Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés,
La menace qui pèse aujourd'hui sur le pacte républicain est réelle. La situation n'est pas nouvelle. Cependant, au moment où notre pays va mieux, où le chômage baisse, rien ne serait pire que de laisser une partie de la population en marge de la croissance. Parce que ce gouvernement a permis de redonner l'espoir et la confiance, les résultats doivent rejaillir sur la vie de tous. La croissance ne doit surtout pas s'arrêter à la limite des quartiers qui en ont le plus besoin.
Aujourd'hui, de nombreux quartiers sont rejetés, frappés du sceau de l'exclusion sociale. Ils sont souvent occupés par une population " assignée à résidence ", ceux qui n'ont plus le choix. Dans ces cités, qui pour certaines se transforment en véritables ghettos sociaux ou ethniques, la population a le sentiment d'être abandonnée, alors même qu'elle aspire à vivre une vie normale. Ces quartiers, qui ont un fort potentiel et concentrent une part importante de la jeunesse de notre pays, doivent être mieux intégrés à la ville, et leur population mieux insérée, mieux acceptée dans notre société, et en particulier ces jeunes qui représentent l'avenir.
Parallèlement, une dynamique de ségrégation dans l'habitat est à l'oeuvre à l'échelle de nos agglomérations. Plus que jamais, le marché de l'immobilier reflète la division sociale de l'espace, si bien que nos villes sont en train de se polariser socialement. Les riches vont vivre avec les riches, les pauvres vont donc vivre avec les pauvres, renforçant inévitablement la fracture sociale.
Enfin, il faut le dire clairement, le pacte républicain est également menacé par ceux qui développent les amalgames entre logement social, pauvreté, immigration ou insécurité, et qui, par là même, stigmatisent les classes populaires de notre pays. Deux français sur trois ont aujourd'hui accès au logement social, et environ un sur trois a occupé ce type de logement un jour dans sa vie. 36% des actifs de plus de 30 ans occupent aujourd'hui un logement social.
Alors, je pose la question : qui veut-on refuser dans les communes dont les maires revendiquent haut et fort de ne pas construire de logement social ? Car ce ne peut pas être les logements qui gênent ; les logements sociaux modernes sont de petites unités ou même des pavillons individuels bien intégrés à la ville. Ce qui gêne, ce sont donc les populations qui les occupent. Alors, je défie ces élus, qui prétendent donner des leçons de citoyenneté et de civisme à tous les jeunes de nos quartiers, de dire précisément qui ils refusent dans leurs villes. Celui qui leur apporte le petit crème tous les matins ? Le postier ? L'infirmière ? Le jeune couple qui vient d'entrer dans la vie active et qui, grâce au logement social, trouve enfin les moyens de son indépendance ? A moins que ce ne soient le chômeur, le couple d'immigrés ou l'un de leurs enfants ?
Alors, bas les masques, et parlons vrai ! Je demande donc à ces élus de me dire qui ils ne veulent pas voir dans leur ville quand ils refusent du logement social.
Plutôt que d'accepter ce repli égoïste qui conduit inexorablement à des villes du ghetto, le gouvernement répond, lui, à tous ces enjeux de cohésion sociale par des actes, c'est-à-dire par une politique de la ville cohérente et ambitieuse. Lors des trois comités interministériels des villes qu'il a présidés en 1998 et 1999, le Premier ministre a ainsi donné à la politique de la ville une force nouvelle, sans précédent.
La politique de la ville et son outil, le contrat de ville, ont été relancés. En terme de méthode, l'objectif est d'accorder une place plus grande aux élus locaux et de renforcer la solidarité intercommunale et la démocratie locale. En terme de moyens, les contrats de ville ont été très largement dotés. Ceux-ci bénéficieront en effet pour les sept prochaines années de moyens en hausse de 70 % avec 17,7 milliards de francs de crédits, dont 8,9 pour le seul ministère de la ville au lieu de 3,5 au cours du plan précédent. Tout confondu, l'effort public annuel global en faveur de la politique de la ville est passé de 21 milliards de francs en 1997 à 35 milliards de francs prévus en 2000.
A cet effort viendra s'ajouter en outre la nouvelle ambition du plan de rénovation urbaine et de solidarité, annoncé par le Premier ministre lors du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier. Un programme national de renouvellement urbain, centré autour de 50 Grands Projets de Ville, a notamment été lancé. L'ambition est forte : redonner aux quartiers les plus en difficulté une place nouvelle au sein de l'agglomération, et surtout un véritable avenir tant en ce qui concerne la forme urbaine que le développement économique et la vie quotidienne. Sur la base de projets élaborés par les acteurs locaux, et en premier lieu les habitants, de vastes opérations de construction-démolition et de remodelage urbain seront engagées. C'est ainsi que 10.000 à 12.000 démolitions de logements HLM sont prévues annuellement, pour être compensées par les 20.000 réalisations supplémentaires au niveau de l'agglomération que permettra ce projet de loi. C'est pourquoi le texte qui est devant vous est parfaitement cohérent avec le programme de renouvellement urbain décidé par le gouvernement au mois de décembre. Pour refaire nos villes, les deux volets sont indispensables.
Parallèlement à ces actions qui touchent directement les quartiers, qui leur donnent une nouvelle image et une nouvelle réalité sociale, il faut en effet construire une vraie politique d'agglomération. C'est la ville dans sa globalité qu'il faut repenser, c'est l'ensemble des mécanismes de la ségrégation qu'il faut combattre. Si la concentration des familles les plus précarisées socialement et économiquement engendre l'exclusion, qu'elle se fasse à travers le patrimoine des organismes HLM ou à travers le parc privé social de fait, alors il faut mettre en place des mécanismes de solidarité plus forts à l'échelle de l'agglomération.
Il faut donc à l'avenir que les logements sociaux qui seront démolis dans les grands ensembles soient, au moins pour partie, reconstruits ailleurs, et que les copropriétés les plus dégradées, qui concentrent aujourd'hui une profonde misère sociale, soient revalorisées.
Ces deux enjeux majeurs me conduisent devant vous aujourd'hui. Ils constituent l'objectif même du titre " conforter la politique de la ville " dans ce projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, et sont donc le complément indispensable aux décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre.
Oui, il nous faut repenser la répartition du logement social dans nos villes, dans toutes les agglomérations au sens des lois présentées ici même par Jean-Pierre CHEVENEMENT et Dominique VOYNET et que vous avez votées en 1999. Grâce à ces lois, la dynamique d'approfondissement de l'intercommunalité s'est largement développée ; plus de 50 communautés d'agglomération ont déjà été créées. Les enjeux de la politique de la ville dépassent largement les seules très grandes agglomérations françaises et concernent aujourd'hui toutes les aires urbaines d'une certaine importance. C'est pourquoi toutes les agglomérations de plus de 50.000 habitants ayant au moins une ville de plus de 15.000 habitants sont concernées par les articles 25 à 27 du projet de loi.
Dans ces agglomérations, il vous est proposé d'inciter toutes les communes de plus de 1.500 habitants d'avoir au moins 20 % de logements sociaux, en référence à la moyenne urbaine nationale qui est de 23 %.
Les communes ne comptant pas assez de logements sociaux auraient à réaliser 15 % des logements sociaux manquants par période de 3 ans, ce qui reviendrait en moyenne à un rythme de rattrapage de 5 % par an.
Par ailleurs, dans le budget communal, 1.000 francs par logement manquant seraient automatiquement réservés pour la réalisation de ces nouveaux logements sociaux et constitueraient en quelque sorte une épargne de précaution en faveur du logement social, permettant de garantir l'effort de rattrapage de la commune. Cette épargne serait majorée à 2.000 francs par logement manquant, si, au bout de trois ans, la commune n'avait pas joué le jeu.
Dans le cadre d'une agglomération structurée, la responsabilité de la répartition des logements sociaux manquants reviendrait à la structure intercommunale. Cela signifie très clairement que le gouvernement n'entend pas donner à l'Etat la responsabilité de la répartition du logement social dans nos villes. La volonté du gouvernement est au contraire de provoquer le débat sur cette question au niveau de chaque agglomération. C'est donc aux élus locaux, collectivement et non individuellement, de se saisir de ce sujet. Le débat sur le logement social ne peut plus rester dans le non-dit, ou sinon, comme on a pu le constater progressivement ces dernières années, c'est une conspiration du silence qui s'instaure.
Quant à l'Etat, il jouera ici son rôle de garant de la cohésion sociale, et surtout garant du respect des lois de la République. Car oui, si un maire ne joue pas le jeu, il est du devoir de l'Etat de faire respecter la volonté du législateur. La décentralisation n'a jamais été voulue par ses auteurs comme un moyen de réaliser le déménagement du territoire. C'est en ce sens que vous est proposée la possibilité pour le préfet de faire réaliser des logements sociaux dans une commune qui n'aurait pas construit 15 % des logements manquants au cours des trois premières années.
J'entends dire ici ou là que ce projet constitue une atteinte aux lois de décentralisation, que l'opposition n'a d'ailleurs pas votées en son temps, ou que, par le biais de ce projet de loi, le gouvernement souhaite ajouter une ponction financière sur les communes.
Soyons clairs, la question de la répartition du logement social au sein de nos villes ne peut pas être de la seule compétence communale. L'égoïsme de certains maires, comme on peut le constater en ce moment, condamne le système. Il faut donc que cette question soit abordée au niveau de l'agglomération. C'est pourquoi, dans le projet de loi, la responsabilité de la répartition des logements sociaux manquants est donnée à l'agglomération, quand elle existe. Ce projet n'est donc pas une atteinte à la décentralisation, mais bien le transfert progressif d'une compétence vers l'agglomération, dans l'esprit des lois CHEVENEMENT et VOYNET.
Sur la soit disant ponction financière sur les communes, soyons clairs également. Les 1.000 francs par logement manquant ne sont pas pour l'Etat. C'est une somme prévue dans le budget communal pour être utilisée exclusivement pour la réalisation de logements sociaux, c'est-à-dire l'acquisition de terrain, l'aide à la surcharge foncière Et, si ces 1.000 francs par logement manquant ne sont pas utilisés par la commune, c'est-à-dire si la commune ne joue pas le jeu, alors ils tombent dans le budget de l'agglomération ou d'un établissement public foncier local, et à défaut dans un fonds affecté aux communes et aux structures intercommunales pour des actions en faveur du logement social. C'est écrit, noir sur blanc, avec ces mots, dans le projet de loi à l'article 25. Difficile de faire plus explicite !
J'en profite par ailleurs pour faire litière des arguments fallacieux utilisés par d'autres élus sur ce prétendu manque de terrains disponibles, alors que les mêmes laissent se construire dans leurs communes des résidences privées de standing, créant ainsi de nouveaux ghettos de privilégiés.
L'esprit de ces articles 25 à 27 est donc clair. Au moment où de nouveaux territoires de solidarité émergent à travers les communautés d'agglomération, au moment où s'engage ce grand programme national de renouvellement urbain qui permettra de reconstruire la ville sur la ville avec les habitants, il s'agit de permettre le débat sur une nouvelle répartition du logement social au niveau des agglomérations, en se donnant les moyens de réussir concrètement. Notre responsabilité collective, au niveau de l'Etat, au niveau des collectivités locales, est de bâtir pour le XXIème siècle des villes équilibrées et solidaires, en meilleure relation avec l'espace rural environnant.
Cet objectif, qui est au centre de l'ensemble du projet de loi présenté par Jean-Claude GAYSSOT et Louis BESSON, dont la mobilisation montre que la politique de la ville est bien une volonté interministérielle, cet objectif disais-je nécessite également de nouveaux modes d'intervention sur le parc privé, et particulièrement en direction des copropriétés les plus dévalorisées. Au cours de ces vingt dernières années, sont en effet apparues des copropriétés concentrant des personnes en très grande difficulté sociale et économique. Et ces immeubles, parfois ces quartiers entiers, constituent aujourd'hui autant d'enjeux lourds pour la politique de la ville.
C'est pourquoi un certain nombre de mesures, visant autant à prévenir qu'à guérir, ont déjà été annoncées en ce domaine.
En effet, certaines ne sont pas d'ordre législatif, mais plutôt financier : elles ont été intégrées dans les décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier. Je pense notamment à la prime à l'amélioration de l'habitat " parties communes " dans le cadre des plans de sauvegarde, à l'enveloppe de 3 milliards de fonds propres de la caisse des dépôts et consignations pour assurer des avances remboursables aux syndicats de copropriétaires. Je pense aussi à l'enveloppe financière prévue dans le cadre du programme de renouvellement urbain, qui pourra être utilisée pour la restructuration des copropriétés en extrême difficulté. Vous le voyez donc, Mesdames et Messieurs les députés, le gouvernement s'est déjà engagé financièrement sur le sujet.
Mais des mesures d'ordre législatif sont également indispensables pour améliorer la prévention et le traitement des copropriétés en grande difficulté. C'est le sens des articles 28 à 34 du projet de loi.
Tout d'abord, un certain nombre de cas de surendettement dans les copropriétés émane de la méconnaissance des travaux à engager par l'acquéreur du logement. Il est donc proposé ici un certain nombre de mesures visant à mieux protéger l'acheteur, et donc à prévenir un risque de surendettement qui serait préjudiciable à l'ensemble de la copropriété.
Il est proposé également d'améliorer la lisibilité des comptes des copropriétés, afin de permettre une plus grande implication des copropriétaires et une plus grande clarté dans la gestion des charges.
Afin d'éviter à la copropriété de se retrouver sans les moyens nécessaires à son fonctionnement courant, phénomène qui conduit inexorablement à la dégradation physique des bâtiments et des espaces privatifs, il est proposé une procédure accélérée de recouvrement des impayés de charges.
Afin de traiter les problèmes des copropriétés en difficulté, il est enfin proposé un assouplissement des conditions juridiques de scission des copropriétés, une amélioration des conditions de l'administration provisoire, la possibilité d'un portage immobilier provisoire par un organisme HLM, un aménagement de la procédure des plans de sauvegarde et enfin un renforcement de la mobilisation du fonds de solidarité logement en faveur des copropriétaires pour les dettes de charges.
Ainsi, comme l'indiquent bien les mesures contenues dans ce projet de loi, la politique de la ville voulue par Lionel JOSPIN repose sur deux ambitions. La première est de reconquérir nos quartiers les plus défavorisés, les plus rejetés socialement et urbanistiquement. Les contrats de ville, le programme de renouvellement urbain, le traitement des copropriétés les plus dévalorisées constituent autant d'outils pour permettre ce projet. Mais il est une seconde ambition qui est de repenser nos villes dans leur globalité, pour agir sur les causes même de l'exclusion urbaine. C'est le sens de la réforme de la LOV proposée à travers ce texte, qui, en cohérence avec les lois CHEVENEMENT et VOYNET, donne corps au débat sur le logement social au niveau de l'agglomération.
C'est comme çà que nous réussirons à bâtir des villes où il fait bon vivre, où chacun est libre de se déplacer quand il veut, où il veut, où les français prendront plaisir à vivre ensemble. Car, contrairement à ce que veulent nous faire croire les esprits conservateurs et souvent obscurantistes, la ville, ce n'est pas une cohabitation douloureuse entre des personnes sans humanité, repliées sur elles-mêmes. Par sa diversité, par l'échange qu'elle permet au quotidien, la ville est au contraire source de richesses infinies, dans tous les domaines. La ville, c'est l'épanouissement de l'esprit humain. A nous de veiller à ce qu'il en soit toujours ainsi.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 mars 2000)
La menace qui pèse aujourd'hui sur le pacte républicain est réelle. La situation n'est pas nouvelle. Cependant, au moment où notre pays va mieux, où le chômage baisse, rien ne serait pire que de laisser une partie de la population en marge de la croissance. Parce que ce gouvernement a permis de redonner l'espoir et la confiance, les résultats doivent rejaillir sur la vie de tous. La croissance ne doit surtout pas s'arrêter à la limite des quartiers qui en ont le plus besoin.
Aujourd'hui, de nombreux quartiers sont rejetés, frappés du sceau de l'exclusion sociale. Ils sont souvent occupés par une population " assignée à résidence ", ceux qui n'ont plus le choix. Dans ces cités, qui pour certaines se transforment en véritables ghettos sociaux ou ethniques, la population a le sentiment d'être abandonnée, alors même qu'elle aspire à vivre une vie normale. Ces quartiers, qui ont un fort potentiel et concentrent une part importante de la jeunesse de notre pays, doivent être mieux intégrés à la ville, et leur population mieux insérée, mieux acceptée dans notre société, et en particulier ces jeunes qui représentent l'avenir.
Parallèlement, une dynamique de ségrégation dans l'habitat est à l'oeuvre à l'échelle de nos agglomérations. Plus que jamais, le marché de l'immobilier reflète la division sociale de l'espace, si bien que nos villes sont en train de se polariser socialement. Les riches vont vivre avec les riches, les pauvres vont donc vivre avec les pauvres, renforçant inévitablement la fracture sociale.
Enfin, il faut le dire clairement, le pacte républicain est également menacé par ceux qui développent les amalgames entre logement social, pauvreté, immigration ou insécurité, et qui, par là même, stigmatisent les classes populaires de notre pays. Deux français sur trois ont aujourd'hui accès au logement social, et environ un sur trois a occupé ce type de logement un jour dans sa vie. 36% des actifs de plus de 30 ans occupent aujourd'hui un logement social.
Alors, je pose la question : qui veut-on refuser dans les communes dont les maires revendiquent haut et fort de ne pas construire de logement social ? Car ce ne peut pas être les logements qui gênent ; les logements sociaux modernes sont de petites unités ou même des pavillons individuels bien intégrés à la ville. Ce qui gêne, ce sont donc les populations qui les occupent. Alors, je défie ces élus, qui prétendent donner des leçons de citoyenneté et de civisme à tous les jeunes de nos quartiers, de dire précisément qui ils refusent dans leurs villes. Celui qui leur apporte le petit crème tous les matins ? Le postier ? L'infirmière ? Le jeune couple qui vient d'entrer dans la vie active et qui, grâce au logement social, trouve enfin les moyens de son indépendance ? A moins que ce ne soient le chômeur, le couple d'immigrés ou l'un de leurs enfants ?
Alors, bas les masques, et parlons vrai ! Je demande donc à ces élus de me dire qui ils ne veulent pas voir dans leur ville quand ils refusent du logement social.
Plutôt que d'accepter ce repli égoïste qui conduit inexorablement à des villes du ghetto, le gouvernement répond, lui, à tous ces enjeux de cohésion sociale par des actes, c'est-à-dire par une politique de la ville cohérente et ambitieuse. Lors des trois comités interministériels des villes qu'il a présidés en 1998 et 1999, le Premier ministre a ainsi donné à la politique de la ville une force nouvelle, sans précédent.
La politique de la ville et son outil, le contrat de ville, ont été relancés. En terme de méthode, l'objectif est d'accorder une place plus grande aux élus locaux et de renforcer la solidarité intercommunale et la démocratie locale. En terme de moyens, les contrats de ville ont été très largement dotés. Ceux-ci bénéficieront en effet pour les sept prochaines années de moyens en hausse de 70 % avec 17,7 milliards de francs de crédits, dont 8,9 pour le seul ministère de la ville au lieu de 3,5 au cours du plan précédent. Tout confondu, l'effort public annuel global en faveur de la politique de la ville est passé de 21 milliards de francs en 1997 à 35 milliards de francs prévus en 2000.
A cet effort viendra s'ajouter en outre la nouvelle ambition du plan de rénovation urbaine et de solidarité, annoncé par le Premier ministre lors du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier. Un programme national de renouvellement urbain, centré autour de 50 Grands Projets de Ville, a notamment été lancé. L'ambition est forte : redonner aux quartiers les plus en difficulté une place nouvelle au sein de l'agglomération, et surtout un véritable avenir tant en ce qui concerne la forme urbaine que le développement économique et la vie quotidienne. Sur la base de projets élaborés par les acteurs locaux, et en premier lieu les habitants, de vastes opérations de construction-démolition et de remodelage urbain seront engagées. C'est ainsi que 10.000 à 12.000 démolitions de logements HLM sont prévues annuellement, pour être compensées par les 20.000 réalisations supplémentaires au niveau de l'agglomération que permettra ce projet de loi. C'est pourquoi le texte qui est devant vous est parfaitement cohérent avec le programme de renouvellement urbain décidé par le gouvernement au mois de décembre. Pour refaire nos villes, les deux volets sont indispensables.
Parallèlement à ces actions qui touchent directement les quartiers, qui leur donnent une nouvelle image et une nouvelle réalité sociale, il faut en effet construire une vraie politique d'agglomération. C'est la ville dans sa globalité qu'il faut repenser, c'est l'ensemble des mécanismes de la ségrégation qu'il faut combattre. Si la concentration des familles les plus précarisées socialement et économiquement engendre l'exclusion, qu'elle se fasse à travers le patrimoine des organismes HLM ou à travers le parc privé social de fait, alors il faut mettre en place des mécanismes de solidarité plus forts à l'échelle de l'agglomération.
Il faut donc à l'avenir que les logements sociaux qui seront démolis dans les grands ensembles soient, au moins pour partie, reconstruits ailleurs, et que les copropriétés les plus dégradées, qui concentrent aujourd'hui une profonde misère sociale, soient revalorisées.
Ces deux enjeux majeurs me conduisent devant vous aujourd'hui. Ils constituent l'objectif même du titre " conforter la politique de la ville " dans ce projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, et sont donc le complément indispensable aux décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre.
Oui, il nous faut repenser la répartition du logement social dans nos villes, dans toutes les agglomérations au sens des lois présentées ici même par Jean-Pierre CHEVENEMENT et Dominique VOYNET et que vous avez votées en 1999. Grâce à ces lois, la dynamique d'approfondissement de l'intercommunalité s'est largement développée ; plus de 50 communautés d'agglomération ont déjà été créées. Les enjeux de la politique de la ville dépassent largement les seules très grandes agglomérations françaises et concernent aujourd'hui toutes les aires urbaines d'une certaine importance. C'est pourquoi toutes les agglomérations de plus de 50.000 habitants ayant au moins une ville de plus de 15.000 habitants sont concernées par les articles 25 à 27 du projet de loi.
Dans ces agglomérations, il vous est proposé d'inciter toutes les communes de plus de 1.500 habitants d'avoir au moins 20 % de logements sociaux, en référence à la moyenne urbaine nationale qui est de 23 %.
Les communes ne comptant pas assez de logements sociaux auraient à réaliser 15 % des logements sociaux manquants par période de 3 ans, ce qui reviendrait en moyenne à un rythme de rattrapage de 5 % par an.
Par ailleurs, dans le budget communal, 1.000 francs par logement manquant seraient automatiquement réservés pour la réalisation de ces nouveaux logements sociaux et constitueraient en quelque sorte une épargne de précaution en faveur du logement social, permettant de garantir l'effort de rattrapage de la commune. Cette épargne serait majorée à 2.000 francs par logement manquant, si, au bout de trois ans, la commune n'avait pas joué le jeu.
Dans le cadre d'une agglomération structurée, la responsabilité de la répartition des logements sociaux manquants reviendrait à la structure intercommunale. Cela signifie très clairement que le gouvernement n'entend pas donner à l'Etat la responsabilité de la répartition du logement social dans nos villes. La volonté du gouvernement est au contraire de provoquer le débat sur cette question au niveau de chaque agglomération. C'est donc aux élus locaux, collectivement et non individuellement, de se saisir de ce sujet. Le débat sur le logement social ne peut plus rester dans le non-dit, ou sinon, comme on a pu le constater progressivement ces dernières années, c'est une conspiration du silence qui s'instaure.
Quant à l'Etat, il jouera ici son rôle de garant de la cohésion sociale, et surtout garant du respect des lois de la République. Car oui, si un maire ne joue pas le jeu, il est du devoir de l'Etat de faire respecter la volonté du législateur. La décentralisation n'a jamais été voulue par ses auteurs comme un moyen de réaliser le déménagement du territoire. C'est en ce sens que vous est proposée la possibilité pour le préfet de faire réaliser des logements sociaux dans une commune qui n'aurait pas construit 15 % des logements manquants au cours des trois premières années.
J'entends dire ici ou là que ce projet constitue une atteinte aux lois de décentralisation, que l'opposition n'a d'ailleurs pas votées en son temps, ou que, par le biais de ce projet de loi, le gouvernement souhaite ajouter une ponction financière sur les communes.
Soyons clairs, la question de la répartition du logement social au sein de nos villes ne peut pas être de la seule compétence communale. L'égoïsme de certains maires, comme on peut le constater en ce moment, condamne le système. Il faut donc que cette question soit abordée au niveau de l'agglomération. C'est pourquoi, dans le projet de loi, la responsabilité de la répartition des logements sociaux manquants est donnée à l'agglomération, quand elle existe. Ce projet n'est donc pas une atteinte à la décentralisation, mais bien le transfert progressif d'une compétence vers l'agglomération, dans l'esprit des lois CHEVENEMENT et VOYNET.
Sur la soit disant ponction financière sur les communes, soyons clairs également. Les 1.000 francs par logement manquant ne sont pas pour l'Etat. C'est une somme prévue dans le budget communal pour être utilisée exclusivement pour la réalisation de logements sociaux, c'est-à-dire l'acquisition de terrain, l'aide à la surcharge foncière Et, si ces 1.000 francs par logement manquant ne sont pas utilisés par la commune, c'est-à-dire si la commune ne joue pas le jeu, alors ils tombent dans le budget de l'agglomération ou d'un établissement public foncier local, et à défaut dans un fonds affecté aux communes et aux structures intercommunales pour des actions en faveur du logement social. C'est écrit, noir sur blanc, avec ces mots, dans le projet de loi à l'article 25. Difficile de faire plus explicite !
J'en profite par ailleurs pour faire litière des arguments fallacieux utilisés par d'autres élus sur ce prétendu manque de terrains disponibles, alors que les mêmes laissent se construire dans leurs communes des résidences privées de standing, créant ainsi de nouveaux ghettos de privilégiés.
L'esprit de ces articles 25 à 27 est donc clair. Au moment où de nouveaux territoires de solidarité émergent à travers les communautés d'agglomération, au moment où s'engage ce grand programme national de renouvellement urbain qui permettra de reconstruire la ville sur la ville avec les habitants, il s'agit de permettre le débat sur une nouvelle répartition du logement social au niveau des agglomérations, en se donnant les moyens de réussir concrètement. Notre responsabilité collective, au niveau de l'Etat, au niveau des collectivités locales, est de bâtir pour le XXIème siècle des villes équilibrées et solidaires, en meilleure relation avec l'espace rural environnant.
Cet objectif, qui est au centre de l'ensemble du projet de loi présenté par Jean-Claude GAYSSOT et Louis BESSON, dont la mobilisation montre que la politique de la ville est bien une volonté interministérielle, cet objectif disais-je nécessite également de nouveaux modes d'intervention sur le parc privé, et particulièrement en direction des copropriétés les plus dévalorisées. Au cours de ces vingt dernières années, sont en effet apparues des copropriétés concentrant des personnes en très grande difficulté sociale et économique. Et ces immeubles, parfois ces quartiers entiers, constituent aujourd'hui autant d'enjeux lourds pour la politique de la ville.
C'est pourquoi un certain nombre de mesures, visant autant à prévenir qu'à guérir, ont déjà été annoncées en ce domaine.
En effet, certaines ne sont pas d'ordre législatif, mais plutôt financier : elles ont été intégrées dans les décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier. Je pense notamment à la prime à l'amélioration de l'habitat " parties communes " dans le cadre des plans de sauvegarde, à l'enveloppe de 3 milliards de fonds propres de la caisse des dépôts et consignations pour assurer des avances remboursables aux syndicats de copropriétaires. Je pense aussi à l'enveloppe financière prévue dans le cadre du programme de renouvellement urbain, qui pourra être utilisée pour la restructuration des copropriétés en extrême difficulté. Vous le voyez donc, Mesdames et Messieurs les députés, le gouvernement s'est déjà engagé financièrement sur le sujet.
Mais des mesures d'ordre législatif sont également indispensables pour améliorer la prévention et le traitement des copropriétés en grande difficulté. C'est le sens des articles 28 à 34 du projet de loi.
Tout d'abord, un certain nombre de cas de surendettement dans les copropriétés émane de la méconnaissance des travaux à engager par l'acquéreur du logement. Il est donc proposé ici un certain nombre de mesures visant à mieux protéger l'acheteur, et donc à prévenir un risque de surendettement qui serait préjudiciable à l'ensemble de la copropriété.
Il est proposé également d'améliorer la lisibilité des comptes des copropriétés, afin de permettre une plus grande implication des copropriétaires et une plus grande clarté dans la gestion des charges.
Afin d'éviter à la copropriété de se retrouver sans les moyens nécessaires à son fonctionnement courant, phénomène qui conduit inexorablement à la dégradation physique des bâtiments et des espaces privatifs, il est proposé une procédure accélérée de recouvrement des impayés de charges.
Afin de traiter les problèmes des copropriétés en difficulté, il est enfin proposé un assouplissement des conditions juridiques de scission des copropriétés, une amélioration des conditions de l'administration provisoire, la possibilité d'un portage immobilier provisoire par un organisme HLM, un aménagement de la procédure des plans de sauvegarde et enfin un renforcement de la mobilisation du fonds de solidarité logement en faveur des copropriétaires pour les dettes de charges.
Ainsi, comme l'indiquent bien les mesures contenues dans ce projet de loi, la politique de la ville voulue par Lionel JOSPIN repose sur deux ambitions. La première est de reconquérir nos quartiers les plus défavorisés, les plus rejetés socialement et urbanistiquement. Les contrats de ville, le programme de renouvellement urbain, le traitement des copropriétés les plus dévalorisées constituent autant d'outils pour permettre ce projet. Mais il est une seconde ambition qui est de repenser nos villes dans leur globalité, pour agir sur les causes même de l'exclusion urbaine. C'est le sens de la réforme de la LOV proposée à travers ce texte, qui, en cohérence avec les lois CHEVENEMENT et VOYNET, donne corps au débat sur le logement social au niveau de l'agglomération.
C'est comme çà que nous réussirons à bâtir des villes où il fait bon vivre, où chacun est libre de se déplacer quand il veut, où il veut, où les français prendront plaisir à vivre ensemble. Car, contrairement à ce que veulent nous faire croire les esprits conservateurs et souvent obscurantistes, la ville, ce n'est pas une cohabitation douloureuse entre des personnes sans humanité, repliées sur elles-mêmes. Par sa diversité, par l'échange qu'elle permet au quotidien, la ville est au contraire source de richesses infinies, dans tous les domaines. La ville, c'est l'épanouissement de l'esprit humain. A nous de veiller à ce qu'il en soit toujours ainsi.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 mars 2000)