Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Le Congrès de votre Fédération est toujours le temps fort de l'année pour votre profession : cette année, plus que jamais, en raison de la situation très difficile à laquelle votre secteur se trouve confronté.
Vous avez, Monsieur le Président, prononcé dans votre intervention deux mots essentiels que je reprends à mon compte : gravité et urgence.
Gravité et urgence de la situation : je ne reviendrai pas sur ce constat, sur lequel il y a, hélas, unanimité. Votre secteur, vos entreprises doivent relever le défi d'une crise profonde aggravée par la hausse continue du gazole depuis 2004. L'impact de cette crise sur votre activité est extrêmement profond, au point que ce ne sont plus seulement des parts de marché qui sont menacées, mais également la survie de nombreuses entreprises, la survie de milliers d'emplois, et peut-être, la survie de notre pavillon routier national.
Face à une telle situation, je n'ai qu'un mot d'ordre, qui est impératif, et qui est aussi celui de votre fédération : agir, agir pour faire face et pour redonner à vos entreprises leurs capacités de développement et de conquête.
C'est cet impératif d'action, en faveur de votre secteur, qui me guide depuis que j'ai la responsabilité de ce Ministère. Les contacts que j'ai tissés avec vos représentants dans les semaines qui ont suivi ma nomination, m'ont en effet convaincu qu'il n'était plus temps de faire des rapports, des analyses, des études, que tout cela avait été fait, et qu'il fallait maintenant décider et mettre en place des mesures nécessaires au soutien de vos marchés et de vos emplois.
Je me suis personnellement engagé dans cette action, en m'appuyant sur un dialogue étroit et continu avec vos représentants, et en sensibilisant le Premier Ministre lui-même, avec lequel je me suis entretenu personnellement, et à plusieurs reprises, de la situation grave et urgente de votre secteur.
Cette volonté d'action a permis de faire aboutir, depuis juin, c'est-à-dire en quelques mois, trois dossiers d'une importance majeure pour votre profession :
le premier dossier concerne le social :
Il s'agit, bien entendu, de la transposition des directives sur le temps de travail, qui a été un processus long, complexe et délicat, mais sur lequel la volonté du gouvernement n'a jamais fléchi.
Cette transposition s'est achevée cet été, avec le vote de la loi du 20 juillet qui a ratifié l'ordonnance prise à la fin de l'année 2004.
Je rappelle que les choix qui ont été faits pour cette transposition répondent très largement à vos demandes : les contraintes d'exploitation de vos entreprises, souvent soumises à des rythmes de production irréguliers, ont été prises en compte, puisque vous pouvez désormais calculer la durée du travail sur trois mois, et que le régime des repos compensateurs est simplifié.
Ces nouvelles règles réduisent les écarts de compétitivité avec les pays voisins, même s'il est exact que des écarts demeurent encore, tout au moins tant que ces pays n'ont pas encore transposé la directive 2002-15.
Bien entendu, je serai attentif aux difficultés particulières d'application du nouveau dispositif que votre fédération pourrait me faire connaître, avec la volonté de rechercher les solutions les plus satisfaisantes.
le deuxième dossier concerne le cabotage :
Il fallait absolument régler ce dossier, qui est en souffrance depuis trop longtemps.
C'est ce que le Gouvernement a fait le 2 août dernier, avec la loi sur les PME.
Cette loi encadre strictement la durée du cabotage sur notre territoire national : au maximum 30 jours consécutifs, et au maximum 45 jours sur l'année. La sanction prévue est lourde, c'est une immobilisation systématique du véhicule, et le juge peut prononcer une peine complémentaire d'interdiction temporaire d'exercer sur notre territoire.
La loi précise également que le régime du détachement, c'est-à-dire l'application des dispositions d'ordre public du droit du travail français, est applicable aux conducteurs. Cette décision a été confortée par la Commission européenne, puisque Jacques BARROT, interrogé par votre Fédération, a confirmé explicitement que les règles du détachement s'appliquaient au cabotage.
Le Gouvernement fera preuve de toute la détermination politique nécessaire pour mettre en uvre, concrètement sur le terrain, les mesures d'encadrement qui ont été prises. Légiférer ne suffit pas, il importe aussi d'appliquer la règle et de la contrôler, si nous voulons effectivement mettre fin à ces pratiques de cabotage qui ne respectent, ni les règles de la concurrence, ni les règles sociales et fiscales, qui pourtant s'imposent.
Le troisième dossier concerne la répercussion de la hausse du gazole dans vos prix :
L'étude menée par mon Ministère a montré que la répercussion de la hausse du gazole dans les prix du transport se faisait dans de très mauvaises conditions : cette répercussion est toujours partielle (elle joue seulement à 30 %), très longue à obtenir (environ 5 mois), et d'autant plus difficile à appliquer que l'entreprise est petite.
Cette problématique n'est, certes, pas nouvelle, mais il devenait urgent d'y apporter une réponse : aucune entreprise de transport ne peut résister longtemps à la très forte hausse du prix du gazole (+ 25 % depuis le début de l'année), sans avoir d'outil à sa disposition pour rééquilibrer le rapport de force avec les donneurs d'ordre.
Le Gouvernement a donc décidé de mettre en place un mécanisme de répercussion dans le projet de loi sur la sécurité et le développement des transports, qui a été discuté la semaine dernière au Sénat en première lecture. Un article de ce projet prévoit que les charges de carburant pourront être actualisées de plein droit, pour tenir compte de leur variation entre la date du contrat et la date de la réalisation de l'opération de transport. En l'absence de contrat, cette actualisation sera calculée à partir des données de prix et des indices gazole du Comité national routier.
Le Gouvernement a demandé l'examen de ce projet de loi en urgence. Sa publication devrait intervenir avant la fin de l'année.
Là encore, comme pour le dossier du détachement, cette initiative nationale est confortée au niveau européen, puisque la Commission travaille sur un dispositif analogue de prise en compte de la hausse du prix du carburant dans les contrats de transport, comme l'a annoncé le Président BARROT, il y a quelques semaines.
Toujours au niveau européen, j'ai demandé et obtenu que cette question de l'impact de la hausse du carburant sur le transport routier soit à l'ordre du jour du dernier Conseil des Ministres européens des Transports du 6 octobre.
Lors de ce Conseil, j'ai demandé que des initiatives européennes soient prises dans les meilleurs délais, afin que les discussions soient reprises sur la création d'un gazole professionnel européen, avec des taux d'accise plus harmonisés.
Enfin, je voudrais dire quelques mots d'un dossier qui a beaucoup mobilisé votre Fédération, celui de la location transfrontalière avec conducteur : à votre demande, j'ai fait procéder à une modification de la réglementation, afin de mettre fin à ces pratiques. Elles peuvent s'apparenter à des formes dévoyées de cabotage, et être génératrices de dumping social.
Transposition des directives sur le temps de travail, encadrement de la durée du cabotage, application au cabotage du droit social du pays d'accueil, location transfrontalière, et, enfin, répercussion des hausses de carburant : tous ces dossiers étaient à l'ordre du jour de votre Congrès 2004. Un an plus tard, ce ne sont plus des dossiers devant nous et en chantier, mais bien des dossiers sur lesquels des décisions ont été prises ; et, je le répète, je serai extrêmement vigilant sur la mise en uvre de ces décisions. Elles doivent avant tout se traduire par des actions sur le terrain.
Mais tout cela, qui marque un engagement fort en faveur de votre profession, ne suffit pas. Nous devons travailler encore, apporter d'autres réponses, lever les difficultés liées à la conjoncture, et construire les bases d'un développement durable.
C'est le sens des 11 propositions et mesures d'urgence que j'ai présentées le 12 septembre dernier à vos représentants.
En premier lieu, et parce que l'urgence le commandait, j'ai décidé d'alléger les contraintes de charges qui pèsent sur vos entreprises.
Le dégrèvement de taxe professionnelle dont vous bénéficiez sur vos véhicules a été fortement augmenté : il passe de 366 euros à 700 euros pour tous les véhicules de plus de 16 tonnes, et à 1 000 euros pour les véhicules les plus récents de norme Euro 2 et Euro 3.
Le relèvement de ce dégrèvement sera appliqué de façon rétroactive, à partir de janvier 2005, afin que les effets positifs soient immédiats sur les comptes de vos entreprises.
Ce dégrèvement de taxe professionnelle atteint désormais des montants tout à fait significatifs, 700 ou 1 000 euros, puisque, d'après les propres calculs de votre Fédération, le montant moyen de taxe professionnelle payé par véhicule est d'environ 1 400 euros.
Enfin, je voudrais souligner que le montant total des dégrèvements mis en place en deux ans, sur 2004 et 2005, correspond à un effort budgétaire de l'Etat de l'ordre de 400 millions d'euros, particulièrement significatif en ces temps de restriction budgétaire.
Je sais que cet effort budgétaire ne bénéficie pas exclusivement à vos entreprises, puisqu'il concerne à la fois le transport pour compte d'autrui, et celui pour compte propre.
J'ai bien noté, monsieur le Président, votre demande de réserver ces mesures de soutien au seul transport pour compte d'autrui, afin d'en concentrer les effets sur les entreprises qui sont directement exposées à la concurrence internationale.
Les autres mesures, que j'ai annoncées le 12 septembre, nécessitent que l'on étudie leurs conditions de mise en uvre opérationnelle. C'est ce que j'ai demandé de faire à Claude LIEBERMANN, haut-fonctionnaire. Je lui ai donné un calendrier de travail très précis et très contraint. Il doit en effet me rendre ses conclusions avant la fin du mois de novembre.
Sa mission porte notamment sur 4 thèmes, que je voudrais rapidement vous présenter :
1. l'adaptation aux nouvelles conditions énergétiques :
Claude LIEBERMANN est chargé de finaliser le travail engagé sur la mise en place d'un réseau de distribution spécifique pour le gazole professionnel. Il s'agit là d'un dossier qui représente de vrais enjeux pour vos entreprises, en termes de trésorerie et de simplification de gestion.
Sur le plus long terme, Claude LIEBERMANN doit me faire des propositions pour développer l'utilisation des biocarburants dans votre secteur, afin de favoriser le recours à des énergies autres que le gazole.
2. la maîtrise des charges :
La mission de Claude LIEBERMANN porte sur deux dossiers que les représentants de votre profession ont évoqués lors de mes entretiens :
- la possibilité pour votre secteur de bénéficier du crédit d'impôt en faveur des jeunes de moins de 26 ans. Il a été mis en place en août ;
- la possibilité d'un allègement de charges sociales patronales, afin d'établir des conditions de concurrence plus équilibrées avec vos concurrents européens. Vous avez proposé dans votre intervention, Monsieur le Président, de créer un statut du travailleur mobile s'appliquant aux conducteurs. Je crois que cette proposition va dans le même sens et je vais demander à mes services de l'étudier.
3. les règles de circulation des véhicules :
Lors de mes entretiens, vos représentants ont plaidé pour de nouvelles possibilités de circulation à 44 tonnes sur le territoire national.
C'est un dossier complexe que j'ai demandé à Claude LIEBERMANN d'examiner avec une méthode de travail globale et rigoureuse.
Je lui ai demandé de prendre en compte l'ensemble des composantes de ce dossier et, à partir de là, de me faire des propositions sur ce que pourraient être ces nouvelles possibilités de circulation à 44 tonnes.
Claude LIEBERMANN devra tenir compte de l'impact économique sur votre secteur, mais aussi sur les modes alternatifs à la route, de l'impact sur la sécurité routière, sur la gestion des infrastructures, et sur l'environnement. Ses propositions devront concilier ces différentes exigences, et je sais qu'il y travaille activement, avec fermeté, et dans un état d'esprit très ouvert.
4. enfin, la modernisation du contrôle :
Elle est indispensable, et c'est un enjeu essentiel car c'est au travers du contrôle que toutes les mesures de régulation du marché trouvent leur sens et leur efficacité, qu'il s'agisse de cabotage, de détachement, ou encore de la location transfrontalière.
En quelques années, et vous le vivez dans vos entreprises, la concurrence a profondément changé : elle est devenue plus rude, du fait de l'élargissement, elle fait intervenir plus de pays, plus d'entreprises, avec des écarts de prix et de coûts de plus en plus grands ; le contrôle est devenu plus complexe et plus difficile, alors que les exigences de résultat sont de plus en plus fortes.
Il faut donc refonder entièrement notre politique de contrôle, ce qui doit être fait dans un cadre interministériel. Il faut fixer des objectifs et des priorités, moderniser nos moyens, agir, certes, sans discrimination, mais tirer les conséquences de notre situation de pays de transit, avec un trafic important de véhicules étrangers. Enfin, il faut recentrer le contrôle sur la lutte contre la concurrence déloyale, et recourir le plus possible à la sanction d'immobilisation, parce que c'est la sanction la plus dissuasive.
Sur l'ensemble des sujets de sa mission, qui sont nombreux et complexes, Claude LIEBERMANN travaille en concertation avec vos représentants, et je sais qu'il a déjà rencontré plusieurs fois votre fédération, et qu'il est présent aujourd'hui à votre Congrès.
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, en conclusion, de reprendre à mon compte le thème de votre congrès " Plus vite, plus fort, plus loin ".
Vos entreprises ont besoin d'une politique de décisions et d'actions. La gravité et l'urgence de la situation l'imposent.
Il faut que le délai administratif d'examen et de définition des mesures à prendre, qui est souvent trop long, s'accélère et se cale sur votre temps à vous, qui est celui d'entreprises ayant des marchés et des emplois à préserver de façon durable.
Je veillerai donc à ce que le travail mené pour votre profession, aussi bien dans mes services que pour ce qui concerne les dossiers interministériels, sache aller vite, fort et loin, afin que nous puissions, avec les représentants de votre profession, relever les défis économiques et sociaux qui sont les vôtres.
Vous pouvez compter sur moi et mon Ministère pour être à votre écoute, et répondre ensemble aux défis qui nous sont lancés !
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 9 novembre 2005)