Déclaration de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la forte croissance du taux d'équipement informatique et des connections à Internet des foyers français, l'accompagnement du développement du commerce électronique par l'Etat et sur la création de l'Institut du Commerce Electronique, Paris le 11 janvier 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Avant-première des assises du commerce électronique, à Paris le 11 janvier 1999

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de conclure aujourdhui la première manifestation témoignant de la création de lInstitut National de Commerce Electronique.
Pour tous ceux qui, comme moi, ont oeuvré depuis plus dun an au développement du commerce électronique en France, le regroupement des associations professionnelles qui travaillent en ce sens est une excellente nouvelle.
LE COMMERCE ELECTRONIQUE TRANSFORME NOTRE SOCIETE
Le développement du commerce électronique est une source dactivités nouvelles, dans de nombreux domaines. Ce sont dabord les commerçants qui développement leur activité sur Internet, que ce soient danciens commerçants, ou de nouveaux commerçants apparus avec ce nouveau médium. Ensuite, des entreprises nouvelles offrent chaque jour des nouvelles solutions techniques, logicielles ou matérielles, par lesquelles le réseau se construit ou se perfectionne. Enfin, des activités dintermédiation se développement autour du commerce électronique pour assurer tout un ensemble de services entre les acheteurs et les vendeurs. Je souhaite que les entreprises françaises soient présentes et compétitives dans chacun de ces domaines.
Mais le commerce électronique permet aux consommateurs, aux particuliers comme aux entreprises daccéder à un univers de nouveaux services. Cest un formidable vecteur de dynamisation du marché et de compétitivité pour les entreprises, tout particulièrement dans le monde de leuro qui souvre à nous depuis huit jours.
LA FRANCE DISPOSE DATOUTS CONSIDERABLES
La France participe au mouvement mondiale de croissance du commerce électronique. Sans entrer dans la querelle des chiffres à laquelle se livrent les experts et qui démontre toute limportance du travail de clarification menée par la nouvelle mission que jai confiée à Francis Lorentz, ont peut simplement rappeler quelques tendances de fonds qui peuvent être partagées par lensemble des acteurs.
On constate, tout dabord que les Français séquipent et prennent toute leur part dans le développement de la société de linformation. Léquipement informatique des français demeure encore inférieur à celui des allemands, des britanniques ou encore des américains. Mais le processus est engagé. Le nombre de foyers équipés en micro-ordinateurs a progressé de 25 % en un an et lon compte aujourdhui 2 fois plus de ménages connectés à Internet quen 1997. Par ailleurs, la curiosité ou lattrait ont conduit plus de 6 millions de français à utiliser au moins une fois Internet dans les 6 derniers mois. La prise de conscience est donc réelle.
Pour les personnes équipées, les usages se diversifient. Certes, lordinateur est encore perçu comme un instrument de travail et le nombre dinternautes qui effectuent des transactions sur le réseau demeure faible. Dans un pays comme la France où le paiement par carte bancaire est largement répandu, on est surpris de constater que moins de la moitié des achats effectués sur Internet est réglée en ligne, Ceci souligne le rôle primordial que le développement de la sécurité sur les réseaux et du porte-monnaie électronique doivent jouer. Les choses évoluent vite et la France est en train de rattraper son retard. Le volume des transactions sur Internet a été multiplié par 3 en 1998 dans notre pays, et même si sa place dans le commerce reste minime (0,02 % de la consommation totale des ménages), son impact est indéniable pour un certain nombre dactivités où il prend une place de plus en plus importante (informatique, tourisme, logiciels, presse, banque...).
Les associations présentes aujourdhui témoignent de cette volonté permanente de réflexion et daction sur ces sujets. Car la France a acquis un savoir-faire important en développant une pratique significative du commerce électronique, grâce au Minitel. 16 millions de personnes ont ainsi pu se familiariser dans notre pays avec les transactions en ligne, que ce soit la recherche dinformations, de services ou lachat de prestations ou de produits. Les quelques 7 milliards de francs dachats effectués sur le Minitel témoignent dun potentiel de développement considérable si nous savons effectuer le basculement de ces services vers Internet.
Les acteurs privés français savent aussi apporter des solutions aux questions juridiques complexes soulevées par le développement du commerce électronique. Nous avons connu avec le développement de la télématique de nombreux problèmes similaires à ceux dont il est question aujourdhui. Des activités et des contenus illicites sont apparus dès le début du Minitel. Le droit sest appliqué, sans nécessité de créer un droit spécifique aux transactions en ligne. Les Pouvoirs publics, les professionnels et les utilisateurs se sont réunis au sein dinstances chargées -il me semble avec succès- de concevoir et de faire respecter les règles éthiques appropriées aux transactions sur le Minitel. Ces expériences sont très riches pour mettre en place un nouveau cadre au développement du commerce électronique.
LACTION DU GOUVERNEMENT SE POURSUIT DEPUIS PLUS DUN AN
Le commerce électronique est un axe important du Programme dAction Gouvernemental pour la Société de lInformation adopté en janvier 1998. Jai annoncé en mai 1998 un ensemble de « 10 mesures pour le développement du commerce électronique ». La plupart de ces mesures ont été suivies deffets, cest notamment le cas de la réglementation en matière de cryptologie mise en place en juin 1998 et que je souhaite, avec le Premier ministre, faire évoluer rapidement pour ladapter mieux encore aux réalités du commerce électronique.
LEtat est un acteur important du commerce électronique, et il se doit de montrer lexemple. Dans le domaine des données publiques, un plan de numérisation a été élaboré par chaque ministère en 1998, avec des applications immédiates comme, par exemple, la diffusion gratuite du Journal officiel et des textes législatifs sur Internet, opérationnelles depuis février 1998. Par ailleurs chacun peut désormais payer ses impôts directs sur Internet, les travaux sont très avancés en matière de télédéclaration de certains impôts et de dématérialisation des marchés publics.
LEtat doit aussi stimuler lactivité économique dans ce secteur et encourager la compétitivité des entreprises françaises. Dans le domaine des petites et moyennes entreprises, un programme a été créé à linitiative de Christian Pierret, Secrétaire dEtat à lIndustrie, pour aider lUtilisation Collective dInternet par les PMI. Ce programme, doté de 50 MF, va aider près de 70 projets, dont de nombreux concernent le commerce électronique. Dans le domaine des exportations, le programme Exportateurs sur la Toile, doté de 20 MF, a été mis en place à linitiative de Jacques Dondoux, Secrétaire dEtat au Commerce Extérieur, pour distinguer les meilleurs sites français vendant à létranger. Enfin, les aspects financiers sont primordiaux pour favoriser la création dentreprises françaises dans ce secteur. Jai donc mis en oeuvre un certain nombre de mesures pour développer le capital risque dont Marylise Lebranchu a présenté le bilan à la fin de décembre 1998 (Fonds public pour le capital-risque, reports dimposition pour les plus-values réinvesties dans les PME nouvelles, contrats dassurance-vie investis principalement en actions et en capital-risque...). Nous avons aussi mis en place un ensemble de programmes de recherche et de développement coopératifs pour inciter les acteurs à partager leurs efforts et à se positionner au premier rang mondial. Dans le domaine des télécommunications, le Réseau National de Recherche en Télécommunications a fait preuve de sa grande efficacité et de son rôle de catalyseur dès la première année de son fonctionnement. Ce dossier est, vous le voyez, lillustration même de lintérêt dun grand ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, au service de linnovation et de la compétitivité de nos entreprises.
Le gouvernement est également très présent dans les différentes enceintes de négociations où se dessine le cadre international dInternet. Le Secrétaire dEtat à lIndustrie Christian Pierret défendait nos positions à la conférence de lOCDE dOttawa sur le commerce électronique. LOMC a mis en place un cadre de travail sur le sujet, et mon ministère suit de près ces travaux. Enfin et surtout il est fondamental de coopérer avec nos voisins européens sur le sujet. Suite aux travaux de la mission Lorentz qui mavait remis son rapport en janvier 1998, nous avons présenté en février 1998 à Bruxelles, un Mémorandum intitulé : « Créer un environnement communautaire et international pour développer le commerce électronique ». Le Gouvernement français a ainsi été le premier Etat européen à définir sa position sur le sujet. Par ailleurs, ce document constitue depuis une formidable base de travail pour la définition dune politique communautaire.
Jaimerais profiter de la présence aujourdhui de nombreux acteurs privés du secteur pour vous rappeler combien il est important que ceux-ci soient fortement présents dans les discussions internationales. En effet, pour que la position française ait un poids important dans ces négociations, ce que nous souhaitons tous ici, il est primordial que la France y soit représentée non seulement par les Pouvoirs publics, mais aussi par les entreprises qui y défendront leurs points de vue.
CREER LA CONFIANCE
La confiance est la condition absolue du développement du commerce électronique. Le secteur privé doit garder un rôle de premier plan dans la croissance du commerce électronique dans la mesure où le commerce électronique ne peut se développer sans commerçants et sans une offre de solutions techniques adéquates. Il appartient notamment au secteur privé de développer les outils et les pratiques pour instaurer la confiance. La création de lInstitut International du Commerce Electronique est à ce titre une très bonne nouvelle. Il est en effet très important que les différentes associations professionnelles qui oeuvrent pour le développement du commerce électronique se regroupent pour agir ensemble et que soient ainsi réunis des éditeurs de contenu, des banquiers et des utilisateurs du commerce électronique.
Il nen reste pas moins que les Pouvoirs publics doivent jouer leur rôle. Il nest pas question de brider ce nouvel espace de commerce par une réglementation excessive. Mais lEtat garde un rôle important dans la création du cadre de confiance, sans lequel le commerce électronique ne pourra se développer.
En premier lieu, la confiance nécessite un cadre juridique sûr, clair et stable, qui préserve les intérêts légitimes de tous les acteurs. Internet nest pas un espace de non-droit, un cadre juridique existe. Il peut faire lobjet dadaptations. Mais il est souhaitable de faire application en priorité des règles applicables à lensemble des transactions commerciales. Le Premier ministre avait demandé au Conseil dEtat de réfléchir à ladaptation de notre droit à la réalité des réseaux. Le rapport quil a rendu public en septembre dernier indique quil ne doit pas exister de droit spécifique à Internet.
En second lieu, les citoyens sont attachés à ce que lEtat préserve lintérêt public, cest-à-dire pour une large part la protection des plus faibles. Dans le monde nouveau des échanges sur Internet les Pouvoirs publics doivent veiller à ce que la concurrence sexerce loyalement entre les acteurs. Ils doivent sassurer que le fonctionnement du marché accorde une protection adéquate au consommateur, car les deux parties liées à la transaction ne sont le plus souvent pas en situation dégalité, notamment dans les transactions électroniques trans-frontalières. La protection de la vie privée et des données personnelles est également un droit dont les Pouvoirs publics sont en dernier ressort les garants, tout comme ils sont les garants de la prévention et la répression des activités criminelles, ou simplement illégales. Enfin, la fiscalité relève à lévidence des Pouvoirs publics à qui il incombe déviter toute distorsion inéquitable à légard du commerce traditionnel.
Ainsi, le commerce électronique ne pourra se développer pleinement en France que si les Pouvoirs publics et acteurs privés joignent leurs efforts et exercent chacun leurs responsabilités respectives. La création dun dispositif de concertation privé/public autour du commerce électronique a donc été lune de mes priorités.
Le rapport qui mavait été remis en janvier 1998 par Francis Lorentz était déjà le fruit dune réflexion commune entre représentants de ladministration et acteurs du secteur privé. Jai demandé en juin 1998 à Francis Lorentz détablir pour la fin de janvier 1999 une évaluation des suites données à ce rapport ainsi que des priorités daction pour le proche avenir. La « mission » constituée à cette fin a réuni des membres de ladministration et des acteurs du secteur privé, leurs travaux portent sur les grands thèmes du développement du commerce électronique (par exemple : la sécurité et la confidentialité des échanges, le commerce électronique interentreprises ; les fonctions dintermédiation, la création dentreprises, les PME, etc. Sur chacun des sujets, ces groupes de travail sattachent à faire un bilan des actions des secteurs publics et privés, à identifier les points de blocage éventuels et à définir de nouveaux axes de réflexion et daction. Je présenterai la synthèse de ces travaux issu de la concertation des secteurs publics et privés, à loccasion dune manifestation sur le commerce électronique qui se tiendra au Ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, au début de février.
La création de lInstitut du Commerce Electronique me semble avoir valeur de symbole. En se regroupant, lensemble des acteurs privés français concernés montrent leur volonté de travailler collectivement sur les défis lancés par lémergence du commerce électronique. Je ne peux que soutenir cette démarche que jai déjà appliquée à mes services au travers de la mission Lorentz et que jappelais de mes voeux pour le secteur privé. Il faut maintenant poursuivre leffort et faire en sorte que lensemble des positions et des mesures que nous allons mettre en oeuvre, aussi bien en France quavec nos partenaires européens, sappuient sur un large consensus privé-public, dont vous allez être un élément majeur.
(Source http://www.finances.gouv.fr)