Texte intégral
Q- Alors vous travaillez en liaison directe avec le ministre de la Fonction publique, le nom de R. Dutreil en ce moment est collé aux négociations salariales dans la fonction publique. La question des salaires, des rémunérations, est-elle un des moyens pouvant permettre de réformer l'Etat en tant que tel, de faire avancer le lourd et grand paquebot ?
R- Ecoutez, R. Dutreil a renoué cette semaine le dialogue. Je pense aussi que d'une certaine manière le travail qu'il a commencé, effectué avec les syndicats, est un travail qui sera porteur parce que c'est un travail global, pas uniquement sur les salaires, bien sûr R. Dutreil a, hier, évoqué le fait que ce sujet reviendra à l'ordre du jour dès la semaine prochaine...
Q- Le 29 mars.
R- Mais qu'il y a bien d'autres sujets à aborder avec la fonction publique, il faut parler de la modernisation de la fonction publique, de la formation des agents, il y a beaucoup de sujets à aborder. Il faut l'aborder dans un esprit de dialogue. C'est ça qui est important.
Q- Qu'est-ce qui va se passer jusqu'au 29 mars ? Les discussions vont continuer ? Parce que le 29, R. Dutreil, doit annoncer le montant de l'augmentation pour les fonctionnaires.
R- Ecoutez, ça je ne sais pas ce qui va se passer d'ici le 29, je pense que chacun va fourbir ses arguments et se préparer à une discussion.
Q- Le chiffre n'est pas arrêté encore ?
R- Non, le chiffre n'est certainement pas arrêté. R. Dutreil a indiqué que le 29, il y aurait probablement un chiffre. Je le laisse totalement libre dans ces négociations. Ce n'est pas à moi d'annoncer quoi que ce soit, d'autant plus que je pense que le Gouvernement a vraiment montré dans cette affaire qu'il était à l'écoute des fonctionnaires. On ne peut pas, pour répondre à votre question, on ne peut pas réformer l'Etat, faire évoluer l'Etat, sans les fonctionnaires et sans les agents publics, ce sont les acteurs au quotidien.
Q- Ce sont des partenaires.
R- Ce n'est pas des partenaires, c'est des acteurs au quotidien.
Q- Des collaborateurs, comme l'on dit.
R- Oui, collaborateurs. Ils ont choisi le service public au même titre que les hommes et femmes politiques ont choisi le service public, vu du côté de l'élection.
Q- Hier, J.-P. Raffarin a présenté au Conseil économique et social ses projets pour améliorer le mécanisme de la participation des salariés du privé. Il s'agit clairement de favoriser un meilleur partage des profits des entreprises. Est-ce que, E. Woerth, on parviendra un
jour au même système dans la fonction publique en inventant peut-être des mécanismes permettant de rémunérer les fonctionnaires à la performance ? Est-ce que c'est une piste que vous étudiez, sur laquelle vous travaillez ?
R- Ecoutez, d'abord R. Dutreil a fait quelques propositions il y a deux jours, en indiquant qu'on pouvait, pourquoi pas, réfléchir à une partie de la rémunération fixe, et une partie de la rémunération variable des fonctionnaires, notamment liée par exemple à la croissance du pays, à l'accroissement de richesses. C'est une piste. J'imagine que les uns et les autres vont l'explorer. Et puis il y a aussi l'idée de rémunération selon le mérite, ça a été mis en place..
Q- Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
R- Ça a été mis en place dans la fonction publique ; ça veut dire que si vous êtes plus méritant, vous gagnez plus et si vous êtes moins méritant vous gagnez moins.
Q- Et quels sont les critères objectifs ?
R- Ça c'est une question qui se pose toujours, elle se pose aussi dans le privé d'ailleurs...
Q- Bien sûr, mais je vous la pose pour le public.
R- Comment on évalue ? Il y a plusieurs manières d'évaluer selon vos responsabilités, vous pouvez avoir une sorte de contrat avec votre employeur qui fixe des objectifs très précis sur votre année, et puis après on vérifie que ces objectifs ont été atteints ou pas, et en fonction de ça votre rémunération peut varier sur une partie. C'est le cas, par exemple, pour un certain nombre de cadres importants de la fonction publique. C'est plus compliqué parfois sur des tâches de base ou des tâches plus qualitatives. Mais enfin, il faut trouver des moyens, je crois qu'on peut toujours évaluer d'une certaine manière la qualité du travail,il faut le faire évidemment dans la plus grande transparence et très objectivement.
Q- Des fonctionnaires moins nombreux mais mieux payés, c'est une piste de réflexion aussi ?
R- C'est sûrement des pistes. De toute façon une grande partie de la fonction publique va partir en retraite d'ici maintenant 10 ans, quasiment la moitié des fonctionnaires vont partir en retraite. Donc il y a évidemment un remplacement à proposer. J'ai noté par exemple que le ministre de l'Education nationale parle de 150.000 recrutements dans la fonction publique et l'Education nationale, parce que beaucoup de fonctionnaires vont partir en retraite. Cela, il faut le prévoir. Je crois que le pouvoir d'achat dans la fonction publique c'est un vrai sujet, et on aura quelques mois. Je crois que, aussi, nous avons parlé de 2005, 2006, parce qu'il faut aborder ces sujets, pas sous la pression et pas dans l'actualité trop chaude si vous voulez. Il faut vraiment regarder les choses très calmement, et le faire en partenariat avec ceux qui représentent la fonction publique, et puis plus généralement tous les fonctionnaires qu'on rencontre tous les jours. Feuille de route pour 2005, 2006.
Q- Beaucoup de gouvernements ont tenté la manuvre, beaucoup de ministres s'y sont cassés les dents, est-ce que le gouvernement Raffarin sera celui de la grande réforme de l'Etat, et par quoi passe la réforme Woerth ? Quelles sont vos priorités d'action, monsieur le ministre ?
R- Vous savez, je ne crois pas.... D'abord je parle d'un diagnostic assez lucide : c'est que les Français, d'une certaine manière, ne pensent pas que l'Etat se réforme. Ils pensent que l'Etat est un peu lourd, est un peu lent, est un peu moins rapide, probablement que le secteur privé. Cela est assez fortement ancré dans l'opinion des français. Et puis tout d'un coup, quand on se compare, quand on regarde ce que font les autres Etats, on se dit que l'Etat français ce n'est pas si mal, que d'une certaine manière il y a beaucoup de professionnalisme, beaucoup d'engagement et puis aussi une forme de modernisation de la production des services publics. Et puis troisième point, on se dit qu'il n'y aura pas une grande réforme de l'Etat, parce que si on l'attend, on va l'attendre longtemps, car la réforme de l'Etat en réalité, il y aura une réforme de l'Etat tant qu'il y aura un Etat, il est amené à évoluer, tout le temps, en permanence. Donc il faut trouver les moyens de le faire évoluer, de s'adapter en permanence aux évolutions de la société et, pourquoi pas, d'une certaine manière aussi, de les anticiper. Donc moi je crois à deux choses essentielles, un, c'est d'essayer de faire en sorte que l'Etat soit plus simple d'emploi. Il y a quelques années, quand vous achetiez un magnétoscope ou un magnétophone, c'était très compliqué de le faire fonctionner. Aujourd'hui, vous achetez un lecteur de DVD, ça marche très simplement, simplement l'outil il est plus sophistiqué.
Q- Donc que l'Etat ne soit plus une usine à gaz.
R- L'Etat ne doit pas [être] trop compliqué d'accès, il doit gérer sa propre complexité mais il doit être très simple pour les usagers et puis l'Etat il doit être très productif. Le service public doit être délivré au meilleur prix, au meilleur coût, avec une qualité évidemment incontestable.
Q- Le comité d'évaluation des stratégies ministérielles de réforme a été lancé en 2004. Vous venez de dresser un premier bilan, 250 mesures destinées à réduire le train de vie de l'Etat, on peut citer quelques exemples... ?
R- Oui. Moi, je suis l'homme d'une méthode. Je pense très profondément qu'à partir du moment où il y a une permanence de la réforme, il faut qu'elle éclose partout, dans l'ensemble des services, d'ailleurs en liaison avec les fonctionnaires, et il faut la mesurer. Donc il faut essayer de se dire : on veut plus de qualité, on veut aussi plus de performance dans l'Etat, et le Premier ministre a fixé un objectif pour 2005, c'est de gagner 2% de productivité, et avec ce gain de productivité, on peut évidemment renforcer les services publics, et c'est ça qui est important.
Q- C'est l'Etat entreprise.
R- Et dans ces 2% de productivité ; Oui, mais enfin c'est une entreprise au bon sens du terme, c'est une entreprise particulière, moi je ne crois pas que l'Etat soit une entreprise, c'est une entreprise de service public, c'est une entreprise qui crée de la vocation et qui crée du service public. Donc très sincèrement, plus de productivité, c'est beaucoup de mesures qui concourent à cela. Je vous cite quelques exemples. Parfois vous devez externaliser un service qui est moins bien rendu dans le cadre du service public. Vous pouvez l'externaliser et le confier à une entreprise. Vous pouvez aussi, d'une certaine manière, modifier le calcul des allocations familiales dans la fonction publique et le confier aux Caisses d'Allocations Familiales.
Q- Alors l'objectif - pardonnez-moi, un chiffre précis - c'est de réaliser 1,5 milliard d'euros par an d'économies à partir de 2007. Pourquoi à partir de 2007 d'ailleurs ?
R- Non, mais parce que le plan qu'on a proposé l'année dernière, c'était une démarche annuelle. Tous les ans, on va regarder toutes les actions qu'on peut faire, en concertation, pour rendre l'Etat plus efficace. Et le plan 2004 est un plan sur trois ans, et on va actualiser les ans cela, donc c'est sur trois ans 1,5 milliard de performance gagnée. Et en 2005 on demande d'augmenter un peu la mise en liaison avec l'ensemble des services. C'est une démarche qui est véritablement positive. Positive pour tout le monde, pour les fonctionnaires, positive aussi pour les usagers.
Q- Economiser 10.000 emplois sur trois ans, qu'est-ce que ça veut dire ?
R- Ça veut dire qu'on peut faire mieux parfois avec moins de services, ça veut dire que sur les services que nous avons gardés, la réorganisation qu'on peut toucher, on peut dégager du temps, du temps d'emploi, donc c'est des équivalents temps plein, et ces équivalents temps plein, ils peuvent servir ailleurs.
Q- On ne dégraisse pas, on réorganise.
R- Non, ce n'est pas l'objectif, et de toute façon c'est une vision assez polémique des choses. Il faut réorganiser sans cesse parce que tout le monde se réorganise, parce que c'est la vie, et l'Etat c'est la vie.
Q- Alors, régulièrement, des groupes de ministres se déplacent sur le terrain, vous allez à la rencontre des français, vous partez d'ailleurs tout à l'heure pour le Cannet, dans les Alpes-Maritimes, avec le secrétaire d'Etat à l'Agriculture et à la Pêche, N. Forissier. Les citoyens, vous en parliez un petit peu tout à l'heure, est-ce qu'ils croient réellement, quand vous allez à leur rencontre, à cette réforme de l'Etat ? Est-ce que ce n'est pas un petit peu le miroir aux alouettes, l'Arlésienne ?
R- Non, comme je vous le disais, on en parlera aussi longtemps qu'il y a un Etat, donc il faut simplement bien baliser la route et dire ce qu'on fait. Faire plus de performance, essayer de rendre les services publics de plus en plus qualitatifs, faire en sorte que...
Q- Ils vous posent des questions ces français ?
R- Oui, bien sûr. Beaucoup sur la simplification et la complexité. On trouve que l'Etat souvent produit de la complexité. Mais d'une certaine manière, cette complexité, elle est souvent choisie, parce que plus on est des citoyens dans un grand pays démocratique, plus on est protégé, plus on est individualisé, donc plus on crée de la complexité pour gérer votre citoyenneté d'une certaine manière, et ça c'est bien naturel. Ce qu'il faut c'est bien regarder si on ne va pas trop loin, et bien regarder aussi si l'usage de l'administration, les points de relation, sont simples. Je voudrais juste donner un exemple. On va mesurer le coût de la charge administrative des autorisations qui sont demandées aux entreprises. Il y a plein d'autorisations. L'entreprise, pour faire quelque chose, a besoin de demander une autorisation, et ça finalement ça a un coût pour elle, elle le traite. Je suis en train de mesurer le coût de cette charge pour essayer de faire l'équilibre entre à la fois le coût et la nécessité d'ordre public qui a à lui demander ce type d'autorisation.
Q- E. Woerth, la Constitution européenne, il faut voter oui, évidemment, sans hésiter, c'est clair ?
R- Sans hésiter, bien sûr.
Q- Est-ce que l'Europe peut vous aider à réformer l'Etat ?
R- Oui. Moi je suis allé rencontrer le commissaire européen, un des commissaires européens qui s'occupe de cela, je vais aussi aller à ces quelques réunions avec des ministres qui sont en charge de modernisation administrative au niveau européen, donc ça c'est un premier point, et puis je crois aussi que ça permet de discuter ensemble et d'échanger les meilleures pratiques. Simplement, c'est vrai, les Etats sont responsables, l'Europe ne dilue pas les Etats, chacun a hérité de son propre modèle, et nous on tient évidemment tout particulièrement au modèle français, donc l'Europe est un formidable catalyseur et c'est aussi quelque chose qui permet de se motiver, de se mobiliser...
Q- Qui ne coûte pas trop cher à l'Etat français !
R- Qui ne coûte pas trop cher à l'Etat français, d'ailleurs je voudrais vous dire que ce coût que j'essaye de chercher sur la charge administrative pesant sur les entreprises, cette méthode que j'essaye de mettre en place pour essayer d'alléger la charge administrative sur les entreprises, nous le faisons en liaison avec les Pays-Bas. On a regardé ce qu'on pouvait faire ensemble, c'est quelque chose qui nous intéresse l'un et l'autre, et donc on travaille avec les Pays-bas, et je suis aux Pays-Bas là dessus, et un ministre des Pays-Bas vient dans le comité de pilotage sur ce sujet. Donc il y a beaucoup à apprendre des autres pays, sans arrogance.
Q- Donc vive l'Europe, mais à condition de bien l'expliquer, de ne pas être arrogant effectivement, et de se battre comme l'a fait le chef de l'Etat autour de la directive
Bolkestein ?
R- Le chef de l'Etat a emporté les suffrages, grâce à une mobilisation assez formidable. Il a plaidé en faveur de la France avec d'autres pays, et puis montré que cette directive n'était pas convenable d'une certaine manière.
Q- A Bruxelles, on a dit que J. Chirac était devenu un président socialiste.
R- Moi, je me méfie toujours des étiquettes, je pense que c'est surtout un président efficace.
Q- Mais qui se bat contre l'Europe libérale ?
R- Je ne veux pas d'étiquette ; qui se bat contre une forme d'Europe qui serait déshumanisée, ou en tout cas éloignée des préoccupations des habitants. L'enjeu de ce référendum sur le traité constitutionnel, c'est donner plus d'humanité à l'Europe, moins de bureaucratie et moins de technocratie. Plus de démocratie. Faire en sorte que les Européens puissent s'exprimer, et c'est le traité constitutionnel qui le permet.
(Source : premier- ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 mars 2005)
R- Ecoutez, R. Dutreil a renoué cette semaine le dialogue. Je pense aussi que d'une certaine manière le travail qu'il a commencé, effectué avec les syndicats, est un travail qui sera porteur parce que c'est un travail global, pas uniquement sur les salaires, bien sûr R. Dutreil a, hier, évoqué le fait que ce sujet reviendra à l'ordre du jour dès la semaine prochaine...
Q- Le 29 mars.
R- Mais qu'il y a bien d'autres sujets à aborder avec la fonction publique, il faut parler de la modernisation de la fonction publique, de la formation des agents, il y a beaucoup de sujets à aborder. Il faut l'aborder dans un esprit de dialogue. C'est ça qui est important.
Q- Qu'est-ce qui va se passer jusqu'au 29 mars ? Les discussions vont continuer ? Parce que le 29, R. Dutreil, doit annoncer le montant de l'augmentation pour les fonctionnaires.
R- Ecoutez, ça je ne sais pas ce qui va se passer d'ici le 29, je pense que chacun va fourbir ses arguments et se préparer à une discussion.
Q- Le chiffre n'est pas arrêté encore ?
R- Non, le chiffre n'est certainement pas arrêté. R. Dutreil a indiqué que le 29, il y aurait probablement un chiffre. Je le laisse totalement libre dans ces négociations. Ce n'est pas à moi d'annoncer quoi que ce soit, d'autant plus que je pense que le Gouvernement a vraiment montré dans cette affaire qu'il était à l'écoute des fonctionnaires. On ne peut pas, pour répondre à votre question, on ne peut pas réformer l'Etat, faire évoluer l'Etat, sans les fonctionnaires et sans les agents publics, ce sont les acteurs au quotidien.
Q- Ce sont des partenaires.
R- Ce n'est pas des partenaires, c'est des acteurs au quotidien.
Q- Des collaborateurs, comme l'on dit.
R- Oui, collaborateurs. Ils ont choisi le service public au même titre que les hommes et femmes politiques ont choisi le service public, vu du côté de l'élection.
Q- Hier, J.-P. Raffarin a présenté au Conseil économique et social ses projets pour améliorer le mécanisme de la participation des salariés du privé. Il s'agit clairement de favoriser un meilleur partage des profits des entreprises. Est-ce que, E. Woerth, on parviendra un
jour au même système dans la fonction publique en inventant peut-être des mécanismes permettant de rémunérer les fonctionnaires à la performance ? Est-ce que c'est une piste que vous étudiez, sur laquelle vous travaillez ?
R- Ecoutez, d'abord R. Dutreil a fait quelques propositions il y a deux jours, en indiquant qu'on pouvait, pourquoi pas, réfléchir à une partie de la rémunération fixe, et une partie de la rémunération variable des fonctionnaires, notamment liée par exemple à la croissance du pays, à l'accroissement de richesses. C'est une piste. J'imagine que les uns et les autres vont l'explorer. Et puis il y a aussi l'idée de rémunération selon le mérite, ça a été mis en place..
Q- Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
R- Ça a été mis en place dans la fonction publique ; ça veut dire que si vous êtes plus méritant, vous gagnez plus et si vous êtes moins méritant vous gagnez moins.
Q- Et quels sont les critères objectifs ?
R- Ça c'est une question qui se pose toujours, elle se pose aussi dans le privé d'ailleurs...
Q- Bien sûr, mais je vous la pose pour le public.
R- Comment on évalue ? Il y a plusieurs manières d'évaluer selon vos responsabilités, vous pouvez avoir une sorte de contrat avec votre employeur qui fixe des objectifs très précis sur votre année, et puis après on vérifie que ces objectifs ont été atteints ou pas, et en fonction de ça votre rémunération peut varier sur une partie. C'est le cas, par exemple, pour un certain nombre de cadres importants de la fonction publique. C'est plus compliqué parfois sur des tâches de base ou des tâches plus qualitatives. Mais enfin, il faut trouver des moyens, je crois qu'on peut toujours évaluer d'une certaine manière la qualité du travail,il faut le faire évidemment dans la plus grande transparence et très objectivement.
Q- Des fonctionnaires moins nombreux mais mieux payés, c'est une piste de réflexion aussi ?
R- C'est sûrement des pistes. De toute façon une grande partie de la fonction publique va partir en retraite d'ici maintenant 10 ans, quasiment la moitié des fonctionnaires vont partir en retraite. Donc il y a évidemment un remplacement à proposer. J'ai noté par exemple que le ministre de l'Education nationale parle de 150.000 recrutements dans la fonction publique et l'Education nationale, parce que beaucoup de fonctionnaires vont partir en retraite. Cela, il faut le prévoir. Je crois que le pouvoir d'achat dans la fonction publique c'est un vrai sujet, et on aura quelques mois. Je crois que, aussi, nous avons parlé de 2005, 2006, parce qu'il faut aborder ces sujets, pas sous la pression et pas dans l'actualité trop chaude si vous voulez. Il faut vraiment regarder les choses très calmement, et le faire en partenariat avec ceux qui représentent la fonction publique, et puis plus généralement tous les fonctionnaires qu'on rencontre tous les jours. Feuille de route pour 2005, 2006.
Q- Beaucoup de gouvernements ont tenté la manuvre, beaucoup de ministres s'y sont cassés les dents, est-ce que le gouvernement Raffarin sera celui de la grande réforme de l'Etat, et par quoi passe la réforme Woerth ? Quelles sont vos priorités d'action, monsieur le ministre ?
R- Vous savez, je ne crois pas.... D'abord je parle d'un diagnostic assez lucide : c'est que les Français, d'une certaine manière, ne pensent pas que l'Etat se réforme. Ils pensent que l'Etat est un peu lourd, est un peu lent, est un peu moins rapide, probablement que le secteur privé. Cela est assez fortement ancré dans l'opinion des français. Et puis tout d'un coup, quand on se compare, quand on regarde ce que font les autres Etats, on se dit que l'Etat français ce n'est pas si mal, que d'une certaine manière il y a beaucoup de professionnalisme, beaucoup d'engagement et puis aussi une forme de modernisation de la production des services publics. Et puis troisième point, on se dit qu'il n'y aura pas une grande réforme de l'Etat, parce que si on l'attend, on va l'attendre longtemps, car la réforme de l'Etat en réalité, il y aura une réforme de l'Etat tant qu'il y aura un Etat, il est amené à évoluer, tout le temps, en permanence. Donc il faut trouver les moyens de le faire évoluer, de s'adapter en permanence aux évolutions de la société et, pourquoi pas, d'une certaine manière aussi, de les anticiper. Donc moi je crois à deux choses essentielles, un, c'est d'essayer de faire en sorte que l'Etat soit plus simple d'emploi. Il y a quelques années, quand vous achetiez un magnétoscope ou un magnétophone, c'était très compliqué de le faire fonctionner. Aujourd'hui, vous achetez un lecteur de DVD, ça marche très simplement, simplement l'outil il est plus sophistiqué.
Q- Donc que l'Etat ne soit plus une usine à gaz.
R- L'Etat ne doit pas [être] trop compliqué d'accès, il doit gérer sa propre complexité mais il doit être très simple pour les usagers et puis l'Etat il doit être très productif. Le service public doit être délivré au meilleur prix, au meilleur coût, avec une qualité évidemment incontestable.
Q- Le comité d'évaluation des stratégies ministérielles de réforme a été lancé en 2004. Vous venez de dresser un premier bilan, 250 mesures destinées à réduire le train de vie de l'Etat, on peut citer quelques exemples... ?
R- Oui. Moi, je suis l'homme d'une méthode. Je pense très profondément qu'à partir du moment où il y a une permanence de la réforme, il faut qu'elle éclose partout, dans l'ensemble des services, d'ailleurs en liaison avec les fonctionnaires, et il faut la mesurer. Donc il faut essayer de se dire : on veut plus de qualité, on veut aussi plus de performance dans l'Etat, et le Premier ministre a fixé un objectif pour 2005, c'est de gagner 2% de productivité, et avec ce gain de productivité, on peut évidemment renforcer les services publics, et c'est ça qui est important.
Q- C'est l'Etat entreprise.
R- Et dans ces 2% de productivité ; Oui, mais enfin c'est une entreprise au bon sens du terme, c'est une entreprise particulière, moi je ne crois pas que l'Etat soit une entreprise, c'est une entreprise de service public, c'est une entreprise qui crée de la vocation et qui crée du service public. Donc très sincèrement, plus de productivité, c'est beaucoup de mesures qui concourent à cela. Je vous cite quelques exemples. Parfois vous devez externaliser un service qui est moins bien rendu dans le cadre du service public. Vous pouvez l'externaliser et le confier à une entreprise. Vous pouvez aussi, d'une certaine manière, modifier le calcul des allocations familiales dans la fonction publique et le confier aux Caisses d'Allocations Familiales.
Q- Alors l'objectif - pardonnez-moi, un chiffre précis - c'est de réaliser 1,5 milliard d'euros par an d'économies à partir de 2007. Pourquoi à partir de 2007 d'ailleurs ?
R- Non, mais parce que le plan qu'on a proposé l'année dernière, c'était une démarche annuelle. Tous les ans, on va regarder toutes les actions qu'on peut faire, en concertation, pour rendre l'Etat plus efficace. Et le plan 2004 est un plan sur trois ans, et on va actualiser les ans cela, donc c'est sur trois ans 1,5 milliard de performance gagnée. Et en 2005 on demande d'augmenter un peu la mise en liaison avec l'ensemble des services. C'est une démarche qui est véritablement positive. Positive pour tout le monde, pour les fonctionnaires, positive aussi pour les usagers.
Q- Economiser 10.000 emplois sur trois ans, qu'est-ce que ça veut dire ?
R- Ça veut dire qu'on peut faire mieux parfois avec moins de services, ça veut dire que sur les services que nous avons gardés, la réorganisation qu'on peut toucher, on peut dégager du temps, du temps d'emploi, donc c'est des équivalents temps plein, et ces équivalents temps plein, ils peuvent servir ailleurs.
Q- On ne dégraisse pas, on réorganise.
R- Non, ce n'est pas l'objectif, et de toute façon c'est une vision assez polémique des choses. Il faut réorganiser sans cesse parce que tout le monde se réorganise, parce que c'est la vie, et l'Etat c'est la vie.
Q- Alors, régulièrement, des groupes de ministres se déplacent sur le terrain, vous allez à la rencontre des français, vous partez d'ailleurs tout à l'heure pour le Cannet, dans les Alpes-Maritimes, avec le secrétaire d'Etat à l'Agriculture et à la Pêche, N. Forissier. Les citoyens, vous en parliez un petit peu tout à l'heure, est-ce qu'ils croient réellement, quand vous allez à leur rencontre, à cette réforme de l'Etat ? Est-ce que ce n'est pas un petit peu le miroir aux alouettes, l'Arlésienne ?
R- Non, comme je vous le disais, on en parlera aussi longtemps qu'il y a un Etat, donc il faut simplement bien baliser la route et dire ce qu'on fait. Faire plus de performance, essayer de rendre les services publics de plus en plus qualitatifs, faire en sorte que...
Q- Ils vous posent des questions ces français ?
R- Oui, bien sûr. Beaucoup sur la simplification et la complexité. On trouve que l'Etat souvent produit de la complexité. Mais d'une certaine manière, cette complexité, elle est souvent choisie, parce que plus on est des citoyens dans un grand pays démocratique, plus on est protégé, plus on est individualisé, donc plus on crée de la complexité pour gérer votre citoyenneté d'une certaine manière, et ça c'est bien naturel. Ce qu'il faut c'est bien regarder si on ne va pas trop loin, et bien regarder aussi si l'usage de l'administration, les points de relation, sont simples. Je voudrais juste donner un exemple. On va mesurer le coût de la charge administrative des autorisations qui sont demandées aux entreprises. Il y a plein d'autorisations. L'entreprise, pour faire quelque chose, a besoin de demander une autorisation, et ça finalement ça a un coût pour elle, elle le traite. Je suis en train de mesurer le coût de cette charge pour essayer de faire l'équilibre entre à la fois le coût et la nécessité d'ordre public qui a à lui demander ce type d'autorisation.
Q- E. Woerth, la Constitution européenne, il faut voter oui, évidemment, sans hésiter, c'est clair ?
R- Sans hésiter, bien sûr.
Q- Est-ce que l'Europe peut vous aider à réformer l'Etat ?
R- Oui. Moi je suis allé rencontrer le commissaire européen, un des commissaires européens qui s'occupe de cela, je vais aussi aller à ces quelques réunions avec des ministres qui sont en charge de modernisation administrative au niveau européen, donc ça c'est un premier point, et puis je crois aussi que ça permet de discuter ensemble et d'échanger les meilleures pratiques. Simplement, c'est vrai, les Etats sont responsables, l'Europe ne dilue pas les Etats, chacun a hérité de son propre modèle, et nous on tient évidemment tout particulièrement au modèle français, donc l'Europe est un formidable catalyseur et c'est aussi quelque chose qui permet de se motiver, de se mobiliser...
Q- Qui ne coûte pas trop cher à l'Etat français !
R- Qui ne coûte pas trop cher à l'Etat français, d'ailleurs je voudrais vous dire que ce coût que j'essaye de chercher sur la charge administrative pesant sur les entreprises, cette méthode que j'essaye de mettre en place pour essayer d'alléger la charge administrative sur les entreprises, nous le faisons en liaison avec les Pays-Bas. On a regardé ce qu'on pouvait faire ensemble, c'est quelque chose qui nous intéresse l'un et l'autre, et donc on travaille avec les Pays-bas, et je suis aux Pays-Bas là dessus, et un ministre des Pays-Bas vient dans le comité de pilotage sur ce sujet. Donc il y a beaucoup à apprendre des autres pays, sans arrogance.
Q- Donc vive l'Europe, mais à condition de bien l'expliquer, de ne pas être arrogant effectivement, et de se battre comme l'a fait le chef de l'Etat autour de la directive
Bolkestein ?
R- Le chef de l'Etat a emporté les suffrages, grâce à une mobilisation assez formidable. Il a plaidé en faveur de la France avec d'autres pays, et puis montré que cette directive n'était pas convenable d'une certaine manière.
Q- A Bruxelles, on a dit que J. Chirac était devenu un président socialiste.
R- Moi, je me méfie toujours des étiquettes, je pense que c'est surtout un président efficace.
Q- Mais qui se bat contre l'Europe libérale ?
R- Je ne veux pas d'étiquette ; qui se bat contre une forme d'Europe qui serait déshumanisée, ou en tout cas éloignée des préoccupations des habitants. L'enjeu de ce référendum sur le traité constitutionnel, c'est donner plus d'humanité à l'Europe, moins de bureaucratie et moins de technocratie. Plus de démocratie. Faire en sorte que les Européens puissent s'exprimer, et c'est le traité constitutionnel qui le permet.
(Source : premier- ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 mars 2005)