Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés.
A ce stade de la procédure parlementaire, la représentation nationale est parfaitement informée de l'ensemble des dispositions de ce texte, de l'esprit qui a présidé à son élaboration, et enfin de la philosophie qui l'anime. De plus, les débats que nous avons eu tout à l'heure sur le budget de l'outre-mer, budget que vous avez adopté à une très large majorité, vous auront également permis de vérifier que le financement des mesures économiques et sociales de la future loi d'orientation a bien été prévue par le gouvernement, afin que l'ensemble des dispositifs proposés soient mis en uvre, dès promulgation de la loi, avec une montée en charge la plus rapide possible, en 2001.
Je voudrais cependant insister sur l'importance du vote que vous allez accomplir à l'issue de cette dernière lecture du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, en remettant celui-ci en perspective,
Mesdames et Messieurs les députés, Outre-mer, chaque situation est singulière, et aucun modèle n'est transposable. Exprimée avec force par le Premier ministre, dès sa prise de fonction, cette conviction semble aujourd'hui partagée par tous, mais chacun doit aussi mesurer le chemin parcouru pour y arriver.
Après la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ce sont désormais les départements d'outre-mer, cinquante-quatre ans après la loi de 1946, qui se voient reconnaître le droit à une évolution différenciée et choisie. Dans chacun de ces départements, il appartiendra désormais aux élus du suffrage universel de se saisir des possibilités offertes par ce texte, soit pour réaffirmer, comme à la Réunion, l'aspiration au droit commun, soit pour s'engager dans une voie nouvelle et spécifique. Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer comporte aussi des dispositions modernisant le statut de 1985 de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour sa part, après la consultation de sa population en juillet dernier, et après un quart de siècle d'attente et de promesses non tenues, Mayotte sera bientôt dotée d'un nouveau statut, que le Parlement sera bientôt en mesure d'examiner.
Depuis juin 1997, le gouvernement de Lionel JOSPIN a ainsi entrepris de rendre possible que chacune des neuf collectivités d'outre-mer, nous n'oublierons pas Wallis et Futuna, puisse disposer, dans l'avenir, d'institutions qui lui soient propres, adaptées à ses réalités et conformes aux aspirations de sa population.
Malgré quelques postures tactiques et quelques réflexes partisans, cette uvre institutionnelle se sera engagée et poursuivie sans crise et sans déchirements, alors qu'en la matière, le passé, ne plaidait pas toujours pour l'avenir. Certains commentateurs auront vu dans l'absence de crispation du débat national sur l'outre-mer, le signe d'une forme d'indifférence en métropole. Mon sentiment est tout autre. Que, sur la scène politique nationale, l'outre-mer ne soit plus l'objet de fantasmes et de procès d'intention, est au contraire riche d'enseignements, à la fois sur la justesse de l'approche politique qui a été la nôtre vis à vis de l'outre-mer, mais aussi au delà, pour la République, et donc pour chaque citoyen français où qu'il vive.
Dans les départements d'outre-mer, plus encore que dans les autres collectivités, deux approches s'opposèrent longtemps, de façon parfois caricaturale. La première affirmait l'égalité des droits civiques et sociaux, et réclamait davantage de solidarité. La seconde exprimait la volonté d'émancipation, et s'appropriait la revendication d'identité. Pour chacune, une traduction institutionnelle était proposée. D'un côté, la départementalisation, quitte à la moderniser, de l'autre, l'autonomie, quitte à la tempérer.
Au cur de cette loi d'orientation, s'inscrit le dépassement de ce dilemme et le choix d'en réconcilier les termes.
Mais pour fonder ainsi une nouvelle politique de l'outre-mer, deux convictions fortes et intransigeantes devaient être affirmées : refuser que les valeurs fondamentales de la démocratie s'arrêtent aux limites de l'hexagone et croire en la force de notre République.
Confondre outre-mer démocratie et immobilisme, assurer à tout prix la tranquillité des gouvernants, aura longtemps été un réflexe permanent et inavoué. Avec cette tradition, nous avons souhaité rompre.
Outre-mer, la question institutionnelle est au cur de l'avenir, et comme partout, l'avenir est objet de débats. Que ces débats soient passionnés, que se confrontent les projets, les idées, les choix, prouve la vitalité démocratique d'une société, et ne doit faire peur à personne.
Outre-mer comme en métropole, la pensée unique doit rester introuvable, et c'est heureux !
Respecter les divergences qu'expriment localement les élus du suffrage universel, permette qu'elles s'éprouvent dans un cadre démocratique, avec la volonté, qu'à l'issue, un point d'équilibre soit trouvé, est la voie qu'a choisie le gouvernement de Lionel JOSPIN.
Ensuite, et ceci est essentiel à mes yeux, notre volonté est de recueillir l'assentiment des populations concernées. Outre-mer, au regard de l'Histoire, notamment dans les départements, agir autrement, serait risquer de ressusciter des peurs et des craintes parmi les opinions publiques, et donc contraindre les aspirations au changement.
Ce principe de la consultation des populations est pour moi indissociable de la problématique de l'évolution statutaire dans les départements d'outre-mer qui y aspirent. J'ai donc souhaité qu'il figure à l'article 1er du projet de loi d'orientation. Je regrette que cette disposition ait été supprimée par la majorité sénatoriale et, sans esprit de polémique, qu'il me soit permis d'y voir là, une divergence fondamentale.
Le gouvernement est favorable à l'évolution différenciée des départements d'outre-mer actuels. Son texte permet à leurs élus de se saisir d'une telle possibilité comme il leur permet de réaffirmer le choix de rester dans le droit commun. Mais en tout état de cause, dès lors que le débat local ferait émerger des propositions aboutissant à une modification statutaire substantielle, selon l'expression même du Président de la République, je le redis, il n'est pas concevable que les populations concernées ne soient pas consultées.
Mesdames et Messieurs les députés, la loi d'orientation parachève pour les départements d'outre-mer, cette nouvelle approche politique dont le second fondement est de croire en la force de la République.
Voulues par Lionel JOSPIN, initiées par Jean-Jack QUEYRANNE, ces réformes, préférées aux ruptures, menacent-elles l'unité de la République ? Nul n'y croit, et d'ailleurs nul ne l'affirme.
Dans la République, l'expression identitaire n'est pas synonyme d'archaïsme ou de délitement. Dès lors qu'elle se construit dans le respect du dialogue démocratique, elle peut même incarner une forme de modernité et de résistance à l'uniformisation. Confortées par un sentiment d'appartenance, ce " plébiscite de tous les jours " dont parlait RENAN, nos institutions sont suffisamment fortes pour que ne soient pas confondues unicité et uniformité. Elles évoluent parce que le monde évolue et parce que les sociétés sont vivantes. Pour la République, l'outre-mer est une école de la diversité.
Par les débats riches et fructueux qui ont présidé à son élaboration, la loi d'orientation pour l'outre-mer aura ainsi été une uvre de pédagogie. Et je formule le vu que cette pédagogie ait aussi permis de mettre fin à une vision caricaturale, injuste et stigmatisante des départements d'outre-mer. Je l'ai déjà dit. Il est profondément choquant de baptiser assistanat ce qui est dénommée solidarité en métropole.
Oui, cette loi d'orientation traduit en faveur des départements d'outre-mer et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, un effort financier sans précédent. Oui, ce texte reprend le chemin de l'égalité sociale et ce faisant, il fait uvre de justice. Mais, en s'attaquant aux causes réelles du chômage, de l'exclusion, du mal vivre, il ne participe en aucun cas de cette vision qui consiste à opposer progrès social et développement économique.
Il s'appuie sur une réalité, c'est-à-dire les dynamiques incontestables des économies des départements d'outre-mer. Il s'appuie sur cette réalité qui montre que dans ces départements, depuis plusieurs années, la création d'emplois a été en pourcentage, supérieure à la moyenne nationale, et que sans une pression démographique maintenue, la baisse déjà perceptible du chômage aurait paru irréversible. Il s'inscrit enfin dans une réalité porteuse d'avenir quand on sait par exemple, que dans un département comme la Martinique, la proportion d'utilisateurs d'Internet est supérieure à celle de l'hexagone.
Mesdames et Messieurs les députés, en adoptant définitivement ce texte, vous permettrez aux départements d'outre-mer de concilier trois aspirations, chacune légitime : le développement, l'identité, la démocratie.
En adoptant définitivement ce texte, vous consacrerez aussi les fondements d'une nouvelle vision, et donc d'une nouvelle politique, de l'outre-mer. En adoptant définitivement ce texte, vous réaffirmerez aussi notre conviction commune que la République est suffisamment forte, tolérante et ouverte, pour que chacune des collectivités de l'outre-mer y trouve sa place.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 novembre 2000)
Mesdames et Messieurs les députés.
A ce stade de la procédure parlementaire, la représentation nationale est parfaitement informée de l'ensemble des dispositions de ce texte, de l'esprit qui a présidé à son élaboration, et enfin de la philosophie qui l'anime. De plus, les débats que nous avons eu tout à l'heure sur le budget de l'outre-mer, budget que vous avez adopté à une très large majorité, vous auront également permis de vérifier que le financement des mesures économiques et sociales de la future loi d'orientation a bien été prévue par le gouvernement, afin que l'ensemble des dispositifs proposés soient mis en uvre, dès promulgation de la loi, avec une montée en charge la plus rapide possible, en 2001.
Je voudrais cependant insister sur l'importance du vote que vous allez accomplir à l'issue de cette dernière lecture du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, en remettant celui-ci en perspective,
Mesdames et Messieurs les députés, Outre-mer, chaque situation est singulière, et aucun modèle n'est transposable. Exprimée avec force par le Premier ministre, dès sa prise de fonction, cette conviction semble aujourd'hui partagée par tous, mais chacun doit aussi mesurer le chemin parcouru pour y arriver.
Après la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ce sont désormais les départements d'outre-mer, cinquante-quatre ans après la loi de 1946, qui se voient reconnaître le droit à une évolution différenciée et choisie. Dans chacun de ces départements, il appartiendra désormais aux élus du suffrage universel de se saisir des possibilités offertes par ce texte, soit pour réaffirmer, comme à la Réunion, l'aspiration au droit commun, soit pour s'engager dans une voie nouvelle et spécifique. Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer comporte aussi des dispositions modernisant le statut de 1985 de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour sa part, après la consultation de sa population en juillet dernier, et après un quart de siècle d'attente et de promesses non tenues, Mayotte sera bientôt dotée d'un nouveau statut, que le Parlement sera bientôt en mesure d'examiner.
Depuis juin 1997, le gouvernement de Lionel JOSPIN a ainsi entrepris de rendre possible que chacune des neuf collectivités d'outre-mer, nous n'oublierons pas Wallis et Futuna, puisse disposer, dans l'avenir, d'institutions qui lui soient propres, adaptées à ses réalités et conformes aux aspirations de sa population.
Malgré quelques postures tactiques et quelques réflexes partisans, cette uvre institutionnelle se sera engagée et poursuivie sans crise et sans déchirements, alors qu'en la matière, le passé, ne plaidait pas toujours pour l'avenir. Certains commentateurs auront vu dans l'absence de crispation du débat national sur l'outre-mer, le signe d'une forme d'indifférence en métropole. Mon sentiment est tout autre. Que, sur la scène politique nationale, l'outre-mer ne soit plus l'objet de fantasmes et de procès d'intention, est au contraire riche d'enseignements, à la fois sur la justesse de l'approche politique qui a été la nôtre vis à vis de l'outre-mer, mais aussi au delà, pour la République, et donc pour chaque citoyen français où qu'il vive.
Dans les départements d'outre-mer, plus encore que dans les autres collectivités, deux approches s'opposèrent longtemps, de façon parfois caricaturale. La première affirmait l'égalité des droits civiques et sociaux, et réclamait davantage de solidarité. La seconde exprimait la volonté d'émancipation, et s'appropriait la revendication d'identité. Pour chacune, une traduction institutionnelle était proposée. D'un côté, la départementalisation, quitte à la moderniser, de l'autre, l'autonomie, quitte à la tempérer.
Au cur de cette loi d'orientation, s'inscrit le dépassement de ce dilemme et le choix d'en réconcilier les termes.
Mais pour fonder ainsi une nouvelle politique de l'outre-mer, deux convictions fortes et intransigeantes devaient être affirmées : refuser que les valeurs fondamentales de la démocratie s'arrêtent aux limites de l'hexagone et croire en la force de notre République.
Confondre outre-mer démocratie et immobilisme, assurer à tout prix la tranquillité des gouvernants, aura longtemps été un réflexe permanent et inavoué. Avec cette tradition, nous avons souhaité rompre.
Outre-mer, la question institutionnelle est au cur de l'avenir, et comme partout, l'avenir est objet de débats. Que ces débats soient passionnés, que se confrontent les projets, les idées, les choix, prouve la vitalité démocratique d'une société, et ne doit faire peur à personne.
Outre-mer comme en métropole, la pensée unique doit rester introuvable, et c'est heureux !
Respecter les divergences qu'expriment localement les élus du suffrage universel, permette qu'elles s'éprouvent dans un cadre démocratique, avec la volonté, qu'à l'issue, un point d'équilibre soit trouvé, est la voie qu'a choisie le gouvernement de Lionel JOSPIN.
Ensuite, et ceci est essentiel à mes yeux, notre volonté est de recueillir l'assentiment des populations concernées. Outre-mer, au regard de l'Histoire, notamment dans les départements, agir autrement, serait risquer de ressusciter des peurs et des craintes parmi les opinions publiques, et donc contraindre les aspirations au changement.
Ce principe de la consultation des populations est pour moi indissociable de la problématique de l'évolution statutaire dans les départements d'outre-mer qui y aspirent. J'ai donc souhaité qu'il figure à l'article 1er du projet de loi d'orientation. Je regrette que cette disposition ait été supprimée par la majorité sénatoriale et, sans esprit de polémique, qu'il me soit permis d'y voir là, une divergence fondamentale.
Le gouvernement est favorable à l'évolution différenciée des départements d'outre-mer actuels. Son texte permet à leurs élus de se saisir d'une telle possibilité comme il leur permet de réaffirmer le choix de rester dans le droit commun. Mais en tout état de cause, dès lors que le débat local ferait émerger des propositions aboutissant à une modification statutaire substantielle, selon l'expression même du Président de la République, je le redis, il n'est pas concevable que les populations concernées ne soient pas consultées.
Mesdames et Messieurs les députés, la loi d'orientation parachève pour les départements d'outre-mer, cette nouvelle approche politique dont le second fondement est de croire en la force de la République.
Voulues par Lionel JOSPIN, initiées par Jean-Jack QUEYRANNE, ces réformes, préférées aux ruptures, menacent-elles l'unité de la République ? Nul n'y croit, et d'ailleurs nul ne l'affirme.
Dans la République, l'expression identitaire n'est pas synonyme d'archaïsme ou de délitement. Dès lors qu'elle se construit dans le respect du dialogue démocratique, elle peut même incarner une forme de modernité et de résistance à l'uniformisation. Confortées par un sentiment d'appartenance, ce " plébiscite de tous les jours " dont parlait RENAN, nos institutions sont suffisamment fortes pour que ne soient pas confondues unicité et uniformité. Elles évoluent parce que le monde évolue et parce que les sociétés sont vivantes. Pour la République, l'outre-mer est une école de la diversité.
Par les débats riches et fructueux qui ont présidé à son élaboration, la loi d'orientation pour l'outre-mer aura ainsi été une uvre de pédagogie. Et je formule le vu que cette pédagogie ait aussi permis de mettre fin à une vision caricaturale, injuste et stigmatisante des départements d'outre-mer. Je l'ai déjà dit. Il est profondément choquant de baptiser assistanat ce qui est dénommée solidarité en métropole.
Oui, cette loi d'orientation traduit en faveur des départements d'outre-mer et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, un effort financier sans précédent. Oui, ce texte reprend le chemin de l'égalité sociale et ce faisant, il fait uvre de justice. Mais, en s'attaquant aux causes réelles du chômage, de l'exclusion, du mal vivre, il ne participe en aucun cas de cette vision qui consiste à opposer progrès social et développement économique.
Il s'appuie sur une réalité, c'est-à-dire les dynamiques incontestables des économies des départements d'outre-mer. Il s'appuie sur cette réalité qui montre que dans ces départements, depuis plusieurs années, la création d'emplois a été en pourcentage, supérieure à la moyenne nationale, et que sans une pression démographique maintenue, la baisse déjà perceptible du chômage aurait paru irréversible. Il s'inscrit enfin dans une réalité porteuse d'avenir quand on sait par exemple, que dans un département comme la Martinique, la proportion d'utilisateurs d'Internet est supérieure à celle de l'hexagone.
Mesdames et Messieurs les députés, en adoptant définitivement ce texte, vous permettrez aux départements d'outre-mer de concilier trois aspirations, chacune légitime : le développement, l'identité, la démocratie.
En adoptant définitivement ce texte, vous consacrerez aussi les fondements d'une nouvelle vision, et donc d'une nouvelle politique, de l'outre-mer. En adoptant définitivement ce texte, vous réaffirmerez aussi notre conviction commune que la République est suffisamment forte, tolérante et ouverte, pour que chacune des collectivités de l'outre-mer y trouve sa place.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 novembre 2000)