Interviews de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur Europe 1 le 24 octobre 2005 et sur LCI le 27 octobre 2005, sur la politique du logement du gouvernement de M. Dominique de Villepin, et plus particulièrement le projet de loi « Engagement national pour le logement ».

Prononcé le

Circonstance : Jean Louis BORLOO, Ministre de l¿emploi, de la cohésion sociale et du logement, a présenté le projet de loi « engagement national pour le logement » en conseil des Ministres du 26 octobre 2005

Média : France Info - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Interview de M. Jean-Louis Borloo sur Europe 1 le 24 octobre 2005 :
A. Hausser - On va surtout parler de logement et d'emploi, peut-être, ce matin. "Il faut déverrouiller le logement", c'est ce qu'a déclaré J. Chirac hier en Conseil des ministres, quand vous avez présenté votre "Engagement national pour le logement". C'est donc une grande ambition, on ne construit pas assez de logements en France, on le sait. Un million de personnes attendent un logement social, comment allez-vous vous y prendre pour déverrouiller ?
J.-L. Borloo - D'abord, il faut savoir où c'était verrouillé. Dans la décennie qui vient de s'écouler, on a, en gros, construit deux fois moins de logements et deux fois moins de logements sociaux qu'à la belle époque. Donc, l'objectif, c'est de doubler les capacités de production. Déjà cette année, on va construire près de 400.000 logements ; cela fait trente ans qu'on n'avait pas construit autant. Et l'on finance 75.000 logements sociaux, cela fait dix ans qu'on n'en avait pas fait autant. Il faut aller plus loin. L'Etat libère tous les terrains qui sont, ou à lui ou sous sa responsabilité...
Q - Tous les terrains ?
R - Tous les terrains disponibles. Cela fait vingt ans que l'on sait qu'il y a ce qu'on appelle "des délaissés de la SNCF", des emprises qui étaient réservées pour des voies, des autoroutes que l'on ne fait pas...
Q - ... Des terrains militaires ?
R - Des terrains militaires, notamment. Bref, il y a plein de terrains disponibles. L'Etat montre l'exemple. Deuxièmement, on met en place...
Q - ... Plein de terrains ?! Je voudrais avoir un exemple, justement !
R - C'est très simple : 134 opérations prévues, très délimitées. Il y en a à Versailles, au nord de Paris, en Seine-Saint-Denis... 135 (sic) opérations pour 20.000 logements sociaux, le tout dans les trois ans, en plus de la production nationale que l'on double. Deuxièmement, des prêts à 50 ans pour acheter le foncier, troisièmement, pour l'accession sociale à la propriété, on fait passer la TVA de 19,6 à 5,5. Un ensemble de mesures financières...
Q - A-t-on le droit de faire passer la TVA... Il faut passer par Bruxelles.
R - C'est une loi, c'est un arbitrage très important du Premier ministre qui est soumis...

Q - On n'est pas obligé d'aller à Bruxelles pour demander la permission ?
R - Non, parce qu'en matière de logement social, c'est de la responsabilité des Etats. Le texte a été validé par le Conseil d'Etat avant-hier, c'est parfaitement clair. Donc, on prend des mesures extrêmement fortes. Le logement, c'est crucial et prioritaire. Maintenant, quand j'entends un certain nombre de gens dirent aujourd'hui "Ah, mais...". Non, la crise, elle est née il y a dix ans, le scandale du logement en France, c'était il y a dix ans. Actuellement, on a repris nos rythmes de production mais il faut aller encore plus vite. Et je voudrais dire à nos compatriotes que le logement social, c'est beau. On a en plus l'image des mauvaises constructions des années 50-60-70...
Q - Mais cela fait quelque temps qu'on détruit les barres...
R - ... Mais aujourd'hui, on fait du très beau. Les maisons à 100.000 euros, c'est-à-dire des maisons où le foncier est payé sur une éternité et où il n'y a pas de TVA - parce que c'est ça l'idée -, c'est quoi ? C'est pouvoir acquérir son appartement ou sa maison pour quasiment le prix d'un loyer et notamment d'un loyer HLM, c'est ça l'idée. Et donc, on s'organise pour en gros que le foncier soit étalé sur très longtemps, voire quasi indolore, et que la TVA soit baissée. Parce que c'est un rêve d'être propriétaire de son appart ou de sa maison, pour beaucoup d'entre nous.
Q - C'était un rêve, mais il est devenu inaccessible.
R - Nous avons mis au point les prêts à taux zéro, il y a six mois...
Q - ...Qui ont été un facteur de surendettement !
R - Pas du tout ! On a triplé : tous les mois, il y a 20.000 dossiers nouveaux. La crise du crédit immobilier, c'était il y a quinze ans. Aujourd'hui, le surendettement, malheureusement, c'est du surendettement d'accidents de la vie : de divorce, de chômage ; c'est cela la crise actuellement du surendettement. J'en profite pour vous dire que pour la première fois depuis très longtemps, il y a 5 % de moins de dossiers de surendettement ce trimestre.
Q - Votre engagement prévoit un accroissement du pouvoir des communes pour permettre la construction de logements sociaux dans certains quartiers. N'est-on pas en train de recréer des ghettos ?
R - Non, justement, on fait l'inverse. Il y a certains endroits, dans les centres-villes, où les maires aimeraient voir ce qui s'appelle COS - le coefficient d'occupation des sols - à titre provisoire augmenter. La loi leur permet. Tout cela est une collaboration entre les HLM, les maires et l'Etat.
Q - Tout le monde joue le jeu, ou va jouer le jeu ?
R - Oui, tout le monde joue le jeu. On ne passe pas de 40.000 logements sociaux il y a trois ans, financés à 75.000 cette année - je ne sais pas si vous voyez ce que cela veut dire comme progression, un quasi-doublement - sans que les partenaires jouent le jeu. Le monde HLM joue le jeu, les villes jouent le jeu, bien entendu.

Q - Votre propre majorité a supprimé le fonds de garantie à l'accession sociale...
R - ... Qui a été rétabli !
Q - Oui, il vient d'être rétabli, mais cela veut dire qu'on essaye de rogner vos moyens de tous les côtés !
R - Non, simplement, il y avait un fonds de garantie financé par l'Etat et par les banques pour garantir les crédits à l'accession à la propriété. Il se trouve que ce fonds augmentait - 1 milliard, 1.2, 1.4, 1.6 milliards - et qu'il n'était pas utilisé. Il était trop calibré, il a été redimensionné.
Q - Je vais quand même vous poser quelques questions politiques. La majorité a rétréci avec le vote des seize députés UDF contre le budget ?
R - Non, à mon avis, c'est.... Bof ! C'est un positionnement de l'UDF. Je pense qu'il y a une partie des UDF qui doit être dans une situation un peu compliquée, mais cela ne me paraît grave tout cela.
Q - G. de Robien a tort de parler d' "allié objectif de la gauche" ?
R - Je ne sais pas, je suis là pour parler de logement et d'emploi, je veux bien que l'on parle d'emploi si vous voulez...
Q - Mais oui, puisque nous attendons avec impatience les chiffres de l'emploi et du chômage. Hier, une indiscrétion a laissé entendre qu'il y aurait une nouvelle baisse pour le mois de septembre ; pouvez la confirmer et éventuellement nous donner des chiffres ?
R - q - Non, je ne la confirme pas puisqu'on n'aura les chiffres que dans l'après-midi. Ce que je sais, en revanche, c'est que l'on a eu cinq mois de baisse, cela faisait cinq ans que ce n'était pas arrivé. Ce n'est pas glorieux, mais c'est une tendance inversée, comme je l'avais annoncé il y a sept-huit mois, on m'avait critiqué...
Q - On nous explique que c'est une tendance mécanique.
R - Je ne sais pas, mais pour les plus de 100.000 personnes concernées, - je parle de la période des six mois -, ce n'est probablement pas que mécanique. Ce que je peux vous dire, c'est que la politique active de l'emploi qui est en place, le Plan de cohésion sociale, le plan d'urgence du Premier ministre, les deux conjugués, le contrat d'apprentissage, aller vers la réception, le soutien des bilans de compétence des demandeurs d'emploi, parce qu'on est face à une crise de recrutement, je peux vous dire que pour faire tout cela, par exemple, j'ai décidé hier, après arbitrage du Premier ministre - la lettre part tout à l'heure - 3.200 recrutements de haut niveau à l'ANPE, plus 1.000 contrats d'avenir.3.200 ! Parce que dans ce pays, il faut bien comprendre que ce n'est pas naturel et spontané que le besoin de demandeurs d'emploi à un endroit et l'offre potentielle immédiate, ou à six ou à un an, de l'entreprise et de l'artisan, que cela concorde. C'est du travail, l'ANPE est en train d'installer...

Q - L'ANPE manquait de mains pour recevoir individuellement tous les chômeurs, comme l'a promis le Premier ministre ?
R - Oui. [Elle devra désormais recevoir] tous les mois et pas tous les ans, mettre en place des recrutements par simulation, parce que tout le monde a du talent et de l'habileté, ce n'est pas forcément un curriculum vitae. Donc, on se donne des moyens considérables et j'espère que cela aura des résultats considérables.
Q - Quelle est votre position personnelle sur le droit de vote pour les immigrés en situation légale en France depuis dix ans ?
R - Je n'ai pas de position personnelle, parce que je suis membre du Gouvernement et que le Premier ministre s'est exprimé sur ce sujet de la manière la plus claire. Comme député en son temps, j'avais soutenu la proposition de loi de la gauche, le député-maire de Valenciennes l'avait soutenue. Le membre du Gouvernement suit la ligne du Gouvernement ; il n'y en a qu'une : c'est le développement de la naturalisation.
Q - Et l'homme Borloo ?
R - L'homme Borloo est au Gouvernement.
Q - Quelle est votre impression sur la visite de N. Sarkozy à Argenteuil, en votre qualité d'ancien ministre de la ville ?
R - Il y a les visites et puis il y a la façon dont elles sont illustrées ou présentées. Donc, je n'y étais pas. J'ai passé ma journée d'hier à m'occuper du logement, notamment au Sénat. Donc, très sincèrement, ce n'est pas que je ne veuille pas vous répondre, mais je n'ai pas vu, je n'ai pas suivi, je n'y étais pas. Voilà.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2005)
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Interview de M. Jean-Louis Borloo sur LCI le 27 octobre 2005 :
S. Paoli - Le logement deviendra-t-il un droit ? Lors de la récente Journée mondiale contre la misère dans le monde, ATD-Quart Monde réclamait un droit au logement opposable. La série de mesures qui seront présentées mercredi en Conseil des ministres, inscrites dans le projet de loi d'engagement national pour le logement, va-t-elle dans ce sens ? [...] On parle maintenant du "Borloo populaire". Est-ce que le "Borloo populaire" est la première marche d'un parcours qui irait vers le droit au logement ?
J.-L. Borloo - Il faut qu'il y ait, d'une manière ou d'une autre, ce droit au logement. La maison, c'est la première chose qu'un enfant sait dessiner à l'école. La maison, puis papa et maman. La maison, un boulot et une éducation, ce sont les piliers de la société. On est dans une situation invraisemblable en France. Il y a cinq ans, on avait réduit la production de logements, de toutes formes de logements, par deux, par rapport à la belle époque. Et le sujet c'est de doubler la production. Production de toutes catégories - logement social, accession populaire à la propriété...
Q - Avez-vous les terrains pour cela ? Parce que l'on a toujours invoqué la crise du foncier pour dire que l'on ne pouvait pas le faire.
R - Il y a toujours 25.000 raisons de ne pas faire les choses. La France est un pays de très faible densité. Qu'on m'explique qu'il y a des problèmes techniques, mais l'on n'est pas à Hong-Kong ! Qu'on m'explique que sur le fond, on a un problème massif de terrains. On a des terrains disponibles. Il y a simplement [le fait que] la machine avait arrêté de produire. Doubler la production, c'est prendre un certain nombre de mesures. Demain, on aura les chiffres de la production de l'année, sur les douze derniers mois. La machine est relancée...
Q - Production de logements.
R - De logements, oui, parce que pour qu'il y ait un droit opposable, il faut qu'il y ait une offre. Je pense que ce sera un chiffre historique depuis le dernier quart de siècle, très vraisemblablement.
Q - On n'aura jamais autant construit ces 25 dernières années.
R - Depuis 25 ans, oui. Et la partie de logement social, dans cette partie-là, également. On était à 40.000 il y a quatre ans, on doit tourner à plus de 74-75.000 cette année, ce qui est un effort énorme. Ce qui explique d'ailleurs que les entreprises du bâtiment recrutent massivement, que du coup, le foncier, il faut vite se dépêcher pour acquérir de nouveaux espaces fonciers. C'est pour cela que l'on présente mercredi des mesures pour aider cela. Un, enfin, un prêt de 50 ans par la Caisse des Dépôts à toute commune qui achèterait un terrain pour le mettre à la disposition d'un organisme HLM ou à tout organisme HLM qui achète un terrain. Deux, les anciens prêts traditionnels de 35 ans sont portés à 50 ans. Trois, on a baissé les taux d'intérêt de 15 points, c'est opérationnel le 1er novembre. Cinq (sic), on a créé une Délégation interministérielle qui regroupe en gros la Défense, le Budget, enfin tous les ministères, en disant : il y a 20.000 logements à construire, on a un certain nombre de terrains, on a les mêmes depuis 20 ans ou 25 ans - on appelle cela "des délaissés", de la SNCF ou des voies navigables -, parce que personne ne se met d'accord, il y a toujours une bonne raison de ne pas faire. Maintenant, c'est terminé. Moi, je réunis tout le monde une fois par semaine. Ces 20.000 Logements sur le terrain public seront construits dans les trois ans. On a les terrains un par un et on avance.
Q - Mais jusqu'où va la volonté politique ? Le logement social, tout le monde, toujours dit qu'il est pour. Vive le logement social !
R - Oui, sauf que l'on en fait ou l'on n'en fait pas.
Q - Voilà. Et puis, quand arrive aussi le moment des élections, par exemple des élections municipales, on voit souvent des maires s'entendre dire par leurs administrés : le logement social c'est très bien, mais faites-le donc ailleurs. Comment la volonté politique va-t-elle aujourd'hui s'organiser pour que le logement social existe partout ?
R - Il y a plusieurs choses. D'abord, on vit des contradictions. Le maire qui est dans une ville, même pour du logement qui n'est pas social, en ville, il y a un certain de gens qui disent : "j'aimerais plutôt un jardin". C'est une réalité. Tous les maires savent qu'ils ont des employés de La Poste, leurs employés municipaux, enfin des tas de gens qui ont besoin... Le logement social a eu une mauvaise image. On est en train de changer cela en rénovant. Il y a un énorme programme dans les quartiers de 20 milliards d'euros. On a signé pour 14,5 milliards d'euros, les travaux ont démarré. Vendredi, la grande barre de La Duchère disparaît au profit de maisons individuelles, de petits collectifs. Le logement social, c'est du logement très beau, juste moins cher, à la location, parce qu'il y a une aide de l'Etat. Mais cela doit être de l'aussi beau logement social qu'ailleurs. Et puis, parce qu'il y a une envie de maisons, de petits collectifs ou de maisons individuelles, l'accession sociale, cette fameuse "maison à 100.000 euros", c'est une expression, sauf que...
Q - Ce n'est qu'une expression ? Il y aura vraiment une maison à 100.000 euros ?
R - Non, non... Il y en a déjà. Simplement, on a regardé comment l'on fait pour être à 100.000 euros ? Comment fait-on pour que, en gros, acheter sur une très longue période ne coûte pas plus cher que louer et que l'on puisse devenir propriétaire ? Aujourd'hui, on en inaugure - ou demain ou après-demain -, à Mantes-la-Jolie, à Montereau également. Et puis on a regardé pour en faire partout dans les 1.000 sites où l'on peut en faire, où il y a des terrains magnifiques. Il n'y avait rien à faire, il n'y a qu'un sujet : il fallait baisser la TVA de 19,6 à 5,5%. Le Premier ministre a donc arbitré, a autorisé à le présenter au Parlement, c'est un effort gigantesque. Et là, on est certain en construisant aussi bien qu'un 80 mètres carrés avec un jardin de 200-250 mètres carrés pour simplifier, que cet effort massif de l'Etat va permettre de passer en dessous de 100.000 euros la maison.
Q - Regardons comment cela marche. Il n'y a pas si longtemps, le ministre du Budget était ici, on évoquait la question du budget 2006 et on s'intéressait à la réforme de l'Etat sur les questions relatives à l'économie et à la fiscalité. Et on nous parlait "des classes moyennes françaises". Il nous disait que les classes moyennes, cela commence à 1.000 euros mensuels. Qui pourra avoir accès à ces logements ? Qui pourra acheter la maison à 100.000 euros ? Est-ce que le plancher des ces classes moyennes, tel qu'il est évalué par le ministère du Budget, peut avoir accès à cela ?
R - Pour ce qui concerne l'opération de cette semaine, les 44 premières, ce sont exclusivement des personnes qui vivaient dans l'Office HLM de Mantes...
Q - Vous en faites tellement...
R - Non, parce qu'on en a une dizaine en cours... du Val Fourré, ce sont exclusivement des habitants du Val Fourré qui ont signé avec ICAD, filiale de la Caisse des Dépôts, pour simplifier, l'acquisition de ces logements. L'idée est que, l'on met beaucoup d'argent pour financer de la précarité, l'aide au logement, qui est indispensable, mais cela ne permet toujours pas d'aller vers la propriété. Donc, l'idée de fond est, à ces tarifs-là, avec les efforts considérables sur les prêts - on a mis un nouveau prêt à taux zéro qui fait que, tous les mois, on a triplé l'accession populaire à la propriété depuis neuf mois, on l'a triplée tous les mois -, on a 20.000 prêts signés par mois. La conjugaison de tout cela fait que cela doit revenir à peu près à la même chose qu'un loyer HLM.
Q - Autre point très important, qui est inclus dans cet engagement national pour le logement : est-ce vraiment le logement pour tous ?
R - Ah oui.
Q - Vous dites "oui", mais il y a beaucoup de Français qui disent : on nous dit tout le temps "oui", et quand on se présente et quand on a, par exemple, un prénom maghrébin, on n'a pas de logement.
R - Il y a deux choses. D'abord, la rareté ; cela n'a jamais rendu une société intelligente. Le fait que l'on ait arrêté de produire du logement, que l'on ait divisé par deux - l'Abbé Pierre le hurle depuis dix ans ! Cela ne date pas d'aujourd'hui -, le fait de doubler la production, toutes les productions, cela va quand même détendre l'atmosphère. Le problème est que les effets de déstockage, il y en a encore pour deux à trois ans. Il ne faut pas se raconter de salade. Il faut passer à plus de 400.000 logements - entre 80 et 100.000 logements sociaux par an - pour résorber ce retard. Deuxièmement, la qualité. On présente l'ordonnance pour lutter contre l'habitat indigne, pour que le maire ou le préfet puisse immédiatement vider les ordures qui sont dans les escaliers, faire les travaux d'urgence et de sécurisation, qu'il y a à faire tout de suite pour le compte du propriétaire, et non pas attendre des procès qui durent quatre, cinq, six ans, dans des conditions scandaleuses. Troisièmement, ce que vous touchez du doigt, c'est la discrimination. La discrimination en France est un problème à la fois qui n'est pas gigantesque et qui est très dur. C'est-à-dire qu'en gros, il n'y en a pas mais quand il y en a, il y en a vraiment. En général, cela se cumule : c'est le boulot plus la maison. La discrimination est inacceptable. Vous parlez de "droit au logement" ou de "droit opposable au logement". On renforce massivement les commissions de médiation qui pourront imposer, avec leur autorisation - le préfet ou le maire pourra imposer - que l'on prenne telle ou telle personne. Deuxièmement, on a aussi mis en place une Haute autorité de lutte contre les discriminations présidée par l'ancien pdg de Renault, L. Schweitzer, qui est un grand Monsieur. Lui va nous faire des propositions dans ce domaine. La discrimination où qu'elle soit est inacceptable dans un pays comme le nôtre !
Q - La volonté politique. Vous dites toujours "le préfet ou le maire". Faut-il comprendre que, si le maire, aujourd'hui, ne prend pas un certain nombre de décisions relatives à l'habitat social, le préfet lui peut intervenir ?
R - Oui, et vous allez d'ailleurs le voir très concrètement dans le cadre de l'application de la fameuse loi SRU, le fameux article 55, qui veut que sur une période de 20 ans, toute commune doit s'être mise en route pour avoir au moins 20 % de logements sociaux. Eh bien, puisque je suis en charge de ce problème-là, j'ai donné instruction aux préfets de faire le constat de carence ou de non carence de chacune des communes soumise^s à l'article 55, qu'en cas de constat de carence fait par le préfet, je donnerai instruction au préfet d'aller signer directement avec l'organisme HLM de son choix pour construire dans ces communes-là des logements sociaux. Et ce sera pour Noël.
Q - Une dernière chose. Il y a quelques minutes, B. Guetta s'intéressait à la Pologne, il discernait au fond ces deux tendances entre la droite sociale et la droite libérale, avec, au passage, en Pologne, plutôt le triomphe de la droite sociale. Ce matin, tout le monde parle de l'ouverture du capital d'EDF qui devrait être annoncée dans la matinée. Vous, vous êtes "la droite sociale" face à une "droite libérale" ?
R - Moi, j'ai trois chantiers : la crise du logement, la crise du logement dans les quartiers et les cités, et l'emploi. Et cette espèce de grande machine pour que l'on revienne à des taux de chômage normaux.
Q - Cela va-t-il baisser ? On va avoir des chiffres cette semaine.
R - Ce que l'on fait, là, ce que je vois, simplement, avancer, c'est : ce mois-ci, + 10 % de contrats d'apprentissage ; pareil pour les contrats de professionnalisation ; le bâtiment recrute à tour de bras ; tous les centres de formation d'apprentis du bâtiment sont pleins ; les services à la personne... Il y a des recrutements partout. L'autre jour, j'étais à Alençon... 150 personnes au Mans, 200 personnes au... Ce que je constate, le fait que les gens travaillent ensemble entre l'ANPE et l'Unedic... J'ai toujours dit qu'il y aurait une baisse structurelle très forte qui démarrerait au deuxième semestre 2005 et qui serait à plein régime en 2006. Donc, ce qui va se passer à la fin de ce mois - je ne peux pas vous dire mois par mois, mais structurellement - c'est que l'on continue à baisser de manière forte dans les mois qui viennent, cela, j'en suis tout à fait convaincu.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 octobre 2005)