Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le statut des "régions ultra-périphériques" (RUP) dans les institutions communautaires et dans la future Constitution européenne, et sur la coopération interrégionale, notamment la lutte contre l'immigration clandestine, Paris le 5 avril 2005

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réception en l'honneur de l'association "Bienvenue en France" à Paris le 5 avril 2005

Texte intégral

Madame la présidente de " Bienvenue en France ",
Excellences, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Madame la présidente, lorsque nous nous étions rencontrés, en décembre dernier, pour évoquer ensemble cette initiative très intéressante de votre association, j'étais bien loin d'imaginer le succès qu'elle rencontrerait auprès du corps diplomatique en poste à Paris. Aujourd'hui, c'est donc avec un réel plaisir que je vous accueille dans les salons de mon ministère.
Bien entendu, ce succès est avant tout le vôtre, et je souhaite rendre hommage à travers vous à l'action de votre association " Bienvenue en France ", qui s'emploie à mieux faire connaître nos régions françaises - si diverses - aux diplomates étrangers en résidence à Paris.
Mais je souhaite aussi naturellement rendre un hommage tout particulier à Monsieur l'Ambassadeur Pierret, votre conférencier du jour, qui s'est acquitté avec la passion et le talent qu'on lui connaît de la redoutable mission qui lui avait été confiée, et qui consistait à brosser en une heure de temps un panorama aussi complet que possible de l'ensemble des collectivités qui forment l'outre-mer français.
Mais ce succès est aussi, je crois, celui de l'outre-mer, et permettez moi de m'en réjouir bien sincèrement. Je veux en effet voir dans votre présence ce soir le réel intérêt que vous entendez manifester pour ces collectivités lointaines, cette France d'outre-mer présente sur les 3 océans, trop souvent méconnue, et dont j'ai l'honneur de diriger le ministère depuis près de trois années. Comme pour mieux signifier son attachement - ancien et sincère - à cet outre-mer, le Président de la République a d'ailleurs souhaité en faire un ministère de plein exercice, ce qui me permet de défendre au mieux les intérêts de nos compatriotes ultra-marins au sein des différentes instances gouvernementales.
J'espère donc très sincèrement que cette manifestation vous donnera l'envie de mieux découvrir encore cet outre-mer, et je m'empresse d'ajouter que mon ministère est là pour vous y aider. Accrédités auprès de la République française, vous êtes aussi accrédités auprès de ces collectivités d'outre-mer que sont la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Pierre et Miquelon, La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis et Futuna, sans oublier les T.A.A.F, ces Terres australes et antarctiques françaises. Vos éminentes fonctions couvrent donc également ces territoires lointains, qui créent d'ailleurs pour vous certaines obligations en termes d'information de vos autorités sur ce qu'il s'y passe, surtout lorsque votre pays est voisin de l'une ou l'autre de ces collectivités. Présente dans l'Atlantique, la Caraïbe, l'océan Indien et le Pacifique, la France entretient ainsi bon nombre de relations de voisinage avec des Etats étrangers parfois éloignés de l'hexagone.
C'est d'ailleurs ce qui explique l'intense action diplomatique qui caractérise aussi ce ministère, et dont je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous présenter les principaux aspects.
Pour ce faire, je m'adresserai plus particulièrement à deux catégories d'Ambassadeurs et de diplomates présents ici ce soir : tout d'abord aux ambassadeurs et diplomates des Etats membres de l'Union européenne, et ensuite à ceux des pays voisins de nos différentes collectivités d'outre-mer.
Aux représentants des Etats membres de l'Union européenne, je souhaite d'abord rappeler le statut particulier conféré par les Traités à nos collectivités d'outre-mer, que ce soit au titre des régions ultra-périphériques (pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion), ou encore au titre des Pays et Territoires d'outre-mer (pour les autres collectivités d'outre-mer). Dans le contexte actuel de campagne référendaire pour la ratification du projet de Constitution européenne, il importe de rappeler que la position institutionnelle des RUP se trouve préservée, et plus encore consolidée par le texte de la future Constitution, à son article III-424. Ce socle constitutionnel préserve en effet tous les avantages reconnus dans le précédent traité d'Amsterdam à l'article 299.2., et constituera le nouvel instrument juridique de référence en vue d'adapter les politiques communautaires au bénéfice de ces régions.
Il nous reste à faire vivre ces nouvelles dispositions, en particulier en liaison étroite avec nos partenaires espagnols et portugais et leurs régions ultrapériphériques (Açores, Madère, Canaries).
A tous les représentants des Etats membres de l'Union européenne, je souhaite donc que le message soit clairement entendu : la France attache une importance particulière à la préservation des instruments communautaires qui permettent le rattrapage économique et social que sont en droit d'attendre nos compatriotes ultra-marins en leur qualité de citoyens européens à part entière. La France veillera donc à ce que les politiques de l'Union prennent en compte cet objectif, et la France compte naturellement sur ses partenaires européens pour en comprendre l'intérêt et plus encore la légitimité.
Mais parce que l'action diplomatique de ce ministère ne se résume pas au seul champ communautaire, je souhaite également adresser quelques mots aux ambassadeurs et diplomates des différents pays voisins de nos collectivités d'outre-mer, et je sais qu'ils sont nombreux ici ce soir.
Cette " France des trois océans " est en effet attractive dans son environnement régional. Elle est confortée par la prospérité de ses collectivités, par leur capacité à rayonner grâce à leurs atouts économiques et humains, par la porte ouverte vers l'Union européenne qu'elles représentent, par les nouvelles capacités d'ouverture et d'action qui leur ont été confiées dans la prospective régionale.
Cette attraction et cette prospérité sont d'ailleurs telles qu'elles ne sont pas sans poser des problèmes de plus en plus aigus, par exemple ceux liés à l'immigration clandestine.
C'est donc tout l'enjeu de cette coopération régionale que je m'efforce de développer : comment s'ouvrir, progresser dans la solidarité mutuelle, contribuer au développement et aux échanges, tout en respectant les grands équilibres, les identités, et le dialogue des cultures.
Cette coopération régionale s'effectue d'abord d'Etat à Etat, par le jeu naturel de nos relations diplomatiques. Je suis ainsi régulièrement amenée à signer au nom de la France, avec vos ministres, des accords bilatéraux dont la variété du contenu illustre pleinement l'intensité de ces relations :
dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, par exemple, je voudrais citer les accords de réadmission récemment signés avec le Brésil et le Surinam, voisins de la Guyane, mais aussi ceux en cours d'élaboration avec Sainte-Lucie et La Dominique, voisins de la Martinique et de la Guadeloupe. J'ai d'ailleurs prévu de signer l'accord de réadmission avec Sainte-Lucie lors de mon prochain déplacement aux Antilles, dans quelques semaines ;
mais parce que nous avons aussi des intérêts communs à préserver nos ressources halieutiques, nous sommes aussi amenés parfois à mettre en commun nos moyens de surveillance et d'interception, par exemple pour lutter plus efficacement contre la pêche illégale dans le Pacifique Sud, en coopération avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ;
au-delà encore, c'est toute une série de domaines diversifiés qui sont couverts par les Traités internationaux déjà signés ou que je m'apprête à signer : accord FRANZ pour la prévention et l'assistance en cas de catastrophes naturelles dans le Pacifique Sud ; accord de délimitation des frontières maritimes entre Madagascar et La Réunion, que je dois signer la semaine prochaine à l'occasion de la visite officielle que doit effectuer le Président Ravalomanana à La Réunion ; ou encore l'accord avec le Canada en matière d'hydrocarbures que je dois signer en juin prochain, en marge de mon prochain déplacement à Saint-Pierre et Miquelon.
Mais ces négociations d'Etat à Etat ne sont pas tout. Parce que la France est une République décentralisée, elle offre en effet à ses collectivités territoriales la possibilité d'établir des relations de voisinage au titre de leur proche environnement, dans le cadre de ce que nous appelons la coopération régionale décentralisée.
Cette coopération décentralisée a pour ambition de renforcer le rôle et la place de nos collectivités d'outre-mer, en utilisant leurs ressources humaines et leurs compétences techniques, pour contribuer au développement des Etats voisins, dans un esprit de partenariat et d'avantages mutuels.
Tel est précisément l'objet des Conférences de coopération régionale que je suis régulièrement amenée à présider, avec mon collègue en charge de la Coopération, pour chacune des trois grandes zones pour lesquelles a été instauré un Fonds de coopération régionale : Antilles-Guyane, océan Indien, et Pacifique. Chacun de ces Fonds est doté de moyens financiers permettant de soutenir des projets concrets de coopération, dont la coordination est assurée pour chacune de ces trois zones par un ambassadeur en charge de la coopération régionale. Ces trois ambassadeurs, dont je salue l'action au passage, sont basés à Paris au sein même de ce ministère.
Mesdames et Messieurs,
Au moment de conclure mon intervention, je souhaite vous avoir convaincu de ce que l'outre-mer se situe bien aux avant-postes de la France, et plus encore aux avant-postes de l'Union européenne.
L'outre-mer, j'en suis persuadée, constitue une formidable richesse pour l'Europe. Il lui offre en effet une dimension géopolitique enviée à l'heure de la mondialisation, mais aussi des ressources, et une diversité culturelle uniques.

J'espère donc vous avoir donné le goût de cet outre-mer que je vous invite à mieux connaître et à visiter. En commençant peut-être dès à présent par ces buffets qui vous attendent, et auprès desquels vous trouverez je pense un avant-goût des saveurs que vous retrouverez là-bas
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 avril 2005)