Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le vote de la loi sur la réforme de la responsabilité pénale des élus locaux, Paris le 16 novembre 2000.

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Circonstance : Colloque "La réforme des délits non intentionnels : mode d'emploi", au Sénat, le 16 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président Fauchon,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,
Mesdames et Messieurs,
C'est toujours un très grand plaisir et un honneur pour moi de participer à l'ouverture d'un colloque qui se tient dans cette maison. Car je considère que le Sénat a pour mission de contribuer à nourrir le débat public, sous toutes ses formes.
C'est pourquoi je me réjouis toujours de constater combien les colloques qui y sont organisés sont riches et nombreux.
Mais, je n'étonnerai personne en vous disant qu'aujourd'hui, je suis plus heureux encore qu'à l'accoutumée de vous accueillir en ces lieux, car cette manifestation me tient tout particulièrement à coeur. A l'honneur et au plaisir que j'ai d'ouvrir vos travaux, s'ajoute, en effet, pourquoi le cacher, un sentiment de grande fierté.
Nul n'ignore je crois, que la loi du 10 juillet 2000 dont vous allez débattre, -dite aussi loi Fauchon-, n'aurait jamais vu le jour, sans les initiatives du Sénat.
Déjà à l'origine de la réforme du 13 mai 1996, la Haute Assemblée, qui est le représentant constitutionnel des collectivités territoriales, a été vivement interpellée à l'automne 1998 par le profond malaise, pour ne pas dire le découragement, des élus locaux, face à la mise en oeuvre de plus en plus fréquente de leur responsabilité pénale pour des faits involontaires.
Une solution urgente s'imposait, sous peine de tarir les vocations municipales.
C'est pourquoi j'ai décidé, à cette époque, d'engager une réflexion sur ce sujet, en allant sur le terrain, à la rencontre des intéressés.
Grâce à la question orale avec débat que mon collègue et ami le Sénateur Hubert Haenel a posée au Gouvernement le 28 avril 1999, la question de la responsabilité pénale des "décideurs publics" a été reconnue comme un véritable problème et en réponse, la Commission Massot a été constituée.
Mais très rapidement, la réflexion engagée, à partir des inquiétudes des élus locaux et des "décideurs public ", a fait apparaître que nous étions en réalité face à un problème général : celui de la pénalisation croissante et démesurée de tous les rapports sociaux. Signe caractéristique d'une société de garantisme, à la recherche de l'impossible risque zéro, ce phénomène touche chacun de nous, qu'ils soient médecins, chefs d'entreprise, enseignants, préfets, responsables d'association, élus ou fonctionnaires.
C'est bien la raison pour laquelle, lors des Etats Généraux des élus locaux que j'ai organisés dans la région Nord-Pas-de-Calais le 9 septembre 1999, j'ai clairement affirmé que toute solution catégorielle était à proscrire, et qu'il fallait, face à un problème général, une solution globale, passant par une réforme du code pénal.
C'est ainsi que lorsque mon collègue le Sénateur Pierre Fauchon a déposé sa proposition de loi, qui était inspirée par les mêmes considérations, j'ai immédiatement décidé de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat du 27 janvier 2000. C'est aussi la raison pour laquelle elle a rencontré un véritable consensus, dans son principe (même si ses modalités ont fait l'objet de discussions), de la part du Gouvernement, de l'Assemblée nationale, mais aussi d'un très grand nombre de professionnels du droit.
Vous l'avez compris, ce que je tiens à souligner par ce bref rappel chronologique, c'est que si la loi Fauchon est bien née des préoccupations des élus, ce n'est pas, contrairement à ce que j'ai trop fréquemment lu dans la presse, une réforme de la responsabilité pénale des élus, ni même de celle des " décideurs " publics ou privés. Il s'agit d'une réforme qui concerne tous les citoyens.
Grâce à un travail collectif entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, mais aussi les associations de victimes, nous sommes parvenus, je crois, à un texte équilibré, qui donne aux tribunaux les moyens d'éviter des condamnations injustes mais aussi des relaxes choquantes.
En résumé, le but de la loi est de ne pas paralyser les initiatives, tout en maintenant une exigence certaine de sécurité.
Les premières applications de la réforme par les juridictions du fond sont venues démentir les pronostics des sceptiques, qui estimaient que cette loi ne serait pas plus efficace que celle du 13 mai 1996.
Qu'il s'agisse du jugement du Tribunal de Grande Instance de La Rochelle ou de l'arrêt de la Cour d'Appel de Rennes, l'intention du législateur a été dans les deux cas minutieusement recherchée.
Même s'il est beaucoup trop tôt pour en tirer des conclusions, ces décisions me paraissent encourageantes.
Cette réforme, il faut le reconnaître, constitue un bouleversement important de notre droit pénal. Elle met en effet un terme au principe de l'unicité des fautes civiles et pénales qui régissait la matière depuis la décision de la Cour de Cassation de 1912.
Pour ce faire, elle introduit dans notre arsenal juridique des notions nouvelles, difficiles à cerner, comme celle de la " causalité indirecte " ou de " faute caractérisée ".
Il m'est dès lors apparu indispensable d'organiser, rapidement après la publication de la loi, un débat technique entre toutes les parties prenantes, sur les contours de ces nouvelles notions mais aussi leurs conséquences éventuelles sur d'autres domaines du droit, tels que la responsabilité pénale des personnes morales, la faute inexcusable du droit de la Sécurité sociale, ou la procédure civile.
Je suis heureux que cette manifestation ait pu se tenir si vite, car je crois qu'elle répond à une véritable attente aussi bien de la part des professionnels du droit qui auront à l'appliquer que de ceux, auteurs ou victimes qui la verront appliquer.
Je remercie très chaleureusement tous les intervenants, mais aussi les participants pour avoir répondu favorablement à notre invitation, et souhaite que cette journée soit extrêmement fructueuse.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.senat;fr, le 21 novembre 2000)