Conférence de presse de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur les questions liées à l'avenir politique et institutionnel de l'Union européenne, les travaux de la "convention" chargée du projet de Charte des droits fondamentaux, les objectifs de capacité militaire de la défense européenne et sur le rapport des sages sur l'opportunité d'une levée des sanctions européennes contre l'Autriche, à Paris le 11 septembre 2000.

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Circonstance : Conférence de presse consacrée à la présidence française de l'Union européenne au Centre d'accueil de la presse étrangère à la Maison de la Radio à Paris le 11 septembre 2000

Texte intégral

Je suis très content de vous retrouver pour ce point de presse dans ce centre d'accueil qui vous est destiné. La Présidence française de l'Union européenne est maintenant commencée depuis dix semaines, et nous avons estimé, le Premier ministre, le gouvernement, qu'il fallait en informer régulièrement la presse française et étrangère. Donc, à partir de maintenant, il y aura des points de presse de cette nature toutes les deux semaines. Ils vous permettront d'avoir une vue transversale de l'activité de la Présidence.
Dix semaines, c'est long et c'est court, il est évidemment trop tôt pour faire un premier bilan de la Présidence, d'autant que la traditionnelle trêve du mois d'août a interrompu, comme vous le savez, la machinerie communautaire, mais nous la relançons d'arrache-pied depuis maintenant quinze jours. Notre Présidence est ambitieuse, elle l'est par nécessité ; son agenda est chargé, notamment avec la réforme des institutions, l'élargissement de l'Union et la défense européenne, mais aussi, comme nous l'avons souhaité, avec un certain nombre de sujets de nature plus sociétale ou sociale : la sécurité alimentaire, la sécurité des transports, l'Europe de la connaissance, sans oublier bien entendu, l'ambitieux projet d'une Charte européenne des droits fondamentaux, tous sujets dont je vais vous parler. Chacun de ses dossiers a son rythme propre, et le résultat de tout cela ne pourra bien sûr être constaté qu'en fin de parcours, lors du Conseil européen de Nice. Je voudrais vous donner quelques éléments concernant l'évolution de ces principaux dossiers, à la lumière des éléments les plus récents, et bien entendu j'évoquerai aussi les derniers développements de l'affaire autrichienne.
D'abord quelques mots sur les questions liées à l'avenir politique et institutionnel de l'Union européenne.
La CIG : sur la réforme des institutions d'abord. Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous attachons une telle importance à cette conférence. Notre souci, en tant que Présidence a été d'imprimer un nouveau rythme aux travaux, en augmentant sensiblement le nombre des réunions formelles et informelles au niveau des fonctionnaires comme au niveau ministériel. Ce que nous voulons, c'est essayer d'accroître les chances d'une conclusion des travaux lors du Conseil européen de Nice. Cette démarche a été comprise de nos partenaires, et nous y travaillons donc d'arrache-pied. Je veux répéter ici le commentaire qu'Hubert Védrine et moi formulons déjà depuis plusieurs semaines, c'est à dire un appel à la mobilisation et à la négociation. Notre sentiment est effectivement que la négociation n'est pas encore entrée dans le vif du sujet, que pour l'instant on se contente trop dans les différentes réunions de rappeler des positions nationales, et donc, pour trouver un compromis, il va falloir à un moment donné, passer à un autre stade, un stade plus politique et un stade de recherche de compromis. Si on ne le fait pas, l'évolution de la CIG n'est pas prometteuse, et pourtant on sait que la réussite de celle-ci est impérative, car la réforme des institutions européennes est nécessaire, elles est nécessaire pour l'Union à quinze telle qu'elle est, qui connaît des difficultés dans ses mécanismes de décision, elle est nécessaire aussi pour permettre la réussite de l'élargissement. Je veux dire aussi qu'à côté de ces travaux, nous gardons à l'esprit la réflexion plus prospective qui a été relancée récemment par Jacques Delors, par Joschka Fischer, mais aussi par le président de la République sur l'avenir de l'Europe, c'est à dire sur les institutions et le fonctionnement d'une Union élargie à vingt, vingt-cinq voire trente Etats membres.
Cette réflexion au long terme, nous y avons apporté notre contribution lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de Gymnich, présidé par Hubert Védrine, auquel j'ai aussi participé, et qui s'est tenu à Evian les 2 et 3 septembre derniers. J'ai lu des commentaires sur ce sujet que je ne partage pas, pour avoir participé à cette réunion. Il s'agissait dans le cadre de ce débat, non pas de prendre position par rapport à telle ou telle idée qui avait été exprimée, notamment par les personnalités que j'ai citées mais bien de contribuer à clarifier les termes du débat et les positions des uns et des autres par rapport à cette idée. Donc, à cet égard, et contrairement à ce qui a été dit, ce débat a été extrêmement utile et de grande qualité, en tous cas il a été ce qu'il devait être dans le cadre d'une réunion informelle qui n'a pas vocation à fournir des décisions, mais plutôt à nourrir les travaux futurs de l'Union. Ceci me donne l'occasion d'évoquer le grand sujet de l'élargissement de l'Union.
Comme vous le savez, il s'agit d'une grande priorité de notre Présidence, et non pas d'une priorité comme les autres, mais en vérité, c'est la toile de fond de toute l'activité de toute l'Union européenne aujourd'hui. Et c'est pourquoi nous comptons aller aussi loin que possible dans les négociations d'adhésion, les porter à un niveau politique, et faire un bilan aussi précis que possible de ces négociations à Nice, pays par pays et chapitre par chapitre. Pour cela nous prévoyons d'organiser deux sessions de négociation au niveau des fonctionnaires, et une session au niveau ministériel, et celle qui a été retenue par le Conseil européen d'Helsinki, c'est-à-dire le 1er janvier 2003, date à laquelle l'Union devra être prête. Et c'est dans cette seule perspective que nous travaillons et c'est pourquoi nous souhaitons aller aussi loin que possible dans les douze négociations d'adhésion.
Un mot sur la Charte des droits fondamentaux : là encore c'est un projet très important pour notre Présidence, mais surtout pour l'Union européenne, puisqu'il s'agit pour la première fois de mettre par écrit les principes et les valeurs fondamentaux auxquels les quinze Etats membres adhèrent. C'est donc en quelque sorte l'idée d'un référentiel de valeurs, d'un acquis philosophique et moral de l'Union qui sera ainsi posé. Vous savez qu'un groupe de travail appelé "convention " a été formé au cours du premier semestre, sous la Présidence de Roman Herzog, l'ancien président de la République fédérale d'Allemagne. Il regroupe des représentants des parlements nationaux, du Parlement européen, et des gouvernements des Etats membres. Les discussions ont été difficiles, ce qui est normal compte tenu de la diversité des pratiques, des législations, des traditions, souvent différentes au sein de l'Union, et ce groupe se réunira à nouveau cette semaine, pendant trois jours, pour arrêter ce qui devrait être le projet de Charte soumis au Conseil européen de Biarritz de chefs d'Etat et de gouvernement.
Je voulais donner mon sentiment, d'après ce que je connais aujourd'hui, les chefs d'Etat et de gouvernement auront sous leurs yeux à Biarritz les 13 et 14 octobre prochains, un texte qui tel qu'il se présente aujourd'hui, est substantiel et assez équilibré. Je sais, bien sûr, que certains rêveront à un résultat qui aurait pu être différent, plus ambitieux encore, même si le projet actuel est déjà très ambitieux, mais c'est sans compter sur la diversité des opinions qui ont été exprimées, comme c'est normal dans ce type d'enceinte.
Un mot enfin sur la réunion informelle des ministres de la Défense, le 22 septembre au Château d'Ecouen, dans le Val d'Oise, à l'invitation d'Alain Richard et en présence de Javier Solana. Cette rencontre sera principalement consacrée au développement des objectifs de capacité militaire fixés par le Conseil européen d'Helsinki. A cette occasion, les ministres de la Défense prendront note des résultats des travaux sur l'élaboration d'un catalogue des forces qui aura été finalisé la veille, 21 septembre, par les chefs d'état-major des Quinze réunis à Bruxelles.
La réunion informelle des ministres de la Défense constitue une étape importante dans la préparation de ce qu'on appelle la conférence d'engagement des capacités qui se tiendra le 20 novembre sous Présidence française et ce sera donc le premier test de la volonté des Etats membres de traduire en engagements nationaux concrets les engagements objectifs pris à Helsinki.
Je fais le point rapidement sur quelques sujets de nature économique et sociale, qui s'inscrivent dans le cadre des priorités citoyennes de notre Présidence.
D'abord quelques mots de la réunion informelle des ministres de l'Agriculture qui vient de se tenir à Biarritz du 3 au 5 septembre, et qui, dans la ligne des discussions qui s'étaient tenues dans le même format à Evora, sous Présidence portugaise, a mis l'accent sur la question de la qualité et de la diversité des produits et de la protection de l'Europe des terroirs, sans oublier un nouveau débat sur les OGM. Là encore, comme dans le cas de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, il ne s'agissait pas de prendre des décisions sur tel ou tel sujet mais d'alimenter la réflexion collective, de mieux comprendre les opinions de chacun, en un mot d'éclairer l'avenir, et ces débats auront naturellement des suites en termes de décisions.
Dans le même esprit s'est tenue les 9 et 10 septembre à Versailles la réunion informelle des ministres de l'Economie et des Finances, précédée vendredi 8 d'une réunion très importante des douze Etats membres de l'Euro-groupe. Je crois que ce n'est pas la peine de revenir sur cette réunion, dont le résultat connu est tout récent.
Je signale parmi l'agenda de la Présidence le séminaire des ministres de l'Education, que Jack Lang organisera à Paris le 30 septembre prochain, et qui devrait notamment donner le coup de pouce politique utile aux travaux qui ont été engagés depuis juillet, sous la Présidence de Jean Germain et sur la base d'un rapport que j'avais commandé, sur la question de la mobilité des étudiants, enseignants, chercheurs, qui constitue là encore une des grandes priorités de notre Présidence.
Je signale, pour mémoire, mais pour vous montrer l'intensité des travaux qui ne déboucheront que dans trois mois, les sessions du Conseil Affaires générales des 18 et 19 septembre, du Conseil Agriculture les 25 et 26 septembre, Conseil Culture le 26, Conseil Justice et Conseil Affaires intérieures le 28 et Conseil Marché intérieur et consommation également le 28 septembre.
Je dirai aussi quelques mots sur les travaux qui ont été conduits lors de la session plénière du Parlement européen, et qui ont permis sept interventions de la Présidence en séance et en Commission. Les thèmes abordés portaient sur le processus de paix au Proche-Orient, sur les actions externes de l'Union, le projet de budget communautaire pour 2001, la lutte contre le Sida, ou encore l'observatoire sur les mutations industrielles. Mmes Gillot, Lebranchu, Perry, Buffet et moi-même y ont participé. La prochaine session aura lieu à Bruxelles les 20 et 21 septembre.
Tout ceci pour vous faire une sorte de panorama de l'activité de la Présidence française dans la période juste écoulée et à venir.
Je dirai enfin un mot sur l'Autriche. Le rapport des sages a été remis au président de la République il y a maintenant quelques jours. Nous avons engagé des consultations en interrogeant nos principaux partenaires sur la base de ce rapport, en retenant quatre points-clés. Premièrement que les mesures mises en oeuvre par les Quatorze ont été utiles, notamment pour insister sur ce que sont les valeurs communes de l'Union européenne. Deuxièmement, nous avons pris note de ce que le rapport estimait que le gouvernement autrichien avait respecté les valeurs européennes communes. Troisièmement, nous avons aussi noté que sur le deuxième point qui lui était soumis, le rapport estimait que le FPÖ pouvait être qualifié de "parti populiste de droite aux caractéristiques extrémistes et dont l'évolution était incertaine", et j'ai noté au passage effectivement certaines qualifications assez dures quant au rapport de ce parti avec la xénophobie, le racisme ou le maniement qui pouvait être fait par rapport au passé nazi. Enfin, ce rapport, comme vous le savez, indique que les mesures des Quatorze, au sens de ses auteurs, vont devenir nuisibles si elles ne cessent pas. C'est pourquoi nous avons sollicité nos partenaires sur le fait de savoir si les mesures mises en oeuvre doivent être levées. Sur la question de savoir comment exercer la vigilance qu'implique en particulier la nature particulière de ce parti qu'est le FPÖ, et puis la question aussi de savoir si on doit engager une réflexion à quinze sur un mécanisme de surveillance propre à l'Union européenne, vous savez que c'est une des recommandations finales du rapport. Les consultations sont en cours. Ce que je peux dire c'est que je souhaite que soit définie une attitude commune à quatorze, quel que soit le choix retenu et quelles que soient les options prises à la fois sur la levée des mesures, oui ou non ; sur la vigilance qu'on doit exercer à quatorze, oui ou non ; et sur la mise en place d'un mécanisme de vigilance à l'égard de ce type de situation dans l'Union européenne. Je voudrais dire deux choses pour terminer là-dessus. La première, c'est que, quelle que soit la décision prise, il est important qu'elle soit prise dans des conditions telles qu'elles ne paraissent pas être un satisfecit donné à une situation qui ne parait pas satisfaisante à tous égards, sans quoi il n'y aurait pas eu de rapport des sages. La deuxième chose, c'est qu'effectivement, il faudra réfléchir à des mécanismes de vigilance dans le cadre de l'Union européenne, pour éviter que ce type de situation puisse se banaliser. Voilà ce que je voulais vous dire en introduction./
(source http://wwwdiplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2000)