erreurs d'analyse lorsque l'on ne s'intéresse à l'outre-mer qu'à l'occasion des crises qui peuvent l'agiter de temps à autre.
Dans cette logique, sachez que je garde ma porte ouverte aux journalistes qui le souhaitent pour prendre le temps d'un échange approfondi, ou pour m'accompagner au cours de mes déplacements et pas seulement lorsque l'outre-mer est au cur de l'actualité ou au centre de polémiques.
Avant de conclure, je souhaite encore adresser quelques mots à l'intention de ce 5ème DOM qui m'est cher, et plus particulièrement aux responsables des associations d'originaires d'outre-mer vivant en métropole qui sont aujourd'hui parmi nous. Chers amis, je veux vous adresser mes remerciements pour le travail de terrain et de proximité que vous accomplissez patiemment, avec détermination. Je connais votre rôle et votre engagement sans limite au service de nos compatriotes ultramarins. Vos nombreuses associations, très actives, témoignent de la qualité et de la force de votre communauté. Elles sont un lien avec toutes ces terres françaises d'Amérique, de l'océan Indien et du Pacifique qu'elles nous font connaître et aimer, elles renforcent quotidiennement cette confiance et ce respect réciproques qui doivent caractériser les relations entre l'hexagone et l'outre-mer et qui sont indispensables à la cohésion de notre communauté nationale.
J'ai organisé le 14 décembre dernier au ministère une journée de travail avec les principales associations ultramarines de métropole. L'objectif était de poursuivre le dialogue et la réflexion amorcés depuis mon arrivée avec vos associations sur les principaux problèmes qui se posent à votre communauté. L'année 2005, comme je m'y étais engagée lors de la clôture de cette journée, verra donc la création de groupes de travail chargés sur chacune des grandes problématiques -continuité territoriale, visibilité et discrimination-, de réfléchir et surtout de faire des propositions concrètes et pragmatiques que nous expertiserons ensuite.
Je voudrais également citer deux autres vecteurs qui nous permettent de garder en permanence ce lien nécessaire entre nous : la Lettre de l'outre-mer : vous l'aviez fortement souhaité. Je m'y étais engagée. Aujourd'hui, je me réjouis de la croissance de sa diffusion mensuelle ; mais aussi le site internet du ministère, qui est devenu, je crois une véritable référence, avec près de 60 000 connexions mensuelles, un effort d'actualisation quotidien et un accès aux personnes handicapées non voyantes.
Je sais malgré tout combien les originaires d'outre-mer souffrent, dans l'hexagone, de n'être pas toujours reconnus à leur juste place. Vous êtes parfois victimes d'injustices ou de discriminations lorsque vous recherchez, par exemple, un logement ou un emploi.
Vous le savez, le Président de la République porte une grande attention à la lutte contre toutes les formes d'exclusion et de discrimination. Il a demandé au Gouvernement de faire de cette lutte une priorité nationale. Le premier février prochain, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, promise par le Chef de l'Etat, commencera à fonctionner. J'entends donc veiller à ce que les discriminations dont certains membres de la communauté ultramarine de métropole font l'objet, y soient dénoncées et combattues. Car chaque Français d'origine ultramarine est le reflet d'une réalité humaine et culturelle qui a toute sa place et qui compte dans la France républicaine d'aujourd'hui.
Mesdames, messieurs,
N'en doutez pas, cette année encore, je me battrai avec la même détermination et la même force pour ces 2 millions et demi de Français qui, croyez-moi, en valent vraiment la peine.
Merci de vous intéresser à eux, merci d'essayer de les comprendre, merci à vous tous qui êtes de formidables relais d'opinion, de rappeler avec conviction que l'outre-mer n'est pas une charge pour la France mais une chance formidable pour notre pays et aussi pour l'Europe.
Que cette année 2005 soit aussi pour chacune et chacun d'entre vous une année de bonheur, de santé, de prospérité et de succès. Tels sont les vux très sincères et très vifs que je forme à votre intention.
Excellente année à tous.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 janvier 2005)