Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous avez souhaité, dans l'ordre du jour qui vous est réservé, que la Haute Assemblée débatte de l'Aménagement du territoire. Je me félicite de cette initiative, qui me permet de vous présenter les orientations que le gouvernement poursuit avec la préparation des contrats de plan, la mise en uvre des fonds structurels, et le projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire.
Quelques mots tout d'abord sur le contexte et les objectifs de l'aménagement du territoire dans notre pays.
I - Le contexte et les objectifs
Durant les " Trente glorieuses ", l'Etat s'est donné plusieurs objectifs en matière d'aménagement du territoire : la construction de grandes infrastructures énergétiques et de transport réputées "structurantes" pour l'économie, la constitution de métropoles d'équilibre et de villes nouvelles, pour contrebalancer le poids de l'agglomération parisienne. La politique d'aménagement du territoire relevait alors d'une démarche centralisée, définie à Paris.
Ensuite, depuis le début des années 1970, l'Etat a été confronté aux conséquences de lourdes mutations industrielles et agricoles, et à la montée du secteur tertiaire. La décentralisation et la construction européenne ont modifié les modalités d'intervention de l'Etat.
Aujourd'hui, où en est-on ?
Le gouvernement a fait quatre constats :
· la politique d'aménagement du territoire ne se construit plus seulement dans le cadre hexagonal. Elle doit prendre pleinement en considération l'échelle européenne ;
· avec la décentralisation, l'Etat n'est plus le seul acteur de l'aménagement du territoire, mais il reste un garant essentiel d'unité et de solidarité ;
· les Français souhaitent être davantage associés aux décisions qui les concernent, et participer plus concrètement et de manière permanente à la construction de leur cadre de vie et de travail ;
Enfin, la conception centralisée de l'aménagement du territoire, identifiée à la mise en uvre de plans de construction d'infrastructures a montré ses limites.
Partant de là, quels sont les grands enjeux pour notre pays ?
À grande échelle tout d'abord, la France doit occuper une position centrale d'échange et de contact au sein de l'Europe.
Elle participe de la dynamique et de la solidarité de plusieurs grandes régions physiques, économiques et culturelles de l'Europe : bassin rhénan, Europe du nord-ouest, bassin méditerranéen, région alpine, façade atlantique Notre politique d'aménagement du territoire doit s'appuyer sur cette diversité et en faire un atout majeur pour assurer un développement équilibré.
À l'échelle des bassins de vie, ensuite : les mutations économiques provoquent un accroissement de la mobilité professionnelle, sociale et géographique, qui déstructure les réseaux de sociabilité, nourrit l'exclusion et renforce les inégalités.
La politique d'aménagement du territoire doit contribuer à maîtriser ces phénomènes, en aidant les territoires les plus en difficulté, notamment les zones rurales en voie de désertification, les zones en reconversion lourde, et les zones urbaines en difficulté à se forger un projet. Le soutien doit notamment mettre l'accent sur l'éducation, la culture, l'information et la communication, et sur l'innovation.
La politique d'aménagement du territoire doit aussi contribuer au renforcement des dispositifs de proximité et à l'expression des solidarités locales nécessaires à la constitution des réseaux sociaux. Dans un contexte d'exacerbation des concurrences, elle doit privilégier les coopérations entre territoires, afin d'améliorer les services offerts aux acteurs économiques et aux populations, notamment en donnant corps aux réseaux de villes et de pays.
Cette qualité de service doit s'appuyer sur l'organisation des services publics, qui structurent les territoires : dotés d'une autonomie et d'une souplesse permettant de répondre aux besoins locaux, ils doivent répondre à des cahiers des charges respectant l'organisation territoriale de l'Etat et celle des collectivités, afin de rendre le service nécessaire, quel que soit le lieu de résidence de nos concitoyens.
A l'échelle du temps. La politique d'aménagement du territoire doit être durable. Elle doit prendre en compte l'environnement et les ressources, dans une perspective de long terme et de pérennité du développement. L'environnement n'est plus un bien consommable ou un gisement à exploiter. Sa qualité, sa diversité et les services qu'il rend aux populations sont, en soi, des facteurs de développement et d'attraction : l'eau potable ou les eaux de baignade, l'air, la prévention des risques industriels et naturels, la qualité des paysages et la biodiversité sont de nouveaux paramètres de développement et des éléments essentiels de bien-être.
II- Les contrats de plan Etat/région
C'est dans cette perpective que nous préparons les contrats de plan Etats/régions. Il s'agit d'outils essentiels de l'aménagement du territoire qu'il nous faut mettre au point, adapter à l'environnement qui est le nôtre au tournant du millénaire.
En effet, comme l'a rappelé la circulaire du Premier ministre, le 31 juillet dernier, "nous avons besoin d'un autre type de développement, inscrit dans la durée, qui s'attache à la fois à la création d'emplois ou d'activités nouvelles et à leur caractère durable, c'est à dire compatible avec l'efficacité économique, la justice sociale et la préservation de l'environnement". A la logique de guichet doit se substituer une approche par projet.
Cette stratégie, que nous devons mettre en uvre pour la période 2000-2006, est aussi nouvelle en cela qu'elle mise sur plus de concertation : "plus de rigueur dans la contractualisation et les choix stratégiques de la part de l'Etat ; et plus de participation et d'implication de tous les acteurs dans la région, publics, privés et associatifs", a écrit Lionel Jospin aux membres de son Gouvernement ainsi qu'aux préfets de départements et de régions.
Enfin, ces contrats de plan entre l'Etat et les régions devront être élaborés en parfaite cohérence avec les documents uniques de programmation communautaires (DOCUP) afin que nous bénéficions le mieux possible de l'appui des fonds structurels de la prochaine génération.
En juillet 1997, la Commission publiait dans le document "Agenda 2000" ses propositions relatives à l'élargissement de l'Union européenne et au budget communautaire. Ces propositions s'inscrivent dans une évolution historique de l'Europe marquée par l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, la réalisation de l'Union monétaire, les négociations de l'OMC.
En mars dernier, elle a rendu publics les projets de règlement qui devraient permettre de mener à bien les nouvelles politiques de l'Union (Fonds structurels et PAC). Cette réforme pourrait bouleverser les équilibres territoriaux si nous n'y prenons pas garde: la concentration géographique des interventions se traduira en effet par un moindre pourcentage des populations couvertes dans notre pays.
Mais cette réforme se traduira aussi par une simplification des interventions, plus de transparence, l'élargissement et l'approfondissement du partenariat. L'adoption de ces projets de règlements devrait intervenir au cours du printemps et ne compromettra ainsi pas le démarrage effectif des programmes en région.
L'objectif légitime de stabilité générale du budget communautaire ne doit pas conduire à sacrifier les politiques structurelles régionales au profit de la seule politique agricole mais bien au contraire à s'attacher à prendre en compte les différences de situation et les difficultés particulières de certaines régions.
Le resserrement de l'intervention européenne autour de trois objectifs et de trois programmes d'intérêt communautaire doit s'appuyer sur une combinaison des critères objectifs de richesse et pauvreté (produit intérieur brut), de difficultés sociales (évolution démographique, chômage et activité, exclusion) et de situations territoriales (richesse, fragilité ou dégradation de l'environnement, densité d'occupation humaine).
III- Les acteurs : Régions et Départements.
Vous l'aurez compris à travers mon propos, les Régions sont, à mes yeux, les interlocuteurs privilégiés de l'Etat dans le processus de contractualisation. Elles doivent être les chefs de file de l'aménagement du territoire : cette confirmation répond au souci de clarification que nombre d'entre vous avez formulé à plusieurs reprises. La reconnaissance pour la Région de cette fonction de chef de file pour l'aménagement du territoire ou le développement économique n'est pas pour autant exclusive.
Les Départements sont invités à s'associer à la contractualisation, à la mesure de leurs compétences et de leur volonté de s'engager dans le cadre régional. Ainsi les pays, sur lesquels je reviendrai en vous exposant les grandes lignes de la LOADDT, sont des territoires de projets constitués sur une base volontaire par les communes et groupements existants, seront soumis à l'avis conforme des Conférences Régionales d'Aménagement et de Développement du Territoire (CRADT), auxquelles participent explicitement les Conseils généraux. Les départements sont donc associés à la procédure de constitution, et on peut supposer qu'ils passeront contrat ou signeront une convention avec les pays qu'ils agréent.
Ainsi, dans sa démarche, le gouvernement distingue clairement deux approches dans sa politique d'aménagement du territoire :
-> les niveaux de gestion, élus directement et dotés de compétences, que sont les départements et les régions ;
-> et les échelles de projets que sont non seulement les pays mais aussi, leurs aînés, les parcs naturels régionaux (PNR).
Cette approche différenciée doit permettre de mieux répondre aux attentes des citoyens, notamment au sein des Conseils de développement des pays, de soutenir des initiatives locales et la créativité citoyenne.
IV- La décentralisation
Vous le voyez : nous entendons bien renforcer et prolonger les avancées de la décentralisation, dont vous vous félicitez sans l'avoir plébiscitée à l'origine.
Pour la première fois, dans le cadre de contrats de plan et de programmes européens, l'Etat affiche et met en débat sa stratégie en région, sans obligation (en ne définissant pas a priori de " noyau dur "), ni exclusive. La première phase de débat sur la stratégie et les orientations, à laquelle départements, collectivités locales et acteurs régionaux sont conviés, sera prise en compte dans la définition des mandats de négociation.
De même, la définition du cadre territorial en agglomérations et pays fera l'objet d'une première concertation et d'une période de contractualisation possible jusqu'en 2003. Ce qui permettra une élaboration cohérente et sans précipitation, et laissera la porte ouverte au droit d'expérimentation ou à une configuration régionalisée des contrats. Il n'y a donc aucune "recentralisation rampante" dans la démarche du gouvernement.
Cette démarche permet au contraire de prendre la pleine dimension des processus de décentralisation en cours, notamment en matière de formation professionnelle et de transport régional dans les Régions, et d'action sociale pour les Départements. Les Régions ont donc pour fonction d'animer, avec l'ensemble des acteurs, le débat sur le projet régional.
Toutes les régions sont conviées dans les mêmes termes à cet exercice, sans aucune différence de traitement. La composition de certains exécutifs s'appuyant sur un accord avec le Front National rend cependant l'exercice démocratique plus difficile, voire inacceptable pour certains acteurs, et appelle une vigilance accrue du gouvernement sur les principes démocratiques.
La réforme de l'assiette de la taxe professionnelle, la création de la taxe professionnelle d'agglomération, ou encore la révision des valeurs locatives n'ont pas pour objet ni pour effet de centraliser, mais de favoriser l'emploi et d'introduire plus de solidarité dans la fiscalité locale.
Elles assurent une garantie des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, qui les préserve de l'inflation et intègre la croissance.
Plusieurs d'entre vous se sont faits l'écho des difficultés posées par la " dictature des normes " pour les collectivités locales. Celles-ci ne font que transcrire - et à mes yeux souvent avec retard - la montée des exigences de qualité ou de sécurité exprimées par nos concitoyens. Elles participent d'une plus grande prise en compte des préoccupations qualitatives, par rapport à la satisfaction des besoins quantitatifs. Ainsi, le désamiantage ou la collecte sélective des déchets illustrent de faon spectaculaire cette évolution.
V- Les services publics
L'aménagement du territoire doit s'assurer d'une qualité d'accès de chacun aux services essentiels. L'évolution des maternités et des services d'urgence, des Commissariats et des Gendarmeries, ou encore la modernisation de la Poste, affectent la répartition de ces services publics sur le territoire. Elles ne peuvent être conduites indépendamment les unes des autres, ou sans concertation suffisante par chacune des administrations et chacun des Etablissements Publics concernés.
Les projets de réorganisation territoriale des services publics doivent être étudiés en fonction de :
· l'intérêt pour les populations desservies ;
· l'intérêt pour l'Etat ;
· l'impact territorial, économique et social.
Ils doivent être envisagés de manière interministérielle et faire l'objet d'une étude d'impact. Ils ne peuvent être décidés sans une concertation préalable.
Le gouvernement prépare la mise en place d'un dispositif coordonné de pilotage en matière de services publics, et prévoit une politique d'accompagnement : coordination par les préfets, contrats pluriannuels des services publics, garanties d'accessibilité dans le cadre des volets territoriaux des contrats de plan, développement des partenariats dans le cadre de services polyvalents, aide à l'expérimentation locale, accompagnement financier des mutations
VI- Le projet de loi (LOADDT)
Les obstacles sont donc nombreux pour promouvoir une politique renouvelée d'aménagement du territoire. Dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, le Premier ministre en prenait la mesure, en décidant une " révision de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire afin que toutes les dimensions - écologiques, culturelles, économiques - du développement soient prises en compte dans les régions. "
C'est dans ce sens que j'ai préparé le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire que l'Assemblée Nationale examinera à compter du 19 janvier prochain, et que votre Haute Assemblée examinera au cours du premier trimestre 1999.
Sans anticiper sur le débat parlementaire, je voudrais vous tracer les grandes lignes de ce projet de loi.
Première nouveauté : au projet de schéma national que le précédent gouvernement n'avait pu formuler ni présenter au Parlement dans les délais prévus par la loi de 1995, se substitueront des schémas de services collectifs et des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire. Ces schémas seront inédits : ils reconnaîtront au développement des services une importance au moins aussi grande que celle des équipements dits structurants, sur les sujets qui appellent nécessairement une approche européenne et interrégionale.
Les schémas relatifs à l'enseignement supérieur et à la recherche, à la culture, à l'information et à la communication visent particulièrement au développement de ces fonctions immatérielles.
Le projet de schéma " espaces naturels et ruraux " assure la cohérence du projet de loi d'aménagement avec le projet de loi d'orientation agricole.
Les schémas relatifs à l'énergie et aux transports de voyageurs et de marchandises, prendront en compte la satisfaction des besoins à court terme, en favorisant l'utilisation optimale des équipements et services existants, et la préservation à long terme des milieux et des ressources.
Le projet de loi réaffirme la place des Régions et la pertinence des approches interrégionales, particulièrement à l'échelle des grands bassins fluviaux, des massifs montagneux et des littoraux.
Une articulation nouvelle des territoires a été élaborée avec la constitution, dans ce projet de loi, des agglomérations et des pays en cohérence, bien sûr, avec le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de coopération intercommunale, que propose le ministre de l'Intérieur.
Il s'agit de s'appuyer sur les communes et sur les trois formes de coopération intercommunale que sont les communautés urbaines, les communautés d'agglomérations et les communautés de communes. Les deux premières seront incitées à anticiper l'intégration de compétences et la solidarité fiscale par l'élaboration et la mise en uvre de projets de développement à l'échelle de l'agglomération.
Les communautés de communes seront, quant à elles, conviées à se structurer de manière volontaire en pays. Ces territoires de projets, créés par la loi d'aménagement et de développement du territoire de 1995, n'ont pas vocation à se transformer en structures intercommunales dotées de compétences fortes ou à assurer des maîtrises d'ouvrages d'opérations d'aménagement, et encore moins à se substituer à des collectivités existantes tels que les Départements.
Agglomérations et pays ont pour mission de définir et de mettre en uvre un projet cohérent à l'échelle de leurs territoires. Ils s'appuieront pour ce faire sur les politiques de l'Etat, sur celles des Régions ou, s'ils le souhaitent sur celles des Départements et des communes, dans le cadre d'un contrat.
La mise en uvre de ce projet est une condition nécessaire de la reconnaissance et du développement des territoires. Elle constitue un facteur indispensable à un développement équilibré, permettant de diminuer les coûts induits par l'hyperconcentration urbaine. C'est aussi un préalable à un effet positif de désenclavement. Les territoires ruraux en difficulté et les zones urbaines en conversion feront l'objet d'un soutien différencié.
Voilà en quelques mots, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les grands axes de la politique d'aménagement du territoire que le gouvernement entend mettre en uvre. Les projets de loi en matière d'orientation agricole, d'aménagement et de développement durable du territoire, de renforcement de l'intercommunalité consolideront, j'en suis convaincue, la mobilisation et la solidarité entre les territoires, ainsi que la décentralisation.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous avez souhaité, dans l'ordre du jour qui vous est réservé, que la Haute Assemblée débatte de l'Aménagement du territoire. Je me félicite de cette initiative, qui me permet de vous présenter les orientations que le gouvernement poursuit avec la préparation des contrats de plan, la mise en uvre des fonds structurels, et le projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire.
Quelques mots tout d'abord sur le contexte et les objectifs de l'aménagement du territoire dans notre pays.
I - Le contexte et les objectifs
Durant les " Trente glorieuses ", l'Etat s'est donné plusieurs objectifs en matière d'aménagement du territoire : la construction de grandes infrastructures énergétiques et de transport réputées "structurantes" pour l'économie, la constitution de métropoles d'équilibre et de villes nouvelles, pour contrebalancer le poids de l'agglomération parisienne. La politique d'aménagement du territoire relevait alors d'une démarche centralisée, définie à Paris.
Ensuite, depuis le début des années 1970, l'Etat a été confronté aux conséquences de lourdes mutations industrielles et agricoles, et à la montée du secteur tertiaire. La décentralisation et la construction européenne ont modifié les modalités d'intervention de l'Etat.
Aujourd'hui, où en est-on ?
Le gouvernement a fait quatre constats :
· la politique d'aménagement du territoire ne se construit plus seulement dans le cadre hexagonal. Elle doit prendre pleinement en considération l'échelle européenne ;
· avec la décentralisation, l'Etat n'est plus le seul acteur de l'aménagement du territoire, mais il reste un garant essentiel d'unité et de solidarité ;
· les Français souhaitent être davantage associés aux décisions qui les concernent, et participer plus concrètement et de manière permanente à la construction de leur cadre de vie et de travail ;
Enfin, la conception centralisée de l'aménagement du territoire, identifiée à la mise en uvre de plans de construction d'infrastructures a montré ses limites.
Partant de là, quels sont les grands enjeux pour notre pays ?
À grande échelle tout d'abord, la France doit occuper une position centrale d'échange et de contact au sein de l'Europe.
Elle participe de la dynamique et de la solidarité de plusieurs grandes régions physiques, économiques et culturelles de l'Europe : bassin rhénan, Europe du nord-ouest, bassin méditerranéen, région alpine, façade atlantique Notre politique d'aménagement du territoire doit s'appuyer sur cette diversité et en faire un atout majeur pour assurer un développement équilibré.
À l'échelle des bassins de vie, ensuite : les mutations économiques provoquent un accroissement de la mobilité professionnelle, sociale et géographique, qui déstructure les réseaux de sociabilité, nourrit l'exclusion et renforce les inégalités.
La politique d'aménagement du territoire doit contribuer à maîtriser ces phénomènes, en aidant les territoires les plus en difficulté, notamment les zones rurales en voie de désertification, les zones en reconversion lourde, et les zones urbaines en difficulté à se forger un projet. Le soutien doit notamment mettre l'accent sur l'éducation, la culture, l'information et la communication, et sur l'innovation.
La politique d'aménagement du territoire doit aussi contribuer au renforcement des dispositifs de proximité et à l'expression des solidarités locales nécessaires à la constitution des réseaux sociaux. Dans un contexte d'exacerbation des concurrences, elle doit privilégier les coopérations entre territoires, afin d'améliorer les services offerts aux acteurs économiques et aux populations, notamment en donnant corps aux réseaux de villes et de pays.
Cette qualité de service doit s'appuyer sur l'organisation des services publics, qui structurent les territoires : dotés d'une autonomie et d'une souplesse permettant de répondre aux besoins locaux, ils doivent répondre à des cahiers des charges respectant l'organisation territoriale de l'Etat et celle des collectivités, afin de rendre le service nécessaire, quel que soit le lieu de résidence de nos concitoyens.
A l'échelle du temps. La politique d'aménagement du territoire doit être durable. Elle doit prendre en compte l'environnement et les ressources, dans une perspective de long terme et de pérennité du développement. L'environnement n'est plus un bien consommable ou un gisement à exploiter. Sa qualité, sa diversité et les services qu'il rend aux populations sont, en soi, des facteurs de développement et d'attraction : l'eau potable ou les eaux de baignade, l'air, la prévention des risques industriels et naturels, la qualité des paysages et la biodiversité sont de nouveaux paramètres de développement et des éléments essentiels de bien-être.
II- Les contrats de plan Etat/région
C'est dans cette perpective que nous préparons les contrats de plan Etats/régions. Il s'agit d'outils essentiels de l'aménagement du territoire qu'il nous faut mettre au point, adapter à l'environnement qui est le nôtre au tournant du millénaire.
En effet, comme l'a rappelé la circulaire du Premier ministre, le 31 juillet dernier, "nous avons besoin d'un autre type de développement, inscrit dans la durée, qui s'attache à la fois à la création d'emplois ou d'activités nouvelles et à leur caractère durable, c'est à dire compatible avec l'efficacité économique, la justice sociale et la préservation de l'environnement". A la logique de guichet doit se substituer une approche par projet.
Cette stratégie, que nous devons mettre en uvre pour la période 2000-2006, est aussi nouvelle en cela qu'elle mise sur plus de concertation : "plus de rigueur dans la contractualisation et les choix stratégiques de la part de l'Etat ; et plus de participation et d'implication de tous les acteurs dans la région, publics, privés et associatifs", a écrit Lionel Jospin aux membres de son Gouvernement ainsi qu'aux préfets de départements et de régions.
Enfin, ces contrats de plan entre l'Etat et les régions devront être élaborés en parfaite cohérence avec les documents uniques de programmation communautaires (DOCUP) afin que nous bénéficions le mieux possible de l'appui des fonds structurels de la prochaine génération.
En juillet 1997, la Commission publiait dans le document "Agenda 2000" ses propositions relatives à l'élargissement de l'Union européenne et au budget communautaire. Ces propositions s'inscrivent dans une évolution historique de l'Europe marquée par l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, la réalisation de l'Union monétaire, les négociations de l'OMC.
En mars dernier, elle a rendu publics les projets de règlement qui devraient permettre de mener à bien les nouvelles politiques de l'Union (Fonds structurels et PAC). Cette réforme pourrait bouleverser les équilibres territoriaux si nous n'y prenons pas garde: la concentration géographique des interventions se traduira en effet par un moindre pourcentage des populations couvertes dans notre pays.
Mais cette réforme se traduira aussi par une simplification des interventions, plus de transparence, l'élargissement et l'approfondissement du partenariat. L'adoption de ces projets de règlements devrait intervenir au cours du printemps et ne compromettra ainsi pas le démarrage effectif des programmes en région.
L'objectif légitime de stabilité générale du budget communautaire ne doit pas conduire à sacrifier les politiques structurelles régionales au profit de la seule politique agricole mais bien au contraire à s'attacher à prendre en compte les différences de situation et les difficultés particulières de certaines régions.
Le resserrement de l'intervention européenne autour de trois objectifs et de trois programmes d'intérêt communautaire doit s'appuyer sur une combinaison des critères objectifs de richesse et pauvreté (produit intérieur brut), de difficultés sociales (évolution démographique, chômage et activité, exclusion) et de situations territoriales (richesse, fragilité ou dégradation de l'environnement, densité d'occupation humaine).
III- Les acteurs : Régions et Départements.
Vous l'aurez compris à travers mon propos, les Régions sont, à mes yeux, les interlocuteurs privilégiés de l'Etat dans le processus de contractualisation. Elles doivent être les chefs de file de l'aménagement du territoire : cette confirmation répond au souci de clarification que nombre d'entre vous avez formulé à plusieurs reprises. La reconnaissance pour la Région de cette fonction de chef de file pour l'aménagement du territoire ou le développement économique n'est pas pour autant exclusive.
Les Départements sont invités à s'associer à la contractualisation, à la mesure de leurs compétences et de leur volonté de s'engager dans le cadre régional. Ainsi les pays, sur lesquels je reviendrai en vous exposant les grandes lignes de la LOADDT, sont des territoires de projets constitués sur une base volontaire par les communes et groupements existants, seront soumis à l'avis conforme des Conférences Régionales d'Aménagement et de Développement du Territoire (CRADT), auxquelles participent explicitement les Conseils généraux. Les départements sont donc associés à la procédure de constitution, et on peut supposer qu'ils passeront contrat ou signeront une convention avec les pays qu'ils agréent.
Ainsi, dans sa démarche, le gouvernement distingue clairement deux approches dans sa politique d'aménagement du territoire :
-> les niveaux de gestion, élus directement et dotés de compétences, que sont les départements et les régions ;
-> et les échelles de projets que sont non seulement les pays mais aussi, leurs aînés, les parcs naturels régionaux (PNR).
Cette approche différenciée doit permettre de mieux répondre aux attentes des citoyens, notamment au sein des Conseils de développement des pays, de soutenir des initiatives locales et la créativité citoyenne.
IV- La décentralisation
Vous le voyez : nous entendons bien renforcer et prolonger les avancées de la décentralisation, dont vous vous félicitez sans l'avoir plébiscitée à l'origine.
Pour la première fois, dans le cadre de contrats de plan et de programmes européens, l'Etat affiche et met en débat sa stratégie en région, sans obligation (en ne définissant pas a priori de " noyau dur "), ni exclusive. La première phase de débat sur la stratégie et les orientations, à laquelle départements, collectivités locales et acteurs régionaux sont conviés, sera prise en compte dans la définition des mandats de négociation.
De même, la définition du cadre territorial en agglomérations et pays fera l'objet d'une première concertation et d'une période de contractualisation possible jusqu'en 2003. Ce qui permettra une élaboration cohérente et sans précipitation, et laissera la porte ouverte au droit d'expérimentation ou à une configuration régionalisée des contrats. Il n'y a donc aucune "recentralisation rampante" dans la démarche du gouvernement.
Cette démarche permet au contraire de prendre la pleine dimension des processus de décentralisation en cours, notamment en matière de formation professionnelle et de transport régional dans les Régions, et d'action sociale pour les Départements. Les Régions ont donc pour fonction d'animer, avec l'ensemble des acteurs, le débat sur le projet régional.
Toutes les régions sont conviées dans les mêmes termes à cet exercice, sans aucune différence de traitement. La composition de certains exécutifs s'appuyant sur un accord avec le Front National rend cependant l'exercice démocratique plus difficile, voire inacceptable pour certains acteurs, et appelle une vigilance accrue du gouvernement sur les principes démocratiques.
La réforme de l'assiette de la taxe professionnelle, la création de la taxe professionnelle d'agglomération, ou encore la révision des valeurs locatives n'ont pas pour objet ni pour effet de centraliser, mais de favoriser l'emploi et d'introduire plus de solidarité dans la fiscalité locale.
Elles assurent une garantie des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, qui les préserve de l'inflation et intègre la croissance.
Plusieurs d'entre vous se sont faits l'écho des difficultés posées par la " dictature des normes " pour les collectivités locales. Celles-ci ne font que transcrire - et à mes yeux souvent avec retard - la montée des exigences de qualité ou de sécurité exprimées par nos concitoyens. Elles participent d'une plus grande prise en compte des préoccupations qualitatives, par rapport à la satisfaction des besoins quantitatifs. Ainsi, le désamiantage ou la collecte sélective des déchets illustrent de faon spectaculaire cette évolution.
V- Les services publics
L'aménagement du territoire doit s'assurer d'une qualité d'accès de chacun aux services essentiels. L'évolution des maternités et des services d'urgence, des Commissariats et des Gendarmeries, ou encore la modernisation de la Poste, affectent la répartition de ces services publics sur le territoire. Elles ne peuvent être conduites indépendamment les unes des autres, ou sans concertation suffisante par chacune des administrations et chacun des Etablissements Publics concernés.
Les projets de réorganisation territoriale des services publics doivent être étudiés en fonction de :
· l'intérêt pour les populations desservies ;
· l'intérêt pour l'Etat ;
· l'impact territorial, économique et social.
Ils doivent être envisagés de manière interministérielle et faire l'objet d'une étude d'impact. Ils ne peuvent être décidés sans une concertation préalable.
Le gouvernement prépare la mise en place d'un dispositif coordonné de pilotage en matière de services publics, et prévoit une politique d'accompagnement : coordination par les préfets, contrats pluriannuels des services publics, garanties d'accessibilité dans le cadre des volets territoriaux des contrats de plan, développement des partenariats dans le cadre de services polyvalents, aide à l'expérimentation locale, accompagnement financier des mutations
VI- Le projet de loi (LOADDT)
Les obstacles sont donc nombreux pour promouvoir une politique renouvelée d'aménagement du territoire. Dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, le Premier ministre en prenait la mesure, en décidant une " révision de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire afin que toutes les dimensions - écologiques, culturelles, économiques - du développement soient prises en compte dans les régions. "
C'est dans ce sens que j'ai préparé le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire que l'Assemblée Nationale examinera à compter du 19 janvier prochain, et que votre Haute Assemblée examinera au cours du premier trimestre 1999.
Sans anticiper sur le débat parlementaire, je voudrais vous tracer les grandes lignes de ce projet de loi.
Première nouveauté : au projet de schéma national que le précédent gouvernement n'avait pu formuler ni présenter au Parlement dans les délais prévus par la loi de 1995, se substitueront des schémas de services collectifs et des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire. Ces schémas seront inédits : ils reconnaîtront au développement des services une importance au moins aussi grande que celle des équipements dits structurants, sur les sujets qui appellent nécessairement une approche européenne et interrégionale.
Les schémas relatifs à l'enseignement supérieur et à la recherche, à la culture, à l'information et à la communication visent particulièrement au développement de ces fonctions immatérielles.
Le projet de schéma " espaces naturels et ruraux " assure la cohérence du projet de loi d'aménagement avec le projet de loi d'orientation agricole.
Les schémas relatifs à l'énergie et aux transports de voyageurs et de marchandises, prendront en compte la satisfaction des besoins à court terme, en favorisant l'utilisation optimale des équipements et services existants, et la préservation à long terme des milieux et des ressources.
Le projet de loi réaffirme la place des Régions et la pertinence des approches interrégionales, particulièrement à l'échelle des grands bassins fluviaux, des massifs montagneux et des littoraux.
Une articulation nouvelle des territoires a été élaborée avec la constitution, dans ce projet de loi, des agglomérations et des pays en cohérence, bien sûr, avec le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de coopération intercommunale, que propose le ministre de l'Intérieur.
Il s'agit de s'appuyer sur les communes et sur les trois formes de coopération intercommunale que sont les communautés urbaines, les communautés d'agglomérations et les communautés de communes. Les deux premières seront incitées à anticiper l'intégration de compétences et la solidarité fiscale par l'élaboration et la mise en uvre de projets de développement à l'échelle de l'agglomération.
Les communautés de communes seront, quant à elles, conviées à se structurer de manière volontaire en pays. Ces territoires de projets, créés par la loi d'aménagement et de développement du territoire de 1995, n'ont pas vocation à se transformer en structures intercommunales dotées de compétences fortes ou à assurer des maîtrises d'ouvrages d'opérations d'aménagement, et encore moins à se substituer à des collectivités existantes tels que les Départements.
Agglomérations et pays ont pour mission de définir et de mettre en uvre un projet cohérent à l'échelle de leurs territoires. Ils s'appuieront pour ce faire sur les politiques de l'Etat, sur celles des Régions ou, s'ils le souhaitent sur celles des Départements et des communes, dans le cadre d'un contrat.
La mise en uvre de ce projet est une condition nécessaire de la reconnaissance et du développement des territoires. Elle constitue un facteur indispensable à un développement équilibré, permettant de diminuer les coûts induits par l'hyperconcentration urbaine. C'est aussi un préalable à un effet positif de désenclavement. Les territoires ruraux en difficulté et les zones urbaines en conversion feront l'objet d'un soutien différencié.
Voilà en quelques mots, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les grands axes de la politique d'aménagement du territoire que le gouvernement entend mettre en uvre. Les projets de loi en matière d'orientation agricole, d'aménagement et de développement durable du territoire, de renforcement de l'intercommunalité consolideront, j'en suis convaincue, la mobilisation et la solidarité entre les territoires, ainsi que la décentralisation.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 septembre 2001)