Conférence de presse de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur le report des versements de l'Etat à l'UNEDIC, les négociations dans la fonction publique et le prochain débat sur la protection sociale, Paris le 5 septembre 1995.

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Circonstance : Rencontre entre Alain Juppé et les partenaires sociaux, syndicats et patronat à Matignon les 4 et 5 septembre 1995

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je voulais, avec M. Jacques Barrot, vous faire un point rapide - et je vous prie de bien vouloir m'en excuser à l'avance - de ce premier tour de rencontres que nous avons eues depuis ce matin avec les organisations professionnelles et syndicales : Force Ouvrière, la CGC, la CFDT, la CFTC, la CGT et, à l'instant, le CNPF. Demain matin, nous poursuivrons bien entendu à 9 heures avec la CGPME et à 10 heures avec l'Union professionnelle artisanale. Nous avons abordé avec nos interlocuteurs quatre grands thèmes que je voudrais reprendre rapidement devant vous. Tout d'abord, parce que plus que jamais la priorité des priorités du gouvernement est l'emploi. J'ai rappelé en premier lieu ce qui avait été fait depuis le mois de juin dans ce domaine : d'abord l'action pour lutter contre le chômage de longue durée, avec la mise en place du contrat initiative emploi dans les termes où il avait été annoncé par le Président de la République. Ce dispositif est en place depuis le premier juillet et concerne d'ores et déjà plus de 30 000 bénéficiaires. Ensuite, les mesures en direction des PME et des PMI, qu'il s'agisse des allègements de charges ou de l'accès au crédit ; j'y ajoute les mesures relatives au logement, dans le détail desquelles je ne reviens pas, mais qui étaient extrêmement fortes dans la loi de Finances rectificative ; le soutien à la consommation avec la hausse du SMIC de 4 % au 1er juillet ; la mise en place d'une allocation de rentrée scolaire triplée qui vous le savez est actuellement en cours de distribution. Coup d'arrêt aux déficits également, ce qui a nécessité, bien entendu, des ressources nouvelles.
Les premiers résultats de cette action sont déjà au rendez-vous, les évolutions sont positives. Au mois d'août, pour la dixième fois consécutive a été enregistré un recul du chômage. Quant à ce qu'on appelle ici ou là "le cercle vertueux" de la lutte contre les déficits et de la baisse des taux d'intérêts, il s'est enclenché, vous le savez, depuis plusieurs mois à un rythme constant.
Il faut aller plus loin maintenant, et c'est bien entendu à cela que le gouvernement s'attache. J'ai rappelé d'abord les grandes réformes qui sont sur l'agenda du gouvernement dans les prochaines semaines. Logement : j'annoncerai après-demain la réforme de l'accession à la propriété. Emplois de proximité, dès le mois de septembre, nous rendrons public le dispositif "prestation autonomie" et, en octobre, dans le cadre du programme d'intégration urbaine, nous mettrons l'accent sur les emplois de ville. Enfin, au mois de novembre, le plan PME/PMI/artisanat comportera des dispositions fiscales et également des dispositions relatives à la concurrence. Mais, j'ai principalement abordé avec nos partenaires syndicaux et professionnels quelques grandes négociations qui sont actuellement en cours et auxquelles nous attachons une importance particulière. D'abord l'apprentissage et l'alternance. L'une des réponses au chômage des jeunes, c'est le développement de l'alternance, c'est le développement de l'apprentissage. Depuis quelques années, l'apprentissage se développe, il faut passer à la vitesse supérieure. Il y a pour ce faire des mesures à prendre, mesures immédiates de court terme, d'ici la fin de l'année. M. Barrot les arrêtera dans les prochaines semaines avec les partenaires concernés. Mais, aussi remise en ordre de tout ce secteur de l'alternance et de l'apprentissage, qui est très complexe. Nous avons décidé avec nos interlocuteurs de relancer les choses dans ce secteur mais j'insiste bien sur la priorité que le gouvernement accorde à cette action au profit de l'insertion des jeunes. Je rappelle, et je l'avais promis tout à l'heure, que dans le cadre de la loi de Finances rectificative, nous avons porté de 7 000 à 10 000 francs la prime d'apprentissage versée par l'État.
Le deuxième grand sujet de discussion des partenaires sociaux, auquel le gouvernement apporte ses encouragements et tout son soutien, c'est la discussion sur le temps de travail. Un rendez-vous est pris pour la fin octobre entre les partenaires sociaux : j'espère, et nous insistons beaucoup sur ce point, qu'il permettra d'aboutir à un accord. Car il y a beaucoup à faire dans ce domaine, je ne cesse de recevoir des conseils sur la nécessité d'aller plus vite et plus loin. Eh bien, qu'on me permette aujourd'hui d'en donner à mon tour : je souhaiterais que l'on aille plus vite et plus loin dans le domaine de l'aménagement du travail, de la réduction du temps de travail. Ne soyons pas frileux. Certes la bonne approche n'est pas une approche normative. Il faut que la discussion produise tous ses effets, mais il faut qu'elle les produise dans des délais rapprochés maintenant. On peut faire beaucoup de choses dans ce domaine et des choses qui soient bénéfiques pour l'emploi. J'espère que les partenaires sociaux tiendront le calendrier qu'ils se sont fixé et que je rappelais à l'instant. J'ai enfin abordé, toujours sur ce chapitre de l'emploi, les relations avec l'UNEDIC pour indiquer que, compte tenu de l'évolution du régime qui est revenu à l'équilibre, et même au-delà puisqu'on anticipe un excédent de 12 à 13 milliards de francs l'année prochaine, hors toute participation supplémentaire de État - j'ai donc indiqué donc que État souhaitait rediscuter avec les partenaires du dispositif qui avait été mis en place dans un double esprit. D'abord réaffirmer notre engagement à aider l'UNEDIC à payer ses dettes le moment venu. Les engagements seront tenus bien entendu. Deuxièmement, encourager la mise en place d'un accord très positif qui a été conclu par les partenaires sociaux, le 6 juillet dernier, et qui prévoit, vous le savez, la possibilité du départ à la retraite pour les salariés qui ont cotisé 40 années, avec en compensation le recrutement d'un jeune. C'est un très bon dispositif et nous verrons dans le courant de l'année 96 s'il est besoin, le cas échéant, de dégager des moyens pour lui permettre de fonctionner.
Voilà donc, un certain nombre de sujets que nous avons abordés et qui sont relatifs à l'emploi. J'insiste sur l'apprentissage et j'insiste sur le temps de travail.
Deuxième grand thème dont j'ai souhaité abordé pour l'avenir - parce que nous ne l'avons évidemment pas abordé dans le détail aujourd'hui - thème de concertation avec les partenaires sociaux, c'est tout ce qui a trait aux inégalités entre femmes et hommes dans le travail, et de façon plus générale, dans la société française. Il y a eu beaucoup de textes dans ce domaine, vous le savez, et puis il y a les réalités. Et les réalités, quelles sont-elles ? C'est que les écarts de salaire restent tout à fait considérables : salaires entre hommes et femmes, 38 % en région parisienne, 30 % en province, quel que soit le métier. Les Françaises payées au SMIC sont 3 fois plus nombreuses - le chiffre exact est 2,8 - que les hommes. On ne peut pas dire qu'aujourd'hui elles sont moins bien formées que les hommes. Il y a donc là un sujet de concertation et de discussion. J'ai annoncé à nos interlocuteurs que j'installerai le 27 septembre un organisme léger qui s'appellera l'Observatoire de la parité entre femmes et hommes, dont la responsabilité sera confiée à un parlementaire, Mme Roselyne Bachelot. J'ai d'ailleurs sur ce plan comme sur beaucoup d'autres enregistré une position de principe très favorable des syndicats et du patronat à discuter avec le gouvernement de cette question.
Troisième grand sujet abordé, la fonction publique. J'ai d'abord marqué que je ne participais pas en ce qui me concerne à l'opération consistant à monter une certaine catégorie de la population contre les fonctionnaires. Nous avons besoin de la fonction publique, c'est un des éléments de force de notre société et du fonctionnement de État. D'ailleurs, j'observe que l'on dit beaucoup de mal de la fonction publique, mais que dans le même temps, les mêmes me réclament plus de policiers, plus de gardiens de prison, plus d'instituteurs, plus d'infirmières. Il y a là dans l'opinion publique française souvent un peu de contradiction. La loi de Finances 1996, et je l'ai indiqué à mes interlocuteurs, maintiendra l'emploi dans la fonction publique et il y aura des créations importantes dans le domaine de l'éducation, de la justice, de la sécurité ou de la solidarité. J'ai également chargé M. Puech, le ministre compétent, d'engager le plus vite possible, avec les syndicats, des discussions sur le temps de travail, les emplois précaires dans la fonction publique et d'autres sujets encore.
Le dialogue social avec la fonction publique est quelque chose à quoi je tiens beaucoup et qui sera activé dès les prochains jours. En ce qui concerne les salaires, j'ai rappelé quelques chiffres : entre 1988 et 1993, les salaires dans la fonction publique, ont augmenté de 25,7 % alors que les prix pendant la même période augmentaient de 18,2 %. Il y a donc eu des gains de pouvoir d'achat très substantiels et c'est une bonne chose. Les accords négociés ont été très profitables et nous les appliquerons, bien entendu. Nous les appliquerons, dès cette année puisque le 1er novembre prochain, il y aura une augmentation des traitements de la fonction publique de 1,4 % et que l'effet 1996 des mesures d'ores et déjà décidées qui seront, je le répète, appliquées, se chiffre à 2,3 % sur l'année prochaine. Cela nous semble constituer la limite de l'effort qui peut être fait.
Enfin, dernier sujet évoqué et non le moindre, j'ai tenu à ouvrir avec mes interlocuteurs, ce que j'appelle le débat social que nous allons nourrir au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Nous avons une protection sociale qui est un des grands acquis sociaux de notre pays et je ne confonds pas pour ma part conquête sociale, qu'il faut défendre, et privilèges, c'est-à-dire situations d'injustice qu'il faut combattre.
La protection sociale, la Sécurité sociale, c'est une conquête sociale. Et nous le dirons bien sûr avec vigueur à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Sécurité sociale qui sera célébré au début du mois d'octobre. Il n'en reste pas moins qu'il y a des problèmes. Des problèmes financiers, 120 milliards de dettes à la fin de l'année 95, qu'on demande à l'État de reprendre et une prévision de déficit comprise entre 55 et 60 milliards pour l'année prochaine.
Soit au total, sur les trois années 94, 95 et 96, 180 milliards, pour le régime général, les autres régimes de base et les régimes complémentaires n'étant pas en meilleure forme. Cela ne peut pas continuer. Et j'ai dit à mes interlocuteurs que, pour ma part, je ne déciderai pas d'une reprise de dette, ni de mesures de recettes nouvelles s'il n'y avait pas auparavant une réflexion approfondie sur les réformes de structures à mettre en place pour maîtriser le système. C'est trop facile de demander aux contribuables de payer. Il faut réfléchir à fond à l'évolution du système, d'autant que le problème financier n'est pas le seul et que la Sécurité sociale, aujourd'hui ou la protection sociale comportent des défauts qui vont grandissant. D'abord, elle n'est pas juste. Tout le monde n'est pas traité de la même manière en matière de retraite ou en matière d'assurance malade. Et cela se traduit d'ailleurs dans les statistiques. Il faut savoir qu'aujourd'hui le taux de mortalité des RMIstes, pour ne prendre que cet exemple, est deux fois supérieur au taux de notre mortalité moyen national. Deuxième blocage ou deuxième défaut de ce système, c'est qu'il ne protège pas contre l'exclusion, puisqu'il n'a pas empêché l'émergence en France de 5 millions d'exclus. Troisième défaut, qui n'est pas mince lui non plus, c'est que ce système est financé dans des conditions telles qu'il n'est pas bon pour l'emploi. Nous sommes vraisemblablement le seul pays développé qui finance sa protection sociale à 75 % par des cotisations assises sur les salaires. Ce qui constitue, bien évidemment, un facteur dissuasif à l'embauche. Alors, tout cela j'ai l'intention de le mettre sur la table, et d'en discuter, non pas pour différer les décisions mais pour les préparer. Mon calendrier, je l'ai déjà exposé et je le rappelle comme je l'ai rappelé à mes interlocuteurs d'aujourd'hui. Le débat est lancé avec eux. Il va se poursuivre puisque j'ai demandé aux différents ministres compétents, madame Hubert, madame Codaccioni, monsieur Barrot naturellement, monsieur Raoult, monsieur Arthuis de prendre contact maintenant avec eux, pour poursuivre le débat. Le 20 septembre je dirai tout cela aux parlementaires de la majorité que j'ai invités à se réunir à Paris. Dans le courant du mois d'octobre, nous décentraliserons le débat. Dans la première quinzaine de novembre, il y aura le débat au Parlement et, dans la foulée, avant fin décembre, les mesures de redressement qui s'imposeront pour l'année 96 et les réformes de moyen terme qui, elles, s'étaleront sur plusieurs années.
Comment allons-nous aborder ce débat ? Je voudrais essayer de l'organiser autour de cinq grandes questions. Première question, la branche vieillesse. Nous sommes très attachés, je le dis d'emblée, au système de la répartition qui est le seul à même aujourd'hui et demain d'assurer la solidarité entre les générations. Mais ce système ne s'équilibre pas et s'équilibrera de moins en moins au fur et à mesure qu'on avancera dans le temps. D'où un certain nombre de questions. Est-il normal que face à la retraite, il y ait de telles disparités de traitement entre Français, que les uns cotisent 40 ans pour avoir une retraite à taux plein et les autres 37,5 ans ? C'est un débat compliqué, parce que ces deux chiffres que je viens de citer n'épuisent pas la comparaison. Il faut l'ouvrir. Quelle doit être la répartition de l'effort entre les actifs et les retraités ? C'est une question qui va se poser à propos du financement de la prestation autonomie. Comment répartir la charge entre les salariés et les entreprises ? Bref, toute une série de questions de fond sur l'avenir de nos régimes de retraite.
Deuxième grand sujet; deuxième grande branche, puisque je souhaite aborder cela par branche, la politique familiale. J'ai dit dans ma déclaration de politique générale que la famille et la démographie étaient un des grands atouts de la France et il est heureux que la loi sur la Famille ait prévu de nouvelles dispositions en faveur des familles. Le moment venu d'ailleurs, il faudra en prendre des nouvelles, comme le Président de la République s'y était engagé. Mais là aussi il y a quelques questions de fond à poser. Est-il injuste, est-il normal que se cumulent trois caractéristiques très propres à notre branche famille qui sont, d'une part, le fait que la moitié environ des prestations familiales sont accordées sans conditions de ressources, que, deuxièmement, elles ne sont pas fiscalisées, c'est-à-dire pas soumises à l'impôt et que, troisièmement, elles se cumulent avec un quotient familial qui, même s'il est plafonné, est un instrument très puissant. Est-ce que le fait d'avoir les trois choses en même temps aboutit à des situations équitables ? Est-ce qu'il ne faut pas là aussi se poser des questions ?
Troisième branche, troisième grande série de questions, la maladie. Nous sommes là aussi devant une situation qui ne peut pas être prolongée sur l'élan des six premiers mois de l'année 1995. Qu'il s'agisse d'ailleurs de la médecine de ville ou qu'il s'agisse de l'hôpital. Il va donc falloir se doter d'instruments qui permettent de mieux appréhender la dépense. Et je poserai à ce sujet quatre questions. Faut-il, par exemple, généraliser et rendre obligatoire le dossier médical qui suit chaque patient, qui permet de s'assurer qu'il utilise l'assurance maladie dans les meilleures conditions de justice et d'égalité ? Deuxième question: comment maîtriser le problème de la démographie médicale ? Pour parler plus simplement, le nombre de médecins. Et sont-ils là où l'on en a vraiment besoin ? Ne faut-il pas réorienter une partie des médecins vers des activités de prévention ? Nous n'avons pas assez de médecins de médecine scolaire, de médecins de médecine du travail. Il y a, sans doute, des dispositifs incitatifs à imaginer. Troisième série de questions sur lesquelles travaille le Haut conseil de la réforme hospitalière que j'ai installé en juillet comment développer les alternatives à l'hospitalisation ? Comment faire de l'hôpital l'un des éléments d'un ensemble régionalisé et contractualisé pour bien maîtriser les choses ? Enfin, je parlais tout à l'heure des injustices du système, comment faire en sorte qu'il n'y ait pas d'exclus de notre système de soins ? On a généralisé 36 fois la Sécurité sociale et puis on se rend compte qu'elle n'est pas généralisée. Car si elle l'était, un système comme la carte Paris/Santé, mise en place par la Ville de Paris, n'aurait pas connu le succès qu'elle a eu. Donc, un problème d'égalité devant les soins, qu'il nous faudra aborder. Voilà, pour les trois grandes branches qui posent problème : vieillesse, famille, maladie.
Je souhaiterais encore aborder dans ce débat et selon le calendrier que j'ai indiqué deux autres questions. D'abord la question du financement. J'ai déjà posé le problème tout à l'heure en rappelant que 75 % du financement venait de cotisations assises sur les salaires. Comment ? Faut-il d'abord ? Si oui, comment faire évoluer ce dispositif ? Quel type de transfert entre les cotisations sociales et d'autres ressources ? L'impôt, par hypothèse, sur les entreprises ? Quel type de contributions ? Si on diminue les cotisations sociales assises sur les salaires, sur quoi d'autre asseoir la contribution des entreprises ? Et vous voyez là que réforme fiscale et réforme du financement de la protection sociale sont intimement liées et qu'il faudra donc aborder les choses de front, ce que nous ferons lors du débat de novembre et ce qui nous permettra, je l'espère, de présenter en janvier une grande loi d'orientation fiscale qui traitera de l'ensemble des problèmes du financement de nos prélèvements obligatoires.
Enfin, dernier grand chapitre : la lutte contre l'exclusion, et pour prendre un aspect parmi d'autres, le problème du RMI. Le RMI est une conquête sociale, ce n'est pas un privilège, il faut donc réunir les conditions pour qu'il ne soit pas mis en cause. Pour cela il faut qu'il soit plus juste et plus efficace. Comment améliorer les conditions d'insertion qui, aujourd'hui, ne sont pas satisfaisantes ? Comment faire en sorte que le système ne fonctionne pas comme un élément de démotivation au travail ? Comment réformer les procédures d'attribution du RMI pour qu'elles soient, je le répète, transparentes, justes et efficaces. C'est aussi une série de questions qu'il faut aborder. Vous voyez que le menu de ces entretiens étaient chargé. Nous n'avons évidemment pas pu épuiser l'ensemble des sujets. C'était le début d'un processus de concertation dont je vous ai indiqué les étapes : 20 septembre, octobre, début novembre et fin de l'année pour les décisions de portée immédiate, sans préjudice des réformes de fonds qui devront se dérouler sur les années qui suivront. Voilà, je crois que j'ai été, sinon exhaustif, du moins à peu près complet sur ce que nous avons dit.
(Questions des journalistes)
JOURNALISTE (Question inaudible)
ALAIN JUPPÉ - Oui, d'abord je souhaite que cette consultation ou que cette concertation qui va se poursuivre avec les organisations professionnelles et syndicales ne se limite pas à cela. Il y a aussi dans les domaines que j'évoquais de l'exclusion, du RMI, de grandes associations qui sont sur le terrain et qui ont de tout cela une approche à la fois humaine et juste avec lesquelles nous allons nous concerter. Il y a les élus locaux, les départements qui gèrent une grande partie de ces dispositifs. Donc j'organiserai dans le courant du mois d'octobre une concertation au niveau régional selon des modalités que je préciserai au cours des prochains jours.
JOURNALISTE (Question inaudible) ... à la suite de l'attentat et savoir ce que vous allez faire...
ALAIN JUPPÉ - Je suis évidemment à la fois préoccupé et vigilant. Les dernières tentatives ont été, du moins la dernière en date, un échec. Vous savez que nous avons mis en place et j'avais donné tous les chiffres lors de l'émission de télévision que j'ai faite la semaine dernière un dispositif renforcé qui a été porté jusqu'à je cite de mémoire, mais je crois que c'est le bon chiffre 31 compagnies républicaines de sécurité et escadrons de gendarmerie mobile. Le ministre de l'Intérieur que je verrai dès demain matin me fera, le cas échéant, des propositions pour renforcer ce dispositif. Donc, nous sommes très vigilants et nous avions, pour la rentrée scolaire, des dispositions également exceptionnelles. Nous suivons cela heure par heure, de même que nous suivons le développement des enquêtes pour essayer de voir les liens que l'on peut faire entre ces différentes tentatives d'attentats ou attentats hélas venus, comme celui du RER Saint-Michel, à réalisation.
JOURNALISTE - Concernant les fonctionnaires, peut-on conclure de vos explications qu'il n'y aura pas d'augmentation générale des traitements de ces fonctionnaires en 1996 et que, donc le pouvoir d'achat des fonctionnaires diminuera ?
ALAIN JUPPÉ - Non, on ne peut pas conclure cela. Parce que ce pouvoir d'achat ne diminuera pas, puisque les seules mesures qui sont d'ores et déjà prévues et décidées aboutissent à une augmentation de la masse salariale de 2,3 %. Et j'ai rappelé que, dès le mois de novembre, une mesure de 1,4 % est prévue. Tous les engagements pris seront respectés.
JOURNALISTE - Mais, il n'y aura pas de remise à niveau en 1996 ?
ALAIN JUPPÉ - C'est ce que j'ai dit.
JOURNALISTE - Monsieur le Premier ministre, on avait cru comprendre que les syndicats étaient un peu anxieux, surtout après les propos de monsieur Madelin concernant les fonds sociaux. Est-ce que vous les avez rassurés ? Est-ce que vous les avez trouvés rassurés ? Est-vous les avez trouvés combatifs ? Est-ce que vous craignez une grève dans la fonction publique ?
ALAIN JUPPÉ - Je suis persuadé que vous leur avez déjà posé toutes ces questions, donc vous connaissez les réponses. Sur le point de savoir, en tout cas, s'ils sont rassurés, non, moi je ne cherchais pas à rassurer les syndicats : je cherchais à leur dire ce que j'allais faire et quelles sont les vraies questions qui se posent aujourd'hui à notre pays. Je dois dire, je parle sous le contrôle de Jacques Barrot, que j'ai trouvé avec les limites évidemment de cet exercice qui est parfois un peu convenu, une ouverture au débat en tout cas. Je ne dis pas un accord sur les propositions d'autant que je n'avais pas de décisions à annoncer aujourd'hui, mais en tout cas une très grande disponibilité pour poursuivre le débat.
JOURNALISTE - Avez-vous évoqué avec eux, monsieur le Premier ministre, l'éventualité d'une hausse de la CSG, sous différentes formes, dans le premier Budget 1996 ?
ALAIN JUPPÉ - Non, il n'y a pas de hausse de CSG prévue dans le Budget 96. J'ai simplement dit que nous devions répondre ensemble à la question suivante : "Comment fait-on face à un déficit prévisionnel de 55 à 60 milliards ?" La solution de facilité, c'est de dire : "On va augmenter les recettes". Moi je souhaite changer de logique et dire : "Posons les vraies questions de fond. Attaquons nous aux réformes de structures et, dans ce cadre là, s'il ressort du débat qu'il faut accompagner ces réformes de structures par des mesures de recettes alors on le décidera à ce moment-là".
JOURNALISTE - Est-ce que le développement des alternatives à l'hospitalisation pourrait conduire à la fermeture de lits hospitaliers ?
ALAIN JUPPÉ - Il y a plusieurs façons d'aborder le problème. Je ne crois pas que la bonne méthode soit de dire : "Il y a tant de lits en trop en France, on va en fermer tant". En revanche la méthode qui consiste à dire : "Région par région, regardons comment articuler autour de l'hôpital et également des établissements d'hospitalisation privés, un système qui développe l'hospitalisation à domicile". Parce qu'elle présente beaucoup d'avantages, non simplement de coût - c'est un aspect, ce n'est pas le seul, mais aussi d'humanisation de la situation des personnes qui restent chez elles. C'est cela l'essentiel. Si dans ce cadre-là il apparaît qu'effectivement, il y a des possibilités sur le nombre de lits, alors il faudra évidemment ne pas s'interdire de le faire et c'est cela la démarche. Plutôt qu'une sorte d'a priori.
JOURNALISTE - Monsieur le Premier ministre, l'allègement des charges, massif, qui était présenté il y a peu comme la possibilité de donner un ballon d'oxygène à l'économie et donc à développer l'emploi, on n'a pas entendu parler d'allègements de charges de...
ALAIN JUPPÉ - Eh bien non, parce que l'on ne va pas faire cela tous les jours. Je vous rassure tout de suite. Non, non. Mais écoutez il faut être un peu sérieux... Le gouvernement... là je conçois bien un peu l'impatience de l'information, mais il ne faut pas quand même trop simplifier les problèmes. La loi de Finances rectificative a été votée il y a un mois. Le contrat initiative-emploi a été mis en oeuvre par anticipation le 1er juillet. Cela fait deux mois. Les mesures d'allègements sur les PME seront effectives le 1er septembre. Il ne faut pas venir me demander si je vais en rajouter. Non, je vais en rajouter quand on aura fait le bilan de cela. Pardon, ce n'était pas cela cette question ?
JOURNALISTE - Non... la question était si vous alliez poursuivre sur ce point ?
ALAIN JUPPÉ - On va faire ce qui a été décidé, et puis on fera les comptes et le bilan. Si on se rend compte d'ici à un an et demi, à deux ans, que cela fonctionne bien et que, comme on n'a cessé de nous le dire, cet allègement des charges était bon pour l'emploi, alors à ce moment là on verra quelle étape supplémentaire franchir le cas échéant. Mais c'est cela le donnant-donnant.
JOURNALISTE (Question inaudible)
ALAIN JUPPÉ - Je dois dire que l'un des accords peut-être les plus significatifs qui ait été amorcé entre les partenaires sociaux et dont j'espère qu'il sera conclu cette semaine et qui consiste à lier les départs à la retraite des salariés ayant cotisé depuis 40 ans et l'embauche d'un jeune ou d'un chômeur, c'est le type même du donnant-donnant. Puisque c'est un peu dans ce cadre-là que nous avons versé 2,5 milliards à l'UNEDIC au mois de juillet dernier. Donc c'est une bonne illustration de ce que peut être le débat entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux.