Texte intégral
Invité du Grand Jury RTL Le Monde LCI : Alain MADELIN. Il répond aux questions d'Olivier MAZEROLLE, Pierre-Luc Séguillon et Patrick JARREAU. Le président de Démocratie Libérale revient sur le sommet de Nice, le véto français sur les questions culturelles, le cas de la Turquie, mais aussi sur les affaires et le silence de l'Elysée.
Olivier MAZEROLLE : Vous êtes en campagne pour les présidentielles, décidé à défendre vos idées jusqu'au bout. Pour vous, les thèses libérales sont celles qui collent le mieux à la réalité du monde d'aujourd'hui, mais votre candidature survient à un moment où la droite est en panne, à la recherche d'une union réclamée vainement depuis plusieurs années et au moment où surviens, ce que vous avez appelé, il y a quelques semaines, " une crise grave de confiance " en parlant des affaires.
Voilà pour le sujet de ce soir, avec le sommet de Nice qui continue. " Nous avons l'impression d'être sur un chemin de hallage ", vient de dire le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine.
Pierre-Luc SEGUILLON que vous avez pris à contre-pieds, parce qu'il est venu sans cravate, pensant que ça serait la même chose pour vous, mais vous portez cravate ce soir. Et Patrick JARREAU participe à ce grand jury, retransmis en direct sur RTL et LCI. Le Monde publiera dans son édition de demain, l'essentiel de vos déclarations.
Alors, commençons par Nice, si vous le voulez bien. Ce sommet n'est pas terminé. La France fait équipe avec l'Allemagne en lui accordant une place prépondérante en raison d'un plus grand nombre d'habitants, plus grand nombre de députés européens et puis aussi un pourcentage de prise en compte du nombre d'habitants dans les décisions qui seraient prises à la majorité qualifiée, ce qui donne à l'Allemagne un poids prépondérant, ce qui lui donnerait un poids prépondérant au cur de l'Europe.
On parle en ce moment du rapport de force et du noyau dur des intérêts des différents pays qui composent l'Europe.
Alain MADELIN : Ecoutez, j'étais à Nice à la veille du sommet, dans des sommets officieux, avec un certain nombre de dirigeants politiques, de ministres ou de Premiers ministres qui participent à ces réunions et tout le monde avait vraiment le sentiment que c'était mal engagé. Et qu'il y avait une sorte de vice de construction, et qu'en posant mal les questions, on ne pouvait apporter que de mauvaises réponses. Et ce qui se dessine ce soir, j'espère qu'on arrivera, mais ce qui se dessine ce soir, c'est un compromis rikiki, qui n'est absolument pas à la hauteur de l'enjeu.
J'étais intervenu à l'Assemblée nationale, dans le débat d'orientation, face à Lionel Jospin. Lionel Jospin avait, dans un discours qui manquait extraordinairement d'ambitions, parlé d'une présidence modeste et pragmatique. Côté modestie, en ce qui concerne le résultat, on va être servi.
En réalité, je crois que c'était extrêmement important ce sommet de Nice. Tout le monde sent bien qu'il y avait là un rendez-vous historique. HISTORIQUE, je pèse mes mots, parce que c'était le point de départ de la nouvelle Europe, de la grande Europe. Et là franchement, quel manque d'ambition, quel manque de projets, quel manque de vision, quel manque de souffle.
Enfin, quand même, voilà qu'on a la perspective de se retrouver ensemble, nous tous les Européens, à condition de faire quelques petits sacrifices par rapport à nos petits égoïsmes, pour construire la grande Europe de l'avenir, l'Europe de tous les Européens et voilà que l'on sombre dans les petits calculs et les petits chantages.
Patrick JARREAU : La faute à qui alors . A la présidence ?
Alain MADELIN : La faute à l'absence d'ambition. Je l'ai dit lors du discours de Lionel Jospin. Quand on n'a pas d'ambition, on n'a pas tellement
Olivier MAZEROLLE : Pas d'architecture, pas d'objectif, c'est ça ?
Alain MADELIN : Pas d'architecture. C'était un rendez-vous historique. Je pense d'ailleurs, pour ma part, que cela fait longtemps qu'on aurait dû avoir l'audace, celle du chancelier Kohl qui a fait la réunification allemande,. Qu'on aurait dû avoir l'audace d'associer politiquement l'ensemble des pays de l'Europe de l'Est au retour de leur voyage du communisme, à la chute du mur de Berlin. On ne l'a pas fait, voici qu'on les fait attendre et voici que l'Europe des riches est en train de chipoter leur place à ceux qui se pressent nombreux à la porte de l'Europe.
Je trouve que c'est indigne et on bricole. Alors, on est en train de se battre. On n'a pas posé tous les problèmes.
Tenez, une question : on veut construire la grande Europe, l'Europe de tous les Européens. Qui sont les Européens ? Quelles sont les frontières de l'Europe ? C'est une question qu'on aurait pu mettre sur le tapis.
Patrick JARREAU : La Turquie en fait partie ?
Alain MADELIN : Bien sûr que non.
Patrick JARREAU : Bien sûr que non ? Parce que ?
Alain MADELIN : Attendez, parce que la Turquie, c'est l'empire Ottoman, c'est tout ce que vous voulez. Moi, je souhaite. J'aime beaucoup la Turquie, je souhaite un traité d'association avec la Turquie, un traité de libre échange, un traité militaire, comme peut être d'ailleurs avec d'autres pays d'Afrique du Nord.
Patrick JARREAU : Parce qu'elle est musulmane ?
Alain MADELIN : On peut être musulman en Europe, il y a des tas de musulmans en Europe. Mais la Turquie, ni par l'histoire, ni par la géographie, ni par la culture, n'appartient à l'Europe. Enfin, où a-t-on été cherché cela ? D'ailleurs, le Premier ministre turc, lorsqu'on a dit : " vous allez peut être, être demain membre ? " Tant mieux, parce que si nous rentrons dans l'Europe, demain l'Europe va s'élargir plus loin, vers le Caucase, tenez-vous bien, vers l'Azerbaïdjan, vers l'Asie centrale.
Est-ce que c'est ça l'Europe ? Est-ce que c'est l'Europe que l'on veut ? Il y a-t-il eu un débat démocratique ? Il y a-t-il eu une discussion préalable ?
Voici que les Chefs d'Etat et la diplomatie française, monsieur Védrine qui semblait réticent, vient de donner son accord à ça. Ça se fait dans le dos des peuples. Tout le monde sait très bien que cela ne se fera pas, monsieur Jarreau, parce que les peuples européens n'en voudront pas. Parce qu'il y a une sorte de bon sens ce qui concerne les frontières de l'Europe.
Et on fait croire aux Turcs qu'ils pourront venir en Europe ? Je n'ai pas rencontré un dirigeant politique en Europe, qui m'ait dit : " oui j'y crois ".
On leur dit ça, comme ça, pour voir, pour l'instant. Mais on est en train de leur mentir. Alors, moi je préfère un bon traité.
Regardez les Etats-Unis. Quand les Etats-Unis ont proposé un traité d'association formidablement généreux au Mexique, mais ils n'ont pas proposé au Mexique d'être un Etat des Etats-Unis.
Donc, je veux dire que la question des frontières de l'Europe, elle n'a pas été posée. La question du fonctionnement du Vonseil européen, on parle de la Commission.
Olivier MAZEROLLE : La pondération des voix, dont vous parlez avec l'Allemagne.
Alain MADELIN : Avant même cela, monsieur Mazerolle, le Conseil européen. Vous savez que vous avez une présidence tournante tous les six mois.
Olivier MAZEROLLE : Oui, ça va être la Suède, maintenant, après la France.
Alain MADELIN : Oui, la Suède puis la Belgique. Mais ça veut dire que la France, nous retrouverons maintenant - on sera 30 ou 35 - nous allons retrouver la présidence de l'Europe dans : deux quinquennats, trois quinquennats ? Enfin, est-ce qu'on peut fonctionner comme ça ? Est-ce qu'il ne fallait pas poser la question aussi de la présidence de l'Europe ? Stabiliser la présidence ? Mettre dans le panier également des présidences de Conseil de ministres (ministres des finances, ministres des Affaires étrangères) plus stables.
Si on avait mis tout sur la table, je pense que l'on aurait pu sortir un projet plus ambitieux.
L'affaire de la pondération des votes. Vous savez que la France et l'Allemagne se battent.
Olivier MAZEROLLE : Enfin, elles ne se battent plus maintenant. Ça y est, ils se sont mis d'accord .
Alain MADELIN : Pour savoir qui sera premier.
Olivier MAZEROLLE : C'est une bonne nouvelle, quand on ne se bat pas avec les Allemands.
Alain MADELIN : Moi, je vais vous donner la réponse : dans dix ans, qui sera premier ? Ni la France, ni l'Allemagne. La Turquie ! Puisque c'est la Turquie qui aura 85 ou 88 millions d'habitants. Est-ce que ça sera l'Europe ?
Est-ce que le groupe principal en Europe doit être la Turquie. Je pense que franchement, là, on a fait ça dans le dos des peuples. Et on n'a pas posé les problèmes. La question de qu'est-ce que l'Europe, quelles sont les frontières de l'Europe, quels sont les pouvoirs que l'on délègue en Europe ? On en parlera plus tard.
Mais attendez, on va discuter comment on va pondérer les votes, mais pour quels pouvoirs, on nous racontera ça plus tard.
Je trouve que l'on a fait une profonde erreur et qu'il y a là une sorte d'incapacité d'une génération qui a eu des mérites extraordinaires, qui a fait ce qu'est l'Europe aujourd'hui et c'est une grande uvre. Moi je dis bravo à l'Europe et l'Europe nous a formidablement aidé, nous les Français, à sortir du dirigisme, de l'étatisme. Je suis passionnément Européen. Mais il y a une nouvelle Europe là qui est en train de se dessiner. La grande Europe, celle de tous les Européens et je crois que cette génération là, elle n'est pas capable de l'envisager.
Olivier MAZEROLLE : C'est Jacques Chirac que vous visez là, car il est le seul à représenter cette génération parmi les chefs d'Etat et de gouvernement.
Alain MADELIN : Si vous discutez avec Tony Blair, si vous discutez avec Guy Verhofstadt, le Premier ministre belge, ce sont des gens qui disent : " mais il faut associer plus étroitement la nouvelle Europe ".
Olivier MAZEROLLE : Vous voyez, vous en citez d'autres. Et Jacques Chirac lui, il fait partie de cette génération.
Alain MADELIN : Je vous vois venir monsieur Mazerolle. Je regrette que l'on n'ait pas associé depuis longtemps les pays de l'Europe de l'Est à la construction. Nous sommes en train de construire une maison commune. Grande maison, celle de tous les Européens et nous discutons entre petits architectes occidentaux, sans discuter avec ceux qui ont vocation à habiter avec nous, demain. Guy Verhofstadt, le Premier ministre belge qui est un ami, me disait qu'il allait faire dans sa présidence, 2ème partie de 2001, une grande convention avec les gouvernements, les institutions, les parlements de tous les pays, y compris les pays candidats. Voilà qui me paraît de bonnes méthodes. Je regrette qu'on ne l'ait pas fait plus tôt.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez. Vous intentez un procès, apparemment à la présidence française.
Alain MADELIN : Je redis aujourd'hui ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale il y a quelques mois.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, je précise ma question. Qu'est-ce qui revient à la présidence française, dans cet échec, enfin ce " compromis rikiki " pour reprendre votre expression . Et qu'est-ce qui revient à la volonté ou au manque de volonté des 14 ?
Alain MADELIN : Je n'en sais rien.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous mettez tout le monde dans le même panier.
Alain MADELIN : Ecoutez, je ne veux pas trier. Je n'en sais rien. Je dis simplement qu'à Nice, après l'échec d'Amsterdam, à Nice, je pense que l'on aurait dû avoir plus d'ambition. Et dessiner la nouvelle Europe. Poser tous les problèmes, plutôt que de partir dans des comptes d'apothicaires qui font qu'en ce moment on ne sait pas si on va sortir le compromis ou ne va pas sortir le compromis.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce qu'en les posant tous, on ne risquait pas de n'en résoudre aucun ?
Alain MADELIN : Je ne pense pas. Je pense au contraire, d'abord parce que premièrement, vous pouvez donner un peu de souffle, un peu de vision et ça entraîne quand même. Deuxièmement, parce qu'en posant tous les problèmes, vous avez plus de choses à échanger. Si vous stabilisez par exemple le Conseil des ministres des finances et puis vous assurez une présidence plus stable. Voilà quelque chose qui peut s'échanger avec d'autres pays.
Donc, je crois qu'au contraire, mettre tous les problèmes, permettait peut être d'avoir, de ne pas reporter à plus tard. Parce qu'on sait très bien qu'on va peut être régler là quelques problèmes de comptes d'apothicaires sur le calcul des voix ou sur le fonctionnement de la Commission, mais qu'il y a bien des problèmes qui vont rester, qui vont être renvoyés à plus tard.
Pierre-Luc SEGUILLON : Question : A partir du scénario le plus probable que vous avez décrit, c'est à dire le " compromis rikiki " auquel on va aboutir, est-ce que ce compromis rikiki va nous permettre de franchir le rendez-vous prochain, celui de 2002, c'est à dire celui du passage effectif à l'Euro ?
Alain MADELIN : Il n'y a pas de rapport entre les deux. Mais peut être, comme vous avez vu pour l'Euro, on a fait un calendrier. Comme nous avions fait un calendrier pour le marché unique du 1er janvier 1993. Est-ce que vous ne pensez pas que nous aurions pu faire un calendrier pour au moins les pays de l'Europe de l'Est, qui après la chute du mur de Berlin, sont candidats et frappent aux portes de l'Europe.
Ils attendaient cela. On ne leur offre pas. Vraiment, je trouve qu'il y a là une division de l'Europe. On est en train de reconstruire un mur, un mur de l'égoïsme entre les deux Europe et je trouve que ce n'est pas bien.
Patrick JARREAU : Mais vous ne parlez que de l'Europe dans ses rapports avec l'extérieur, sur les pays candidats. Mais à l'intérieur des 15 actuellement, est-ce que vous comprenez le point de vue de ceux qu'on appelle " les petits pays " qui ne veulent pas lâcher leur droit de veto et deuxièmement, est-ce que vous comprenez la revendication allemande que l'on tienne de la population dans l'équilibrage des droits de vote.
Alain MADELIN : Encore une fois, ceci n'a d'intérêt que si l'on considère dans la perspective de l'élargissement. Ce n'est plus la règle de fonctionnement à 15, ce sont les règles du fonctionnement à 30 que l'on a du mal à imaginer.
Patrick JARREAU : D'accord. Mais c'est à 15 pour l'instant que l'on a du mal à se mettre d'accord.
Alain MADELIN : Attendez, on n'est pas en train de se dire : " comment on aurait dû fonctionner il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans ". Il faut se projeter sur l'avenir. Comment on va fonctionner dans cette grande Europe de demain ?
Si vous parlez du droit de veto, cela va être un tout petit technique.
Olivier MAZEROLLE : Justement, sur la grande idée, grande question des majorités qualifiées qui est importante, c'est de savoir comment les décisions sont prises au sein de l'Europe. On voit que la France dit : " moi, je veux conserver mon droit de veto sur la diversité culturelle ". Les Anglais sur la fiscalité.
Alain MADELIN : Les Espagnols sur les fonds structurels, etc, etc.
Olivier MAZEROLLE : Comment on fait ? On doit abandonner nous la diversité culturelle ?
Alain MADELIN : Oui, on doit. Diversité. Appelez cela " préférence nationale " dans le domaine culturel, ça sera plus proche des choses. La préférence nationale. Je ne suis pas un défenseur de la préférence nationale. Maintenant, s'il s'agit de défendre notre culture, oui, il faut défendre notre culture. Mais ça n'est pas forcément dans le plus étroit protectionnisme que l'on peut le faire.
Olivier MAZEROLLE : Là, vous êtes en train de vous fâcher avec tout le monde du cinéma français.
Alain MADELIN : Non, avec une partie, peut être. Mais c'est déjà fait. C'est déjà fait. Je leur ai déjà souvent la remarque de savoir pourquoi, eux qui se disent très souvent de gauche, qui fustigent les thèses de la préférence nationale, sont-ils les premiers à les souhaiter pour eux-mêmes et pour leur industrie ? C'est une bonne question. On pourrait se la poser.
Olivier MAZEROLLE : Et comment on défend notre culture face au rouleau compresseur d'Hollywood ?
Alain MADELIN : Mais il y a d'autres moyens de la défendre. Regardez, il y a des tas de secteurs. Dans le secteur des dessins animés, on réussit à damer le pion aux Américains ou aux Japonais. Donc, on peut défendre sa culture. Qu'il faille des précautions, qu'il faille la défendre, la réponse est oui. Mais ce n'est pas forcément au moyen du droit de veto.
Alors, si vous voulez une réponse technique maintenant. Est-ce que l'on peut systématiquement inventer avec la majorité ? Non.
Est-ce que le droit de veto généralisé est une bonne chose ? Non plus. Parce que c'est la paralysie. Donc, il faut quelque chose entre les deux, et entre les deux, ça s'appelle la double majorité.
Moi, j'ai dîné avant hier soir avec Prodi. C'était la proposition de la commission, hein, la proposition de la Commission. J'espère que l'on va s'orienter un peu vers ça. C'était aussi la proposition de Valéry Giscard d'Estaing, c'était la mienne. La double majorité qualifiée. C'est à dire une majorité qualifiée en terme de nombres de voix des pays représentés au Conseil et aussi en terme de population. Et on aurait pu imaginer encore d'aller plus loin, mais c'est technique. Une super majorité qualifiée pour des domaines qui sont soumis au droit de veto de façon à donner quand même un moyen aux uns et aux autres de faire valoir leurs intérêts.
Vous savez, l'Europe, en réalité, elle progresse par consensus. Elle ne progresse pas comme ça, par bras de fer : " je t'oblige à Maintenant que j'ai 51, 60 % des voix, je contrains les autres peuples ". Ca, c'est la recette de l'explosion de l'Europe, ça ne marchera pas comme ça.
C'est donc par consensus. Alors, il faut empêcher le droit de veto, parce que je crois que le droit de veto, il paralyse l'Europe. Mais il faut quand même donner le moyen à ceux qui ont des intérêts, comme nous dans le domaine culturel, c'est vrai, comme l'Angleterre dans le domaine fiscal, de faire valoir leurs intérêts. C'est le principe de la double majorité qualifiée.
On est en train de tourner, paraît il, autour de cela, à cette heure ci. Je crois que l'on aurait pu l'envisager dès le départ.
Olivier MAZEROLLE : Dernière chose. Après ce qui va se passer demain, ou ce que l'on va apprendre, qu'est-ce qu'il convient de faire. Je parle pour un pays comme la France, sachant que c'est la Suède qui va présider l'Europe. Est-ce qu'il faut militer très vite pour une constitutionnalisation des traités ?
Alain MADELIN : Cela fait dix ans que j'ai proposé une constitution européenne. Le problème n'est pas de dire, constitution, constitution.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire, quand on se heurte à la volonté des autres. Parce que vous faites un grand discours sur l'Europe, qui est très enthousiasmant, mais on se dit : " il y a des contraintes dont vous ne tenez absolument pas compte ".
Alain MADELIN : Non, non. Constitution, constitution. C'est vous qui mettez un mot. Moi, j'essaye de voir qu'est-ce qu'on va mettre à l'intérieur de ce mot. C'est ce qui compte. L'Europe, elle n'est pas constitution. Elle a déjà des traités.
Pierre-Luc SEGUILLON : Il y en a 4.
Alain MADELIN : Et il y a 700 articles. Alors, peut être qu'on peut ramasser tout cela dans une quarantaines d'articles très courts qui auraient valeur de constitution.
Oui, sans doute, on y gagnerait en lisibilité. La question, elle est ailleurs. La question, elle est, pour l'Europe de demain, la grande Europe, comment mieux délimiter et limiter les pouvoirs confiés à l'Europe. C'est notamment l'application de ce qu'on appelle dans le jargon européen le principe de subsidiarité. On doit donner, faire remonter au niveau de l'Europe, que ce que l'on ne peut pas régler au niveau des Etats.
Garantir ce principe de constitutionnalité. Vous voulez une proposition très précise. Il faut avoir une Cour de constitutionnelle européenne.
Nous avons une Cour de justice, etc. Il faut une vraie Cour constitutionnelle, c'est une première étape d'une constitution européenne.
Olivier MAZEROLLE : Bien, monsieur Madelin, maintenant. Parlons de votre campagne. D'abord, vous êtes candidat ou pas ? On n'a pas très bien compris ?
Alain MADELIN :: Ecoutez, si je suis en campagne, c'est bien avec l'idée d'être candidat, monsieur Mazerolle.
Olivier MAZEROLLE : D'être candidat ?
Alain MADELIN : Ecoutez, les candidatures ne sont pas ouvertes. Mais je fais campagne et j'assume le fait de faire campagne. Il y a des tas de gens qui vous diront : " mais je ne serai peut être pas candidat, mais je ne fais pas campagne ". En réalité, tout le monde fait un peu campagne.
Patrick JARREAU : Mais vous, vous faites campagne pour vous ?
Alain MADELIN : Moi, j'assume. Oui, je fais campagne, parce que je pense. Je ne suis pas là pour figurer, je ne suis pas là pour témoigner. Je pense qu'en 2002, ce sera le premier grand débat de la France du nouveau siècle. Et, on va être désigné le premier président du nouveau siècle. Et je crois qu'un certain nombre d'idées de modernité que je porte depuis longtemps arrivent à maturité.
Et que les Français, lassés, par les blocages de leurs institutions politiques, auront - je l'espère - dans leur majorité, envie de puissants courants réformateurs que je peux représenter.
Patrick JARREAU : Mieux que ne le représentait celui que vous souteniez et dont vous rédigiez le programme en 95, c'est à dire Jacques Chirac ?
Alain MADELIN : Bien, si en 95, ça avait marché, je ne serai pas candidat aujourd'hui.
Olivier MAZEROLLE : Alors, il y a tout de même beaucoup de gens qui à droite, se posent la question de savoir si vous ne mettez pas un croc en jambe à votre propre camp, parce qu'en ce moment la droite patauge un peu. Elle ne trouve pas d'unité. Vous disiez " il ne faut pas crier ''constitution, constitution, constitution'' ", alors on dit : " union, union, union ", mais on ne la voit pas venir. Jacques Chirac est affaibli. C'est un peu un pavé dans la mare de la droite, là que vous jetez ?
Alain MADELIN : Ecoutez, il est normal que pour ce premier grand débat, le courant que je peux représenter et qui peut être majoritaire demain dans ce pays, mais il s'exprime. Et par nature, c'est le débat des élections présidentielles qui doit être le débat des idées, des visions, des projets, pour la France.
Je m'engage dans ce débat, avec énergie, avec appétit, avec envie de gagner. Mais, regardez bien la situation de la droite aujourd'hui. Ce que vous appelez la droite. J'ai le sentiment qu'elle a tendance parfois un peu à se replier, à se recroqueviller sur elle-même, sur le dernier carré d'électeurs. Qui parle des banlieues ? Qui parle des jeunes issus de la nouvelle immigration ? Qui parle des problèmes de société ? Qui défend les consommateurs, les usagers, les politiquement faibles ? On parle de la famille, mais il n'y a pas que les familles, il y a aussi les familles monoparentales, il y a aussi les personnes seules. Voilà, moi j'ai envie de parler de tout ça. J'ai envie d'élargir l'opposition.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous pensez que vous êtes le mieux placé pour être le candidat des exclus, des marginalisés, des laissés pour compte, aujourd'hui en France ?
Alain MADELIN : Bien placés, oui. Oui.
Olivier MAZEROLLE : Ce n'est pas l'image que vous avez. On se dit, les supporters d'Alain MADELIN, quand on leur parle de l'immigration, ils ne sont pas forcément prêts à dire : " c'est formidable, ouvrons les bras et faisons-en de bons Français ".
Alain MADELIN : Monsieur Mazerolle, peut être par mon parcours, mes origines, je ressens aujourd'hui la diversité de la France. Et je me sens capable de mettre un trait d'union. Le petit artisan qui travaille dur, qui n'a pas beaucoup de récompense d'ailleurs de son travail, et le chômeur ou la personne exclue. Ils n'ont pas des intérêts différents. Ils peuvent avoir des intérêts communs.
La vieille France, bien enracinée dans ses valeurs et dans ses traditions, elle existe bien sûr. Mais il y a une nouvelle France, de nouveaux Français qui sont là, qui sont impatients, qui ont envie d'aimer leur pays. Est-ce qu'on ne peut pas mettre des traits d'union entre tout cela ? Moi, je me sens capable d'exprimer tout cela à la fois et il me semble que la vieille politique, celle d'hier, celle du siècle dernier - on va dire bientôt - elle consistait à mettre des murs entre tout ça. Et aujourd'hui, on cherche peut être le moyen de faire vivre ensemble l'unité de la France, parce qu'on a besoin d'unité, mais dans la diversité.
Moi, je suis comme on dit, libéral. J'aime la liberté, passionnément la liberté, j'ai toujours défendu des solutions de liberté. Mais si j'aime la liberté, c'est parce que la liberté elle conduit naturellement à la diversité. Donc, il faut accepter la diversité de la France.
Et je me sens capable, oui, de représenter toutes les catégories de Français, à commencer peut être justement par celles et ceux qui sont aujourd'hui exclus, qui sont aujourd'hui victimes de la dépendance et de l'assistance et qu'on ne réussit pas à faire sortir de cette dépendance et de cette assistance. Regardez comment une proposition que je fais depuis des années, celle qu'on appelle " de l'impôt négatif ".
Olivier MAZEROLLE : Il faut expliquer d'ailleurs ce que c'est que l'impôt négatif, parce que ce n'est pas très
Alain MADELIN : L'impôt négatif, ça consiste à dire : " les gens qui sont enfermés dans l'assistance, plutôt que de les enfermer, de les payer à ne rien faire, quitte à avoir ensuite une sorte de barrière à l'entrée sur le marché du travail, s'ils retrouvent un travail, même s'il n'est pas très bien payé, on va leur donner un différentiel ". Au lieu qu'ils payent un impôt, c'est la fiscalité qui leur donne un revenu complémentaire pour leur permettre de vivre. Des tas de pays ont fait ça autour de nous, depuis déjà longtemps. Ça fait longtemps que je défends cette idée. Reconnaissez qu'aujourd'hui tout le monde On pense aujourd'hui que c'est une idée qu'il faut justement pour sortir les exclusions. Je pense avoir été parmi les premiers porteurs de cette idée en France, non ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Oui, mais alors, comment dissiper le contre sens qui existe peut être, à tort ou à raison, de la part de ces catégories qui quand elles vous considèrent, se demandent si vous n'incarnez pas un libéralisme économique qui est associé à la mondialisation et qui est associé à tous les malheurs qui leur adviennent ?
Alain MADELIN : Vous avez un réflexe de nomenklatura.
Olivier MAZEROLLE : Non, non, je n'ai pas de nomenklatura. Je vous demande, je vous pose une question, ce n'est pas un réflexe.
Alain MADELIN : Attendez, vous vous faites l'interprète, vous me prêtez une vision des choses et vous vous faites l'interprète d'une sorte de politiquement correct. Moi, je ne le crois pas. Je pense que les gens qui sont en bas de l'échelle sociale, ils ont compris que le système tel qu'il était, bloqué aujourd'hui, c'est le système qui leur bloque leur chance aussi. Et quand on libéralise, quand on laisse un peu d'air, comme ça, pour ceux qui veulent créer, innover, faire quelque chose, on multiplie les chances, justement de ceux qui sont en bas de l'échelle.
Olivier MAZEROLLE : Mais ça, ça leur fait peur. Ils voient la fin de la protection sociale, la fin de la garantie de l'emploi, la fin des montées des minima sociaux.
Alain MADELIN : Mais pourquoi ? Parce que vous voulez faire peur.
Olivier MAZEROLLE : Ah non, non, rien du tout. Je vous écoute.
Alain MADELIN : Ecoutez, moi je suis prêt à aller où vous voulez, avec vos caméras, avec vos micros et puis on va faire un débat dans la plus déshéritée des banlieues et les gens comprennent. Vous savez, je passe du coq à l'âne, mais je m'intéresse à l'Afrique, beaucoup, passionnément. Parce que c'est le continent le plus pauvre, c'est le continent oublié.
Et en Afrique, je m'intéresse aux endroits les plus pauvres, les bidonvilles.
J'y vais, j'y mène des actions, etc. Et les gens, ils ont parfaitement compris.
Vous avez une sorte de réflexe qui consiste à croire que les idées de la liberté, la liberté c'est bon pour ceux qui sont en haut.
Mais ceux qui sont en haut, ils n'ont pas envie de liberté, ils ont envie de bloquer les places. Parce que quand il y a la lutte pour les places, eux ils s'en tirent toujours bien et leurs enfants, ils s'en tirent toujours bien.
Je vais prendre un exemple. Tenez : parce qu'il faut être concret.
La carte scolaire : je propose la suppression depuis longtemps de la carte scolaire. Dans une rénovation de l'école. Liberté aux chefs d'établissements, aux équipes enseignantes de faire une meilleure école. Et liberté pour les parents de choisir l'école de leurs enfants.
Patrick JARREAU : Oui, mais ça, la conséquence de ça, c'est quoi ? C'est que les enfants de riches vont dans les écoles pour riches, et que les enfants des pauvres vont dans les écoles qui restent.
Alain MADELIN : Monsieur Jarreau, vous pouvez dire ça sans rire.
Patrick JARREAU : Oui, oui, malheureusement, c'est la réalité.
Alain MADELIN : Vous avez lu Allègre ? et bien d'autres ? Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Est-ce que les enfants des riches vont dans les écoles des pauvres ? Est-ce que c'est ça aujourd'hui ?
Vous savez très bien qu'à l'heure actuelle, les enfants des riches, ils vont dans les écoles des quartiers riches. Et que les enfants d'enseignants, on leur fait des classes un petit peu à part, avec de bons enseignants, etc. Et ce qui se passe, à l'heure actuelle, c'est que ce sont les enfants des cités ghettos qui sont assignés à résidence dans les écoles ghettos.
Et voyez vous, cette idée que vous ne comprenez pas vous, lorsque vous faites des sondages, vous vous apercevez : les classes dirigeantes disent : " non, la carte scolaire, c'est très bien ". Mais ceux qui sont pour, ce sont les catégories ouvrières, les catégories délaissées, même l'électorat du parti communiste est majoritairement pour. Parce qu'eux, ils ont compris ce que vous ne comprenez pas. C'est que la liberté scolaire, la liberté de choisir l'école de son enfant, quand on est en bas de l'échelle sociale, dans le quartier le plus déshérité de la plus déshéritée des banlieues, et bien cette liberté, si on peut l'exercer, on donne une meilleure chance à ses enfants.
Alors, oui la liberté. Moi, je suis prêt à défendre tout ça. Et je pense que ça pourra être entendu dans les campagnes.
Patrick JARREAU : Est-ce qu'au-delà de l'école, parce qu'au fond l'image que vous avez, elle n'est pas imméritée, c'est d'être plutôt un pourfendeur de l'Etat. Qu'est-ce qui aujourd'hui, dans la société d'aujourd'hui telle que vous la concevez, doit rester à l'Etat ou au collectif ?
Alain MADELIN : J'essaierai de faire campagne sur deux thèmes.
Le première thème, c'est bien sûr aérer la société, plus de liberté.
Mais le deuxième thème, vous avez raison monsieur Jarreau, c'est construire ou reconstruire un Etat moderne.
L'enjeu aujourd'hui et je crois que ça sera l'enjeu clef de la prochaine élection présidentielle. L'enjeu, c'est la reconstruction d'institutions modernes. Tout le monde comprend bien que la société elle est vivante, elle est dynamique. Ce qui ne marche pas aujourd'hui, c'est l'Etat. Et la crise que nous vivons, ce n'est pas une crise de la société, c'est une crise de notre système politique et de nos institutions. Par rapport à d'autres pays, nous avons un Etat beaucoup plus centralisé, beaucoup plus lourd, beaucoup plus coûteux. Je pourrai y revenir. Mais qui fait que l'Etat n'assure plus les missions qui sont les siennes.
Patrick JARREAU : Quelles sont-elles ? Qu'est-ce que l'Etat doit garantir aujourd'hui ?
Alain MADELIN : On va prendre un exemple monsieur Jarreau. Justice-police. Voilà deux missions essentielles. Quand vous êtes dans une banlieue un peu difficile, et que vous rentrez tard le soir ou que votre fille rentre tard le soir, elle n'est pas là, vous avez peur. Vous avez déjà eu peur, vous avez déjà eu peur pour vos enfants ?
Et bien, il y a des gens qui ont peur tous les jours.
Justice-police. Vous savez combien la France consacre au total de ces deux budgets ? Moins que pour le déficit de la SNCF. Deux fois moins que pour la facture des 35 heures. C'est ça un Etat moderne ? Un Etat moderne, c'est un Etat qui assure ses vraies fonctions à commencer par la justice.
Patrick JARREAU : Mais alors, puisque vous parlez des transports, est-ce que les transports urbains, les transports de ville à ville, est ce que ça fait partie, selon vous, des missions de service public que l'Etat doit assurer directement ou par délégation ?
Alain MADELIN : Par délégation et pas forcément l'Etat. ça m'incite à un deuxième point. L'Etat doit assurer ses missions et pour le reste, redistribuer très largement ses pouvoirs. C'est tout l'enjeu de la régionalisation, cette redistribution audacieuse.
Olivier MAZEROLLE : mais ça reste public ?
Alain MADELIN : Bien sûr. Ou délégation aux concessions privées, peu importe. Dans cette campagne, je vais être très audacieux dans les propositions. Mais je ne proposerai rien d'autre que ce qui a été déjà fait, expérimenté avec succès, par nos partenaires autour de nous, en Europe.
Olivier MAZEROLLE :Tout de même monsieur MADELIN, lorsque vous étiez sur la Côte d'Azur l'autre jour et que vous avez parlé de ces enfants venus d'Algérie qui sont devenus français, on ne peut pas dire que l'enthousiasme ait retenti dans la salle. Lorsque vous vous abstenez sur le PACS, vos partisans ne savent plus très bien où ils en sont. Quand vous parlez des drogues douces comme si ce n'était pas quelque chose de véritablement calamiteux
Alain MADELIN :Vous cherchez à me fâcher avec tout le monde là monsieur Mazerolle.
Olivier MAZEROLLE :Vos partisans non plus ne sont pas... Alors vous vous adressez à tous les publics. Comment allez vous transcender ces séparations électorales habituelles parce que vous nous parliez tout à l'heure des électeurs du parti communiste qui sont d'accords avec vous sur certains points, n'empêche qu'ils votent toujours communiste, ils ne votent pas Alain MADELIN ! Comment espérez-vous faire franchir les frontières habituelles dans l'esprit des électeurs ?
Alain MADELIN : Dans les exemples, on peut pas parler de tout, dans les exemples que vous avez donnés, je ne vais retenir que le premier. J'ai effectivement parlé à la communauté " pieds noirs ", je lui ai parlé de l'Algérie, des conditions dans lesquelles elle était revenue, j'ai parlé aussi des harkis, lâchement abandonnés par la France, dans des conditions qui aujourd'hui vaudraient à ces ordres qui ont été donnés, un tribunal pénal international. Il y a un devoir de mémoire, j'ai dit cela. Il y a peut être même un devoir de justice, j'ai dit cela aussi et dans le même temps vous savez, ceux qui ont vécu en Algérie avec des Algériens qui sont aujourd'hui devenus algériens mais restés en Algérie mais qui étaient français à l'époque et puis qui voient aussi des enfants venus fuir la misère, la dictature de l'Algérie et s'enraciner tant bien que mal en France. Je crois que mieux que d'autres ils sont capables de comprendre ce que je suis en train de dire. Voilà ils ont aussi un peu de soleil d'Algérie les uns et les autres dans leur cur, des racines un peu différentes mais pour une part commune et je ne suis pas sûr que ce langage n'ait pas été compris par eux, peut être même encore plus facilement par eux que par d'autres.
Alors voilà, j'essaie d'expliquer çà, je dis ben voilà il y a une nouvelle génération qui est là, ils sont français, ils ont envie d'être français à part entière, et bien bienvenue, bienvenue !
Patrick JARREAU :Vous parliez tout à l'heure d'une droite trop repliée sur elle-même et pas assez ouverte sur le monde et sur la société d'aujourd'hui telle qu'elle change.
Or, comme le rappelait Olivier MAZEROLLE, sur des sujets comme le PACS par exemple ou la question des drogues douces, ou d'autres, le parti que vous dirigez est un parti conservateur, alors comment se fait-il que vous n'arriviez pas à lui faire comprendre à lui qui vous a choisi pour président, ce que vous voulez faire comprendre aux autres ?
Alain MADELIN :D'abord premièrement, je crois que sur l'affaire du PACS, on peut avoir des divergences mais mon parti n'a pas été outrancier, il s'est exprimé dans un sens un peu différent du mien mais c'est pas dans mon parti que vous allez trouver des outrances et à la fin et avec le temps, on s'aperçoit que le PACS était un vrai problème et sans doute pas un très bonne solution, bon ben voilà, donc je crois qu'il faut parfois laisser un peu de temps au temps, il m'arrive parfois aussi d'être un peu en avance parce que j'essaie de vivre vraiment avec mon époque mais ces questions de société trop souvent, on ne sait pas les régler en débat pacifique, on les fait monter en affrontement.
Je crois au rôle des hommes d'Etat et si je suis candidat à la présidence de la République, c'est avec le sens de la responsabilité que cela peut demander. Je crois que sur des sujets comme ceux là, il ne faut pas se jeter l'anathème, il faut trouver les procédures qui permettent de débattre sereinement et de trouver des solutions sans guerre civile.
Pierre-Luc SEGUILLON :Tout à l'heure vous avez parlé d'un...
Alain MADELIN : D'autres pays le font autour de nous, encore une fois ce que je dis n'est pas extraordinaire, d'autres pays le font.
Pierre-Luc SEGUILLON :Tout à l'heure vous avez parlé de la nécessité de décentraliser, de donner tout le pouvoir nécessaire aux régions. Actuellement il y a ce processus de Matignon qui a été consacré par un avant projet de loi qui a été soumis à l'Assemblée Corse, est ce que lorsque ce projet de loi va venir en discussion au Parlement, vous allez encourager vos amis de l'opposition à le ratifier ?
Alain MADELIN :J'ai soutenu la démarche de José ROSSI en Corse et je ne le regrette pas.
Patrick JARREAU :Alors est ce que vous soutenez la démarche de Lionel JOSPIN en Corse ?
Alain MADELIN : Avec l'idée que c'était un avant goût mais qu'il ne fallait pas faire une démarche isolée pour la Corse mais qu'il fallait faire une politique de régionalisation pour l'ensemble des régions françaises.
Pierre-Luc SEGUILLON :Je peux me permettre une parenthèse, tout à l'heure vous avez dit, il faut expérimenter les choses avant de les généraliser, vous l'avez dit non ?
Alain MADELIN : Non j'ai pas dit çà !
Pierre-Luc SEGUILLON :Si, si, à propos de...
Alain MADELIN :Non, non, je vous ai dit tout à l'heure, je ne proposerai rien qui n'ait déjà été expérimenté ailleurs avec succès, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. La régionalisation, à l'évidence en Europe, tous les pays vivent avec une régionalisation vivante.
Patrick JARREAU :Donc nous sommes en retard !
Alain MADELIN : Bien sûr nous sommes en retard.
Patrick JARREAU :Donc la Corse est une avancée bienvenue alors ?
Alain MADELIN : Le général De Gaulle n'avait-il pas lui-même souhaité en 1969 l'avènement des régions. Que de temps, que de temps perdu !
Olivier MAZEROLLE :Ca ne lui a pas réussi !
Alain MADELIN : Oui il était aussi peut être en avance sur son temps. La Corse, quand je regarde le projet JOSPIN, franchement aujourd'hui j'ai envie de le recaler.
Patrick JARREAU : Pourquoi ?
Alain MADELIN : Trop timide.
Olivier MAZEROLLE : Trop timide ?
Alain MADELIN : Trop timide !
Olivier MAZEROLLE : Et bien dites moi, ce qu'on entend habituellement c'est plutôt au contraire violation de la constitution, démantèlement du pays...
Alain MADELIN : Mais non, il n'y a rien, il n'y a rien dedans, il n'y a rien !
Olivier MAZEROLLE : Il n'y a rien ?
Alain MADELIN : On a grignoté quelques pouvoirs. Les ministères, tout le monde le dit d'ailleurs, les ministères ont été sollicités pour donner des pouvoirs à la Corse...
Olivier MAZEROLLE : Vous êtes sous influence de José ROSSI ! Il vous a téléphoné encore tout à l'heure !
Alain MADELIN : Et puis on n'a rien donné. La seule chose qu'on a donnée, la seule chose que l'on a donnée c'est les HLM qu'on a laissé à la Corse et pour le reste les ministères ont le pied sur le frein dans une vraie décentralisation. Voilà, bon enfin bon, néanmoins çà s'inscrit...
Patrick JARREAU : Donc vous allez voter contre parce que çà ne va pas assez loin !
Alain MADELIN : Non, je ne vous ai pas dit çà.
J'ai dit que çà s'inscrivait dans le bon sens ce projet et in fine, on va regarder, quand on va regarder ce projet à la loupe, on va s'apercevoir qu'il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat et que c'est pas la peine de dire que la République est menacée par ce projet parce que ce n'est pas vrai, sauf peut être un point et je déposerai peut être moi-même un amendement à l'article 7 de ce projet, c'est sur l'enseignement du corse, l'enseignement du corse doit être une liberté mais ça ne doit pas être une obligation, c'est pas une obligation droite là mais c'est une obligation de fait puisque vous savez que ce texte dit, voilà on enseigne le corse et puis si les parents sont pas d'accords, et bien ils peuvent toujours le dire.
Patrick JARREAU : Donc vous êtes d'accord avec Jean-Guy TALAMONI quand il lançait vendredi, quand il lançait " la République n'est pas menacée ", vous êtes d'accord avec lui sur ce point ?
Alain MADELIN : La République n'est pas menacée par ce texte là bien évidemment, c'est un texte qui enracine la Corse dans la république bien sûr.
Olivier MAZEROLLE : Bon, ben écoutez, ce n'est pas le jugement que l'on entend habituellement porté à droite sur ce texte.
Alain MADELIN : Mais attendez, mais il faut savoir... Est ce que la droite va arriver demain...
Olivier MAZEROLLE : Jean-Pierre CHEVENEMENT lui-même était horrifié !
Alain MADELIN : Attendez, vous restez à droite !
Olivier MAZEROLLE : Non mais attendez parce que vous avez l'air de... Vous avez l'air de dire, ah les arguments de droite ne sont pas valables donc j'essaie de vous en trouver un autre !
Alain MADELIN : Non, je ne dis pas cela, je vous ai dit que tous les programmes de la droite, déjà depuis des années sont plus audacieux en matière de décentralisation que ce que propose Monsieur JOSPIN pour la Corse.
Olivier MAZEROLLE : Mais qu'est ce qui manque dans le projet de Monsieur JOSPIN sur la Corse ?
Alain MADELIN : Attendez, vous avez eu pratiquement dans le même temps un excellent exercice qui a été fait par la région Bretagne, qui a fait toute une série de propositions votées par la majorité de la région Bretagne pour une vraie régionalisation, alors nous on met la formation professionnelle, on met la culture, on met l'environnement, on met l'enseignement dans la décentralisation. Regardez autour de nous, comment cela se passe dans les autres pays, le drame de la France, la maladie française, c'est cette concentration extraordinaire des pouvoirs au sommet, si cela encore était efficace, on dirait très bien, mais cela est en plus inefficace, coûteux, sclérosant et paralysant.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, concrètement ça veut dire quoi une régionalisation telle que vous la souhaitez ou telle qu'elle serait souhaitable pour la Bretagne par exemple comme pour d'autres régions sur le plan de l'éducation nationale et des universités. Très concrètement, çà veut dire quoi ?
Alain MADELIN : Dans les pays qui ont décentralisé autour de nous, vous pouvez regarder, tout le monde décentralise sous des formes un peu diverses ses établissements d'enseignement. Cela veut dire que la coordination se fait au niveau régional mais il était bien entendu que dans mon esprit, d'ailleurs je l'ai souvent dit, que l'éducation n'a pas vocation seulement à être régionalisée, les établissements ont vocation a être autonomisés. Si vous prenez les universités, le modèle des universités qui marchent, on les connaît, c'est le modèle des l'universités libres, autonomes, concurrentes...
Pierre-Luc SEGUILLON : Financées par ?
Alain MADELIN : Financées bien évidemment par l'Etat pour une large part, pas seulement d'ailleurs par l'Etat parce qu'il faut d'autres financements, financées par l'Etat mais pas forcément par l'Etat national, financées par les régions qui disposent des ressources propres pour financer leurs universités et croyez moi les quelques universités libres et autonomes qui ont pu être faites à l'initiative des collectivités locales, ça marche. J'étais encore il y a quelques jours à Sofia Antipolis, on parlait des formations de... on a des pénuries d'informaticiens, et bien là en toute liberté, parce qu'ils ont pas eu de contraintes, ils ont pu réussir à préparer les informaticiens de demain dont on a besoin.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, autre chose, il y a deux mois, après la publication par le journal Le Monde du script de la cassette MERY, vous disiez il existe en France une grave crise de confiance, il faut que le président de la République rende la parole aux électeurs. Après maintenant l'affaire des lycées de la région Ile de France, vous dites quoi ?
Alain MADELIN : La crise de confiance s'aggrave. Il y a un éditorialiste l'autre jour qui disait que la prochaine élection présidentielle cette fois ci elle se ferait peut être sur la fracture morale. C'est un problème grave, est ce que vous me permettez une analyse ? Et peut être un remède.
Au-delà de la justice bien évidemment qui a à faire son travail, pourquoi en est on arrivé là ? Et pourquoi dans d'autres pays, la corruption elle est de tous les régimes, de tous les pays et de toutes les époques mais plus ou moins grave.
Dans gravité en Europe, vous avez l'Italie et puis aujourd'hui semble-t-il, la France. Pourquoi en est-on arrivé là ? A mon avis c'est la... heureusement c'est la queue de comète mais d'un système politique que j'ai toujours condamné, celui de cette concentration des pouvoirs au sommet. Revenez au début des institutions de la Vème République : l'exécutif, le président, le gouvernement, l'administration, le Parlement, les godillots mais aussi au début la justice, la télévision, tout çà était dans les mêmes mains.
Ceci explique que la France a été de plus en plus étatisée et sans doute de moins en moins gouvernée.
Ceci explique qu'il y a une sorte de captation du pouvoir par une sorte d'élite qui a dit c'est mon pouvoir et qui s'est crue au-dessus des lois et le sommet de ce système ça a été sans doute pendant la période MITTERRAND, aujourd'hui on tourne la page mais il y a bien des affaires qui remontent de cette époque où effectivement beaucoup se sont crus au-dessus des lois.
Patrick JARREAU : Monsieur MADELIN, un mot quand même, dans les affaires qu'on vient d'évoquer qui sont celles qui font l'actualité aujourd'hui, il n'est pas question de pouvoir d'Etat, il est question du conseil régional d'Ile de France, il est question de la mairie de Paris mais il n'est pas question de l'Etat !
Alain MADELIN : Bien sûr mais pardonnez moi mais j'ai essayé de faire un... d'expliquer comment était la captation du pouvoir au sommet de l'Etat, y compris par un parti, celui du président, qui fait qu'à un moment donné on se croit tout permis et que l'on estime qu'on n'a de comptes à rendre à personne, que la justice, on réussira toujours à la faire taire, que la télévision n'en parlera pas et quand on a vécu longtemps comme çà, et bien ceci, par capillarité, descend jusque dans les collectivités locales, notamment à la faveur de la décentralisation.
Pierre-Luc SEGUILLON : Le remède ?
Alain MADELIN : Ce que je dis, c'est que les institutions sont plus ou moins corruptibles, plus ou moins corruptibles. J'ai eu la charge du ministère du commerce pour ma part, et vous vous souvenez qu'on a longtemps parlé des grandes surfaces et des autorisations de complaisance qui servaient à alimenter les caisses des partis politiques. J'ai réformé le mécanisme d'autorisation, au-dessus de tout soupçon, et depuis vous n'entendez plus parler de ce genre d'affaires. Ceci pour dire que les institutions elles-mêmes, elles sont extrêmement importantes et que la justice indépendante, un vrai pouvoir judiciaire indépendant et des institutions décentralisées, un nouveau mode d'exercice du pouvoir me paraît être aujourd'hui le moyen de tourner la page.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais çà c'est le traitement de fond, d'accord, mais il y a des moments où en attendant que le traitement de fond fasse son effet, il faut arriver à sortir tant bien que mal d'une situation mauvaise. Alors le remède concret aujourd'hui pour que est ce que vous pensez que le président de la République doit prendre une initiative, doit s'exprimer, que Lionel JOSPIN doit faire quelque chose...
Alain MADELIN : Non, demander au président de la République de s'expliquer, je vois le petit ballet là ! C'est faire peser sur lui une sorte de présomption de culpabilité, je ne participerai pas à la danse du scalp autour de l'Elysée.
D'ailleurs au nom de quoi on lui demande de s'expliquer, dans les affaires des lycées de la région parisienne ? En tant qu'ex-président du RPR ? Bien, alors à ce moment là il faut que l'ex-patron du parti socialiste, Monsieur Lionel JOSPIN, s'explique tout autant.
Patrick JARREAU : Et celui du parti républicain ?
Alain MADELIN : S'explique tout autant !
Patrick JARREAU : Et celui du parti républicain ?
Alain MADELIN : Mais écoutez toutes ces affaires ont concerné tous les partis, tous les partis !
Patrick JARREAU : D'accord, donc y compris le parti républicain c'est à dire votre parti !
Alain MADELIN : Non, écoutez mon parti, pardonnez-moi Monsieur JARREAU...
Patrick JARREAU : Ce fut !
Alain MADELIN : Ce fut, mais mon parti, celui dont j'assume aujourd'hui la totale responsabilité, c'est démocratie libérale. Nous avons voulu tourner une page
Patrick JARREAU : Qui est l'héritier du parti républicain !
Alain MADELIN : Oui enfin l'héritier, pas l'héritier de la fortune, l'héritier des dettes ! Et mon trésorier, c'est un magistrat qui s'est notamment illustré dans la lutte contre la corruption, Thierry JEAN-PIERRE que je remercie tous les jours d'avoir accepté cette lourde responsabilité, ce qui fait que ma formation politique aujourd'hui est, elle aussi au-dessus de tout soupçon.
Donc le problème aujourd'hui c'est de savoir si le président de la République doit s'expliquer, moi je ne dis pas cela parce que c'est participer, il fait ce qu'il veut et je crois que la position du président de la République est assez difficile aujourd'hui dans une cohabitation qui file un mauvais coton pour ne pas avoir envie d'ajouter à ces difficultés.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors justement, est ce que Je reprends ce que vous demandait Olivier MAZEROLLE tout à l'heure, les choses se sont encore dégradées depuis un certain temps, est ce que l'on peut, vous qui dites, qui êtes partisan de solutions radicales en général, est ce qu'on peut continuer 16 mois comme çà ?
Alain MADELIN : Je ne le pense pas. Je ne sais pas comment on en sort ! Je suis comme vous, je ne sais pas comment on en sort. Mais, enfin quand même, vous vous rendez compte, 16 mois encore de cohabitation à couteaux tirés ! Ceci d'ailleurs me renforce dans l'idée, si cela devait être le cas, qu'à l'issue de ces 16 mois de cohabitation pourrie, vraiment l'enjeu, l'enjeu essentiel sera la réforme des institutions et çà c'est pas une petite affaire de calendrier électoral ou de quinquennat, c'est une réforme beaucoup plus profonde dont on a besoin et dont je parlerai dans cette campagne.
Olivier MAZEROLLE : Oui, en tout cas, donc vous n'êtes pas actuellement, au jour d'aujourd'hui, dans l'idée, comme vous l'étiez il y a deux mois, de demander au président de la République d'anticiper les échéances électorales ?
Alain MADELIN : Je crois qu'aujourd'hui c'est pas possible, je pensais qu'il y a deux mois, mais j'étais tout seul à dire cela, j'ai dit attention, je vois pas comment on va continuer comme cela, ça va être un climat totalement pourri sur la vie politique, délétère, on le voit, voilà et çà continue.
Olivier MAZEROLLE : Alors le calendrier électoral, et bien justement il y a ceux qui sont pour conforter les institutions comme Raymond BARRE, qui dit la cohabitation c'est une horreur, d'ailleurs ceux qui veulent maintenir les législatives avant l'élection présidentielle sont ceux qui se sont vautrés dans la cohabitation et qui ont dévoyé les institutions de la Vème république dés 1986, suivez mon regard, l'homme qui a été premier ministre de François MITTERRAND en 86 est aujourd'hui président de la République.
Alors, est ce que vous êtes d'accord avec cette analyse, faut-il préserver les institutions de la Vème ou au contraire tout bouleverser et laisser le calendrier tel qu'il est là ?
Alain MADELIN : D'abord manifestement cette modification du calendrier, c'est une convenance électorale pour Monsieur JOSPIN.
Il sait aujourd'hui qu'il n'a pas beaucoup de chances de gagner les élections législatives dans la mesure où l'instrument qui permettait de gagner les élections législatives pour les socialistes qui s'appelle le Front national est aujourd'hui, ne peut plus aujourd'hui jouer ce rôle.
Pierre-Luc SEGUILLON : Dans le registre des convenances, vous associez François BAYROU ?
Alain MADELIN : Non mais je dis que simplement tout le monde est un peu à contre emploi dans cette affaire. Que logiquement Lionel JOSPIN et François BAYROU devraient être pour le maintien des choses en l'état et que Jacques CHIRAC devrait être pour le retour aux institutions, l'orthodoxie des institutions de la Vème République, c'est à dire les présidentielles d'abord.
Patrick JARREAU : Et logiquement vous devriez être où vous ?
Alain MADELIN : Et bien moi je suis bien dans ma peau Monsieur JARREAU, parce que je suis l'héritier de ce courant républicain, indépendant, libéral et mes parlementaires dont vous souligniez tout à l'heure parfois qu'ils étaient divisés ou frondeurs sur ce point, sont totalement unanimes. Nous on pense que ce n'est pas une bonne chose. Retrouver l'esprit des institutions de la Vème république, attendez, on va être en 2002, la Vème république, je vous l'ai dit tout à l'heure, enfin cette concentration des pouvoirs à l'origine de la Vème république, c'était pas un bien, je ne veux pas revenir à cela, le problème c'est de savoir si le changement de calendrier veut nous faire faire un progrès, je dis que le changement de calendrier nous fait faire un bon en arrière alors que moi j'ai envie de faire un bon en avant dans une réforme plus ambitieuse de nos institutions.
Patrick JARREAU : D'accord mais expliquez-nous quand même une chose. Au début de cette émission, vous expliquiez que vous seriez probablement candidat à l'élection présidentielle parce que pour vous, disiez-vous, l'élection présidentielle, c'est le moment où se passe le grand débat d'orientation essentiel, fondamental en France. Et aujourd'hui vous dites l'élection présidentielle, elle peut très bien arriver après les élections législatives !
Alain MADELIN : Attendez, ce sont deux choses différentes. Un président de la république, il a besoin d'une majorité parlementaire bien évidemment. Mais cette majorité parlementaire, est ce que ça doit être une majorité de godillots élus sur son nom. Si vous dites cela, alors à ce moment là il y a confusion des pouvoirs. C'est à dire vous avez le pouvoir présidentiel qui est identique au pouvoir parlementaire. La confusion des pouvoirs, ce n'est jamais une bonne chose et c'est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire aujourd'hui de rééquilibrer nos institutions et de redistribuer les pouvoirs. La Vème république, on le voit bien dans cette crise politique et dans la crise politique qui va continuer avec cette cohabitation pourrie. La Vème république aujourd'hui est usée, bienvenue à la VI ème république enfin bienvenue à des institutions modernes dont la France a besoin en ce début.
Patrick JARREAU : Permettez-moi quand même, on parlait de 95 tout à l'heure, vous avez dit çà a été un échec, est ce que vous pensez que Jacques CHIRAC en 95-96 pouvait faire la politique pour laquelle vous vous étiez prononcé avec la majorité parlementaire qui était alors en place ?
Alain MADELIN : Oui.
Patrick JARREAU : Pourquoi ne l'a-t-il pas fait alors ?
Alain MADELIN : Ah c'est une autre question mais la réponse est oui.
Le problème de la cohabitation aujourd'hui, on dit mais il s'agit si on a la présidentielle d'abord d'éviter la cohabitation après, pourquoi ?
Enfin, s'en remettre à des astuces de calendrier pour espérer que les Français, à quelques semaines d'intervalle, vont faire le même choix, c'est jouer à la roulette russe !
Olivier MAZEROLLE : Mais attendez Monsieur MADELIN
Alain MADELIN : Je crois que la seule solution, si l'on veut éviter la cohabitation dans l'avenir, c'est d'aller beaucoup plus loin dans la réforme des institutions !
Olivier MAZEROLLE : Mais alors imaginons un instant que la droite remporte les élections législatives, comment pourriez vous espérer être ensuite élu président de la République avec des idées qui ne seraient pas partagées par la majorité des députés de droite qui auront été élus dans l'intervalle ?
Alain MADELIN : Non la légitimité politique qui l'emporte c'est la dernière élection. Et dans ce cas là et bien sur la légitimité politique qui est la vôtre, un débat avec les Français, vous dites, enfin la majorité
Si nous avions eu les élections législatives avant, je vais pas me mettre aux abonnés absents, moi je vais faire campagne pour qu'on gagne les élections législatives et cette majorité nouvelle qu'on aurait pu avoir dans les élections législatives, personne n'en a la propriété.
Olivier MAZEROLLE : Vous parlez au passé là, vous considérez que le calendrier est inversé, ça y est, c'est fait !
Alain MADELIN : Je considère hélas que c'est fini oui. Mais on verra bien mais je mènerai le combat jusqu'au bout sur ce point. Mais si je dis çà c'est que cette majorité j'en aurais été copropriété et puis ensuite il y aurait eu un débat et puis à partir de ce débat, si les Français majoritairement comme je l'espère font le choix que je souhaite, et bien à ce moment là, à partir de cette majorité là, vous choisissez le premier ministre qui correspond à cette sensibilité là, vous choisissez ensuite la composition du gouvernement et vous pouvez gouverner avec. Bon on va avoir un autre calendrier, je pense qu'on va avoir un autre calendrier, ça va tout changer bien évidemment, nous allons donc avoir des élections présidentielles d'abord et puis des élections législatives ensuite. Dans ce cas là, moi qui suis toujours pour l'union de l'opposition, parce qu'on a besoin de l'union de l'opposition, personne ne peut gagner tout seul, aucun parti ne peut gagner tout seul, aucun homme politique ne peut exercer le pouvoir tout seul. Et bien, ça veut dire qu'il faudra faire un vrai tous ensemble, pour le second tour, des élections présidentielles. Et sur la base de ce tous ensemble pour le second tour des élections présidentielles, nous ferons le tous ensemble pour le premier tour des élections législatives, c'est tout simple.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, vous aimez bien le choix des mots alors j'aimerais quand même connaître votre sentiment réel sur le président de la République parce qu'il est quand même en place à l'Elysée et vous allez faire campagne, pas contre lui mais enfin en tout cas pour essayer d'être devant lui
Alain MADELIN : Pas contre lui, contre JOSPIN !
Olivier MAZEROLLE : Alors il y a des moments quand même où vous utilisez des drôles de mots, vous dites il a des qualités personnelles, merci pour lui, mais il n'a pas de bilan, ou alors vous dites, oh ben je suis pas contre son bilan puisqu'il n'en a pas, mais je ne suis pas non plus contre son projet de 2002 puisque je ne le connais pas, c'est un peu élève médiocre non ?
Alain MADELIN : Non, ce sont des propos, c'est du téléphone arabe tout çà
Olivier MAZEROLLE : Comment le téléphone arabe, moi je lis des déclarations d'Alain MADELIN !
Alain MADELIN : Rapportées au deuxième degré. Voici mes déclarations si vous le voulez bien. Non, je ne crois que le président de la République, à l'évidence dans ce septennat n'a pas de bilan, la professionnalisation de l'armée, etc on pourra mettre un certain nombre de choses mais globalement Et donc il aura le moment venu, s'il est candidat, à défendre un projet et ce que je dis
Olivier MAZEROLLE : Oui mais enfin çà fait zéro au rendu des copies quand même ! Zéro au rendu des copies comme çà là ? Pas de bilan ?
Alain MADELIN : Non je ne porte pas la cohabitation à son crédit. Et ce que je dis ce sera projets contre projets alors s'il faut y aller pour décider l'avenir, moi je me sens parfaitement armé pour décider cela.
Olivier MAZEROLLE :
Mais attendez, pas de bilan, zéro encore au rendu des copies ? Lionel JOSPIN dit lui, moi j'ai un bilan !
Alain MADELIN : Attendez, ce que je dis dans le même temps, n'y cherchez pas de malice, ce que j'ai dit en même temps c'est qu'en revanche il a de grandes qualités personnelles, il a une expérience etc que je n'ai pas forcément les mêmes qualités et je n'ai sûrement pas la même expérience.
Olivier MAZEROLLE : Vous dites çà sans sourire ? Sans ironie ? Sans ironie ni condescendance ?
Alain MADELIN : Non, il a une stature, une expérience, des qualités personnelles que tout le monde connaît.
Patrick JARREAU : On l'a vu à l'uvre à Nice par exemple !
Alain MADELIN : Et puis s'agissant du bilan, ben non le bilan, enfin je sais pas, enfin j'en sais rien, moi je le vois pas en tout cas.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais 95-96 vous le passez à pertes et profits ?
Alain MADELIN : Quoi donc ?
Pierre-Luc SEGUILLON : 95-96, pertes et profits ?
Alain MADELIN : Non, on peut mettre dedans mais enfin c'est pas facile à faire, c'est pas facile de mettre à l'actif les présidentielles de 2002, la période 95-97 qui est en plus une période assez controversée.
Pierre-Luc SEGUILLON : A votre avis, est ce un handicap ou un avantage pour l'opposition que le président de la République se présente ou se représente en 2002 ?
Alain MADELIN : Vous cherchez à me piéger là !
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, je vous pose une question toute simple. Elle est simple. Vous répondez très clairement, allez-y !
Alain MADELIN : J'ai pas réfléchi, je vais y réfléchir.
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, non, dites moi çà !
Patrick JARREAU : En tout cas, çà ne paraît pas clair pour vous !
Alain MADELIN : De toute façon, ça ne dépend
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est une réponse d'hésiter !
Alain MADELIN : Est ce qu'il est capable de gagner contre Lionel JOSPIN, peut être !
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, non, ce n'est pas çà que je vous ai demandé !
Alain MADELIN : Ben si vous me demandez si c'est un avantage pour l'opposition, ben c'est l'avantage d'avoir quelqu'un qui est capable de gagner le cas échéant. Et bien oui, de ce point de vue là c'est un avantage. Mais c'est aussi sûrement un avantage qu'il y ait d'autres candidatures et notamment qu'il y ait ma candidature.
Pierre-Luc SEGUILLON : Etes vous bien sûr que ce soit un avantage pour un premier tour que de disperser les voix de l'opposition ?
Alain MADELIN : Oui, non, pas disperser, pas disperser, mais enfin s'il y a un candidat qui, dans l'opposition, est capable de faire 51 % des voix au premier tour à lui tout seul, et bien qu'il se nomme, qu'il se lève, je n'en vois pas.
Donc vous avez forcément besoin, dans toutes les élections présidentielles, toutes les élections présidentielles vous avez toujours plusieurs candidats au premier tour, je ne pense pas qu'il y aura en 2002 plus de candidats issus de l'opposition qu'il n'y a de candidats à gauche. Et bien çà, ça permet de faire respirer la démocratie et moi j'ai une vision, une idée, un projet, quelque chose que j'ai envie de dire dans cette campagne, c'est pour çà que je prends de l'élan pour le dire 16 mois avant, et bien je trouve légitime de pouvoir le dire.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Vous parliez de fracture morale tout à l'heure quand François BAYROU dit qu'il pourrait être le recours moral en 2002, qu'en pensez vous ?
Alain MADELIN : Je ne me situe pas comme çà, je veux dire c'est pas le recours parce que çà donne le sentiment que l'on se présente, que l'on pointe le doigt sur le président sortant, je vous ai dit qu'il ne fallait pas compter sur moi pour ce travail là.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, on parle souvent de libéralisme social ou libéralisme anglo-saxon, etc. votre libéralisme à vous en un mot, on le qualifierait comment, vous aimeriez qu'on le qualifie comment ?
Alain MADELIN : Ecoutez moi c'est le projet des modernes. Oublier le mot libéral s'il dérange et s'il vous dérange, oubliez le mot libéral mais c'est le projet des modernes, voilà tout simplement. Il y a aujourd'hui un besoin extraordinaire de réformes en France parce que ça fait... du temps de CHABAN déjà on parlait de la France bloquée, de la société bloquée, qu'est ce qu'on a vraiment débloqué depuis, pas grand chose. Et bien je crois qu'aujourd'hui, les réformes que l'on a pas faites, il y a un moment où il faut prendre conscience que le temps est venu de ces réformes et je me sens capable de porter ces réformes des temps modernes.
Olivier MAZEROLLE : Merci Monsieur MADELIN, c'était votre Grand Jury. La semaine prochaine nous recevrons Monsieur GAYSSOT, le ministre communiste des transports. Bonne soirée à tous.
(source http://www.rtl.fr, le 11 décembre 2000)
Olivier MAZEROLLE : Vous êtes en campagne pour les présidentielles, décidé à défendre vos idées jusqu'au bout. Pour vous, les thèses libérales sont celles qui collent le mieux à la réalité du monde d'aujourd'hui, mais votre candidature survient à un moment où la droite est en panne, à la recherche d'une union réclamée vainement depuis plusieurs années et au moment où surviens, ce que vous avez appelé, il y a quelques semaines, " une crise grave de confiance " en parlant des affaires.
Voilà pour le sujet de ce soir, avec le sommet de Nice qui continue. " Nous avons l'impression d'être sur un chemin de hallage ", vient de dire le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine.
Pierre-Luc SEGUILLON que vous avez pris à contre-pieds, parce qu'il est venu sans cravate, pensant que ça serait la même chose pour vous, mais vous portez cravate ce soir. Et Patrick JARREAU participe à ce grand jury, retransmis en direct sur RTL et LCI. Le Monde publiera dans son édition de demain, l'essentiel de vos déclarations.
Alors, commençons par Nice, si vous le voulez bien. Ce sommet n'est pas terminé. La France fait équipe avec l'Allemagne en lui accordant une place prépondérante en raison d'un plus grand nombre d'habitants, plus grand nombre de députés européens et puis aussi un pourcentage de prise en compte du nombre d'habitants dans les décisions qui seraient prises à la majorité qualifiée, ce qui donne à l'Allemagne un poids prépondérant, ce qui lui donnerait un poids prépondérant au cur de l'Europe.
On parle en ce moment du rapport de force et du noyau dur des intérêts des différents pays qui composent l'Europe.
Alain MADELIN : Ecoutez, j'étais à Nice à la veille du sommet, dans des sommets officieux, avec un certain nombre de dirigeants politiques, de ministres ou de Premiers ministres qui participent à ces réunions et tout le monde avait vraiment le sentiment que c'était mal engagé. Et qu'il y avait une sorte de vice de construction, et qu'en posant mal les questions, on ne pouvait apporter que de mauvaises réponses. Et ce qui se dessine ce soir, j'espère qu'on arrivera, mais ce qui se dessine ce soir, c'est un compromis rikiki, qui n'est absolument pas à la hauteur de l'enjeu.
J'étais intervenu à l'Assemblée nationale, dans le débat d'orientation, face à Lionel Jospin. Lionel Jospin avait, dans un discours qui manquait extraordinairement d'ambitions, parlé d'une présidence modeste et pragmatique. Côté modestie, en ce qui concerne le résultat, on va être servi.
En réalité, je crois que c'était extrêmement important ce sommet de Nice. Tout le monde sent bien qu'il y avait là un rendez-vous historique. HISTORIQUE, je pèse mes mots, parce que c'était le point de départ de la nouvelle Europe, de la grande Europe. Et là franchement, quel manque d'ambition, quel manque de projets, quel manque de vision, quel manque de souffle.
Enfin, quand même, voilà qu'on a la perspective de se retrouver ensemble, nous tous les Européens, à condition de faire quelques petits sacrifices par rapport à nos petits égoïsmes, pour construire la grande Europe de l'avenir, l'Europe de tous les Européens et voilà que l'on sombre dans les petits calculs et les petits chantages.
Patrick JARREAU : La faute à qui alors . A la présidence ?
Alain MADELIN : La faute à l'absence d'ambition. Je l'ai dit lors du discours de Lionel Jospin. Quand on n'a pas d'ambition, on n'a pas tellement
Olivier MAZEROLLE : Pas d'architecture, pas d'objectif, c'est ça ?
Alain MADELIN : Pas d'architecture. C'était un rendez-vous historique. Je pense d'ailleurs, pour ma part, que cela fait longtemps qu'on aurait dû avoir l'audace, celle du chancelier Kohl qui a fait la réunification allemande,. Qu'on aurait dû avoir l'audace d'associer politiquement l'ensemble des pays de l'Europe de l'Est au retour de leur voyage du communisme, à la chute du mur de Berlin. On ne l'a pas fait, voici qu'on les fait attendre et voici que l'Europe des riches est en train de chipoter leur place à ceux qui se pressent nombreux à la porte de l'Europe.
Je trouve que c'est indigne et on bricole. Alors, on est en train de se battre. On n'a pas posé tous les problèmes.
Tenez, une question : on veut construire la grande Europe, l'Europe de tous les Européens. Qui sont les Européens ? Quelles sont les frontières de l'Europe ? C'est une question qu'on aurait pu mettre sur le tapis.
Patrick JARREAU : La Turquie en fait partie ?
Alain MADELIN : Bien sûr que non.
Patrick JARREAU : Bien sûr que non ? Parce que ?
Alain MADELIN : Attendez, parce que la Turquie, c'est l'empire Ottoman, c'est tout ce que vous voulez. Moi, je souhaite. J'aime beaucoup la Turquie, je souhaite un traité d'association avec la Turquie, un traité de libre échange, un traité militaire, comme peut être d'ailleurs avec d'autres pays d'Afrique du Nord.
Patrick JARREAU : Parce qu'elle est musulmane ?
Alain MADELIN : On peut être musulman en Europe, il y a des tas de musulmans en Europe. Mais la Turquie, ni par l'histoire, ni par la géographie, ni par la culture, n'appartient à l'Europe. Enfin, où a-t-on été cherché cela ? D'ailleurs, le Premier ministre turc, lorsqu'on a dit : " vous allez peut être, être demain membre ? " Tant mieux, parce que si nous rentrons dans l'Europe, demain l'Europe va s'élargir plus loin, vers le Caucase, tenez-vous bien, vers l'Azerbaïdjan, vers l'Asie centrale.
Est-ce que c'est ça l'Europe ? Est-ce que c'est l'Europe que l'on veut ? Il y a-t-il eu un débat démocratique ? Il y a-t-il eu une discussion préalable ?
Voici que les Chefs d'Etat et la diplomatie française, monsieur Védrine qui semblait réticent, vient de donner son accord à ça. Ça se fait dans le dos des peuples. Tout le monde sait très bien que cela ne se fera pas, monsieur Jarreau, parce que les peuples européens n'en voudront pas. Parce qu'il y a une sorte de bon sens ce qui concerne les frontières de l'Europe.
Et on fait croire aux Turcs qu'ils pourront venir en Europe ? Je n'ai pas rencontré un dirigeant politique en Europe, qui m'ait dit : " oui j'y crois ".
On leur dit ça, comme ça, pour voir, pour l'instant. Mais on est en train de leur mentir. Alors, moi je préfère un bon traité.
Regardez les Etats-Unis. Quand les Etats-Unis ont proposé un traité d'association formidablement généreux au Mexique, mais ils n'ont pas proposé au Mexique d'être un Etat des Etats-Unis.
Donc, je veux dire que la question des frontières de l'Europe, elle n'a pas été posée. La question du fonctionnement du Vonseil européen, on parle de la Commission.
Olivier MAZEROLLE : La pondération des voix, dont vous parlez avec l'Allemagne.
Alain MADELIN : Avant même cela, monsieur Mazerolle, le Conseil européen. Vous savez que vous avez une présidence tournante tous les six mois.
Olivier MAZEROLLE : Oui, ça va être la Suède, maintenant, après la France.
Alain MADELIN : Oui, la Suède puis la Belgique. Mais ça veut dire que la France, nous retrouverons maintenant - on sera 30 ou 35 - nous allons retrouver la présidence de l'Europe dans : deux quinquennats, trois quinquennats ? Enfin, est-ce qu'on peut fonctionner comme ça ? Est-ce qu'il ne fallait pas poser la question aussi de la présidence de l'Europe ? Stabiliser la présidence ? Mettre dans le panier également des présidences de Conseil de ministres (ministres des finances, ministres des Affaires étrangères) plus stables.
Si on avait mis tout sur la table, je pense que l'on aurait pu sortir un projet plus ambitieux.
L'affaire de la pondération des votes. Vous savez que la France et l'Allemagne se battent.
Olivier MAZEROLLE : Enfin, elles ne se battent plus maintenant. Ça y est, ils se sont mis d'accord .
Alain MADELIN : Pour savoir qui sera premier.
Olivier MAZEROLLE : C'est une bonne nouvelle, quand on ne se bat pas avec les Allemands.
Alain MADELIN : Moi, je vais vous donner la réponse : dans dix ans, qui sera premier ? Ni la France, ni l'Allemagne. La Turquie ! Puisque c'est la Turquie qui aura 85 ou 88 millions d'habitants. Est-ce que ça sera l'Europe ?
Est-ce que le groupe principal en Europe doit être la Turquie. Je pense que franchement, là, on a fait ça dans le dos des peuples. Et on n'a pas posé les problèmes. La question de qu'est-ce que l'Europe, quelles sont les frontières de l'Europe, quels sont les pouvoirs que l'on délègue en Europe ? On en parlera plus tard.
Mais attendez, on va discuter comment on va pondérer les votes, mais pour quels pouvoirs, on nous racontera ça plus tard.
Je trouve que l'on a fait une profonde erreur et qu'il y a là une sorte d'incapacité d'une génération qui a eu des mérites extraordinaires, qui a fait ce qu'est l'Europe aujourd'hui et c'est une grande uvre. Moi je dis bravo à l'Europe et l'Europe nous a formidablement aidé, nous les Français, à sortir du dirigisme, de l'étatisme. Je suis passionnément Européen. Mais il y a une nouvelle Europe là qui est en train de se dessiner. La grande Europe, celle de tous les Européens et je crois que cette génération là, elle n'est pas capable de l'envisager.
Olivier MAZEROLLE : C'est Jacques Chirac que vous visez là, car il est le seul à représenter cette génération parmi les chefs d'Etat et de gouvernement.
Alain MADELIN : Si vous discutez avec Tony Blair, si vous discutez avec Guy Verhofstadt, le Premier ministre belge, ce sont des gens qui disent : " mais il faut associer plus étroitement la nouvelle Europe ".
Olivier MAZEROLLE : Vous voyez, vous en citez d'autres. Et Jacques Chirac lui, il fait partie de cette génération.
Alain MADELIN : Je vous vois venir monsieur Mazerolle. Je regrette que l'on n'ait pas associé depuis longtemps les pays de l'Europe de l'Est à la construction. Nous sommes en train de construire une maison commune. Grande maison, celle de tous les Européens et nous discutons entre petits architectes occidentaux, sans discuter avec ceux qui ont vocation à habiter avec nous, demain. Guy Verhofstadt, le Premier ministre belge qui est un ami, me disait qu'il allait faire dans sa présidence, 2ème partie de 2001, une grande convention avec les gouvernements, les institutions, les parlements de tous les pays, y compris les pays candidats. Voilà qui me paraît de bonnes méthodes. Je regrette qu'on ne l'ait pas fait plus tôt.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez. Vous intentez un procès, apparemment à la présidence française.
Alain MADELIN : Je redis aujourd'hui ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale il y a quelques mois.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, je précise ma question. Qu'est-ce qui revient à la présidence française, dans cet échec, enfin ce " compromis rikiki " pour reprendre votre expression . Et qu'est-ce qui revient à la volonté ou au manque de volonté des 14 ?
Alain MADELIN : Je n'en sais rien.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous mettez tout le monde dans le même panier.
Alain MADELIN : Ecoutez, je ne veux pas trier. Je n'en sais rien. Je dis simplement qu'à Nice, après l'échec d'Amsterdam, à Nice, je pense que l'on aurait dû avoir plus d'ambition. Et dessiner la nouvelle Europe. Poser tous les problèmes, plutôt que de partir dans des comptes d'apothicaires qui font qu'en ce moment on ne sait pas si on va sortir le compromis ou ne va pas sortir le compromis.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce qu'en les posant tous, on ne risquait pas de n'en résoudre aucun ?
Alain MADELIN : Je ne pense pas. Je pense au contraire, d'abord parce que premièrement, vous pouvez donner un peu de souffle, un peu de vision et ça entraîne quand même. Deuxièmement, parce qu'en posant tous les problèmes, vous avez plus de choses à échanger. Si vous stabilisez par exemple le Conseil des ministres des finances et puis vous assurez une présidence plus stable. Voilà quelque chose qui peut s'échanger avec d'autres pays.
Donc, je crois qu'au contraire, mettre tous les problèmes, permettait peut être d'avoir, de ne pas reporter à plus tard. Parce qu'on sait très bien qu'on va peut être régler là quelques problèmes de comptes d'apothicaires sur le calcul des voix ou sur le fonctionnement de la Commission, mais qu'il y a bien des problèmes qui vont rester, qui vont être renvoyés à plus tard.
Pierre-Luc SEGUILLON : Question : A partir du scénario le plus probable que vous avez décrit, c'est à dire le " compromis rikiki " auquel on va aboutir, est-ce que ce compromis rikiki va nous permettre de franchir le rendez-vous prochain, celui de 2002, c'est à dire celui du passage effectif à l'Euro ?
Alain MADELIN : Il n'y a pas de rapport entre les deux. Mais peut être, comme vous avez vu pour l'Euro, on a fait un calendrier. Comme nous avions fait un calendrier pour le marché unique du 1er janvier 1993. Est-ce que vous ne pensez pas que nous aurions pu faire un calendrier pour au moins les pays de l'Europe de l'Est, qui après la chute du mur de Berlin, sont candidats et frappent aux portes de l'Europe.
Ils attendaient cela. On ne leur offre pas. Vraiment, je trouve qu'il y a là une division de l'Europe. On est en train de reconstruire un mur, un mur de l'égoïsme entre les deux Europe et je trouve que ce n'est pas bien.
Patrick JARREAU : Mais vous ne parlez que de l'Europe dans ses rapports avec l'extérieur, sur les pays candidats. Mais à l'intérieur des 15 actuellement, est-ce que vous comprenez le point de vue de ceux qu'on appelle " les petits pays " qui ne veulent pas lâcher leur droit de veto et deuxièmement, est-ce que vous comprenez la revendication allemande que l'on tienne de la population dans l'équilibrage des droits de vote.
Alain MADELIN : Encore une fois, ceci n'a d'intérêt que si l'on considère dans la perspective de l'élargissement. Ce n'est plus la règle de fonctionnement à 15, ce sont les règles du fonctionnement à 30 que l'on a du mal à imaginer.
Patrick JARREAU : D'accord. Mais c'est à 15 pour l'instant que l'on a du mal à se mettre d'accord.
Alain MADELIN : Attendez, on n'est pas en train de se dire : " comment on aurait dû fonctionner il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans ". Il faut se projeter sur l'avenir. Comment on va fonctionner dans cette grande Europe de demain ?
Si vous parlez du droit de veto, cela va être un tout petit technique.
Olivier MAZEROLLE : Justement, sur la grande idée, grande question des majorités qualifiées qui est importante, c'est de savoir comment les décisions sont prises au sein de l'Europe. On voit que la France dit : " moi, je veux conserver mon droit de veto sur la diversité culturelle ". Les Anglais sur la fiscalité.
Alain MADELIN : Les Espagnols sur les fonds structurels, etc, etc.
Olivier MAZEROLLE : Comment on fait ? On doit abandonner nous la diversité culturelle ?
Alain MADELIN : Oui, on doit. Diversité. Appelez cela " préférence nationale " dans le domaine culturel, ça sera plus proche des choses. La préférence nationale. Je ne suis pas un défenseur de la préférence nationale. Maintenant, s'il s'agit de défendre notre culture, oui, il faut défendre notre culture. Mais ça n'est pas forcément dans le plus étroit protectionnisme que l'on peut le faire.
Olivier MAZEROLLE : Là, vous êtes en train de vous fâcher avec tout le monde du cinéma français.
Alain MADELIN : Non, avec une partie, peut être. Mais c'est déjà fait. C'est déjà fait. Je leur ai déjà souvent la remarque de savoir pourquoi, eux qui se disent très souvent de gauche, qui fustigent les thèses de la préférence nationale, sont-ils les premiers à les souhaiter pour eux-mêmes et pour leur industrie ? C'est une bonne question. On pourrait se la poser.
Olivier MAZEROLLE : Et comment on défend notre culture face au rouleau compresseur d'Hollywood ?
Alain MADELIN : Mais il y a d'autres moyens de la défendre. Regardez, il y a des tas de secteurs. Dans le secteur des dessins animés, on réussit à damer le pion aux Américains ou aux Japonais. Donc, on peut défendre sa culture. Qu'il faille des précautions, qu'il faille la défendre, la réponse est oui. Mais ce n'est pas forcément au moyen du droit de veto.
Alors, si vous voulez une réponse technique maintenant. Est-ce que l'on peut systématiquement inventer avec la majorité ? Non.
Est-ce que le droit de veto généralisé est une bonne chose ? Non plus. Parce que c'est la paralysie. Donc, il faut quelque chose entre les deux, et entre les deux, ça s'appelle la double majorité.
Moi, j'ai dîné avant hier soir avec Prodi. C'était la proposition de la commission, hein, la proposition de la Commission. J'espère que l'on va s'orienter un peu vers ça. C'était aussi la proposition de Valéry Giscard d'Estaing, c'était la mienne. La double majorité qualifiée. C'est à dire une majorité qualifiée en terme de nombres de voix des pays représentés au Conseil et aussi en terme de population. Et on aurait pu imaginer encore d'aller plus loin, mais c'est technique. Une super majorité qualifiée pour des domaines qui sont soumis au droit de veto de façon à donner quand même un moyen aux uns et aux autres de faire valoir leurs intérêts.
Vous savez, l'Europe, en réalité, elle progresse par consensus. Elle ne progresse pas comme ça, par bras de fer : " je t'oblige à Maintenant que j'ai 51, 60 % des voix, je contrains les autres peuples ". Ca, c'est la recette de l'explosion de l'Europe, ça ne marchera pas comme ça.
C'est donc par consensus. Alors, il faut empêcher le droit de veto, parce que je crois que le droit de veto, il paralyse l'Europe. Mais il faut quand même donner le moyen à ceux qui ont des intérêts, comme nous dans le domaine culturel, c'est vrai, comme l'Angleterre dans le domaine fiscal, de faire valoir leurs intérêts. C'est le principe de la double majorité qualifiée.
On est en train de tourner, paraît il, autour de cela, à cette heure ci. Je crois que l'on aurait pu l'envisager dès le départ.
Olivier MAZEROLLE : Dernière chose. Après ce qui va se passer demain, ou ce que l'on va apprendre, qu'est-ce qu'il convient de faire. Je parle pour un pays comme la France, sachant que c'est la Suède qui va présider l'Europe. Est-ce qu'il faut militer très vite pour une constitutionnalisation des traités ?
Alain MADELIN : Cela fait dix ans que j'ai proposé une constitution européenne. Le problème n'est pas de dire, constitution, constitution.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire, quand on se heurte à la volonté des autres. Parce que vous faites un grand discours sur l'Europe, qui est très enthousiasmant, mais on se dit : " il y a des contraintes dont vous ne tenez absolument pas compte ".
Alain MADELIN : Non, non. Constitution, constitution. C'est vous qui mettez un mot. Moi, j'essaye de voir qu'est-ce qu'on va mettre à l'intérieur de ce mot. C'est ce qui compte. L'Europe, elle n'est pas constitution. Elle a déjà des traités.
Pierre-Luc SEGUILLON : Il y en a 4.
Alain MADELIN : Et il y a 700 articles. Alors, peut être qu'on peut ramasser tout cela dans une quarantaines d'articles très courts qui auraient valeur de constitution.
Oui, sans doute, on y gagnerait en lisibilité. La question, elle est ailleurs. La question, elle est, pour l'Europe de demain, la grande Europe, comment mieux délimiter et limiter les pouvoirs confiés à l'Europe. C'est notamment l'application de ce qu'on appelle dans le jargon européen le principe de subsidiarité. On doit donner, faire remonter au niveau de l'Europe, que ce que l'on ne peut pas régler au niveau des Etats.
Garantir ce principe de constitutionnalité. Vous voulez une proposition très précise. Il faut avoir une Cour de constitutionnelle européenne.
Nous avons une Cour de justice, etc. Il faut une vraie Cour constitutionnelle, c'est une première étape d'une constitution européenne.
Olivier MAZEROLLE : Bien, monsieur Madelin, maintenant. Parlons de votre campagne. D'abord, vous êtes candidat ou pas ? On n'a pas très bien compris ?
Alain MADELIN :: Ecoutez, si je suis en campagne, c'est bien avec l'idée d'être candidat, monsieur Mazerolle.
Olivier MAZEROLLE : D'être candidat ?
Alain MADELIN : Ecoutez, les candidatures ne sont pas ouvertes. Mais je fais campagne et j'assume le fait de faire campagne. Il y a des tas de gens qui vous diront : " mais je ne serai peut être pas candidat, mais je ne fais pas campagne ". En réalité, tout le monde fait un peu campagne.
Patrick JARREAU : Mais vous, vous faites campagne pour vous ?
Alain MADELIN : Moi, j'assume. Oui, je fais campagne, parce que je pense. Je ne suis pas là pour figurer, je ne suis pas là pour témoigner. Je pense qu'en 2002, ce sera le premier grand débat de la France du nouveau siècle. Et, on va être désigné le premier président du nouveau siècle. Et je crois qu'un certain nombre d'idées de modernité que je porte depuis longtemps arrivent à maturité.
Et que les Français, lassés, par les blocages de leurs institutions politiques, auront - je l'espère - dans leur majorité, envie de puissants courants réformateurs que je peux représenter.
Patrick JARREAU : Mieux que ne le représentait celui que vous souteniez et dont vous rédigiez le programme en 95, c'est à dire Jacques Chirac ?
Alain MADELIN : Bien, si en 95, ça avait marché, je ne serai pas candidat aujourd'hui.
Olivier MAZEROLLE : Alors, il y a tout de même beaucoup de gens qui à droite, se posent la question de savoir si vous ne mettez pas un croc en jambe à votre propre camp, parce qu'en ce moment la droite patauge un peu. Elle ne trouve pas d'unité. Vous disiez " il ne faut pas crier ''constitution, constitution, constitution'' ", alors on dit : " union, union, union ", mais on ne la voit pas venir. Jacques Chirac est affaibli. C'est un peu un pavé dans la mare de la droite, là que vous jetez ?
Alain MADELIN : Ecoutez, il est normal que pour ce premier grand débat, le courant que je peux représenter et qui peut être majoritaire demain dans ce pays, mais il s'exprime. Et par nature, c'est le débat des élections présidentielles qui doit être le débat des idées, des visions, des projets, pour la France.
Je m'engage dans ce débat, avec énergie, avec appétit, avec envie de gagner. Mais, regardez bien la situation de la droite aujourd'hui. Ce que vous appelez la droite. J'ai le sentiment qu'elle a tendance parfois un peu à se replier, à se recroqueviller sur elle-même, sur le dernier carré d'électeurs. Qui parle des banlieues ? Qui parle des jeunes issus de la nouvelle immigration ? Qui parle des problèmes de société ? Qui défend les consommateurs, les usagers, les politiquement faibles ? On parle de la famille, mais il n'y a pas que les familles, il y a aussi les familles monoparentales, il y a aussi les personnes seules. Voilà, moi j'ai envie de parler de tout ça. J'ai envie d'élargir l'opposition.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous pensez que vous êtes le mieux placé pour être le candidat des exclus, des marginalisés, des laissés pour compte, aujourd'hui en France ?
Alain MADELIN : Bien placés, oui. Oui.
Olivier MAZEROLLE : Ce n'est pas l'image que vous avez. On se dit, les supporters d'Alain MADELIN, quand on leur parle de l'immigration, ils ne sont pas forcément prêts à dire : " c'est formidable, ouvrons les bras et faisons-en de bons Français ".
Alain MADELIN : Monsieur Mazerolle, peut être par mon parcours, mes origines, je ressens aujourd'hui la diversité de la France. Et je me sens capable de mettre un trait d'union. Le petit artisan qui travaille dur, qui n'a pas beaucoup de récompense d'ailleurs de son travail, et le chômeur ou la personne exclue. Ils n'ont pas des intérêts différents. Ils peuvent avoir des intérêts communs.
La vieille France, bien enracinée dans ses valeurs et dans ses traditions, elle existe bien sûr. Mais il y a une nouvelle France, de nouveaux Français qui sont là, qui sont impatients, qui ont envie d'aimer leur pays. Est-ce qu'on ne peut pas mettre des traits d'union entre tout cela ? Moi, je me sens capable d'exprimer tout cela à la fois et il me semble que la vieille politique, celle d'hier, celle du siècle dernier - on va dire bientôt - elle consistait à mettre des murs entre tout ça. Et aujourd'hui, on cherche peut être le moyen de faire vivre ensemble l'unité de la France, parce qu'on a besoin d'unité, mais dans la diversité.
Moi, je suis comme on dit, libéral. J'aime la liberté, passionnément la liberté, j'ai toujours défendu des solutions de liberté. Mais si j'aime la liberté, c'est parce que la liberté elle conduit naturellement à la diversité. Donc, il faut accepter la diversité de la France.
Et je me sens capable, oui, de représenter toutes les catégories de Français, à commencer peut être justement par celles et ceux qui sont aujourd'hui exclus, qui sont aujourd'hui victimes de la dépendance et de l'assistance et qu'on ne réussit pas à faire sortir de cette dépendance et de cette assistance. Regardez comment une proposition que je fais depuis des années, celle qu'on appelle " de l'impôt négatif ".
Olivier MAZEROLLE : Il faut expliquer d'ailleurs ce que c'est que l'impôt négatif, parce que ce n'est pas très
Alain MADELIN : L'impôt négatif, ça consiste à dire : " les gens qui sont enfermés dans l'assistance, plutôt que de les enfermer, de les payer à ne rien faire, quitte à avoir ensuite une sorte de barrière à l'entrée sur le marché du travail, s'ils retrouvent un travail, même s'il n'est pas très bien payé, on va leur donner un différentiel ". Au lieu qu'ils payent un impôt, c'est la fiscalité qui leur donne un revenu complémentaire pour leur permettre de vivre. Des tas de pays ont fait ça autour de nous, depuis déjà longtemps. Ça fait longtemps que je défends cette idée. Reconnaissez qu'aujourd'hui tout le monde On pense aujourd'hui que c'est une idée qu'il faut justement pour sortir les exclusions. Je pense avoir été parmi les premiers porteurs de cette idée en France, non ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Oui, mais alors, comment dissiper le contre sens qui existe peut être, à tort ou à raison, de la part de ces catégories qui quand elles vous considèrent, se demandent si vous n'incarnez pas un libéralisme économique qui est associé à la mondialisation et qui est associé à tous les malheurs qui leur adviennent ?
Alain MADELIN : Vous avez un réflexe de nomenklatura.
Olivier MAZEROLLE : Non, non, je n'ai pas de nomenklatura. Je vous demande, je vous pose une question, ce n'est pas un réflexe.
Alain MADELIN : Attendez, vous vous faites l'interprète, vous me prêtez une vision des choses et vous vous faites l'interprète d'une sorte de politiquement correct. Moi, je ne le crois pas. Je pense que les gens qui sont en bas de l'échelle sociale, ils ont compris que le système tel qu'il était, bloqué aujourd'hui, c'est le système qui leur bloque leur chance aussi. Et quand on libéralise, quand on laisse un peu d'air, comme ça, pour ceux qui veulent créer, innover, faire quelque chose, on multiplie les chances, justement de ceux qui sont en bas de l'échelle.
Olivier MAZEROLLE : Mais ça, ça leur fait peur. Ils voient la fin de la protection sociale, la fin de la garantie de l'emploi, la fin des montées des minima sociaux.
Alain MADELIN : Mais pourquoi ? Parce que vous voulez faire peur.
Olivier MAZEROLLE : Ah non, non, rien du tout. Je vous écoute.
Alain MADELIN : Ecoutez, moi je suis prêt à aller où vous voulez, avec vos caméras, avec vos micros et puis on va faire un débat dans la plus déshéritée des banlieues et les gens comprennent. Vous savez, je passe du coq à l'âne, mais je m'intéresse à l'Afrique, beaucoup, passionnément. Parce que c'est le continent le plus pauvre, c'est le continent oublié.
Et en Afrique, je m'intéresse aux endroits les plus pauvres, les bidonvilles.
J'y vais, j'y mène des actions, etc. Et les gens, ils ont parfaitement compris.
Vous avez une sorte de réflexe qui consiste à croire que les idées de la liberté, la liberté c'est bon pour ceux qui sont en haut.
Mais ceux qui sont en haut, ils n'ont pas envie de liberté, ils ont envie de bloquer les places. Parce que quand il y a la lutte pour les places, eux ils s'en tirent toujours bien et leurs enfants, ils s'en tirent toujours bien.
Je vais prendre un exemple. Tenez : parce qu'il faut être concret.
La carte scolaire : je propose la suppression depuis longtemps de la carte scolaire. Dans une rénovation de l'école. Liberté aux chefs d'établissements, aux équipes enseignantes de faire une meilleure école. Et liberté pour les parents de choisir l'école de leurs enfants.
Patrick JARREAU : Oui, mais ça, la conséquence de ça, c'est quoi ? C'est que les enfants de riches vont dans les écoles pour riches, et que les enfants des pauvres vont dans les écoles qui restent.
Alain MADELIN : Monsieur Jarreau, vous pouvez dire ça sans rire.
Patrick JARREAU : Oui, oui, malheureusement, c'est la réalité.
Alain MADELIN : Vous avez lu Allègre ? et bien d'autres ? Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Est-ce que les enfants des riches vont dans les écoles des pauvres ? Est-ce que c'est ça aujourd'hui ?
Vous savez très bien qu'à l'heure actuelle, les enfants des riches, ils vont dans les écoles des quartiers riches. Et que les enfants d'enseignants, on leur fait des classes un petit peu à part, avec de bons enseignants, etc. Et ce qui se passe, à l'heure actuelle, c'est que ce sont les enfants des cités ghettos qui sont assignés à résidence dans les écoles ghettos.
Et voyez vous, cette idée que vous ne comprenez pas vous, lorsque vous faites des sondages, vous vous apercevez : les classes dirigeantes disent : " non, la carte scolaire, c'est très bien ". Mais ceux qui sont pour, ce sont les catégories ouvrières, les catégories délaissées, même l'électorat du parti communiste est majoritairement pour. Parce qu'eux, ils ont compris ce que vous ne comprenez pas. C'est que la liberté scolaire, la liberté de choisir l'école de son enfant, quand on est en bas de l'échelle sociale, dans le quartier le plus déshérité de la plus déshéritée des banlieues, et bien cette liberté, si on peut l'exercer, on donne une meilleure chance à ses enfants.
Alors, oui la liberté. Moi, je suis prêt à défendre tout ça. Et je pense que ça pourra être entendu dans les campagnes.
Patrick JARREAU : Est-ce qu'au-delà de l'école, parce qu'au fond l'image que vous avez, elle n'est pas imméritée, c'est d'être plutôt un pourfendeur de l'Etat. Qu'est-ce qui aujourd'hui, dans la société d'aujourd'hui telle que vous la concevez, doit rester à l'Etat ou au collectif ?
Alain MADELIN : J'essaierai de faire campagne sur deux thèmes.
Le première thème, c'est bien sûr aérer la société, plus de liberté.
Mais le deuxième thème, vous avez raison monsieur Jarreau, c'est construire ou reconstruire un Etat moderne.
L'enjeu aujourd'hui et je crois que ça sera l'enjeu clef de la prochaine élection présidentielle. L'enjeu, c'est la reconstruction d'institutions modernes. Tout le monde comprend bien que la société elle est vivante, elle est dynamique. Ce qui ne marche pas aujourd'hui, c'est l'Etat. Et la crise que nous vivons, ce n'est pas une crise de la société, c'est une crise de notre système politique et de nos institutions. Par rapport à d'autres pays, nous avons un Etat beaucoup plus centralisé, beaucoup plus lourd, beaucoup plus coûteux. Je pourrai y revenir. Mais qui fait que l'Etat n'assure plus les missions qui sont les siennes.
Patrick JARREAU : Quelles sont-elles ? Qu'est-ce que l'Etat doit garantir aujourd'hui ?
Alain MADELIN : On va prendre un exemple monsieur Jarreau. Justice-police. Voilà deux missions essentielles. Quand vous êtes dans une banlieue un peu difficile, et que vous rentrez tard le soir ou que votre fille rentre tard le soir, elle n'est pas là, vous avez peur. Vous avez déjà eu peur, vous avez déjà eu peur pour vos enfants ?
Et bien, il y a des gens qui ont peur tous les jours.
Justice-police. Vous savez combien la France consacre au total de ces deux budgets ? Moins que pour le déficit de la SNCF. Deux fois moins que pour la facture des 35 heures. C'est ça un Etat moderne ? Un Etat moderne, c'est un Etat qui assure ses vraies fonctions à commencer par la justice.
Patrick JARREAU : Mais alors, puisque vous parlez des transports, est-ce que les transports urbains, les transports de ville à ville, est ce que ça fait partie, selon vous, des missions de service public que l'Etat doit assurer directement ou par délégation ?
Alain MADELIN : Par délégation et pas forcément l'Etat. ça m'incite à un deuxième point. L'Etat doit assurer ses missions et pour le reste, redistribuer très largement ses pouvoirs. C'est tout l'enjeu de la régionalisation, cette redistribution audacieuse.
Olivier MAZEROLLE : mais ça reste public ?
Alain MADELIN : Bien sûr. Ou délégation aux concessions privées, peu importe. Dans cette campagne, je vais être très audacieux dans les propositions. Mais je ne proposerai rien d'autre que ce qui a été déjà fait, expérimenté avec succès, par nos partenaires autour de nous, en Europe.
Olivier MAZEROLLE :Tout de même monsieur MADELIN, lorsque vous étiez sur la Côte d'Azur l'autre jour et que vous avez parlé de ces enfants venus d'Algérie qui sont devenus français, on ne peut pas dire que l'enthousiasme ait retenti dans la salle. Lorsque vous vous abstenez sur le PACS, vos partisans ne savent plus très bien où ils en sont. Quand vous parlez des drogues douces comme si ce n'était pas quelque chose de véritablement calamiteux
Alain MADELIN :Vous cherchez à me fâcher avec tout le monde là monsieur Mazerolle.
Olivier MAZEROLLE :Vos partisans non plus ne sont pas... Alors vous vous adressez à tous les publics. Comment allez vous transcender ces séparations électorales habituelles parce que vous nous parliez tout à l'heure des électeurs du parti communiste qui sont d'accords avec vous sur certains points, n'empêche qu'ils votent toujours communiste, ils ne votent pas Alain MADELIN ! Comment espérez-vous faire franchir les frontières habituelles dans l'esprit des électeurs ?
Alain MADELIN : Dans les exemples, on peut pas parler de tout, dans les exemples que vous avez donnés, je ne vais retenir que le premier. J'ai effectivement parlé à la communauté " pieds noirs ", je lui ai parlé de l'Algérie, des conditions dans lesquelles elle était revenue, j'ai parlé aussi des harkis, lâchement abandonnés par la France, dans des conditions qui aujourd'hui vaudraient à ces ordres qui ont été donnés, un tribunal pénal international. Il y a un devoir de mémoire, j'ai dit cela. Il y a peut être même un devoir de justice, j'ai dit cela aussi et dans le même temps vous savez, ceux qui ont vécu en Algérie avec des Algériens qui sont aujourd'hui devenus algériens mais restés en Algérie mais qui étaient français à l'époque et puis qui voient aussi des enfants venus fuir la misère, la dictature de l'Algérie et s'enraciner tant bien que mal en France. Je crois que mieux que d'autres ils sont capables de comprendre ce que je suis en train de dire. Voilà ils ont aussi un peu de soleil d'Algérie les uns et les autres dans leur cur, des racines un peu différentes mais pour une part commune et je ne suis pas sûr que ce langage n'ait pas été compris par eux, peut être même encore plus facilement par eux que par d'autres.
Alors voilà, j'essaie d'expliquer çà, je dis ben voilà il y a une nouvelle génération qui est là, ils sont français, ils ont envie d'être français à part entière, et bien bienvenue, bienvenue !
Patrick JARREAU :Vous parliez tout à l'heure d'une droite trop repliée sur elle-même et pas assez ouverte sur le monde et sur la société d'aujourd'hui telle qu'elle change.
Or, comme le rappelait Olivier MAZEROLLE, sur des sujets comme le PACS par exemple ou la question des drogues douces, ou d'autres, le parti que vous dirigez est un parti conservateur, alors comment se fait-il que vous n'arriviez pas à lui faire comprendre à lui qui vous a choisi pour président, ce que vous voulez faire comprendre aux autres ?
Alain MADELIN :D'abord premièrement, je crois que sur l'affaire du PACS, on peut avoir des divergences mais mon parti n'a pas été outrancier, il s'est exprimé dans un sens un peu différent du mien mais c'est pas dans mon parti que vous allez trouver des outrances et à la fin et avec le temps, on s'aperçoit que le PACS était un vrai problème et sans doute pas un très bonne solution, bon ben voilà, donc je crois qu'il faut parfois laisser un peu de temps au temps, il m'arrive parfois aussi d'être un peu en avance parce que j'essaie de vivre vraiment avec mon époque mais ces questions de société trop souvent, on ne sait pas les régler en débat pacifique, on les fait monter en affrontement.
Je crois au rôle des hommes d'Etat et si je suis candidat à la présidence de la République, c'est avec le sens de la responsabilité que cela peut demander. Je crois que sur des sujets comme ceux là, il ne faut pas se jeter l'anathème, il faut trouver les procédures qui permettent de débattre sereinement et de trouver des solutions sans guerre civile.
Pierre-Luc SEGUILLON :Tout à l'heure vous avez parlé d'un...
Alain MADELIN : D'autres pays le font autour de nous, encore une fois ce que je dis n'est pas extraordinaire, d'autres pays le font.
Pierre-Luc SEGUILLON :Tout à l'heure vous avez parlé de la nécessité de décentraliser, de donner tout le pouvoir nécessaire aux régions. Actuellement il y a ce processus de Matignon qui a été consacré par un avant projet de loi qui a été soumis à l'Assemblée Corse, est ce que lorsque ce projet de loi va venir en discussion au Parlement, vous allez encourager vos amis de l'opposition à le ratifier ?
Alain MADELIN :J'ai soutenu la démarche de José ROSSI en Corse et je ne le regrette pas.
Patrick JARREAU :Alors est ce que vous soutenez la démarche de Lionel JOSPIN en Corse ?
Alain MADELIN : Avec l'idée que c'était un avant goût mais qu'il ne fallait pas faire une démarche isolée pour la Corse mais qu'il fallait faire une politique de régionalisation pour l'ensemble des régions françaises.
Pierre-Luc SEGUILLON :Je peux me permettre une parenthèse, tout à l'heure vous avez dit, il faut expérimenter les choses avant de les généraliser, vous l'avez dit non ?
Alain MADELIN : Non j'ai pas dit çà !
Pierre-Luc SEGUILLON :Si, si, à propos de...
Alain MADELIN :Non, non, je vous ai dit tout à l'heure, je ne proposerai rien qui n'ait déjà été expérimenté ailleurs avec succès, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. La régionalisation, à l'évidence en Europe, tous les pays vivent avec une régionalisation vivante.
Patrick JARREAU :Donc nous sommes en retard !
Alain MADELIN : Bien sûr nous sommes en retard.
Patrick JARREAU :Donc la Corse est une avancée bienvenue alors ?
Alain MADELIN : Le général De Gaulle n'avait-il pas lui-même souhaité en 1969 l'avènement des régions. Que de temps, que de temps perdu !
Olivier MAZEROLLE :Ca ne lui a pas réussi !
Alain MADELIN : Oui il était aussi peut être en avance sur son temps. La Corse, quand je regarde le projet JOSPIN, franchement aujourd'hui j'ai envie de le recaler.
Patrick JARREAU : Pourquoi ?
Alain MADELIN : Trop timide.
Olivier MAZEROLLE : Trop timide ?
Alain MADELIN : Trop timide !
Olivier MAZEROLLE : Et bien dites moi, ce qu'on entend habituellement c'est plutôt au contraire violation de la constitution, démantèlement du pays...
Alain MADELIN : Mais non, il n'y a rien, il n'y a rien dedans, il n'y a rien !
Olivier MAZEROLLE : Il n'y a rien ?
Alain MADELIN : On a grignoté quelques pouvoirs. Les ministères, tout le monde le dit d'ailleurs, les ministères ont été sollicités pour donner des pouvoirs à la Corse...
Olivier MAZEROLLE : Vous êtes sous influence de José ROSSI ! Il vous a téléphoné encore tout à l'heure !
Alain MADELIN : Et puis on n'a rien donné. La seule chose qu'on a donnée, la seule chose que l'on a donnée c'est les HLM qu'on a laissé à la Corse et pour le reste les ministères ont le pied sur le frein dans une vraie décentralisation. Voilà, bon enfin bon, néanmoins çà s'inscrit...
Patrick JARREAU : Donc vous allez voter contre parce que çà ne va pas assez loin !
Alain MADELIN : Non, je ne vous ai pas dit çà.
J'ai dit que çà s'inscrivait dans le bon sens ce projet et in fine, on va regarder, quand on va regarder ce projet à la loupe, on va s'apercevoir qu'il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat et que c'est pas la peine de dire que la République est menacée par ce projet parce que ce n'est pas vrai, sauf peut être un point et je déposerai peut être moi-même un amendement à l'article 7 de ce projet, c'est sur l'enseignement du corse, l'enseignement du corse doit être une liberté mais ça ne doit pas être une obligation, c'est pas une obligation droite là mais c'est une obligation de fait puisque vous savez que ce texte dit, voilà on enseigne le corse et puis si les parents sont pas d'accords, et bien ils peuvent toujours le dire.
Patrick JARREAU : Donc vous êtes d'accord avec Jean-Guy TALAMONI quand il lançait vendredi, quand il lançait " la République n'est pas menacée ", vous êtes d'accord avec lui sur ce point ?
Alain MADELIN : La République n'est pas menacée par ce texte là bien évidemment, c'est un texte qui enracine la Corse dans la république bien sûr.
Olivier MAZEROLLE : Bon, ben écoutez, ce n'est pas le jugement que l'on entend habituellement porté à droite sur ce texte.
Alain MADELIN : Mais attendez, mais il faut savoir... Est ce que la droite va arriver demain...
Olivier MAZEROLLE : Jean-Pierre CHEVENEMENT lui-même était horrifié !
Alain MADELIN : Attendez, vous restez à droite !
Olivier MAZEROLLE : Non mais attendez parce que vous avez l'air de... Vous avez l'air de dire, ah les arguments de droite ne sont pas valables donc j'essaie de vous en trouver un autre !
Alain MADELIN : Non, je ne dis pas cela, je vous ai dit que tous les programmes de la droite, déjà depuis des années sont plus audacieux en matière de décentralisation que ce que propose Monsieur JOSPIN pour la Corse.
Olivier MAZEROLLE : Mais qu'est ce qui manque dans le projet de Monsieur JOSPIN sur la Corse ?
Alain MADELIN : Attendez, vous avez eu pratiquement dans le même temps un excellent exercice qui a été fait par la région Bretagne, qui a fait toute une série de propositions votées par la majorité de la région Bretagne pour une vraie régionalisation, alors nous on met la formation professionnelle, on met la culture, on met l'environnement, on met l'enseignement dans la décentralisation. Regardez autour de nous, comment cela se passe dans les autres pays, le drame de la France, la maladie française, c'est cette concentration extraordinaire des pouvoirs au sommet, si cela encore était efficace, on dirait très bien, mais cela est en plus inefficace, coûteux, sclérosant et paralysant.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, concrètement ça veut dire quoi une régionalisation telle que vous la souhaitez ou telle qu'elle serait souhaitable pour la Bretagne par exemple comme pour d'autres régions sur le plan de l'éducation nationale et des universités. Très concrètement, çà veut dire quoi ?
Alain MADELIN : Dans les pays qui ont décentralisé autour de nous, vous pouvez regarder, tout le monde décentralise sous des formes un peu diverses ses établissements d'enseignement. Cela veut dire que la coordination se fait au niveau régional mais il était bien entendu que dans mon esprit, d'ailleurs je l'ai souvent dit, que l'éducation n'a pas vocation seulement à être régionalisée, les établissements ont vocation a être autonomisés. Si vous prenez les universités, le modèle des universités qui marchent, on les connaît, c'est le modèle des l'universités libres, autonomes, concurrentes...
Pierre-Luc SEGUILLON : Financées par ?
Alain MADELIN : Financées bien évidemment par l'Etat pour une large part, pas seulement d'ailleurs par l'Etat parce qu'il faut d'autres financements, financées par l'Etat mais pas forcément par l'Etat national, financées par les régions qui disposent des ressources propres pour financer leurs universités et croyez moi les quelques universités libres et autonomes qui ont pu être faites à l'initiative des collectivités locales, ça marche. J'étais encore il y a quelques jours à Sofia Antipolis, on parlait des formations de... on a des pénuries d'informaticiens, et bien là en toute liberté, parce qu'ils ont pas eu de contraintes, ils ont pu réussir à préparer les informaticiens de demain dont on a besoin.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, autre chose, il y a deux mois, après la publication par le journal Le Monde du script de la cassette MERY, vous disiez il existe en France une grave crise de confiance, il faut que le président de la République rende la parole aux électeurs. Après maintenant l'affaire des lycées de la région Ile de France, vous dites quoi ?
Alain MADELIN : La crise de confiance s'aggrave. Il y a un éditorialiste l'autre jour qui disait que la prochaine élection présidentielle cette fois ci elle se ferait peut être sur la fracture morale. C'est un problème grave, est ce que vous me permettez une analyse ? Et peut être un remède.
Au-delà de la justice bien évidemment qui a à faire son travail, pourquoi en est on arrivé là ? Et pourquoi dans d'autres pays, la corruption elle est de tous les régimes, de tous les pays et de toutes les époques mais plus ou moins grave.
Dans gravité en Europe, vous avez l'Italie et puis aujourd'hui semble-t-il, la France. Pourquoi en est-on arrivé là ? A mon avis c'est la... heureusement c'est la queue de comète mais d'un système politique que j'ai toujours condamné, celui de cette concentration des pouvoirs au sommet. Revenez au début des institutions de la Vème République : l'exécutif, le président, le gouvernement, l'administration, le Parlement, les godillots mais aussi au début la justice, la télévision, tout çà était dans les mêmes mains.
Ceci explique que la France a été de plus en plus étatisée et sans doute de moins en moins gouvernée.
Ceci explique qu'il y a une sorte de captation du pouvoir par une sorte d'élite qui a dit c'est mon pouvoir et qui s'est crue au-dessus des lois et le sommet de ce système ça a été sans doute pendant la période MITTERRAND, aujourd'hui on tourne la page mais il y a bien des affaires qui remontent de cette époque où effectivement beaucoup se sont crus au-dessus des lois.
Patrick JARREAU : Monsieur MADELIN, un mot quand même, dans les affaires qu'on vient d'évoquer qui sont celles qui font l'actualité aujourd'hui, il n'est pas question de pouvoir d'Etat, il est question du conseil régional d'Ile de France, il est question de la mairie de Paris mais il n'est pas question de l'Etat !
Alain MADELIN : Bien sûr mais pardonnez moi mais j'ai essayé de faire un... d'expliquer comment était la captation du pouvoir au sommet de l'Etat, y compris par un parti, celui du président, qui fait qu'à un moment donné on se croit tout permis et que l'on estime qu'on n'a de comptes à rendre à personne, que la justice, on réussira toujours à la faire taire, que la télévision n'en parlera pas et quand on a vécu longtemps comme çà, et bien ceci, par capillarité, descend jusque dans les collectivités locales, notamment à la faveur de la décentralisation.
Pierre-Luc SEGUILLON : Le remède ?
Alain MADELIN : Ce que je dis, c'est que les institutions sont plus ou moins corruptibles, plus ou moins corruptibles. J'ai eu la charge du ministère du commerce pour ma part, et vous vous souvenez qu'on a longtemps parlé des grandes surfaces et des autorisations de complaisance qui servaient à alimenter les caisses des partis politiques. J'ai réformé le mécanisme d'autorisation, au-dessus de tout soupçon, et depuis vous n'entendez plus parler de ce genre d'affaires. Ceci pour dire que les institutions elles-mêmes, elles sont extrêmement importantes et que la justice indépendante, un vrai pouvoir judiciaire indépendant et des institutions décentralisées, un nouveau mode d'exercice du pouvoir me paraît être aujourd'hui le moyen de tourner la page.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais çà c'est le traitement de fond, d'accord, mais il y a des moments où en attendant que le traitement de fond fasse son effet, il faut arriver à sortir tant bien que mal d'une situation mauvaise. Alors le remède concret aujourd'hui pour que est ce que vous pensez que le président de la République doit prendre une initiative, doit s'exprimer, que Lionel JOSPIN doit faire quelque chose...
Alain MADELIN : Non, demander au président de la République de s'expliquer, je vois le petit ballet là ! C'est faire peser sur lui une sorte de présomption de culpabilité, je ne participerai pas à la danse du scalp autour de l'Elysée.
D'ailleurs au nom de quoi on lui demande de s'expliquer, dans les affaires des lycées de la région parisienne ? En tant qu'ex-président du RPR ? Bien, alors à ce moment là il faut que l'ex-patron du parti socialiste, Monsieur Lionel JOSPIN, s'explique tout autant.
Patrick JARREAU : Et celui du parti républicain ?
Alain MADELIN : S'explique tout autant !
Patrick JARREAU : Et celui du parti républicain ?
Alain MADELIN : Mais écoutez toutes ces affaires ont concerné tous les partis, tous les partis !
Patrick JARREAU : D'accord, donc y compris le parti républicain c'est à dire votre parti !
Alain MADELIN : Non, écoutez mon parti, pardonnez-moi Monsieur JARREAU...
Patrick JARREAU : Ce fut !
Alain MADELIN : Ce fut, mais mon parti, celui dont j'assume aujourd'hui la totale responsabilité, c'est démocratie libérale. Nous avons voulu tourner une page
Patrick JARREAU : Qui est l'héritier du parti républicain !
Alain MADELIN : Oui enfin l'héritier, pas l'héritier de la fortune, l'héritier des dettes ! Et mon trésorier, c'est un magistrat qui s'est notamment illustré dans la lutte contre la corruption, Thierry JEAN-PIERRE que je remercie tous les jours d'avoir accepté cette lourde responsabilité, ce qui fait que ma formation politique aujourd'hui est, elle aussi au-dessus de tout soupçon.
Donc le problème aujourd'hui c'est de savoir si le président de la République doit s'expliquer, moi je ne dis pas cela parce que c'est participer, il fait ce qu'il veut et je crois que la position du président de la République est assez difficile aujourd'hui dans une cohabitation qui file un mauvais coton pour ne pas avoir envie d'ajouter à ces difficultés.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors justement, est ce que Je reprends ce que vous demandait Olivier MAZEROLLE tout à l'heure, les choses se sont encore dégradées depuis un certain temps, est ce que l'on peut, vous qui dites, qui êtes partisan de solutions radicales en général, est ce qu'on peut continuer 16 mois comme çà ?
Alain MADELIN : Je ne le pense pas. Je ne sais pas comment on en sort ! Je suis comme vous, je ne sais pas comment on en sort. Mais, enfin quand même, vous vous rendez compte, 16 mois encore de cohabitation à couteaux tirés ! Ceci d'ailleurs me renforce dans l'idée, si cela devait être le cas, qu'à l'issue de ces 16 mois de cohabitation pourrie, vraiment l'enjeu, l'enjeu essentiel sera la réforme des institutions et çà c'est pas une petite affaire de calendrier électoral ou de quinquennat, c'est une réforme beaucoup plus profonde dont on a besoin et dont je parlerai dans cette campagne.
Olivier MAZEROLLE : Oui, en tout cas, donc vous n'êtes pas actuellement, au jour d'aujourd'hui, dans l'idée, comme vous l'étiez il y a deux mois, de demander au président de la République d'anticiper les échéances électorales ?
Alain MADELIN : Je crois qu'aujourd'hui c'est pas possible, je pensais qu'il y a deux mois, mais j'étais tout seul à dire cela, j'ai dit attention, je vois pas comment on va continuer comme cela, ça va être un climat totalement pourri sur la vie politique, délétère, on le voit, voilà et çà continue.
Olivier MAZEROLLE : Alors le calendrier électoral, et bien justement il y a ceux qui sont pour conforter les institutions comme Raymond BARRE, qui dit la cohabitation c'est une horreur, d'ailleurs ceux qui veulent maintenir les législatives avant l'élection présidentielle sont ceux qui se sont vautrés dans la cohabitation et qui ont dévoyé les institutions de la Vème république dés 1986, suivez mon regard, l'homme qui a été premier ministre de François MITTERRAND en 86 est aujourd'hui président de la République.
Alors, est ce que vous êtes d'accord avec cette analyse, faut-il préserver les institutions de la Vème ou au contraire tout bouleverser et laisser le calendrier tel qu'il est là ?
Alain MADELIN : D'abord manifestement cette modification du calendrier, c'est une convenance électorale pour Monsieur JOSPIN.
Il sait aujourd'hui qu'il n'a pas beaucoup de chances de gagner les élections législatives dans la mesure où l'instrument qui permettait de gagner les élections législatives pour les socialistes qui s'appelle le Front national est aujourd'hui, ne peut plus aujourd'hui jouer ce rôle.
Pierre-Luc SEGUILLON : Dans le registre des convenances, vous associez François BAYROU ?
Alain MADELIN : Non mais je dis que simplement tout le monde est un peu à contre emploi dans cette affaire. Que logiquement Lionel JOSPIN et François BAYROU devraient être pour le maintien des choses en l'état et que Jacques CHIRAC devrait être pour le retour aux institutions, l'orthodoxie des institutions de la Vème République, c'est à dire les présidentielles d'abord.
Patrick JARREAU : Et logiquement vous devriez être où vous ?
Alain MADELIN : Et bien moi je suis bien dans ma peau Monsieur JARREAU, parce que je suis l'héritier de ce courant républicain, indépendant, libéral et mes parlementaires dont vous souligniez tout à l'heure parfois qu'ils étaient divisés ou frondeurs sur ce point, sont totalement unanimes. Nous on pense que ce n'est pas une bonne chose. Retrouver l'esprit des institutions de la Vème république, attendez, on va être en 2002, la Vème république, je vous l'ai dit tout à l'heure, enfin cette concentration des pouvoirs à l'origine de la Vème république, c'était pas un bien, je ne veux pas revenir à cela, le problème c'est de savoir si le changement de calendrier veut nous faire faire un progrès, je dis que le changement de calendrier nous fait faire un bon en arrière alors que moi j'ai envie de faire un bon en avant dans une réforme plus ambitieuse de nos institutions.
Patrick JARREAU : D'accord mais expliquez-nous quand même une chose. Au début de cette émission, vous expliquiez que vous seriez probablement candidat à l'élection présidentielle parce que pour vous, disiez-vous, l'élection présidentielle, c'est le moment où se passe le grand débat d'orientation essentiel, fondamental en France. Et aujourd'hui vous dites l'élection présidentielle, elle peut très bien arriver après les élections législatives !
Alain MADELIN : Attendez, ce sont deux choses différentes. Un président de la république, il a besoin d'une majorité parlementaire bien évidemment. Mais cette majorité parlementaire, est ce que ça doit être une majorité de godillots élus sur son nom. Si vous dites cela, alors à ce moment là il y a confusion des pouvoirs. C'est à dire vous avez le pouvoir présidentiel qui est identique au pouvoir parlementaire. La confusion des pouvoirs, ce n'est jamais une bonne chose et c'est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire aujourd'hui de rééquilibrer nos institutions et de redistribuer les pouvoirs. La Vème république, on le voit bien dans cette crise politique et dans la crise politique qui va continuer avec cette cohabitation pourrie. La Vème république aujourd'hui est usée, bienvenue à la VI ème république enfin bienvenue à des institutions modernes dont la France a besoin en ce début.
Patrick JARREAU : Permettez-moi quand même, on parlait de 95 tout à l'heure, vous avez dit çà a été un échec, est ce que vous pensez que Jacques CHIRAC en 95-96 pouvait faire la politique pour laquelle vous vous étiez prononcé avec la majorité parlementaire qui était alors en place ?
Alain MADELIN : Oui.
Patrick JARREAU : Pourquoi ne l'a-t-il pas fait alors ?
Alain MADELIN : Ah c'est une autre question mais la réponse est oui.
Le problème de la cohabitation aujourd'hui, on dit mais il s'agit si on a la présidentielle d'abord d'éviter la cohabitation après, pourquoi ?
Enfin, s'en remettre à des astuces de calendrier pour espérer que les Français, à quelques semaines d'intervalle, vont faire le même choix, c'est jouer à la roulette russe !
Olivier MAZEROLLE : Mais attendez Monsieur MADELIN
Alain MADELIN : Je crois que la seule solution, si l'on veut éviter la cohabitation dans l'avenir, c'est d'aller beaucoup plus loin dans la réforme des institutions !
Olivier MAZEROLLE : Mais alors imaginons un instant que la droite remporte les élections législatives, comment pourriez vous espérer être ensuite élu président de la République avec des idées qui ne seraient pas partagées par la majorité des députés de droite qui auront été élus dans l'intervalle ?
Alain MADELIN : Non la légitimité politique qui l'emporte c'est la dernière élection. Et dans ce cas là et bien sur la légitimité politique qui est la vôtre, un débat avec les Français, vous dites, enfin la majorité
Si nous avions eu les élections législatives avant, je vais pas me mettre aux abonnés absents, moi je vais faire campagne pour qu'on gagne les élections législatives et cette majorité nouvelle qu'on aurait pu avoir dans les élections législatives, personne n'en a la propriété.
Olivier MAZEROLLE : Vous parlez au passé là, vous considérez que le calendrier est inversé, ça y est, c'est fait !
Alain MADELIN : Je considère hélas que c'est fini oui. Mais on verra bien mais je mènerai le combat jusqu'au bout sur ce point. Mais si je dis çà c'est que cette majorité j'en aurais été copropriété et puis ensuite il y aurait eu un débat et puis à partir de ce débat, si les Français majoritairement comme je l'espère font le choix que je souhaite, et bien à ce moment là, à partir de cette majorité là, vous choisissez le premier ministre qui correspond à cette sensibilité là, vous choisissez ensuite la composition du gouvernement et vous pouvez gouverner avec. Bon on va avoir un autre calendrier, je pense qu'on va avoir un autre calendrier, ça va tout changer bien évidemment, nous allons donc avoir des élections présidentielles d'abord et puis des élections législatives ensuite. Dans ce cas là, moi qui suis toujours pour l'union de l'opposition, parce qu'on a besoin de l'union de l'opposition, personne ne peut gagner tout seul, aucun parti ne peut gagner tout seul, aucun homme politique ne peut exercer le pouvoir tout seul. Et bien, ça veut dire qu'il faudra faire un vrai tous ensemble, pour le second tour, des élections présidentielles. Et sur la base de ce tous ensemble pour le second tour des élections présidentielles, nous ferons le tous ensemble pour le premier tour des élections législatives, c'est tout simple.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, vous aimez bien le choix des mots alors j'aimerais quand même connaître votre sentiment réel sur le président de la République parce qu'il est quand même en place à l'Elysée et vous allez faire campagne, pas contre lui mais enfin en tout cas pour essayer d'être devant lui
Alain MADELIN : Pas contre lui, contre JOSPIN !
Olivier MAZEROLLE : Alors il y a des moments quand même où vous utilisez des drôles de mots, vous dites il a des qualités personnelles, merci pour lui, mais il n'a pas de bilan, ou alors vous dites, oh ben je suis pas contre son bilan puisqu'il n'en a pas, mais je ne suis pas non plus contre son projet de 2002 puisque je ne le connais pas, c'est un peu élève médiocre non ?
Alain MADELIN : Non, ce sont des propos, c'est du téléphone arabe tout çà
Olivier MAZEROLLE : Comment le téléphone arabe, moi je lis des déclarations d'Alain MADELIN !
Alain MADELIN : Rapportées au deuxième degré. Voici mes déclarations si vous le voulez bien. Non, je ne crois que le président de la République, à l'évidence dans ce septennat n'a pas de bilan, la professionnalisation de l'armée, etc on pourra mettre un certain nombre de choses mais globalement Et donc il aura le moment venu, s'il est candidat, à défendre un projet et ce que je dis
Olivier MAZEROLLE : Oui mais enfin çà fait zéro au rendu des copies quand même ! Zéro au rendu des copies comme çà là ? Pas de bilan ?
Alain MADELIN : Non je ne porte pas la cohabitation à son crédit. Et ce que je dis ce sera projets contre projets alors s'il faut y aller pour décider l'avenir, moi je me sens parfaitement armé pour décider cela.
Olivier MAZEROLLE :
Mais attendez, pas de bilan, zéro encore au rendu des copies ? Lionel JOSPIN dit lui, moi j'ai un bilan !
Alain MADELIN : Attendez, ce que je dis dans le même temps, n'y cherchez pas de malice, ce que j'ai dit en même temps c'est qu'en revanche il a de grandes qualités personnelles, il a une expérience etc que je n'ai pas forcément les mêmes qualités et je n'ai sûrement pas la même expérience.
Olivier MAZEROLLE : Vous dites çà sans sourire ? Sans ironie ? Sans ironie ni condescendance ?
Alain MADELIN : Non, il a une stature, une expérience, des qualités personnelles que tout le monde connaît.
Patrick JARREAU : On l'a vu à l'uvre à Nice par exemple !
Alain MADELIN : Et puis s'agissant du bilan, ben non le bilan, enfin je sais pas, enfin j'en sais rien, moi je le vois pas en tout cas.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais 95-96 vous le passez à pertes et profits ?
Alain MADELIN : Quoi donc ?
Pierre-Luc SEGUILLON : 95-96, pertes et profits ?
Alain MADELIN : Non, on peut mettre dedans mais enfin c'est pas facile à faire, c'est pas facile de mettre à l'actif les présidentielles de 2002, la période 95-97 qui est en plus une période assez controversée.
Pierre-Luc SEGUILLON : A votre avis, est ce un handicap ou un avantage pour l'opposition que le président de la République se présente ou se représente en 2002 ?
Alain MADELIN : Vous cherchez à me piéger là !
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, je vous pose une question toute simple. Elle est simple. Vous répondez très clairement, allez-y !
Alain MADELIN : J'ai pas réfléchi, je vais y réfléchir.
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, non, dites moi çà !
Patrick JARREAU : En tout cas, çà ne paraît pas clair pour vous !
Alain MADELIN : De toute façon, ça ne dépend
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est une réponse d'hésiter !
Alain MADELIN : Est ce qu'il est capable de gagner contre Lionel JOSPIN, peut être !
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, non, ce n'est pas çà que je vous ai demandé !
Alain MADELIN : Ben si vous me demandez si c'est un avantage pour l'opposition, ben c'est l'avantage d'avoir quelqu'un qui est capable de gagner le cas échéant. Et bien oui, de ce point de vue là c'est un avantage. Mais c'est aussi sûrement un avantage qu'il y ait d'autres candidatures et notamment qu'il y ait ma candidature.
Pierre-Luc SEGUILLON : Etes vous bien sûr que ce soit un avantage pour un premier tour que de disperser les voix de l'opposition ?
Alain MADELIN : Oui, non, pas disperser, pas disperser, mais enfin s'il y a un candidat qui, dans l'opposition, est capable de faire 51 % des voix au premier tour à lui tout seul, et bien qu'il se nomme, qu'il se lève, je n'en vois pas.
Donc vous avez forcément besoin, dans toutes les élections présidentielles, toutes les élections présidentielles vous avez toujours plusieurs candidats au premier tour, je ne pense pas qu'il y aura en 2002 plus de candidats issus de l'opposition qu'il n'y a de candidats à gauche. Et bien çà, ça permet de faire respirer la démocratie et moi j'ai une vision, une idée, un projet, quelque chose que j'ai envie de dire dans cette campagne, c'est pour çà que je prends de l'élan pour le dire 16 mois avant, et bien je trouve légitime de pouvoir le dire.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Vous parliez de fracture morale tout à l'heure quand François BAYROU dit qu'il pourrait être le recours moral en 2002, qu'en pensez vous ?
Alain MADELIN : Je ne me situe pas comme çà, je veux dire c'est pas le recours parce que çà donne le sentiment que l'on se présente, que l'on pointe le doigt sur le président sortant, je vous ai dit qu'il ne fallait pas compter sur moi pour ce travail là.
Olivier MAZEROLLE : Monsieur MADELIN, on parle souvent de libéralisme social ou libéralisme anglo-saxon, etc. votre libéralisme à vous en un mot, on le qualifierait comment, vous aimeriez qu'on le qualifie comment ?
Alain MADELIN : Ecoutez moi c'est le projet des modernes. Oublier le mot libéral s'il dérange et s'il vous dérange, oubliez le mot libéral mais c'est le projet des modernes, voilà tout simplement. Il y a aujourd'hui un besoin extraordinaire de réformes en France parce que ça fait... du temps de CHABAN déjà on parlait de la France bloquée, de la société bloquée, qu'est ce qu'on a vraiment débloqué depuis, pas grand chose. Et bien je crois qu'aujourd'hui, les réformes que l'on a pas faites, il y a un moment où il faut prendre conscience que le temps est venu de ces réformes et je me sens capable de porter ces réformes des temps modernes.
Olivier MAZEROLLE : Merci Monsieur MADELIN, c'était votre Grand Jury. La semaine prochaine nous recevrons Monsieur GAYSSOT, le ministre communiste des transports. Bonne soirée à tous.
(source http://www.rtl.fr, le 11 décembre 2000)