Texte intégral
Q - Si l'on a pu constater un début de rationalisation dans les services de votre ministère, il n'y a toujours pas de réelle synergie. Dans un monde en mouvement et une Europe à vingt-cinq, comment vont évoluer vos différents services ?
R - La rénovation du réseau diplomatique et consulaire français est nécessaire, car le monde a changé. Dans une Europe à vingt-cinq, bien loin de la guerre froide et du mur de Berlin, il est normal et légitime qu'on repense la localisation de nos ambassades et de nos consulats en Europe comme dans le reste du monde. Il est clair également que les Français de l'étranger doivent pouvoir bénéficier pleinement des voies modernes d'échanges, Internet principalement.
Q - Vous avez un outil formidable au niveau des Affaires étrangères, les Comités consulaires pour l'emploi, mais qui malheureusement disposent de moins en moins de moyens...
R - Je vous arrête tout de suite sur les moyens... Je pense sincèrement qu'il s'agit avant tout d'un problème d'organisation, de coordination. Dans ses voeux au gouvernement, le président a rappelé que toute action de l'Etat à l'étranger concernait le ministère des Affaires étrangères. L'ambassadeur est le porteur du drapeau à l'étranger, point. S'agissant des questions budgétaires, des arbitrages ont été décidés. L'Etat a la volonté de faire des efforts pour réharmoniser les budgets dans tous les secteurs. Bien entendu, le Quai d'Orsay doit y participer.
Q - Vous avez récupéré au Quai d'Orsay la responsabilité des Français de l'étranger. Pourquoi ?
R - Parce qu'on avait tendance à oublier qu'ils sont en quelque sorte "les ambassadeurs de la France" dans le monde. Qu'ils soient fonctionnaires, salariés d'un grand groupe, binationaux, entrepreneurs indépendants, acteurs d'associations ou d'ONG. Quels sont les outils de la diplomatie française ? La force du discours, avec le président Chirac et Dominique de Villepin ; la culture, avec les alliances françaises et les lycées ; l'armée, présente dans le monde en tant que force de l'ordre et de paix plus que militaire ; l'économie, non négligeable : lors de mes déplacements - 39 pays visités au cours de l'année passée - j'ai pu constater que les entreprises françaises sont toujours bien placées toujours dans les appels d'offres internationaux. Je précise que ce volet "entreprises" de notre diplomatie est toujours coordonné avec François Loos. Je suis informé des contacts qu'il prend lors de ses déplacements et je n'entreprends aucun voyage sans le lui faire savoir ; l'humanitaire, également qui dispose d'un réel savoir-faire français, non seulement chez les "french doctors", mais aussi les infirmières, les journalistes... Dans toutes les crises humaines, voire humanitaires, la France peut se mobiliser en moins de 70 heures, s'il le faut en moins de 10 heures. Vous avez remarqué qu'aucune ONG française n'a critiqué les actions du gouvernement. Auparavant, Etat, ONG, collectivités territoriales, entreprises travaillaient chacun pour soi, aujourd'hui, et sous mon autorité, on a coordonné un certain nombre de choses grâce à la création d'un Comité interministériel d'action humanitaire d'urgence.
Q - A quoi sert le poste de secrétaire d'État aux affaires étrangères? Il n'y en avait point dans le précédent gouvernement.
R - Le ministre n'est pas doté du don d'ubiquité, en dépit des nombreux déplacements qu'il peut effectuer : entre les rendez-vous institutionnels et notamment communautaires, les urgences du monde, les obligations parlementaires...Or, il existe plus de 200 Etats souverains à travers le monde. Par conséquent, notre réseau diplomatique souffrait d'une insuffisante présence politique. Dans ces conditions, comment aider nos ambassadeurs, nos responsables commerciaux, nos responsables humanitaires, nos Français de l'étranger ? Avec un réseau performant - le deuxième à travers le monde - le poste de secrétaire d'État est indispensable pour épauler le ministre de tutelle et démultiplier notre action extérieure. Dans ma mission, je me suis toujours occupé des Français de l'étranger. À chaque déplacement, je me rends dans les écoles et les alliances, je rencontre les ministres compétents pour les dossiers intéressants nos entreprises, je discute avec mes compatriotes qui sont déjà représentés sur place, puisqu'ils ont leurs propres élections. Des élus CSFE, représentants des Français de l'étranger, qui chaque année sont reçus à Paris durant trois jours par le ministre, à qui ils peuvent exposer leurs problèmes liés à la sécurité, à l'éducation, à la protection sociale... C'est très important, deux millions de Français, représentés par douze sénateurs, avec une influence réelle au sein du Parlement de la République.
Q - Oui, mais ils votent de moins en moins.
R - Le faible taux de participation aux dernières élections pose effectivement problème d'autant que presque un Français sur deux n'est pas immatriculé. Simplifier la procédure d'immatriculation et avoir une meilleure connaissance de nos communautés est indispensable. Il était important à mes yeux que ces Français de l'étranger, qui ont la capacité d'exister sur le plan politique s'ils vont voter, puissent être encouragés pour ce faire. Une loi a été votée à l'unanimité à l'Assemblée et au Sénat pour faire l'expérimentation du vote par Internet aux États-Unis. Les résultats ont été significatifs puisque là où Internet a été mis en place, 60 % des Français ont voté par ce nouveau moyen. J'ai pu me rendre compte de la facilité du vote puisque j'étais sur place en juin dernier, à New York. D'un côté, un opérateur pianote, de l'autre, des électeurs se déplacent. A la clôture, cinq minutes suffisent pour avoir les résultats du vote électronique.
Q - Un demandeur d'informations qui veut partir à l'étranger dispose de plusieurs adresses alors qu'une seule lui suffirait amplement. Ne pourrait-on pas envisager un regroupement en France de votre structure Maison des Français à l'étranger au sein de l'Espace Emploi international; qui avec ses 28 bureaux répartis en province et le réseau EURES fait un excellent travail de maillage de l'Hexagone et de l'Europe ?
R - L'emploi n'est pas une donnée directe dans le cadre de la mission diplomatique de la France, pour autant, il existe des outils un peu partout qui, je le reconnais, n'ont pas été toujours été exploités au mieux. On essaie de recentrer, réorganiser, restructurer pour les rendre plus dynamiques et plus efficaces. On fait en sorte que les ministères concernés travaillent entre eux. Et ils ne demandent pas mieux, car ils ont besoin de pilotage, d'interlocuteurs qui prennent les décisions. La rationalisation du dispositif public d'aide à l'expatriation, aujourd'hui partagé entre les ministères des Affaires étrangères, des Affaires sociales et de l'Economie et des Finances, doit être poursuivie. Elle s'inscrirait pleinement dans la réforme de l'Etat, permettrait des économies d'échelle et rendrait plus cohérentes les informations pouvant être procurées aux compatriotes tentés par l'aventure de l'étranger. Je ne dis pas que tout va fonctionner du jour au lendemain. A partir du moment où vous vous fixez une ligne de conduite avec un mode de pilotage clair, l'administration fonctionne bien.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2004)
R - La rénovation du réseau diplomatique et consulaire français est nécessaire, car le monde a changé. Dans une Europe à vingt-cinq, bien loin de la guerre froide et du mur de Berlin, il est normal et légitime qu'on repense la localisation de nos ambassades et de nos consulats en Europe comme dans le reste du monde. Il est clair également que les Français de l'étranger doivent pouvoir bénéficier pleinement des voies modernes d'échanges, Internet principalement.
Q - Vous avez un outil formidable au niveau des Affaires étrangères, les Comités consulaires pour l'emploi, mais qui malheureusement disposent de moins en moins de moyens...
R - Je vous arrête tout de suite sur les moyens... Je pense sincèrement qu'il s'agit avant tout d'un problème d'organisation, de coordination. Dans ses voeux au gouvernement, le président a rappelé que toute action de l'Etat à l'étranger concernait le ministère des Affaires étrangères. L'ambassadeur est le porteur du drapeau à l'étranger, point. S'agissant des questions budgétaires, des arbitrages ont été décidés. L'Etat a la volonté de faire des efforts pour réharmoniser les budgets dans tous les secteurs. Bien entendu, le Quai d'Orsay doit y participer.
Q - Vous avez récupéré au Quai d'Orsay la responsabilité des Français de l'étranger. Pourquoi ?
R - Parce qu'on avait tendance à oublier qu'ils sont en quelque sorte "les ambassadeurs de la France" dans le monde. Qu'ils soient fonctionnaires, salariés d'un grand groupe, binationaux, entrepreneurs indépendants, acteurs d'associations ou d'ONG. Quels sont les outils de la diplomatie française ? La force du discours, avec le président Chirac et Dominique de Villepin ; la culture, avec les alliances françaises et les lycées ; l'armée, présente dans le monde en tant que force de l'ordre et de paix plus que militaire ; l'économie, non négligeable : lors de mes déplacements - 39 pays visités au cours de l'année passée - j'ai pu constater que les entreprises françaises sont toujours bien placées toujours dans les appels d'offres internationaux. Je précise que ce volet "entreprises" de notre diplomatie est toujours coordonné avec François Loos. Je suis informé des contacts qu'il prend lors de ses déplacements et je n'entreprends aucun voyage sans le lui faire savoir ; l'humanitaire, également qui dispose d'un réel savoir-faire français, non seulement chez les "french doctors", mais aussi les infirmières, les journalistes... Dans toutes les crises humaines, voire humanitaires, la France peut se mobiliser en moins de 70 heures, s'il le faut en moins de 10 heures. Vous avez remarqué qu'aucune ONG française n'a critiqué les actions du gouvernement. Auparavant, Etat, ONG, collectivités territoriales, entreprises travaillaient chacun pour soi, aujourd'hui, et sous mon autorité, on a coordonné un certain nombre de choses grâce à la création d'un Comité interministériel d'action humanitaire d'urgence.
Q - A quoi sert le poste de secrétaire d'État aux affaires étrangères? Il n'y en avait point dans le précédent gouvernement.
R - Le ministre n'est pas doté du don d'ubiquité, en dépit des nombreux déplacements qu'il peut effectuer : entre les rendez-vous institutionnels et notamment communautaires, les urgences du monde, les obligations parlementaires...Or, il existe plus de 200 Etats souverains à travers le monde. Par conséquent, notre réseau diplomatique souffrait d'une insuffisante présence politique. Dans ces conditions, comment aider nos ambassadeurs, nos responsables commerciaux, nos responsables humanitaires, nos Français de l'étranger ? Avec un réseau performant - le deuxième à travers le monde - le poste de secrétaire d'État est indispensable pour épauler le ministre de tutelle et démultiplier notre action extérieure. Dans ma mission, je me suis toujours occupé des Français de l'étranger. À chaque déplacement, je me rends dans les écoles et les alliances, je rencontre les ministres compétents pour les dossiers intéressants nos entreprises, je discute avec mes compatriotes qui sont déjà représentés sur place, puisqu'ils ont leurs propres élections. Des élus CSFE, représentants des Français de l'étranger, qui chaque année sont reçus à Paris durant trois jours par le ministre, à qui ils peuvent exposer leurs problèmes liés à la sécurité, à l'éducation, à la protection sociale... C'est très important, deux millions de Français, représentés par douze sénateurs, avec une influence réelle au sein du Parlement de la République.
Q - Oui, mais ils votent de moins en moins.
R - Le faible taux de participation aux dernières élections pose effectivement problème d'autant que presque un Français sur deux n'est pas immatriculé. Simplifier la procédure d'immatriculation et avoir une meilleure connaissance de nos communautés est indispensable. Il était important à mes yeux que ces Français de l'étranger, qui ont la capacité d'exister sur le plan politique s'ils vont voter, puissent être encouragés pour ce faire. Une loi a été votée à l'unanimité à l'Assemblée et au Sénat pour faire l'expérimentation du vote par Internet aux États-Unis. Les résultats ont été significatifs puisque là où Internet a été mis en place, 60 % des Français ont voté par ce nouveau moyen. J'ai pu me rendre compte de la facilité du vote puisque j'étais sur place en juin dernier, à New York. D'un côté, un opérateur pianote, de l'autre, des électeurs se déplacent. A la clôture, cinq minutes suffisent pour avoir les résultats du vote électronique.
Q - Un demandeur d'informations qui veut partir à l'étranger dispose de plusieurs adresses alors qu'une seule lui suffirait amplement. Ne pourrait-on pas envisager un regroupement en France de votre structure Maison des Français à l'étranger au sein de l'Espace Emploi international; qui avec ses 28 bureaux répartis en province et le réseau EURES fait un excellent travail de maillage de l'Hexagone et de l'Europe ?
R - L'emploi n'est pas une donnée directe dans le cadre de la mission diplomatique de la France, pour autant, il existe des outils un peu partout qui, je le reconnais, n'ont pas été toujours été exploités au mieux. On essaie de recentrer, réorganiser, restructurer pour les rendre plus dynamiques et plus efficaces. On fait en sorte que les ministères concernés travaillent entre eux. Et ils ne demandent pas mieux, car ils ont besoin de pilotage, d'interlocuteurs qui prennent les décisions. La rationalisation du dispositif public d'aide à l'expatriation, aujourd'hui partagé entre les ministères des Affaires étrangères, des Affaires sociales et de l'Economie et des Finances, doit être poursuivie. Elle s'inscrirait pleinement dans la réforme de l'Etat, permettrait des économies d'échelle et rendrait plus cohérentes les informations pouvant être procurées aux compatriotes tentés par l'aventure de l'étranger. Je ne dis pas que tout va fonctionner du jour au lendemain. A partir du moment où vous vous fixez une ligne de conduite avec un mode de pilotage clair, l'administration fonctionne bien.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2004)