Interview de M. Christian Poncelet, président du Sénat, dans "Le Télégramme de Brest" du 21 octobre 2000, sur son dialogue avec les maires et les élus locaux, la proposition d'un statut de l'élu, le rôle du Sénat au sein du bicamérisme et la situation de l'opposition dans le Morbihan.

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Vous avez souhaité vous rendre dans le Morbihan, pourquoi ?
Cette visite me permettra d'engager un dialogue direct avec les maires et les élus locaux. Ne l'oubliez pas, j'en suis moi-même un ! [Christian PONCELET est maire de Remiremont et président du Conseil général des Vosges NDLR]. Depuis mon élection à la Présidence du Sénat, j'ai entamé un véritable " tour de France " qui m'a conduit à la rencontre des maires de près de cinquante départements.
Les élections municipales approchent et le malaise des élus est toujours aussi perceptible. Qu'en pensez-vous ?
Aux quatre coins de notre pays, j'ai été frappé par l'inquiétude, la désillusion voire la démotivation qui est en train de gagner les élus. Pour le Républicain que je suis, ce malaise n'est pas acceptable car il porte en lui les germes d'un délitement de nos fondements démocratiques.
J'ai donc fait campagne, avec mes collègues sénateurs, toutes tendances politiques confondues, pour que la " judiciarisation " croissante de notre société ne paralyse pas l'action des élus locaux.
C'est l'objectif de la loi du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels, adoptée à l'initiative du Sénat, que d'éviter les condamnations pénales des décideurs publics et privés pour des faits dont ils ne sont pas responsables.
Que pensez-vous des propositions de la commission Mauroy sur le statut de l'élu ?
Il est aujourd'hui indispensable de doter les élus locaux d'un statut enfin digne de ce nom, avec, en particulier, une revalorisation des indemnités des maires des petites et moyennes communes, la consécration d'un véritable droit à la formation et des garanties de retour à l'emploi afin de promouvoir un égal accès aux mandats locaux.
La Commission Mauroy se borne hélas, pour l'heure, à faire des déclarations d'intention. Je regrette, qui plus est, qu'elle envisage de fonctionnariser les élus, qui deviendraient des "agents civiques territoriaux, salariés de leur collectivité", ce qui va à l'encontre de la nature même du mandat électif.
Elus de droite et de gauche demandent plus d'autonomie fiscale et financière pour les collectivités locales Vous avez déposé une proposition de loi constitutionnelle en ce sens. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Les gouvernements successifs n'ont cessé de porter atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités locales. De ce point de vue, le Gouvernement actuel n'y est pas allé, si vous me passez l'expression, avec le "dos de la cuiller". 80 milliards de recettes fiscales des collectivités locales ont été supprimés en trois ans.
Ce démantèlement des impôts locaux est d'autant plus contestable qu'il risque de déresponsabiliser les élus locaux qui deviennent de simples distributeurs de dotations octroyées par l'Etat.
C'est pourquoi, j'ai décidé de déposer avec mes collègues Jean-Paul Delevoye, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Fourcade une proposition de loi visant à inscrire clairement dans notre Constitution les principes fondamentaux de la décentralisation sur le plan fiscal et financier.
Le Sénat fait souvent l'objet d'attaques. Cela vous paraît-il justifié ?
Le Sénat, n'en déplaise à ses détracteurs, est, pour reprendre l'expression d'un ancien Président de la République, aujourd'hui décédé, " indispensable à l'équilibre des pouvoirs publics ".
Contrôler le Gouvernement, exercer pleinement sa mission de législateur sans céder aux modes du moment, telles sont les missions principales du Sénat. L'existence au sein du Parlement d'une deuxième chambre est une garantie démocratique fondamentale.
Ce n'est pas un hasard si le bicamérisme connaît un véritable regain d'intérêt partout dans le monde et d'ailleurs, contrairement à ce que j'entends ici ou là, le Sénat n'est pas l'assemblée du " toujours oui ", ou du " toujours non " selon l'orientation politique du gouvernement. Ainsi, en 1999, sur 109 lois définitivement adoptées, seules 11 l'ont été sans l'approbation du Sénat.
Les sénatoriales auront lieu dans un an. Comment se présente l'union de l'opposition dans le Morbihan ?
Dans le Morbihan, comme dans chaque département ou commune de France, j'aborde la question de l'union de l'opposition avec le même regard : cette union est indispensable !
Débat d'idées, préparation de propositions concrètes, tout ce travail doit être fait en commun par une droite diverse, mais riche des apports de chacune de ses composantes.
L'opposition nationale devra savoir s'imposer cette discipline en dépassant les rivalités personnelles, dont on connaît les effets dévastateurs. Les dernières municipales dans le département du Morbihan en ont été, dans un certain nombre de cas, une triste illustration...
Je ne doute pas que les prochaines élections municipales et sénatoriales seront l'occasion de tirer les enseignements des erreurs du passé...
(Source http://www.senat.fr, le 27 novembre 2000)