Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à France 2 le 14 octobre 2005, sur le projet de création de "pôles d'excellence ruraux" et sur la coopération européenne en matière de contrôle de l'immigration.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde - Dans quelques instants, vous serez au Comité interministériel d'aménagement du territoire, qui maintenant s'appelle aussi...
R - ...Compétitivité des territoires.
Q - Soixante-sept pôles de compétitivité avaient été identifiés, il y a deux ou trois mois. Aujourd'hui, vous devez en valider un certain nombre, ils ne seront pas tous validés, mais l'idée, c'est quand même de résister à la délocalisation et de créer des emplois.
R - Oui. Le Gouvernement a engagé résolument notre pays vers la voie de la modernité, de l'innovation et de la croissance avec la création de soixante-sept pôles de compétitivité, qui ont été labellisés dès le 12 juillet dernier. Maintenant, il faut passer à l'étape opérationnelle, c'est-à-dire des contrats cadres qui fixent les objectifs en matière de projets, en matière d'emploi et le zonage qui, conformément à nos accords avec Bruxelles, permettra de définir les périmètres qui bénéficieront à un certain nombre d'entreprises en matière d'exonérations fiscales et d'exonérations de charges sociales dans le domaine de la recherche et du développement.
Q - 1,5 milliards d'euros sur trois ans.
R - Oui, c'est cela, avec aussi les mesures de soutien à la création de postes de chercheurs et le soutien à l'innovation industrielle et le capital risque pour l'investissement que réaliseront certaines entreprises.
Q - Combien d'emplois à la clef dans ces pôles de compétitivité ?
R - Sur les trois ans à venir, à partir des contrats et des projets que nous avons reçus et qui seront validés aujourd'hui, on peut les estimer entre 120.000 et 150.000, et sur les cinq à six ans, à près de 300.000.
Q - N'y aura-t-il pas de décalage entre les pôles de compétitivité et les autres régions ? N'y aura-t-il pas un effet d'aubaine qui se porte sur ces pôles ?
R - Nous ne voulons qu'aucune partie du territoire ne soit exclue. Et là où la France est en train, dans le domaine des grands projets industriels et scientifiques, d'apporter une vraie réponse à un certain nombre de territoires de France, nous ne devons laisser de côté aucun territoire et c'est pour cela que nous voulons aussi mettre en valeur les talents et les savoir-faire d'un certain nombre de territoire ruraux, autour du tourisme, autour du patrimoine, autour de nouvelles technologies de l'information et de la communication au service de la démographie médicale ou du télétravail, ou encore autour des énergies alternatives qui, face au nouveau choc pétrolier, peuvent créer un certain nombre d'emplois dans les territoires ruraux. Et nous proposerons ce matin, avec le Premier ministre, la création de pôles d'excellences ruraux qui compléteront les pôles de compétitivité.
Q - C'est tout à fait nouveau, ces pôles d'excellence ruraux, cela vient d'être décidé ?
R - C'était une commande qu'avait passée le Premier ministre au mois de juin dernier, avec le ministre de l'Intérieur. J'y ai travaillé avec la Datar tout l'été. Et, ce matin, l'opportunité m'est offerte par le Premier ministre de les proposer.
Q - Cela veut dire, par exemple, qu'une ville, un territoire, une association, que sais-je, pourront demander à bénéficier de ces avantages ?
R - C'est ce qu'a été le décloisonnement aux pôles de compétitivité entre l'université, la recherche privée, l'innovation industrielle à la ruralité, ce décloisonnement entre les talents d'un certain nombre d'agriculteurs innovants, de responsables touristiques qui sont capables, en matière de centrales de réservations, autour d'une route du patrimoine historique, culturel, naturel, avec nos parcs naturels régionaux ou nos parcs nationaux, par exemple, ou encore en matière de lutte contre la démographie médicale, ou en matière d'activités sportives de haut niveaux, comme, par exemple, dans le Gers, autour du pôle de Nogaro, de Saint-Émilion... Hier, j'étais en baie de Somme, autour de cette biodiversité, de cet écosystème ; nous devons, dans cette rencontre entre la mer et la terre, proposer aussi des produits touristiques qui créeront des emplois tout en préservant le patrimoine urbain qui est un peu menacé dans un certain nombre de communes du littoral. C'est cette grande diversité de la France rurale, des littoraux, des vallées, des montagnes que nous allons pouvoir valoriser grâce aux pôles d'excellence ruraux.
Q - Les élus ruraux vont être très contents, car souvent, ils ont le sentiment d'être un peu oubliés. Evoquons aussi les infrastructures, qu'elles soient autoroutières, routières, ferroviaires...
R - Oui, c'est le grand débat engagé devant le Parlement. Le Gouvernement a décidé de vendre les actifs de l'Etat dans les sociétés autoroutières et de réinjecter une partie des dividendes, pour 4 milliards d'euros, dans l'Agence française pour la réalisation des infrastructures terrestres et ferroviaires, ce qui va nous permettre de lancer un grand plan de réalisation d'infrastructures ferroviaires, routières mais aussi de transport fluvial et maritime. C'est une opportunité que nous voulons saisir dès ce matin au CIADT pour lancer cette grande démarche.
Q - Cela veut dire que vous aurez déjà la carte ?
R - Nous n'aurons pas la carte mais nous validerons déjà de premiers axes ferroviaires, fluviaux et routiers qui sont prioritaires pour un désenclavement de nos territoires.
Q - Par exemple ?
R - C'est le cas de l'autoroute [inaud.], c'est le cas de quelques infrastructures ferroviaires, notamment en Aquitaine, c'est le cas du canal Seine Nord qui sera évoqué, après l'avoir été au CIADT de 2003. Et pour la première fois, depuis près de vingt ans, le Gouvernement se donne de vrais moyens en matière d'infrastructures pour lancer un grand plan d'aménagement du territoire qui nous faisait défaut et c'est grâce à cette initiative.
Q - On a vu des images terribles concernant l'immigration, avec des milliers d'émigrés qui viennent de l'Afrique subsaharienne, qui restent au Maroc ou en Algérie, en espérant passer en Europe. Ils sont parfois refoulés de façon extrêmement brutale, soit d'Espagne soit du Maroc. Mercredi, il y avait un Conseil des ministres européens ; N. Sarkozy n'y était pas, certains l'ont remarqué avec un peu d'ironie, mais en fait, vous y étiez et vous le représentiez.
R - Je veux dire d'abord que N. Sarkozy a préparé très activement ce sommet en se rendant en Libye pour faire admettre à la Libye, qui est un des pays de transit, que certaines mesures soient prises. Ensuite, en allant rendre visite à C. Clark, le ministre de l'Intérieur britannique qui préside le Conseil européen des ministres de l'Intérieur, [pour proposer] un ordre du jour qui corresponde à la volonté française. Mercredi, c'était le Conseil des ministres, mercredi, c'était les "Questions d'actualité" où il devait répondre à des questions sur ce problèmes de l'immigration. Il m'a demandé d'y défendre les positions françaises très fortes, notamment d'unir nos efforts à d'autres partenaires européens pour apporter un soutien de 40 millions d'euros aux problèmes que rencontrent le Maroc et l'Espagne. Il faut que l'on comprenne bien qu'aujourd'hui, il y a la fois les pays d'origine, en zone subsaharienne, la région des grands lacs, le Mali, le Sénégal, les pays de transit, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, et las pays de destination qui sont les pays européens. Et les pays européens ne peuvent plus accueillir aujourd'hui toutes celles et tous ceux auxquels nous ne pouvons offrir ni du travail ni un logement décent. Pour cela, il nous faut aider les pays de transit comme le Maroc. Et l'Union européenne, sur la proposition de la France, aujourd'hui, doit engager des moyens derrière nos amis marocains, aux côtés de nos amis espagnols, pour qu'il n'y ait plus cette perméabilité de nos frontières.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 14 octobre 2005)