Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes sur le partenariat économique franco-tchèque et le budget communautaire, Prague le 6 octobre 2005.

Prononcé le

Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy et de Catherine Colonna en République tchèque les 6 et 7 octobre 2005

Texte intégral

Le ministre
Cher Cyril,
Je voudrais te remercier personnellement pour ton accueil chaleureux et remercier également le Premier ministre Jiri Paroubek et le ministre de l'Economie Martin Jahn que nous allons rencontrer demain.
Je suis venu à Prague avec Jean-Pierre Soisson, président du Groupe d'amitié France-République tchèque à l'Assemblée nationale, avec François Loncle qui est vice-président de la Commission des Affaires étrangères et avec Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman.
Nous avons voulu montrer notre attachement au partenariat entre nos deux pays.
Après les référendums en France et aux Pays-Bas, la construction européenne traverse une période de doute et de réflexion. Nous devons trouver ensemble des solutions pour faire avancer l'Europe et répondre aux attentes de nos concitoyens. Donc nous souhaitons rappeler ici à Prague l'engagement indéfectible de la France en faveur de la construction européenne. Ici, dans un pays qui est désormais de plain-pied dans la construction européenne, qui joue un rôle de plus en plus important et qui est très constructif dans le fonctionnement de l'Union.
La République tchèque est pour la France un pays ami de très longue date. C'est un partenaire dynamique, avec des échanges commerciaux en croissance de plus de 7,8 % au premier semestre 2005. Demain nous allons rencontrer des chefs d'entreprises français et tchèques qui travaillent ensemble.
Mais nous sommes également venus vous dire que nous sommes prêts à prendre en charge notre quote-part pour financer l'élargissement. Le président Chirac a décidé qu'entre 2007 et 2013, 11 milliards d'euros de plus seront consacrés à l'élargissement de l'Union européenne.
Et nous pensons que tous les pays devraient faire de même, y compris le Royaume-Uni.
La France est attachée, également, au renforcement de l'effort de l'Union européenne en matière de recherche et de développement. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables au "paquet luxembourgeois" qui donne non seulement des garanties pour le maintien de la Politique agricole commune mais pour des dépenses de recherche et de développement en hausse de 33 %. Nous voulons éviter à tout prix la nationalisation des politiques intégrées sous prétexte d'économie budgétaire.
Et pour terminer je voudrais répondre sur la mobilité et la libre circulation des travailleurs. Nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui peut contribuer à l'égalité de traitement entre anciens et nouveaux Etats membres, comme la convergence économique et sociale en Europe. La perspective est claire pour tous : la liberté de circulation des salariés sera pleine et entière au plus tard en 2011, conformément au traité d'adhésion.
Nous ferons tout pour accélérer cette perspective, mais, comme je l'ai dit, nous devons prendre en considération le taux élevé du chômage dans notre pays. Il est nécessaire de prendre en compte notre opinion publique et l'effort que nous lui avons demandé, parce que nous avons défendu l'élargissement.
J'ai bien conscience de l'importance politique de ce sujet en République tchèque. Nous avons un dialogue étroit entre nous sur ce sujet, dans le cadre d'une longue série de rencontres, à commencer par votre Premier ministre et notre président qui se voient dans quelques jours, le 18 octobre. Nous pensons donc que nous trouverons des solutions. Sachez combien nous voulons qu'il y ait des perspectives positives dans ce dossier.
Je termine en prenant un exemple de ce que nous pouvons faire ensemble : nous préférons que vous achetiez des Airbus européens plutôt que d'autres avions.
Q - Pourriez-vous parler brièvement de la condition de l'Union européenne, de l'état de ses finances et de la situation du projet de Constitution. Peut-on parler de phase d'incertitude ?
R - Nous demandons à la Présidence britannique de trouver le plus rapidement possible un accord sur le budget 2007-2013 qui est le budget de l'élargissement. Vis-à-vis des pays qui viennent d'adhérer, et en particulier des pays d'Europe centrale, il me paraît nécessaire, urgent et moralement important de trouver un accord sur ce budget. D'ailleurs ce n'est pas un budget mais une programmation budgétaire. Cela permettra à la fois de financer l'élargissement mais également les politiques intégrées, comme la Politique agricole commune, comme la politique de recherche. Pour cette programmation budgétaire, qui s'approuve à l'unanimité, nous pensons que la proposition luxembourgeoise est la meilleure. Le Royaume-Uni ne l'a pas acceptée. Nous pensons qu'il est important de ne pas mettre l'Europe en panne. Il faut répondre à cette pause institutionnelle par plus d'Europe, plus d'Europe économique.
La ministre déléguée
J'ai tout à fait confiance dans la capacité de l'Union européenne à relever les défis et sortir des difficultés actuelles, car il y a des difficultés.
Philippe Douste-Blazy nous a dit tout à l'heure l'essentiel lorsqu'il a décrit l'état d'esprit dans lequel nous sommes venus ici à Prague. Nous avons la volonté, et la volonté forte, de développer un dialogue plus étroit avec l'ensemble de nos partenaires, à la fois ceux de l'ancienne Union européenne à quinze et les nouveaux Etats membres. Nous avons cette volonté parce que c'est indispensable pour trouver ensemble les réponses à tous ces problèmes, développer des politiques communes, des politiques intégrées, régler la question de fond du budget de l'Union. Et également pour répondre à "la" grande question qui se pose aujourd'hui : comment faire de l'Europe un cadre de développement économique, comment lui donner davantage d'efficacité économique, tout en consolidant la dimension sociale ?
A ce sujet, nous avons une conviction. Ce n'est pas un débat "modèle contre modèle" que nous devons avoir, au contraire c'est une réflexion que nous devons mener en commun, et qui nous permettra de trouver les bonnes réponses. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, et nous souhaitons intensifier le dialogue avec tous les Etats membres.
Q - Vous avez parlé de pause. On a l'impression que pendant cette pause, il y a une sorte de crispation entre certains Etats membres, notamment la France, et la Commission. Il y a quelques jours le président Chirac a eu des mots assez durs contre la Commission. Aujourd'hui, dans Le Monde, M. Barroso répond. Est-ce qu'il y a un nouveau ton ? Que se passe t-il avec la Commission ?
R - Le ministre - La méthode communautaire est bien connue, il faut que chacune des trois institutions trouve sa fonction, dans le respect de l'autre, mais qu'elle puisse assumer toutes ses fonctions. Il appartient à la Commission de donner des impulsions, de faire des propositions, de montrer combien on peut innover dans un certain nombre de domaines au Conseil d'assumer cette vision politique et au Parlement de contrôler.
Je crois qu'aujourd'hui, pendant cette pause institutionnelle, il faut que nous soyons créatifs. Si nous vivons une période de doute et d'incertitude, c'est parce que nos opinions publiques ne voient pas où nous allons. Où est le projet européen ? Puisque nous parlions tout à l'heure de "maladie", nous devons bien comprendre que parfois il faut dire les choses, et faire un peu mal pour sauver. Même si l'entourage dit souvent "on peut attendre", en fait il faut agir. Nous devons nous mettre, avec quelques-uns, autour d'une table et essayer de réfléchir à cette union géo-stratégique - qui est un espace de paix, de stabilité, de démocratie, des Droits de l'Homme, les valeurs universelles de l'Union européenne - de définir un projet politique plus proche de celui défini par les pères fondateurs, basé sur des groupes avant-garde pionniers qui se réunissent autour de projets concrets, de politiques véritablement intégrées.
Et surtout tordons le cou à ceux qui diront "il y a ceux qui sont dans un petit groupe et ceux qui ne peuvent pas y entrer", parce que nous ne demandons pas mieux que les pays qui le veulent et le peuvent, y rentrent.

Nous sommes au cur de la discussion de l'avenir de l'Europe de notre génération. Si nous ne sommes pas capables aujourd'hui de faire une vraie politique de recherche et d'innovation, alors évidemment les Américains, les Chinois, les Indiens, nous dépasseront, mais pour un siècle.
Nous attendons du Parlement, du Conseil et de la Commission une parfaite règle du jeu à 25, demain à 27, pour permettre à ceux qui veulent aller plus loin de le faire. Et vous verrez qu'alors il n'y aura pas de problèmes entre la Commission et le Conseil.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2005)