Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la contribution de l'artisanat à la croissance économique et aux créations d'emplois, les mesures gouvernementales en faveur des artisants : allégement de la fiscalité, accès élargi au financement, simplification administrative, couverture sociale améliorée et sur la préparation d'une loi d'orientation pour l'artisanat, Paris, le 16 novembre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'Union professionnelle artisanale, à Paris, le 16 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président Delmas, Messieurs les présidents des trois confédérations que rassemble l'UPA, Mesdames et Messieurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous. D'abord parce que votre invitation lancée au ministre de l'économie et des finances, et ce discours, sont, me dit-on, une innovation : je suis très sensible à votre accueil. Je me sens l'interlocuteur de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, grande, moyenne, petite ou très petite, car elles font la richesse de notre pays, grâce à tous ceux qui, quel que soit leur statut, sociétal ou individuel, participent au développement économique, à l'innovation technologique et à la création d'emplois. Vous avez donc devant vous, Mesdames et Messieurs les artisans, un ministre très attentif à vos préoccupations et qui, avec l'aide hier de Marylise Lebranchu, aujourd'hui du très dynamique Secrétaire d'Etat François Patriat, sait d'expérience comme élu de terrain la place essentielle que vous jouez non seulement dans notre économie, mais aussi dans nos communes, dans nos campagnes et dans la vie de nos concitoyens.
Par facilité, on cherche parfois à opposer Gouvernement et artisans. Cette présentation n'est pas seulement injuste, elle est illogique. Le projet global qui est le nôtre -croissance réformatrice, solidarité durable, retour au plein emploi- doit en effet nous rassembler. Il a permis déjà de faire reculer le chômage et la précarité -les chiffres en témoignent- mais aussi, et je sais que vous y êtes particulièrement attachés, de valoriser l'esprit d'initiative et la volonté d'entreprendre. S'il y a depuis trois ans près d'un million de chômeurs en moins, c'est parce que les conditions nécessaires à la création de plus d'un million d'emplois ont été rassemblées ; vous êtes -sans mauvais jeu de mot- parmi les artisans de ce progrès, vous qui, dans les périodes de crise, résistez avec courage, et dans les périodes d'expansion faites preuve d'audace et d'adaptation. Baisse des impôts pour les sociétés comme pour les particuliers, maîtrise des dépenses, réduction de la dette et diminution des déficits, inflation limitée, concurrence, préparation du passage à l'euro concret, ces engagements que nous nous attachons à traduire en actes participent d'un climat où la confiance et la croissance se mélangent, où le soutien de la demande est opportunément relayé par l'encouragement de l'offre au service d'une politique économique de l'activité et de l'emploi qui doit profiter à tous. Nous savons en effet que lorsque les Français ont le moral, lorsqu'ils ont du pouvoir d'achat, ils achètent et consomment. Nous sortons des années de crise. Le Gouvernement et la majorité qui l'appuie travaillent concrètement à développer une prospérité qui sur tout le territoire, dans toute la société, profite directement ou par sous traitance à tous les acteurs de l'économie, dont évidemment les artisans.
Il arrive aussi parfois d'opposer artisanat et administration. Là encore, ce serait une erreur. L'Etat et l'artisanat sont à bien des égards deux éléments nécessaires de repère dans un monde en mutation. Tous deux ont été confrontés, de manière identique, à la modernité manufacturière et à l'expansion économique. Tous deux ont été mis en cause par la mondialisation, le numérique, l'expansion des géants industriels, financiers et transfrontaliers. Tous deux ont entrepris de se réformer et de se moderniser pour s'adapter au siècle qui vient et à ce que leur demanderont, demain, clients ou citoyens. Tous deux sont des visages de la France. L'"art" est dans l'étymologie même de votre nom ; le mot "ministre" porte dans sa signification la notion même de "service". Nos trajets sont donc parallèles. En allant parfois à l'encontre des idées reçues, en rejetant les archaïsmes et les corporatismes, votre union agit dans le sens du progrès qui, vous le montrez, ne se construit pas en brûlant des pneus ou en détruisant des perceptions. Vous privilégiez le dialogue sur l'affrontement, vous avez souci d'une démocratie ouverte et tolérante, vous voulez la responsabilité, la transparence et la concertation, vous faites évoluer notre société, j'apprécie cette méthode et je la partage. Elle me parait être, pour vos mandants, la garantie de l'efficacité, et pour vos interlocuteurs la condition de la confiance.
Mesdames et Messieurs, vous avez cette année 25 ans. C'est un bel anniversaire. Depuis 1975, l'UPA fédère votre pluralité, réunit vos trois grandes confédérations, celles des métiers de services, la CNAMS, celle des métiers de l'alimentation, la CGAD, celle du bâtiment, la CAPEB. L'UPA représente vos diversités, forme et informe ceux qui, sans elle, seraient moins forts et plus isolés, gère et achète au meilleur coût pour la collectivité des artisans, défend de légitimes intérêts dans toutes les grandes discussions publiques en matière de protection sociale, de réglementation, de fiscalité. C'est en 1983 que les pouvoirs publics, en vous accordant par le Président Mitterrand leur reconnaissance, ont pris acte de votre réelle représentativité. Depuis 1999, de remarquables campagnes de promotion l'ont illustrée. Vous vous êtes rapprochés de tous ceux qui, pour franchir votre porte ou profiter de vos services, vous connaissaient déjà mais ne vous reconnaissaient pas assez. Les artisans sont respectés et aimés. Vous trouvez dans ce sentiment partagé force et cohésion. Ce n'est d'ailleurs qu'un juste retour des choses au regard de vos efforts d'accueil et de communication, de votre travail, de son authenticité, de sa particularité que ne permettra jamais la production de masse. Dans un monde globalisé, le besoin d'humanisation est de plus en plus fort : vous incarnez cette économie à visage humain.
Pour toutes ces raisons, il est naturel qu'à l'occasion de cet anniversaire je rende hommage au nom du Gouvernement à la " première entreprise du pays " qui, avec un chiffre d'affaires de près de 900 milliards de francs, participe activement à la croissance retrouvée. La réunion de vos initiatives incarne en effet une culture, une histoire, un patrimoine, elle construit aussi, je ne l'oublie pas, notre futur quotidien dans le bâtiment, les services ou l'alimentation. Comment vivrait la Nation sans cette diversité de secteurs, que vous appelez chaleureusement des " familles ", sans ces 250 métiers, serruriers, ortho-prothésistes, coiffeurs, maçons, taxis, boulangers qui rassemblent 10% de la population active du pays ? Comment ferions-nous sans ces 2,3 millions de femmes et d'hommes compétents et qualifiés qui non seulement donnent le meilleur d'eux-mêmes, de leur intelligence, de leur cur, de l'habileté de leurs mains, mais ont embauché quand d'autres licenciaient, continuent de former 160.000 jeunes gens chaque année, c'est à dire la moitié des apprentis, et créent une entreprise sur deux. Ceux que vous formez ont vocation à voler de leurs propres ailes ou bien à reprendre des activités que vous avez développées mais qui ont besoin pour se pérenniser que vous trouviez, au bon moment, vos successeurs. Vous êtes le moteur d'une France humaine et énergique, faite d'activité, de proximité et de savoir-faire, une France d'éternité qui s'ouvre sur l'avenir, qui fait entendre son sérieux et ses qualités et cherche à aller de l'avant.
La modernité est souvent un engagement individuel. Je connais un président, assis non loin d'ici, qui travaille dans le bâtiment et dirige une entreprise dans la Haute Marne. Je n'en dirai pas plus pour préserver son anonymat et son devenir qu'on me dit prometteur. Il vient d'engager une femme titulaire d'un BTS pour lui confier une de ses machines les plus performantes à commande numérique et la spécialiser dans de délicats ouvrages de charpente. Bravo à lui et à tous ceux, nombreux, qui l'imitent. Bravo également en particulier aux jeunes -ils sont plus du quart des entrants dans certaines branches- qui sortent de l'apprentissage avec un diplôme de niveau 4. Mais, la modernité, si elle est une succession de trajets individuels, est aussi une vision collective. Je crois comme vous à une gestion démocratique du social, non pas centralisée, étatisée, mais faite de souplesse et d'adaptabilité. Vous êtes favorables à un paritarisme responsable, rénové et éclairé, qui situe le dialogue à la dimension nationale et au niveau des branches. Vous avez salué la réforme de la taxe professionnelle qui, au bout de près de trente ans de tergiversations, vient alléger le coût de la main d'uvre. Vous admettez, j'ai lu attentivement sur ce point l'opinion de votre président dans la "Tribune des artisans", que l'Etat, lorsqu'il a financé pendant des années les déficits de certains régimes, puisse exceptionnellement se refinancer de leurs excédents.
Quelques mots sur la question sensible des 35 heures. Vous êtes favorables à l'assouplissement, à une adaptation intelligente et non à un moratoire. Comme moi, sur ce dossier, vous ne faites preuve d'aucun dogmatisme. Vous préférez une approche pragmatique, souhaitant des mesures d'accompagnement tels que, par exemple, le renforcement du dispositif d'appui conseil. C'est une attitude légitime. Il serait absurde de pénaliser ceux qui débutent, qui sont fragiles ou petits, et contre-productif de restreindre leurs capacités de travail au moment où elles sont tant sollicitées. Potentiel de croissance et aspiration au bien être doivent être conciliés. Compte tenu de ces impératifs d'égale importance, nous devons encourager des solutions proportionnées, souples et adaptées aux réalités. L'UPA a une attitude dont je veux saluer le caractère responsable et pragmatique. Je note également que la CAPEB a été la première signataire d'un accord de branche d'application directe. Sur 27 branches, 20 relevant de vos activités ont également signé un accord, un accord gagnant/gagnant sur la durée du temps de travail. Quand la loi offre un cadre et laisse la convention, l'accord, le partenariat, définir modalités et détails, vous vous y retrouvez.
C'est pourquoi il était naturel que vous puissiez adhérer aux organismes de chèques vacances et que l'épargne salariale soit accessible aux plus petites des PME. J'y ai personnellement veillé dans la loi que j'ai présentée au nom du Gouvernement. Parmi les évolutions qui restent à opérer, nous savons que le service public de la formation devra également évoluer et le projet de loi sur la modernisation sociale devra y contribuer. Je sais que vous y êtes attentifs. Actuellement, la rénovation et l'entretien de l'habitat sont en plein boom, notamment depuis le passage de la TVA au taux réduit, qui a représenté pour le secteur concerné un ballon d'oxygène de plusieurs milliards de francs, mais aussi grâce à l'amélioration de la situation économique. Les professionnels concernés sont souvent confrontés à une pénurie de main d'uvre, au manque de personnels qualifiés, à la difficulté, pour les plus âgés, de trouver un repreneur, bien plus qu'à un manque de commandes ou d'activité. L'hôtellerie/restauration également. Les métiers de bouche et ceux de l'alimentation rechercheraient 60.000 salariés. C'est une situation nouvelle qu'il faut prendre en compte et pour laquelle il faudra proposer de nouvelles solutions. Tout en continuant d'assurer la demande des particuliers, la hausse des revenus et du pouvoir d'achat, il faut aussi, si on veut éviter surchauffe et inflation, favoriser l'offre, en veillant au coût du travail et en dirigeant, comme le fait mon collègue chargé de l'Enseignement Professionnel, des jeunes gens et jeunes filles en rangs plus nombreux vers vos professions, intéressantes, qualifiantes et qui permettent souvent, au bout de quelques années, de se mettre à son compte pour être en toute indépendance l'artisan de son destin. Valorisation des acquis professionnels, continuation de la réforme de l'apprentissage, péréquation de la taxe entre les centres de formation d'apprentis, il s'agit d'une politique de bon sens et de meilleure adéquation des ressources humaines de la population aux besoins de la Nation. Une convention a été signée entre le ministère de l'emploi et de la solidarité et l'UPA, ainsi que la CGAD, pour concrétiser cette orientation. Cela prouve l'utilité d'une bonne coopération entre nous, notamment en matière de formation. Si on la conçoit comme une éducation tout au long de la vie, elle deviendra une sorte de véritable et nouvelle sécurité sociale face aux incertitudes et à la mobilité du monde de demain.
Mesdames et Messieurs, votre détermination sur ces grandes questions n'est pas exclusive d'inquiétudes. Quelques mots à cet égard sur la maladie de la vache folle. Le Premier Ministre a annoncé des décisions. Les conséquences non connues sur la santé humaine, causes d'inquiétudes psychologiques chez nos concitoyens, ne doivent pas conduire à la panique. Pour autant, le devoir de prudence doit s'appliquer pleinement. Interdiction des farines animales, abattage de troupeaux contaminés, fin de certaines importations insuffisamment contrôlées, tests multipliés, vigilance sur d'autres produits, la santé des Français doit être préservée et protégée. Mais outre le fait que cela ne doit pas conduire à faire disparaître la viande rouge des tables familiales, il faut bien comprendre que les commerçants, les artisans du secteur de la boucherie et de la restauration sont en première ligne pour offrir aux Français une nourriture de qualité. Avec qui mettons-nous en place la traçabilité ? Avec eux. Avec qui travaillent les services de la consommation ? Avec eux. Avec qui créer un réseau de veille et d'alerte ? Avec eux. L'artisanat et le commerce français méritent confiance et reconnaissance.
Dans l'artisanat, dans le commerce on se lève tôt. On travaille dur. On mouille sa chemise. Rien ne vous est automatiquement donné. Il faut avoir de la force et du courage : le plus souvent, c'est sur vos seules épaules, aidés de vos conjoints, de votre famille, d'un ou deux salariés, que repose votre activité. On n'a guère le droit d'être malade ou fatigué, ni même tout simplement de se tromper. On paye immédiatement 100% des pots cassés. Cela tient aussi à la nature de vos entreprises : par votre taille, par des implantations géographiquement dispersées, vous connaissez certains handicaps structurels. Ils doivent être compensés pour ne pas devenir des injustices. Le Gouvernement souhaite favoriser l'évolution de vos activités. Elles ont un accès encore trop limité aux outils de financement, à l'exportation, aux nouvelles technologies : concrètement, avec vous, sur de nombreux points et même s'il reste évidemment à faire, nous avons avancé. J'ai évoqué la réforme de la taxe professionnelle, le relèvement du seuil d'application fiscal du régime de la micro entreprise, l'allégement des cotisations sociales personnelles du chef d'entreprise au cours des deux premières années, les dispositions arrêtées le 11 avril dernier lors des états généraux de la création d'entreprise pour le financement des projets et l'effet favorable sur la consommation et l'achat des baisses de TVA : nous pouvons y ajouter un certain nombre d'autres mesures également définies avec l'UPA et qui témoignent d'un souci constant, que je sais être aussi celui de la majorité parlementaire, de vous aider.
Dorénavant, à chaque fois que nous prenons une décision, nous devons considérer et considérons comme un réflexe d'en examiner les conséquences sur l'artisanat et plus globalement les PME. Certes, on peut juger ces initiatives parfois trop limitées ou pas assez nombreuses. Je ne voudrais ni laisser cette observation sans réponse ni pour répondre dresser une liste trop longue, aussi ne citerai-je que les décisions les plus récentes.
Par convention avec la BDPME, avec les sociétés de cautionnement mutuel et les réseaux bancaires, le dispositif d'aide au financement de l'artisanat a été réformé pour déléguer au réseau bancaire l'engagement de la garantie et rendre ainsi plus aisé votre accès au crédit. Les prêts bonifiés qui devaient se terminer dans 5 semaines ont été prolongés pour accompagner le passage à l'Euro et la mise aux normes européennes. La garantie SOFARIS a été étendue. Pour faciliter l'installation ou la reprise des TPE le gouvernement a lancé depuis le 10 octobre dernier de nouveaux prêts à la création d'entreprises. Un objectif de 30 000 PCE par an est visé. Ce n'est pas une disposition étriquée. Loin s'en faut !.
La simplification des relations avec l'administration est un combat important. C'est une nécessité. Des interlocuteurs administratifs uniques, une administration en réseau qui ne vous renvoie pas d'un guichet à l'autre, la réforme-modernisation de Bercy qui est en train d'être appliquée, tout cela doit être porteur de gain de temps, de facilité, de conseil et de rationalisation dont profiteront les artisans qui n'ont pas de grands services administratifs pour les épauler, qui n'ont pas les moyens de s'adjoindre une litanie de conseils spécialisés, qui n'ont pas trop de temps à consacrer au papier et à la bureaucratie. Comme vous le savez, le Gouvernement sur ma proposition a soumis à la concertation des élus et des professionnels au début du mois de novembre un projet de réforme du code des marchés publics. Ce projet peut être résumé : simplifier, clarifier, renforcer la transparence des procédures et la sécurité juridique des acheteurs publics, ouvrir plus largement la commande publique notamment aux TPME, diminuer les appels d'offres infructueux en ne multipliant pas à l'infini devis et documents exigés, conduire la collectivité publique à ne pas être un mauvais payeur qui vit sur la trésorerie de ses fournisseurs, notamment des plus petits. Ce sera un progrès. La transposition, rapide, de la directive européenne sur les délais de paiement devrait aboutir à des solutions identiques pour les paiements privés, en rééquilibrant les relations avec les grandes entreprises, en prenant en compte des enjeux qui, à la hauteur des 2000 milliards du crédit inter entreprise, sont décisifs pour votre existence même.
c)Je rappellerai aussi que, depuis 12 mois, le financement public des actions conduites par les chambres de métiers et vos organisations professionnelles est devenu un peu moins complexe, plus moderne, en sortant d'une logique de guichet assez peu efficace.
d)La couverture sociale des artisans s'est sur plusieurs points améliorée, les délais de carence ont été diminués, plusieurs prestations progressivement alignées sur celles du régime général. Je veux citer notamment la mesure importante que sera dès le 1er janvier prochain l'amélioration des prestations d'assurance maladie des professions indépendantes qui rejoindront celles servies aux salariés, même s'il demeure des progrès à accomplir.
Le projet Net-Entreprises, sera opérationnel dès 2000. Il consiste à créer sur Internet un service unifié d'information, de déclaration et de paiement regroupant, à terme, toutes les obligations auxquelles sont astreintes les entreprises à l'égard de l'ensemble des organismes de protection sociale
Dans le cadre du " plan global d'allégement et de réforme des impôts ", le Gouvernement a prévu non seulement la suppression de la surtaxe Juppé de 10 % instituée en 1995 mais aussi un abaissement du taux de l'IS pour les petites entreprises, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs et contrôlées à 75 % au moins par des personnes physiques, abaissement de ce taux à 25 % en 2001 puis à 15 % en 2002 sur les 250 000 premiers francs de bénéfices. Plus de 250 000 entreprises bénéficieront de ces mesures qui figurent dans le budget pour 2001.
Pour les entreprises individuelles, le Gouvernement a tenu, dans la dernière loi de finances, à étendre à leur intention, outre le bénéfice général de toutes les autres dispositions fiscales (diminution de l'imposition des personnes, effort en matière de compensation de la hausse des carburants), la suppression de la vignette que certains ont trouvée trop limitée. Bien qu'il s'agisse, sur 3 ans, pour la Nation de 120 milliards de baisses d'impôts au total venant s'ajouter aux diminutions précédentes, on peut toujours souhaiter des dispositions qui seraient plus larges mais on ne saurait négliger celles-ci, ni l'indispensable réduction des déficits publics. La baisse des impôts et des charges est -vous savez que je plaide concrètement en ce sens- une nécessité. Elle doit s'accompagner d'une baisse des déficits, donc d'une maîtrise des dépenses publiques.
Le Gouvernement a donc entendu plusieurs de vos préoccupations ; avec vous, je souhaite aller plus loin. La transmission d'entreprise est en train de faire l'objet d'un livre blanc qui sera remis prochainement à François Patriat. Les députés ont examiné favorablement le relèvement du droit fixe pour les chambres de métiers. J'espère que le Sénat fera de même. Plusieurs avancées devraient pouvoir être effectuées dans un proche avenir. Je pense notamment à cinq directions concrètes :
rapprocher le régime du crédit aux très petites entreprises de celui des crédits à la consommation, afin notamment de mieux protéger les artisans en obligeant les établissements de crédit à leur délivrer davantage d'informations lors de l'octroi de prêts ;
prévoir qu'à peine de nullité les garanties professionnelles seront proportionnées au crédit accordé, afin de responsabiliser le créancier et d'éviter que pèse sur celui qui accorde sa caution une charge insupportable en cas de faillite ;
rendre éligibles aux commissions de surendettement ceux qui ont apporté leur caution à leur conjoint commerçant ou artisan pour activité professionnelle.
D'autres mesures importantes sont également à l'étude, sur la base de l'excellent travail confié par le Premier ministre au groupe présidé par le député-maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel sur l'environnement institutionnel des entreprises. Je pense particulièrement à la création, dans des conditions semblables à ce qui existe pour les particuliers ou dans le secteur agricole, d'un "chèque emploi service" pour payer d'une seule signature et sur un seul titre de paiement son premier salarié, son compagnon, son aide. Un million d'entreprises n'ont, en France, aucun salarié. Ce n'est certes pas parce qu'elles n'ont pas de perspective de développement, ni d'ambition, ni de désir de grandir. Mais tout le monde n'est pas virtuose d'un logiciel de paye. Tout le monde n'a pas une demi-journée de travail à consacrer en diverses paperasses. Il y a là un blocage que nous devons pouvoir lever. C'est la direction que j'ai fixée.
Au total, vous l'avez compris, le moment et la nécessité sont venus de donner un nouvel élan à l'artisanat, qui ne demande que cela. C'est pourquoi, après en avoir discuté avec le Premier Ministre Lionel Jospin et le Secrétaire d'Etat François Patriat, nous avons décidé de confier dans les jours qui viennent à un tandem de deux parlementaires en mission le soin de préparer dans la concertation les fondements de ce qui devrait devenir une Loi d'Orientation pour l'Artisanat, définissant les voies et moyens d'un développement de l'artisanat en ce début d'un nouveau siècle. La mission devra notamment réfléchir aux multiples conséquences du choix de la forme de l'entreprise individuelle par rapport à celle de la société et éviter les inégalités de traitement entre entreprise individuelle et société. Comme Ministre de l'Economie, je suis convaincu qu'il n'y aura pas de développement économique équilibré sans développement de l'artisanat. La loi d'orientation pour l'artisanat doit le permettre. Nous voulons, avec vous, en rassembler les moyens pour la France.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, un artisanat vigoureux, inventif, développé, c'est à la fois une chance pour la Nation qui peut réunir autant de talents, une nécessité pour les clients qui voient leurs demandes traitées individuellement, de façon humaine et au plus près, une source d'emplois pour des jeunes qui sont de plus en plus convaincus de l'intérêt des formations que vous proposez et qui y trouvent un épanouissement, même s'il faut encore mieux les en informer. Mais c'est aussi une prise de risque pour ceux qui choisissent ce type d'activité, dont l'individualité, en phase avec la société française qui récuse l'uniformité, en phase avec le tempérament de travailleurs qui veulent leur indépendance, est synonyme, parfois, de fragilité. L'artisanat, c'est un pari passionnant, et c'est un pari difficile : c'est un projet économique, c'est aussi un projet social et d'aménagement du territoire, un projet humain, un projet de vie. A nous d'aider celles et ceux qui font ce choix, non seulement par des mots, mais, comme j'ai essayé de le montrer au nom du Gouvernement, par nos décisions concrètes.
La société de l'avenir, celle de la croissance et de l'emploi, doit se construire avec les artisans. Vous avez pour le faire ma reconnaissance, mon admiration et mon soutien.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 17 novembre 2000)