Point de presse conjoint de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et de Mme Catherine Colonna, ministre aux affaires européennes sur les relations franco-tchèques et sur les questions européennes, Prague le 7 octobre 2005.

Prononcé le

Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy et de Catherine Colonna en République tchèque les 6 et 7 octobre 2005 : point de presse au café du musée cubiste à Prague le 7

Texte intégral

Le ministre - Mesdames, Messieurs, merci beaucoup d'être là, dans ce magnifique café.
Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs,
Nous sommes très heureux, avec Catherine Colonna, de ce que nous avons fait depuis hier en présence de Jean-Pierre Soisson, de François Loncle, d'un certain nombre d'universitaires, de femmes et d'hommes de culture qui nous accompagnent.
Je voudrais simplement vous dire, avant de répondre à vos questions, que ce qui me paraît le plus important, au-delà de notre volonté commune de construire l'Europe, c'est d'aboutir rapidement sur les perspectives financières, sous présidence britannique. Nous venons encore d'en parler ce matin avec le Premier ministre et avec le vice-Premier ministre chargé de l'Economie, qui travaille sur la compétitivité avec Catherine Colonna toutes les semaines. Nous souhaitons que ce budget, ce "paquet budgétaire", soit voté. Nous pensons qu'il n'est pas normal, qu'il n'est pas moral, de ne pas le voter. Nous pensons que c'est le prix de l'élargissement et c'est important pour nos politiques communes, c'est important pour la politique de recherche et de croissance, c'est important bien sûr, surtout, pour les pays qui viennent d'adhérer. Donc, je vous le dis : avec une certaine volonté, il nous paraît important de s'associer à la demande de tous les pays arrivants.
Mais je voudrais faire un point ce matin sur un autre sujet, ce sont les relations bilatérales qui sont excellentes et, en particulier, les relations commerciales et industrielles qui sont très importantes.
La France est le 5ème fournisseur de la République tchèque, avec une part de marché en croissance très forte. Permettez-moi de dire que, durant le 1er semestre 2005, cette croissance a été de 7,8 %. Et je suis sûr que l'on va bientôt dépasser d'autres pays. Les entreprises françaises sont très présentes, 300 entreprises de toutes tailles dans tous les secteurs. De belles réussites.
Ce matin, nous avons vu le directeur général de la Komercni Banka, et ce qui m'a intéressé dans la Komercni Banka, c'est qu'une part non négligeable des bénéfices de la Société générale française vient de République tchèque - 7 % des bénéfices -. 40 % de parts de marché sur le segment des entreprises, c'est donc un succès formidable pour cette banque. Je citerai d'autres exemples : Danone, avec 60 % de parts de marché sur les biscuits de la marque Opavia, Airbus avec 12 appareils que vous venez d'acheter, Eurocopter qui met aux normes OTAN les hélicoptères, ALSTOM qui va fournir les trains rapides.
Et surtout nous avons une vision commune de l'avenir. Comme la France, la République tchèque est favorable à la hausse des dépenses de recherche. Comme la France, elle est favorable aux grands projets d'avenir comme ITER, comme GALILEO. Nous sommes en phase sur ces sujets. Nos relations économiques et financières ont donc vocation à s'étoffer, j'en suis persuadé, nous pouvons faire beaucoup ensemble dans des secteurs majeurs pour nos deux pays. Et je prends un exemple : puisque nous avons développé en France les pôles de compétitivité, pourquoi ne pas développer des pôles de compétitivité européens ? Je prends un exemple que je connais particulièrement, celui de l'aéronautique. Nous avons un pôle de compétitivité à vocation mondiale à Toulouse qui s'appelle "l'aéronautique et l'espace". N'oublions jamais que ce pays a été le 8ème industriel du monde avant la deuxième guerre mondiale, qu'il y a une très grande vocation aéronautique ici et que nous pourrions très bien faire un pôle de compétitivité européen avec Toulouse et une ville ou un territoire à vocation aéronautique en République tchèque.
La ministre déléguée - Trois mots seulement puisque nous approchons du terme de cette visite et que nous voudrions pouvoir répondre à quelques-unes de vos questions. Alors, le premier pour dire notre plaisir d'être là, à Prague et en plus dans un lieu magnifique, moi qui suis particulièrement sensible à l'art de cette période, on se sent bien. Et c'est une ville qui nous montre que, voilà, on est ici en Europe. Si qui que ce soit a des doutes, n'en ayons pas, regardez Prague, on est en Europe. Deuxièmement, que personne ne se laisse abuser par ce que l'on voit écrit sur les voitures de police : "stop Kolona" : non, je ne suis pas l'objet d'un mandat d'arrêt européen !
Ce qui m'amène au troisièmement pour vous parler de l'Europe. Alors troisièmement et sérieusement : l'Europe. Nous avons avec la République tchèque un partenaire proche. Proche sur le plan de l'ambition pour l'Europe, la vision de nos amis tchèques est très proche de la vision française et, en particulier, dans l'équilibre que chacun recherche entre l'économique et le social. Proche aussi dans ce que devrait être le cadre institutionnel de l'Union et le besoin d'institutions rénovées, et proche dans la plupart des négociations, en particulier des négociations sur le futur budget de l'Union. Et c'est simplement sur ce point des perspectives financières que je voudrais revenir pour appuyer le message de Philippe Douste-Blazy.
Nous en avons beaucoup parlé, à chacun de nos entretiens, avec le Premier ministre, avec le vice-Premier ministre et ministre de l'Economie, avec le ministre des Affaires étrangères. Nous souhaitons donc véritablement que la Présidence britannique puisse faire des propositions susceptibles d'être acceptées, de faire consensus, c'est-à-dire pour nous, comme pour nos amis tchèques, des propositions les plus proches possible de la dernière base de négociations présentée par la Présidence luxembourgeoise au mois de juin. Et nous constatons que beaucoup de nos partenaires, ici et aussi ailleurs, commencent à être inquiets devant cette absence de propositions et devant cette absence de perspectives.
On sait tous que l'Union a besoin d'un budget pour les années qui viennent, mais nos nouveaux partenaires, donc les dix nouveaux Etats membres, sont les premiers affectés par l'absence de budget parce qu'ils ont besoin de mener leurs réformes et donc de savoir où ils vont. Comme nous le ressentons dans tous nos contacts avec eux. Je voulais que chacun en prenne conscience.

Q - Tout d'abord une question d'actualité : est-ce que vous avez une réaction à la nomination de M. El Baradei comme Prix Nobel de la Paix ?
R - Le ministre - Je salue l'attribution du Prix Nobel de la Paix à l'Agence internationale de l'Energie atomique. Pour son directeur général, M. Mohamed El Baradei, c'est une reconnaissance, un encouragement et un succès. La France réaffirme son soutien constant à l'Agence et à son rôle dans le système multilatéral. C'est un encouragement du multilatéralisme, un encouragement pour continuer à se battre contre la prolifération des armes de destruction massive dans le monde aujourd'hui. Il nous paraît important d'être aux côtés de l'Agence pour lutter contre toute prolifération d'armes de destruction massive, en particulier d'armes nucléaires. Oui au nucléaire civil, non à la prolifération nucléaire à des fins militaires. Et enfin, c'est un succès personnel pour un homme de paix qui a pour religion l'objectivité et pour philosophie la transparence.
Q - Le président de la République tchèque dit que le traité est mort. Quel est selon vous l'avenir du traité constitutionnel ?
R - Le ministre - Sur l'avenir du traité constitutionnel, nous pensons qu'il est majeur de laisser bien évidemment les peuples qui n'ont pas encore dit ce qu'ils en pensaient, le faire. Ce n'est pas parce qu'il y a eu un référendum négatif en France ou aux Pays-Bas que, bien évidemment, les peuples ne peuvent pas continuer à l'étudier. Ceci étant, il est vrai qu'il y a une pause institutionnelle, on le voit bien, d'ailleurs votre pays le montre, et plusieurs pays sont dans ce cas. C'est à ce moment précis qu'il faut que nous fassions plus d'Europe, plus d'Europe économique, plus de projets concrets. Pourquoi ne pas mettre en place une avant-garde avec tous les pays qui le voudraient sur des projets concrets comme par exemple la recherche et l'innovation ?
Q - Nous voudrions savoir si vous avez évoqué le problème de la libre-circulation de la main-d'uvre avec le Premier ministre.
R - Le ministre - Nous avons abordé ce matin deux types de sujets. D'abord avec les entreprises françaises qui souhaitent que leurs salariés tchèques puissent se rendre de temps en temps en France, ne serait-ce que pour se former, pour parler avec des collègues français. Et nous allons regarder cela de très près pour que les entreprises françaises qui vont travailler ou qui s'installent en République tchèque puissent bénéficier d'accords pour que leurs salariés puissent aller en France quand ils le souhaitent.
Sur un plan par contre plus général, et qui préoccupe beaucoup le Premier ministre tchèque, et je le comprends bien, il y a le problème de la libre-circulation. La libre-circulation est une idée européenne et il est donc normal, qu'à terme, les nouveaux pays comme les pays plus anciens de l'Union européenne puissent avoir les mêmes règles de libre-circulation. Pour des raisons de politique intérieure, il y a des débats en France aujourd'hui. Il est évident que, comme la République tchèque est un pays ami, on trouvera rapidement des solutions. Mais il faut faire attention aussi à ce ressentiment aujourd'hui, ces peurs, ces inquiétudes sur la construction européenne qui existent en France, avec comme preuve, le référendum négatif. Donc nous sommes en train d'y travailler et le Premier ministre venant voir le président de la République Jacques Chirac le 18 octobre, il nous paraît important de réfléchir et de présenter quelques pistes autour de cette visite.
Merci beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2005)