Déclarations de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur l'action menée par la France dans le domaine de la gestion durable de biodiversité tropicale et subtropicale, à Paris le 27 janvier 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite à l'Atelier 15 "Biodiversité" à l'Unesco et réception au ministère des participants de l'Atelier, à Paris le 27 janvier 2005

Texte intégral

UNESCO - Atelier le 27/01/2005
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les élus
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
C'est une grande joie pour moi de participer à cet atelier et de me retrouver parmi vous. Je sais que vous êtes tous sensibles aux richesses biologiques que l'on trouve dans les zones tropicales, et s'agissant de la France, dans 8 de ses 10 collectivités d'outre-mer. Vous le savez, la biodiversité que l'on rencontre dans ces collectivités se caractérise par plusieurs milliers d'espèces endémiques, près de 10 % des récifs coralliens et 20 % des atolls mondiaux. La forêt de Guyane comporte quant à elle une biodiversité plusieurs centaines de fois supérieure à celle des écosystèmes européens.
Je tiens à souligner la qualité des interventions qui m'ont été rapportées et que j'ai pu entendre ce matin. Ces débats ont été particulièrement riches notamment en tant qu'ils ont permis de confronter la vision des scientifiques et celle du monde politique.
Le succès de cet atelier confirme également le haut potentiel de recherche scientifique que la France consacre à la connaissance des zones tropicales et subtropicales, ce qui constitue un atout formidable pour guider les politiques publiques.
Je tiens à remercier particulièrement les élus d'outre-mer qui ont fait le déplacement pour être présent à cette conférence et qui marquent ainsi leur attachement au développement durable de leur collectivité. Je tiens en particulier à remercier M. Néaoutyine, qui nous fait le plaisir d'être parmi nous et qui était présent dans la délégation française qui s'était rendue à Kuala-Lumpur à l'occasion de la 7ème conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique en février dernier.
Vous le savez, au travers de ses collectivités d'outre-mer, la France est présente sur les 3 grands océans de la planète et noue de nombreux partenariats avec les États environnants. Le Fonds français pour l'environnement mondial doté chaque année de 20 M d'euros, permet de financer des actions en matière d'environnement à l'initiative de pays tiers. 137 projets financés sont actuellement suivis par l'Agence Française de Développement. Dans le domaine de la biodiversité, qui nous concerne aujourd'hui, je souhaiterais rappeler l'Initiative pour la Gestion Durable des Récifs Coralliens dans le Pacifique Sud qu'a lancé la France sous l'égide de l'AFD. Dotée de 8,7 M d'euros, et concernant une quinzaine d'États insulaires du Pacifique, elle vise à promouvoir le développement des aires protégées, la protection des bassins versants, la restauration des récifs endommagés et bien sûr la connaissance des milieux.
La France intervient également au travers d'actions de coopération régionale désormais menées sous l'égide des élus des collectivités d'outre-mer. Ces actions peuvent porter sur le développement des énergies renouvelables, l'amélioration de la fourniture d'eau et d'assainissement, ou encore bien sûr des actions de développement économique et de formation.
Mais la France porte aussi une responsabilité particulière quant à la préservation des milieux exceptionnels dont la nature a doté ses collectivités d'outre-mer. Je souhaite à cet égard vous faire-part des principales actions que le Gouvernement conduira dans les prochains mois.
En premier lieu, le Gouvernement français va poursuivre une politique active dans le domaine de la création d'un réseau d'aires protégées.
Comme l'a rappelé lundi le Président de la République, la création des 2 parcs nationaux de Guyane et des Hauts de La Réunion constitue une priorité.
Les discussions sur le Parc de Guyane progressent activement sur le terrain avec les populations locales et sous l'impulsion conjointe du représentant de l'État et des élus du Conseil régional. Ce projet est désormais rendu possible grâce aux efforts consacrés depuis 2002 à la lutte contre l'orpaillage illégal. Les moyens consacrés à cette lutte ont été plus que doublés et les premiers bilans font état de résultats très encourageants. Ce projet de Parc est d'autant plus important qu'il s'inscrit dans le prolongement du Parc brésilien de Tumucumaque, dans l'État de l'AMAPA, et constitue un formidable levier de coopération entre nos pays, la France et le Brésil.
Quant au parc des Hauts de La Réunion, vous savez que la prise en considération est intervenue en mars 2004. Il convient de souligner la forte volonté de l'ensemble des partenaires locaux de faire aboutir ce projet dans les meilleurs délais, et au plus tard en 2006.
Nous poursuivrons également la création de réserves naturelles dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans le lagon de La Réunion ou encore dans celui de Mayotte ; 60 % des réserves naturelles françaises se trouvent dans les collectivités d'outre-mer, et cette part sera bientôt encore accrue.
La présence d'espèces remarquables comme les Tortues marines en Guyane, à Mayotte ou à La Réunion, les manchots empereurs dans les Terres australes et antarctiques, participent de la prise de conscience collective de la nécessité d'un développement équilibré. Un sanctuaire des baleines a ainsi été constitué en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en 2003.
La protection du littoral enfin représente un enjeu essentiel qui repose sur l'action de l'office national des forêts et de plus en plus sur celle du Conservatoire du Littoral. Cet organisme favorise la mise en place d'une gestion publique, adaptée et partenariale des zones littorales naturelles et s'est fixé un premier objectif d'acquisition de 40 000 ha pour les DOM, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon.
Je voudrais maintenant revenir sur les récifs coralliens. L'initiative internationale de l'AFD que j'évoquais tout à l'heure est complétée dans les collectivités françaises par l'Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR). A cet effet, les 3 comités locaux IFRECOR de Polynésie française, de Nouvelle Calédonie et de Wallis et Futuna, seront parties prenantes à l'Initiative Pacifique Sud.
L'IFRECOR, que je co-préside avec Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, s'est dotée d'une stratégie et d'un plan-cadre national. C'est ainsi qu'ont été mis en place des observatoires des récifs coralliens, des outils comme le plan de gestion du lagon de Mayotte, ou bien encore la création d'aires marines protégées en Guadeloupe et à Wallis et Futuna. Il faudrait y ajouter un grand nombre de travaux de recherche, ainsi que la publication d'ouvrages tel récemment un guide sur la restauration des récifs dégradés.
De même, les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie, longs de 1 600 kilomètres, constituent un enjeu majeur pour la France. Je sais que les Provinces de Nouvelle-Calédonie, qui sont compétentes en matière d'environnement, en sont pleinement conscientes car il faut le rappeler, il s'agit de la deuxième plus longue barrière de corail au monde après la grande barrière australienne. Comme l'a indiqué le Président de la République lundi en ouverture de vos travaux, je vous confirme que l'État soutiendra pleinement la démarche des Provinces calédoniennes visant à obtenir le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Avant de terminer, je voudrais faire écho au Président Ravalomana qui indiquait lundi qu'il était fier que son pays fasse partie des pays riches en biodiversité, et indiquer qu'en France aussi, il faudrait que l'on reconnaisse la richesse de nos collectivités d'outre-mer à sa juste valeur. L'outre-mer est une chance pour la France, c'est aussi une chance pour tisser des liens entre le nord et le sud, des liens que nous devons aujourd'hui nécessairement orienter vers un développement durable. A la suite de nos débats, je forme le vu que nous poursuivions nos efforts communs afin de réussir ce pari essentiel de stopper le plus tôt possible la perte de biodiversité, dans le monde et en particulier, dans les zones tropicales.
Pour continuer nos échanges, je vous propose de nous retrouver maintenant au ministère de l'Outre-Mer où j'aurais le plaisir de vous accueillir en présence des organismes de recherche français et du WWF-France qui vous présentera en avant première sa prochaine campagne de sensibilisation du public à la biodiversité de l'outre-mer.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 janvier 2005)
_____________
Clôture de l'atelier 15 "Biodiversité" au Ministère le 27/01/2005
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je vous reçois aujourd'hui au ministère de l'outre-mer. Que vous soyez d'éminents représentants du monde politique ou de la recherche, votre présence, montre tout l'intérêt que vous portez à la biodiversité ultramarine tropicale et subtropicale de nos forêts et de nos îles.
Même si les chiffres ont été cités depuis le début de la semaine à différentes occasions, il n'est pas inutile de les répéter, afin de sensibiliser nos concitoyens à l'importance de préserver et de gérer durablement la richesse de la biodiversité.
La biodiversité ultramarine française se répartit sur les trois océans, dans les zones tropicales, équatoriales, australes et antarctiques, et tout particulièrement dans nos îles où vivent des espèces dites " endémiques " que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Avec 3 450 espèces végétales et près de 400 animaux vertébrés uniques au monde, l'outre-mer possède plus d'espèces endémiques que toute l'Europe continentale et regroupe, à lui seul, 10 % des massifs coralliens de la planète. La Nouvelle-Calédonie est, après Madagascar, le deuxième foyer mondial le plus riche en espèces endémiques. Et l'apport des territoires ultramarins des autres Etats membres de l'Union européenne, ne fait que renforcer cette richesse.
Celle-ci est due à la diversité de la nature et des populations qui y vivent, constituant ainsi un patrimoine naturel exceptionnel dont il faut mesurer toute la fragilité. Les activités humaines comportent, bien sûr, des risques. Elles peuvent menacer ce patrimoine et causer sa disparition progressive. C'est pourquoi, en rappelant toute l'importance de cette richesse, je veux aussi souligner, comme d'autres l'ont fait avant moi, l'enjeu et la responsabilité particulières de la France, et au-delà, de l'Union européenne, à l'égard de la biodiversité dans le monde. Vos discussions dans le cadre de l'atelier 15 sur la biodiversité tropicale et subtropicale des milieux insulaires et forestiers, réaffirment la nécessité d'agir ensemble. Car le constat est fait et il est alarmant !
La conférence qui s'achève demain va nous permettre de continuer à engager des actions concrètes contre l'érosion de la biodiversité mondiale.
Depuis la réunion en février 2004 à Kuala Lumpur des parties à la Convention " biodiversité ", le Gouvernement français a mis en place sa " Stratégie nationale pour la biodiversité ". Au même moment, le WWF France a lancé sa campagne de sensibilisation du grand public à l'importance de la biodiversité ultramarine. Mon ministère a apporté tout son soutien à ces démarches. Fin 2004, alors que s'élaboraient, dans nos collectivités d'outre-mer, les plans d'actions locaux et régionaux, l'UICN sur la base de son rapport " biodiversité et conservation dans les collectivités françaises d'outre-mer " publié en 2003, faisait adopter au troisième congrès mondial de la nature à Bangkok, une recommandation invitant l'Union européenne à mieux prendre en compte la biodiversité ultramarine, dans ses politiques.
Il importe, en effet, que l'Union européenne contribue activement à la connaissance et à la protection de la biodiversité de son " outre-mer ".
C'est précisément, une des raisons qui ont poussé les organismes français de recherche à mettre en synergie leurs complémentarités et leurs compétences. Ici même, la semaine dernière, nous avons ensemble, les Présidents, les Directeurs généraux et moi-même, signé une convention de concertation et de coopération relative à l'outre-mer tropical français, associant six organismes de recherche. Les objectifs de cette convention sont multiples au service de l'outre-mer tropical français ; ils incluent, bien sûr, la biodiversité dans ses aspects " acquisition de connaissances " sur les individus, les populations et les écosystèmes, mais aussi ses utilisations et sa gestion durable au bénéfice de tous, aujourd'hui et demain.
Cette volonté de travailler ensemble a trouvé le renfort supplémentaire d'autres organismes de recherche français, tel que le CNRS mais aussi communautaires, afin de lancer l'idée d'une initiative relative à la recherche sur la biodiversité dans les régions ultra-périphériques. La Commission, de son côté, a commandité en 2002, une étude sur les potentiels de recherche des RUP détaillant le dispositif de ces régions, et identifiant leur spécificité scientifique : la biodiversité y avait une place importante.
Au fil des années 2003 et 2004, les assises régionales de la recherche, qui se sont tenues dans l'océan Indien à La Réunion, en Amazonie en Guyane, et dans le Pacifique en Nouvelle-Calédonie, ont fait de la préservation de la biodiversité un thème prioritaire de leurs débats et de leurs propositions.
Aujourd'hui, au moment même où l'on commence à élaborer le futur programme communautaire de recherche et de développement technologique, ce positionnement de nos régions ultra-périphériques et de nos pays et territoires d'outre-mer se trouve donc réaffirmé. La Commission a d'ailleurs constitué un groupe de travail chargé de faire des propositions d'action valorisant ce potentiel de recherche de nos régions ultramarines dans l'espace européen de la recherche.
La recherche doit ainsi fournir aux décideurs, aux gestionnaires de ressources naturelles, et aux opérateurs économiques, les informations et les outils permettant une prise de décision urgente en matière d'environnement et de développement durable, afin de préserver cet héritage unique que représente la biodiversité. Le futur de la biodiversité dépendra, en effet, de la capacité des populations à comprendre comment elles interagissent avec leur environnement, et des choix politiques pertinents qui en découleront.
Tous les éléments sont donc réunis aujourd'hui, pour que le grand programme scientifique sur la biodiversité des régions et territoires d'outre-mer européens, appelé de ses vux par le Président de la République lors de la séance inaugurale, voit le jour.

Même si la forme définitive de ce projet qui pourrait s'intituler " Biodiversité de l'Outre-mer européen " (BIOME), reste à préciser, je veux réaffirmer ici l'engagement politique du Gouvernement français à faire avancer ce projet, en partenariat avec les autres Etats membres concernés et avec l'appui de la Commission européenne. Il s'agit de répondre à l'attente de nos sociétés métropolitaines de plus en plus conscientes de ces enjeux, et de nos sociétés ultramarines qui vivent quotidiennement au milieu de ce formidable réservoir de vie et qui doivent en tirer leur subsistance, sans l'épuiser.
Avant de terminer mon propos, je voudrais attirer votre attention, si ce n'est déjà fait, sur les affiches qui ornent la salle qui vous accueille. Cette quinzaine d'affiches illustre l'étroite collaboration qui s'est nouée depuis quelque mois, quelques années même, entre le WWF France, l'UICN et le ministère de l'outre-mer. Je laisserai bien évidemment le soin à ses représentants de vous les présenter eux-mêmes, mais je tenais à souligner l'engagement de ce ministère aux côtés des deux grandes associations qui uvrent énergiquement, dans le monde, pour préserver cette biodiversité ultramarine. Pour renforcer ce partenariat, je veux saisir cette occasion pour annoncer que le ministère de l'outre-mer a décidé d'apporter son soutien aux programmes 2005-2007 du Comité français pour l'UICN, et qu'une première contribution de 24 000 euros à l'initiative " espèce envahissante " sera versée cette année.
Voilà ce que je voulais vous dire pour vous accueillir au ministère de l'outre-mer et vous remercier d'être venus jusqu'à nous.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 janvier 2005)