Point de presse conjoint de MM. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur les engagements budgétaires et l'aide humanitaire de la France, après le raz-de-marée en Asie du sud et du sud-est, Genève le 11 janvier 2005.

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Circonstance : Conférence des donateurs sous l'égide de l'ONU, après la catastrophe du 26 décembre 2004 en Asie du sud et du sud-est, à Genève le 11 janvier 2005

Texte intégral

Hervé Gaymard - Je vais vous parler, comme je l'ai fait devant les membres des Nations unies, des engagements budgétaires de la France, puis Renaud Muselier poursuivra sur tout le volet assistance humanitaire d'urgence et post-urgence qui est en train de se mettre en place.
S'agissant des engagements budgétaires de la France, les chiffres que je vais vous donner sont hors coût de mobilisation de nos moyens militaires et hors contributions françaises au budget de l'Union européenne. La part française du budget de l'Union européenne se rajoute à ce que je vais vous dire.
Nous avons d'ores et déjà mobilisé 50 millions d'euros d'aide d'urgence dont la moitié a été d'ores et déjà versée au 31 décembre dernier aux agences spécialisées des Nations unies ou dépensée au titre, notamment, de l'aide alimentaire. L'autre moitié des crédits sont des crédits qui seront mobilisés dans les toutes prochaines semaines, entre autres pour la post-crise et notamment pour la prévention des épidémies, la qualité de l'eau, l'aide aux enfants. Il va de soi que ces moyens seront mobilisés en cohérence avec les souhaits des pays qui ont été touchés par cette catastrophe et en étroite collaboration bien évidemment avec les interventions de l'Union européenne.
Par ailleurs, j'ai annoncé cet après-midi le déblocage d'une facilité budgétaire de 300 millions d'euros pour la reconstruction. Ce que l'on appelle une facilité budgétaire comme vous le savez, c'est un droit de tirage sur la France, et notamment l'Agence française de développement, de fonds pour, dans les années qui viennent en fonction des souhaits des différents pays, mettre en uvre des opérations de reconstruction. C'est un engagement ferme de la France supplémentaire par rapport à ce qui avait déjà été annoncé. J'ajoute par ailleurs pour information qu'au moment où je vous parle, la mobilisation des dons privés auprès des associations caritatives est de l'ordre de 95 millions d'euros et c'est sans doute un montant qui augmentera encore dans les semaines et les mois qui viennent compte tenu de l'élan de générosité dans notre pays.
Voilà les quelques observations que je voulais faire. Avant de passer la parole à Renaud Muselier, je voudrais dire que se tiendra demain la réunion du Club de Paris à Paris, qui concerne l'endettement de ces différents pays. J'avais écris il y a 10 jours de cela aux pays membres du G7 pour leur proposer un moratoire sur la dette sans intérêt : l'ensemble des pays du G7 ont à ce jour approuvé cette démarche, et je souhaite que les autres pays membres du Club de Paris aillent dans le même sens et que nous puissions ainsi, dès demain, prendre des décisions en la matière. Les principaux pays concernés sont comme vous le savez l'Indonésie, puisque l'échéance 2005 est de l'ordre de 3 milliards d'euros, et le Sri Lanka. Mais d'autres pays qui voudraient être éligibles à ce moratoire seront bien évidemment les bienvenus.
Renaud Muselier - Merci M. Gaymard de cette présentation importante.
Je tiens à faire remarquer l'importance de cette réunion, ainsi que des récentes réunions qui viennent d'avoir lieu, que ce soit dans un premier temps à Jakarta, que ce soit à Bruxelles, que ce soient celles qui se tiendront demain du Club de Paris ou la semaine prochaine à Kobé.
Je tiens à souligner la mobilisation de la France dans chacune de ces réunions, mais surtout dans un premier temps sur le terrain : mobilisation immédiatement réactive sur le Sri Lanka, mobilisation adaptée aux différents territoires qui nous l'ont demandé, que ce soit la Thaïlande, les Maldives ou l'Indonésie. Il faut noter également la difficulté d'intervention puisque, si nous étions avec nos ONG ou d'autres forces opérationnelles présentes au Sri Lanka, en Inde, ou Thaïlande, il n'y avait que le Comité international de la Croix Rouge en Indonésie.
Je tiens enfin à souligner la mobilisation du gouvernement à tous les niveaux ou, sous l'autorité du Premier ministre, il n'a manqué aucun moyen en hommes, en troupes, cela bien sûr par l'intermédiaire du Quai d'Orsay qui a coordonné par une cellule de crise l'ensemble du dispositif d'intervention français sur le terrain. Et aujourd'hui, nous sommes quelque part sorti de l'extrême urgence et nous rentrons dans une crise sanitaire potentielle que nous devons éradiquer d'ici la fin du mois de janvier, crise sanitaire qui peut passer par toutes sortes d'épidémies potentielles, essentiellement dues à des problèmes d'eau. Mais l'implantation sur le terrain d'un savoir-faire par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale de la Santé, de la Croix Rouge, de différentes ONG doit nous permettre de passer à travers un drame supplémentaire et éviter qu'une crise succède à une autre crise.
Nous avons pu constater, dans les contacts que nous avons eu avec différentes ONG qu'aucune n'a critiqué le gouvernement français. Mais pour autant tous les moyens ont été mis à leur disposition et, vraisemblablement grâce à la cellule opérationnelle que nous avons au Quai d'Orsay, nous avons pu travailler ensemble.
J'attire l'attention, et M. Egeland l'a précisé également dans son propos introductif, sur cette solidarité internationale des peuples et des Etats, qui ne doit pas cependant vous faire oublier les différentes crises que nous traversons aujourd'hui à travers le monde. J'étais à Nairobi, dimanche, pour la paix, au Soudan entre le Nord et le Sud : c'est une zone d'espoir énorme pour la résolution de la crise du Darfour mais cela ne doit pas nous faire oublier les crises des Grands Lacs, de l'Ouganda, la Somalie ou Haïti, et, je prends, tout à l'heure, l'avion pour New York pour participer à un débat public au Conseil de sécurité des Nations unies concernant la crise d'Haïti.
Les conclusions : Hervé Gaymard l'a dit dans ses propos, la France est présente, la coordination entre les ministères a été parfaite, et si demain Hervé travaillera au sein du Club de Paris sur le moratoire, parallèlement à cela, M. Serge Lepeltier, ministre de l'Environnement, partira à Kobé, puisqu'il y aura 2 phases là bas : la crise, aujourd'hui le tsunami, et aussi ce développement durable.
Le président de la République a fait une proposition qui est importante et essentielle qui s'articule sur le rôle premier des Nations unies dans la coordination de l'aide d'urgence internationale. Il a proposé, par courrier adressé au Secrétaire général des Nations unies, la création d'une force internationale humanitaire : un corps qui serait chargé, au sein des Nations unies, d'agir au plus près et au plus vite lors des catastrophes humanitaires naturelles de grande ampleur, par la planification, la coordination et bien sûr la gestion des secours. Bien entendu, toutes les modalités sont possibles et ouvertes à la discussion, mais il faut bien rappeler qu'il ne s'agit pas de construire une nouvelle organisation internationale ni de dupliquer l'existant mais d'établir un réseau dont l'animation reviendrait, comme il se doit, aux Nations unies. Cette force consisterait dans l'identification d'unités nationales, mobilisables et projetables sans délai vers des objectifs. Des unités pré-identifiées dans chaque pays et composées de spécialistes de l'urgence, de la sécurité civile, de médecins, d'ingénieurs, devraient ainsi disposer d'équipements adaptés à leur mission pour être indépendantes et efficaces et pouvoir s'appuyer sur des moyens logistiques lourds, comme des avions médicalisés, des navires, des hélicoptères, etc.
Je le résumerais de façon très simple, moi qui suis un ancien médecin du SAMU : le médecin régulateur du SAMU envoie des moyens adaptés à une intervention qui lui est demandée. Si vous vous cassez une jambe en ville, on ne vous envoie pas les mêmes moyens que si vous vous faites un traumatisme crânien à la montagne. C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. Il y a, à travers le monde, des dispositifs, des moyens d'intervention considérables, tout à fait performants, mais il manque le médecin régulateur du dispositif international. Et en s'appuyant sur des zones logistiques avec des moyens adaptés, nous en avons la capacité, sans moyen supplémentaire, dans le cadre d'une force qui serait financée sur le budget de l'organisation, qui traduirait ainsi un engagement équitable, et sur le long terme, des Etats et surtout une modalité opérationnelle immédiate.
Voilà le sens de notre déplacement et de notre travail, des propositions qui sont faites à différents niveaux, sachant que le rythme des images, le rythme des émotions, ne va pas toujours avec le rythme de la reconstruction. Nous avons la nécessité de nous inscrire dans une période de 3 à 5 ans et de désigner très clairement ce qui a été dit tout au long de l'après-midi : choisir des territoires, choisir des projets, trouver les interlocuteurs et se fixer un calendrier. C'est le seul moyen d'assurer le développement durable sur cette partie-là.
Q - Hervé Gaymard, je veux juste revenir sur les chiffres que vous nous avez donné : est-ce que vous pouvez nous préciser à la fois sur les 50 millions d'euros d'aide d'urgence et la facilité budgétaire de 300 millions d'euros, pouvez-vous nous préciser si ce sont des fonds ou des crédits et si cela ne risque pas, en ce qui concerne la facilité budgétaire, est-ce que cela ne risque pas d'utiliser des fonds destinés à un autre pays ou à d'autres crises.
Hervé Gaymard - Sur la partie des 50 millions, à peu près 50 millions, 15 millions d'euros ont déjà été versés le 31 décembre dernier aux différentes agences de l'ONU concernées et au Comité international de la Croix-Rouge. Vous rajoutez à cela 3 millions d'euros au titre du Programme alimentaire mondial qui, eux aussi, ont déjà été dépensés.
Troisième élément : nous avons plus de 3 millions d'euros qui ont été mobilisés pour l'action humanitaire française bilatérale. C'est notamment l'envoi de frets humanitaires - 120 tonnes -, et l'envoi de 150 experts spécialisés dans les secours d'urgence et par le déploiement d'hôpitaux de campagne. Je raisonne bien, là, hors moyens militaires mis à disposition, puisqu'on ne sera capable de faire une estimation qu'une fois que les opérations seront terminées et cela représentera en toute hypothèse beaucoup d'argent.
Tout cela, c'est ce qui a déjà été déboursé. Par ailleurs nous avons 23 millions d'euros qui sont prêts à être déboursés dans les semaines qui viennent pour gérer la post-d'urgence, puisque Jean-Pierre Raffarin avait dit que nous mettrions un montant égal pour l'urgence et pour la post urgence, c'est-à-dire pour la période dans laquelle nous rentrons maintenant, pour lutter contre les épidémies, notamment la prévention des maladies et pour assurer la qualité de l'eau. Cet argent est donc disponible et il sera versé quand les agences spécialisées de l'ONU le souhaiteront, en collaboration bien évidemment avec l'action de l'Union européenne.
Voilà pour la partie dons publics, donc les 50 millions d'euros.
A côté de cela, vous avez une facilité de 300 millions d'euros. C'est une ligne de crédits qui est ouverte très concrètement dans les caisses de l'Agence française de développement et qui sera mobilisé dans les années qui viennent en fonction des projets et des besoins des différents pays. Cette aide de l'AFD se présentera sous forme de prêts à longs termes bonifiés. Il y aura donc à l'intérieur de ces 300 millions de prêts concessionnels, comme on dit, un élément que je ne sais pas chiffrer aujourd'hui puisque ces prêts n'ont pas encore été mobilisés et que l'on n'est pas capable de faire la comparaison avec le coût de la ressource sur le marché. On ne va pas rentrer dans la technique budgétaire de l'aide financière au développement mais voilà comment les choses sont configurées aujourd'hui.
Renaud Muselier - Juste une petite précision : les montants qui ont été doublés par le Premier ministre, comme l'a dit Hervé Gaymard, seront aussi accessibles aux ONG, et pas simplement aux agences de l'ONU. C'est important pour les ONG françaises qui attendent, en fonction des différents projets qu'elles ont mis en place, un abondement de leurs crédits.
Q - A quel rang des donateurs se situe la France, aujourd'hui ?
Hervé Gaymard - On le saura ce soir ! Mais la France, seule, cela n'a pas grand sens. Ce qu'il faut, c'est globaliser l'ensemble, les pays de l'Union européenne avec l'Union européenne, dans les secours d'urgence.
Renaud Muselier - Vous remarquerez, dans le discours du Premier ministre, que tout a été clairement identifié. Ce sont des lignes nouvelles et il n'y a pas de mélanges de lignes. C'est très important car nous avons pu voir dans les différentes crises du passé, pas au niveau français mais au niveau de l'aide qui avait été promise, notamment pour Bam, en Iran, qu'il y avait des transferts qui ne correspondaient pas à la réalité ni au versement final
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 17 janvier 2005)