Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Vous avez souhaité, à l'occasion de cette session plénière, entendre la Présidence sur l'actualité en France et en Europe de la prévention et de la lutte contre la maladie de la vache folle.
Vous le savez, le Gouvernement français a adopté hier un renforcement du dispositif national de sécurité sanitaire, incluant la suspension de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des porcs et des volailles. J'étais moi-même aux côtés du premier ministre Lionel Jospin lorsqu'il a annoncé ce plan d'action.
Le Conseil de l'Union européenne prend aussi une part active, avec votre Institution et avec la Commission européenne, à l'actualisation et au renforcement constants du dispositif européen de prévention et de lutte contre cette maladie.
Il me semble que c'est sur ces deux volets, sur l'actualité de la lutte contre l'ESB en Europe et sur ses développements en France, que vous avez souhaité m'entendre aujourd'hui.
Je commencerai donc par vous confirmer l'économie des dispositions prises par le Gouvernement français hier, pour évoquer ensuite les initiatives prises par la Présidence et les développements communautaires en cours. Il est en effet important de resituer avec vous l'actualité de la lutte contre l'ESB dans le cadre plus général du développement de la sécurité alimentaire en Europe.
1 - Le Gouvernement français a donc annoncé hier à Paris un renforcement du dispositif national de sécurité sanitaire. Ce plan d'action met en oeuvre, comme le Gouvernement s'en est fixé l'exigence, la primauté de la santé publique et de la transparence.
Face à une situation d'incertitude, lorsqu'il existe un risque potentiel majeur pour la santé publique, toutes les décisions nécessaires à la sécurité sanitaire doivent être prises, et réévaluées de manière permanente, au fur et à mesure de l'avancée des connaissances et des avis scientifiques. C'est ainsi le troisième principe qui nous guide : le principe de précaution.
Une étape supplémentaire de protection est apparue nécessaire. Deux éléments factuels sont en effet venus nourrir certaines inquiétudes quant aux farines carnées pour l'alimentation animale.
L'apparition, en premier lieu, de cas d'ESB chez des ruminants nés après cette interdiction. L'hypothèse d'une contamination accidentelle croisée ou frauduleuse de ces animaux par des farines carnées s'est faite jour.
En second lieu, un rapport rendu public au Royaume-Uni a permis de prendre la mesure des difficultés de contrôle de l'emploi de ces farines.
Il faut ajouter, au-delà des questions sanitaires, que ces farines sont apparues aux consommateurs comme le symbole des excès d'un certain mode de production agricole, qui s'est imposé depuis quarante ans, qui a permis d'assurer la fourniture de denrées alimentaires à des prix raisonnables, mais qui a aussi révélé ses limites et qui a été remis en cause dans les dernières années.
C'est pourquoi le Gouvernement français a décidé de suspendre l'utilisation des farines de viande et d'os dans l'alimentation des porcs, des volailles, des poissons ainsi que des animaux domestiques. Seules les farines de poissons peuvent continuer à être administrées aux poissons.
Dans le même temps, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments poursuit une nouvelle évaluation scientifique du risque sanitaire éventuel lié à ces farines, au regard de l'évolution des connaissances et de l'efficacité des mesures de sécurisation.
Parallèlement, le Gouvernement français poursuit les mesures de retrait des tissus à risques. Conformément aux récentes recommandations des scientifiques, il a décidé de mettre en oeuvre le retrait des colonnes vertébrales de la chaîne alimentaire. Suivant une suggestion de l'Agence nationale d'évaluation scientifique indépendante, l'AFSSA, il a décidé d'interdire le "T-Bon " steak. Les vertèbres des bovins seront également exclues de la fabrication de la gélatine et du suif, et l'ensemble de l'organisation de l'abattage sera revu, de manière à sécuriser plus encore les opérations de découpe des carcasses.
Les moyens de contrôle sur l'ensemble de la chaîne alimentaire seront renforcés.
La France a par ailleurs engagé un important programme de 48.000 tests sur des populations bovines considérées comme à risque, dont 8.000 relèvent aussi du programme communautaire. Il est d'ores et déjà décidé d'étendre ce programme à tout le territoire national. Dans le même temps, les tests seront également pratiqués de façon aléatoire sur des bovins entrant dans la chaîne alimentaire.
Nous proposons à la Commission européenne et à nos partenaires de l'Union de préparer ainsi l'extension à l'échelle européenne des tests, en fonction des préconisations des scientifiques.
Un volet spécifique concerne la forme humaine de la maladie et les activités de soins. Un programme de renforcement des désinfections et stérilisations des dispositifs médicaux et d'utilisation du matériel à usage unique dans les hôpitaux sera mis en oeuvre très rapidement. La réévaluation des mesures de précaution et de sécurisation sur la fabrication et l'utilisation des produits sanguins est en cours. Une attention particulière sera portée aux conditions d'hygiène et de sécurité des travailleurs des installations concernées.
Les progrès de la recherche sont décisifs pour améliorer la connaissance, la prévention et le traitement de l'ESB. C'est pourquoi les efforts accomplis depuis 1997 en matière de recherche vont être poursuivis et amplifiés.
La désaffection actuelle de la consommation de viande bovine se traduit par un déséquilibre important du marché. Des outils de soutien à la filière bovine pour affronter cette crise doivent être mis en place. La France a demandé que la situation du marché de la viande bovine soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil " Agriculture " qui se tiendra à Bruxelles les 20 et 21 novembre prochains. D'ores et déjà, elle a demandé l'activation du dispositif de stockage privé prévu par l'OCM viande bovine.
Ce plan d'action national, annoncé par le Premier ministre Lionel Jospin hier à Paris, procède du fait que la sécurité alimentaire est une exigence légitime des consommateurs, et qu'elle inspire en permanence l'action du Gouvernement qui continuera à l'assurer avec une vigilance déterminée.
2 - Ma conviction est que cette préoccupation est pleinement partagée par les Institutions européennes, qu'il s'agisse du Parlement européen, de la Commission ou du Conseil, et qu'elle a entièrement vocation à s'inscrire pleinement dans le contexte européen.
Aujourd'hui même, à Bruxelles, les experts du Comité vétérinaire permanent auprès de la Commission européenne sont réunis pour préparer les modalités d'un élargissement du programme européen de tests de dépistage sur les bovins. Cette réunion des experts vétérinaires auprès de la Commission est particulièrement utile pour faire le point, en perspective du prochain Conseil " Agriculture ", qui se tiendra les 20 et 21 novembre sous la présidence de mon collègue Jean Glavany.
Cette réunion permet en effet, en ce moment même, de confronter les expériences et les approches sur le programme de tests, sur l'interdiction des farines animales et sur les autres dispositions susceptibles d'être renforcées au niveau européen. Les résultats de ce premier débat seront présentés au Conseil le 20 novembre. L'enjeu est bien de rétablir la confiance des consommateurs européens dans la viande de boeuf.
Par ailleurs, la Présidence a prévu lors de cette même session de procéder à un débat ouvert sur la sécurité alimentaire, à partir des travaux en cours, des récentes propositions de la Commission sur l'hygiène et le droit alimentaire, la création d'une Autorité Alimentaire européenne, et des développements actuels.
Il faut rappeler que plusieurs propositions réglementaires sont actuellement en discussion, qui vont concourir à renforcer l'efficacité et la pertinence du dispositif communautaire et, par conséquent je l'espère, la confiance des consommateurs.
Ainsi, je rappelle qu'un projet de texte cadre sur la lutte contre les ESST est actuellement examiné au Conseil, avec l'objectif qu'il puisse aboutir à un accord lors du Conseil " Agriculture " de décembre.
Ce texte a pour objectif principal de créer la base juridique permettant de prendre, dans le cadre d'un texte unique, pratiquement toutes les mesures d'épidémio-surveillance, de police sanitaire et d'interdiction des tissus à risque, mais également celles relatives à la mise sur le marché, aux échanges, aux importations et aux exportations des animaux vivants et de leurs produits. L'ensemble de ces mesures concernent indistinctement l`ESB bovine et ovine, ainsi que la tremblante des petits ruminants. Le champ de ce dispositif concerne l'alimentation humaine et animale, les autres volets de la problématique des ESST étant renvoyés aux législations sectorielles (médicaments, cosmétiques, etc..)
De même, la Commission a proposé des mesures sur l'hygiène alimentaire, dont l'examen est engagé tant au Conseil qu'au Parlement.
La proposition très récente de la Commission sur le droit alimentaire et la création d'une Autorité alimentaire européenne fera l'objet d'un débat approfondi lors du Conseil " Marché Intérieur, Consommateurs, Tourisme " le 30 novembre, que je présiderai, visant à dégager des lignes de force qui devront guider le fonctionnement de cette Autorité. Je crois en effet que le débat ouvert qui se tiendra la semaine prochaine lors du Conseil " Agriculture " sur la sécurité alimentaire montrera clairement, entre autres éléments, que l'évaluation scientifique est une pièce maîtresse du dispositif européen en matière de sécurité alimentaire.
Le Parlement s'est exprimé récemment sur le Livre Blanc de la Commission qui préfigure la définition de cette Autorité. Je ne doute pas que votre calendrier parlementaire tiendra pleinement compte de la nécessité d'aller vite pour que, comme la Commission le propose, nous disposions en Europe d'une A.A.E. opérationnelle dès 2002.
Dès la présentation de la proposition créant l'Autorité Alimentaire Européenne (A.A.E.) par la Commission le 8 novembre, la Présidence a engagé les travaux du Conseil.
Deux réunions du groupe du Conseil se sont tenues les 9 et 14 novembre, en préparation du débat d'orientation qui aura lieu le 30 novembre au Conseil.
La mission de l'A.A.E. consistera avant tout à nous fournir des avis scientifiques indépendants de très haute qualité, sur toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la santé des consommateurs et résultant de la consommation alimentaire, ce qui couvre tous les stades de la production primaire au consommateur final.
L'A.A.E. fournira également des informations claires et accessibles sur les questions relevant de son mandat. Ainsi, efficacité, indépendance et transparence seront des principes clés guidant clairement l `évaluation du risque alimentaire en Europe.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 16 novembre 2000)