Texte intégral
PRESENTATION DES VOEUX AU SENAT :
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Chers amis,
2000, 2001, les années se suivent et se ressemblent, parfois dans le tragique, celui des caprices d'un climat déréglé.
En effet, l'année dernière, à la même époque, -il y a presque un an, jour pour jour-, nous assurions de notre sympathie les victimes des deux tempêtes qui avaient, coup sur coup, balayé la France, rayé des vies humaines, ravagé de nombreuses habitations, et causé à notre patrimoine forestier des dommages sans précédent.
Nous avions également salué, avec émotion, ce formidable élan de fraternité et de solidarité qui s'était organisé autour des élus locaux, placés en première ligne comme premier recours et dernier secours de nos concitoyens.
Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue pour nos compatriotes bretons durement éprouvés par deux vagues successives d'inondations dont les conséquences humaines et économiques sont particulièrement lourdes.
2000, 2001 : les années se suivent et se ressemblent parfois dans le comique, celui qui naît de la répétition.
En effet, il y a un an, presque jour pour jour, nous étions rassemblés, ici même, pour consacrer et sacrifier à la magie, tout à la fois arithmétique et symbolique, de l'an 2000.
Pourtant, nous savions tous que cette année 2000 ne marquait pas la fin du XXème siècle que les historiens et les sociologues font remonter à la chute du mur de Berlin et à l'implosion de l'Empire soviétique, en novembre 1989, il y a déjà onze ans.
Pourtant, nous savions tous que cette année 2000 ne constituait pas, chronologiquement parlant, le début du XXIème siècle et l'orée du troisième millénaire que les scientifiques cartésiens datent du 1er janvier 2001, il y a seulement quinze jours.
Mais la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, et nous devons nous tourner résolument vers ce troisième millénaire déjà riche de nos rêves et lourd de nos espoirs.
Il ne faut pas être grand clerc pour affirmer, sans risque d'être démenti, qu'après l'âge des extrêmes que fut ce court 20ème siècle, le XXIème siècle sera lui celui de la mondialisation.
Ce processus, à l'oeuvre depuis nombre d'années, constitue une réalité irréversible dont le rythme s'est accéléré depuis la disparition de l'Empire soviétique, la conversion des derniers dinosaures du " Communist park " à l'économie de marché, et l'irruption des nouvelles technologies de l'information.
Il ne faut d'ailleurs pas céder à la tentation facile et stérile de diaboliser la mondialisation.
Comme la langue d'Esope, la mondialisation est la meilleure et la pire des choses.
La meilleure, lorsqu'elle signifie progrès économique et extension de la démocratie à toute la surface du globe avec le triple règne du marché, des droits de l'homme et de l'opinion.
La pire, lorsqu'elle se résume aux risques dont elle est porteuse et qui ont pour nom : uniformité, notamment culturelle, instabilité économique, -par contagion-, et inégalité entre les nations.
Le défi auquel est d'ores et déjà confronté notre pays est simple : il s'agit, pour les pouvoirs publics, de renoncer à la tentation d'un " splendide isolement ", justifiée par une conception restrictive de l'exception française, et de réformer résolument notre société afin qu'elle puisse tirer parti de la mondialisation sans avoir à n'en subir que les seuls aspects négatifs.
Préparer la France à cet inéluctable choc du futur, c'est avant tout bâtir une société de confiance, moderniser notre démocratie et participer activement à la construction d'une Europe plus intégrée.
Replacer l'homme, -terme générique qui embrasse la femme- au coeur du projet politique, -et non pas l'Etat-, tel doit être l'objet de cette société de confiance que j'appelle de mes voeux.
Il s'agit d'offrir à chaque personne la possibilité de se réaliser et de s'épanouir en lui permettant de construire et de réussir son projet de vie.
Cette redécouverte du bonheur, -cette " idée neuve en Europe " disait déjà Saint-Just-, comme fondement du pacte social suppose de reconstruire l'école républicaine afin de garantir l'égalité des chances et de remettre l'ascenseur social en état de marche.
L'école républicaine, qui est devenue une fabrique de reproduction à l'identique des inégalités sociales et culturelles, doit renouer avec sa vocation initiale, celle de la promotion par l'éducation.
Cette reconquête républicaine de notre système éducatif ne se fera pas contre les enseignants, mais avec eux, en veillant à affermir leur autorité et à valoriser leur rôle social.
Bâtir une société de confiance, c'est aussi promouvoir la liberté d'entreprendre et réconcilier nos compatriotes avec l'esprit d'entreprise.
Il s'agit de libérer notre société de ses entraves, de l'alléger de ses pesanteurs et de desserrer ses carcans afin de favoriser l'éclosion de projets et la création d'entreprises.
Cette révolution culturelle passe, bien évidemment, par une maîtrise des dépenses publiques et une réduction des prélèvements obligatoires qui doivent découler d'une réforme de l'Etat, trop longtemps différée.
Mieux d'Etat, c'est recentrer le Léviathan sur ses missions régaliennes, son rôle de gardien de la solidarité et sa fonction de garant de l'égalité des chances des hommes et des territoires.
A cet égard, nous porterions une lourde responsabilité si nous ne mettions pas à profit l'opportunité historique de changement que nous offrent les départs massifs de fonctionnaires à la retraite dans les toutes prochaines années, pour rénover l'Etat.
Bâtir une société de confiance, c'est enfin ne pas se résigner à la fausse fatalité de la violence et de l'insécurité.
A cet égard, force est malheureusement de constater que le processus de dégradation continue de la sécurité, à l'oeuvre depuis de longues années, pollue la vie quotidienne de nos concitoyens, sape les fondements de notre République et alimente le fond de commerce des extrémistes.
Les républicains que nous sommes ne doivent pas oublier que la sécurité des personnes et des biens, qui est à l'origine du pacte fondateur des sociétés, constitue, tout à la fois, la première et donc la mère des libertés ainsi qu'une impérieuse exigence de justice sociale car la délinquance et la violence frappent d'abord les plus démunis de nos concitoyens.
Un sursaut républicain s'avère donc indispensable pour pacifier ce climat délétère, impliquer les exécutifs locaux dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de sécurité, résorber les zones de non droit, -ces offenses au principe d'égalité devant la loi-, sanctionner les premières infractions des jeunes délinquants par une réplique prompte et systématique et offrir au juge une gamme de réponses graduées et proportionnées.
Bâtir une société de confiance, mais aussi approfondir notre démocratie qui, dans une conception trop strictement représentative, peut apparaître, à maints égards, comme inachevée.
L'approfondissement de notre démocratie passe par un renouveau du Parlement, bicaméral bien sûr, qui doit être conforté dans son rôle de contrôleur de l'action du Gouvernement et des administrations, mais aussi dans son indispensable mission d'éclaireur de l'avenir.
A cet égard, le Sénat, qui dispose de la stabilité, facteur de sérénité, a vocation à devenir les racines du futur.
Rénover notre démocratie, c'est aussi restaurer le débat politique, au sens noble du terme, sur les enjeux de notre société.
A cet égard, je me félicite que notre jeune chaîne de télévision, " Public Sénat ", ait tenu les promesses de l'aube. Elle s'affirme, d'ores et déjà, comme un espace de débats, une enceinte de réflexions et une source d'informations.
Rénover notre démocratie, c'est enfin et surtout, fonder une véritable République territoriale, par un accroissement des responsabilités locales, -terme préférable à celui de décentralisation-, qui constitue une réforme bénéfique, car elle libère les initiatives et les énergies locales.
Notre Etat, qui doit demeurer unitaire, -il ne s'agit pas de fédéraliser la France-, ne se résume pas à sa seule forme jacobine ; le temps est venu d'instiller une dose de " girondisme " dans notre architecture institutionnelle et notre paysage administratif.
Mais si unité ne signifie pas uniformité, il ne convient pas non plus de conférer à une seule collectivité métropolitaine le monopole de la singularité en vertu de son insularité.
Une démarche plus conforme à notre Constitution devrait, me semble-t-il, consister à conférer de nouvelles compétences à l'ensemble des régions métropolitaines, sans pour autant refuser à certaines d'entre elles d'aller plus loin, à l'intérieur de ce nouveau cadre, au nom du droit à l'expérimentation, encadré par le législateur.
Passer à l'acte II de la décentralisation, par l'ouverture de nouveaux territoires d'interventions aux collectivités locales et une stabilisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, constitue une urgente nécessité pour améliorer l'efficience de l'action publique.
A cet égard, je me félicite que l'action opiniâtre du Sénat, au travers notamment des Etats généraux des élus locaux, ait permis de favoriser la prise de conscience par le Gouvernement du bien fondé de la décentralisation.
Mais tout pas en avant demeure subordonné à la réalisation d'un préalable, celui de l'amélioration de la condition des élus locaux, ces nouveaux hussards de la République, auxquels le Sénat a rendu un hommage mérité et apprécié lors de la Fête de la Fédération du 14 juillet 2000. Il s'agit maintenant de doter les élus locaux d'un statut enfin digne de ce nom.
Bâtir une société de confiance, approfondir notre démocratie et, enfin, troisième terme de cette trilogie réformatrice, participer activement à la construction d'une Europe plus intégrée. Dans un contexte caractérisé par la renationalisation des esprits, la France doit faire abstraction des appréhensions que peut lui inspirer la nouvelle dimension, notamment démographique, de l'Allemagne réunifiée.
Plus que jamais le couple franco-allemand demeure le moteur de l'Europe, celui qui devrait permettre de concilier, d'une part, l'urgente nécessité d'aller plus loin dans le sens de la réalité et de la crédibilité d'une défense européenne et d'un pilotage politique de l'Euro et, d'autre part, l'ardente obligation d'accueillir nos frères de la partie centrale et orientale de notre continent afin de réconcilier l'Europe avec son histoire et sa géographie.
Une Europe plus intégrée, mais aussi une Europe plus proche des citoyens, une Europe par et pour les hommes.
Il faut en finir avec l'image d'une Europe tâtillonne qui régente notre vie quotidienne, à grand renfort de directives, et faire vivre le principe de subsidiarité.
A cet égard, je ne vous surprendrai pas en vous redisant que je suis partisan de la création, aux côtés de l'actuelle assemblée qui représente le peuple européen en émergence et en devenir, d'une seconde chambre représentant les nations. Ce Sénat européen aurait notamment pour mission de veiller à la stricte application du principe de subsidiarité.
Toutes ces réformes, il nous faudra, Mesdames, Messieurs, les réussir dans les meilleurs délais car notre pays, qui n'est pas une nation comme les autres, a conservé toute sa vertu d'exemplarité.
L'histoire avec un grand " H ", celle du siècle des lumières et de la Révolution française, nous a appris que la France n'est jamais aussi grande et généreuse que lorsqu'elle tutoie l'universel.
Mais je ne voudrais pas, chers amis, conclure ces considérations et réflexions sur une note trop solennelle.
Permettez-moi, à l'orée de ce nouveau siècle, de vous adresser les voeux les plus chaleureux de sérénité, de plénitude et d'épanouissement que je forme pour vous et ceux qui vous sont chers.
Bonne et heureuse année, bon siècle et bon millénaire...
(Source http://www.senat.fr, le 19 janvier 2001)
PRESENTATION DES VOEUX A LA PRESSE :
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui dans les Salons de la Présidence du Sénat pour vous présenter mes voeux très amicaux à l'orée de ce troisième millénaire.
Il ne faut pas être grand clerc, Chers Amis, pour affirmer que ce XXIème siècle sera celui de la mondialisation, processus irréversible qui suscite chez nos concitoyens bien des appréhensions : peur de l'uniformité, hantise de l'instabilité, en particulier économique, obsession de l'inégalité ...
Les femmes et les hommes politiques de ce pays doivent préparer la France à cet inéluctable choc du futur, avant qu'il ne soit trop tard !
Premier préalable, à mon sens, pour relever ce formidable défi : s'atteler à bâtir une véritable société de confiance. Il faut pour cela replacer l'individu - et non pas l'Etat - au coeur du projet politique.
Dans cette bataille, la reconstruction de l'école républicaine est une impérieuse nécessité car, faut-il le rappeler, l'ascenseur social est singulièrement en panne depuis de longues années.
L'école doit enfin avoir pour objectif majeur de donner à tous nos enfants un bagage commun solide, afin de pouvoir acquérir ultérieurement des connaissances spécialisées.
Construire une société de confiance, c'est aussi promouvoir l'esprit d'entreprise. J'ai personnellement multiplié les actions en ce sens depuis mon élection à la Présidence du Sénat.
Cette véritable révolution culturelle ne se fera pas sans la maîtrise des dépenses publiques et la réduction des prélèvements obligatoires, toutes choses que les excédents de la croissance auraient dû permettre.
Il faut aussi et surtout s'attaquer à la réforme de l'Etat. Celui-ci doit se recentrer sur ses missions régaliennes, au premier rang desquelles figure la sécurité des personnes et des biens, sécurité sans laquelle, on ne le redira jamais assez, il n'y a pas de liberté, ni de vraie justice sociale, puisque, hélas, la délinquance et la violence frappent d'abord les plus démunis.
Nous ne viendrons pas à bout de ce fléau sans impliquer les exécutifs locaux dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de sécurité. Encore cette exigence doit-elle s'accompagner, de mon point de vue, d'une sanction systématique des premières infractions commises par les jeunes délinquants.
Mais préparer la France aux inéluctables conséquences de la mondialisation suppose également d'approfondir notre démocratie. Car notre démocratie est à bien des égards inachevée et je doute que les observateurs avertis de la vie politique que vous êtes, puissent contredire cet état de fait.
L'approfondissement de notre démocratie passe par une revalorisation du rôle du Parlement, un Parlement bicaméral, bien sûr, un Parlement qui ait les moyens de contrôler efficacement l'action du Gouvernement et des administrations.
Réinventer la démocratie, c'est aussi réinventer le débat politique au sens noble du terme. A cet égard, je me félicite que Public-Sénat se soit affirmée, en seulement neuf mois, comme une chaîne crédible et une source d'information pour tous.
Mes déplacements hebdomadaires, pour ne pas dire quotidiens, sur le terrain m'ont conforté dans l'idée que le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, et aussi - fait moins connu - des Français établis hors de France, est un élément moteur dans la vitalité de notre démocratie.
Parce qu'elle dispose de la stabilité et de la sérénité, l'assemblée que je préside est sans doute la mieux à même de résister aux pressions de nature "politicienne" et aussi - pardonnez-moi, chers amis - "médiatique".
Il n'y aura pas non plus de rénovation de notre démocratie sans un véritable accroissement des responsabilités locales. Cette "République territoriale", que je n'ai cessé d'appeler de mes voeux depuis mon élection à la Présidence du Sénat, est du reste le meilleur antidote face aux excès de la mondialisation.
Sans pour autant remettre en cause le caractère unitaire de notre Etat, il me semble aujourd'hui indispensable - c'est le Président du Sénat qui vous parle - d'instiller une dose de "girondisme".
Il ne s'agit pas, soyons clair, de conférer à une seule collectivité métropolitaine le monopole de la singularité, mais plutôt d'accorder de nouvelles compétences à l'ensemble des régions métropolitaines en ouvrant, pour certaines d'entre elles, le droit à l'expérimentation.
Cette avancée doit s'accompagner d'une stabilisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Je me félicite, à cet égard, que l'action du Sénat et mon engagement personnel au service de la décentralisation, notamment au travers de l'organisation oecuménique des Etats généraux des élus locaux dans chaque région de France, ait contribué à ce que le Gouvernement prenne enfin conscience du bien fondé de la décentralisation.
L'adoption de la proposition de loi du Sénateur Fauchon sur les délits non intentionnels en est l'illustration. J'espère que le Gouvernement se montrera également ouvert sur la proposition de loi de notre collègue Vasselle, qui sera discutée demain et dont l'objectif est de donner enfin un statut digne de ce nom aux élus locaux.
Mais la France ne pourra pas affronter le choc du futur si elle ne participe pas également activement à la construction d'une Europe plus intégrée.
Dans cette perspective, je reste convaincu que le couple franco-allemand demeure un atout décisif, qu'il s'agisse en particulier de la défense européenne, du pilotage politique de l'Euro ou encore de l'élargissement de l'Europe.
L'Europe doit être plus intégrée. Elle doit être aussi plus proche des citoyens. La création d'une seconde chambre représentant les nations, aux côtés de l'actuelle assemblée qui représente le peuple européen, serait un gage supplémentaire d'efficacité.
Ce Sénat européen, auquel je réfléchis beaucoup avec les autres sénats européens que j'ai réunis dans une association depuis novembre 2000, pourrait veiller en particulier à la stricte application du principe de subsidiarité.
Voilà, chers amis, les quelques pistes de réflexion que je voulais tracer avec vous en ce début de troisième millénaire.
Je vous remercie encore d'être venus si nombreux et je vous renouvelle mes voeux amicaux de bonne et heureuse année pour vous-mêmes et tous ceux qui vous sont chers.
(Source http://www.senat.fr, le 25 janvier 2001)
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Chers amis,
2000, 2001, les années se suivent et se ressemblent, parfois dans le tragique, celui des caprices d'un climat déréglé.
En effet, l'année dernière, à la même époque, -il y a presque un an, jour pour jour-, nous assurions de notre sympathie les victimes des deux tempêtes qui avaient, coup sur coup, balayé la France, rayé des vies humaines, ravagé de nombreuses habitations, et causé à notre patrimoine forestier des dommages sans précédent.
Nous avions également salué, avec émotion, ce formidable élan de fraternité et de solidarité qui s'était organisé autour des élus locaux, placés en première ligne comme premier recours et dernier secours de nos concitoyens.
Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue pour nos compatriotes bretons durement éprouvés par deux vagues successives d'inondations dont les conséquences humaines et économiques sont particulièrement lourdes.
2000, 2001 : les années se suivent et se ressemblent parfois dans le comique, celui qui naît de la répétition.
En effet, il y a un an, presque jour pour jour, nous étions rassemblés, ici même, pour consacrer et sacrifier à la magie, tout à la fois arithmétique et symbolique, de l'an 2000.
Pourtant, nous savions tous que cette année 2000 ne marquait pas la fin du XXème siècle que les historiens et les sociologues font remonter à la chute du mur de Berlin et à l'implosion de l'Empire soviétique, en novembre 1989, il y a déjà onze ans.
Pourtant, nous savions tous que cette année 2000 ne constituait pas, chronologiquement parlant, le début du XXIème siècle et l'orée du troisième millénaire que les scientifiques cartésiens datent du 1er janvier 2001, il y a seulement quinze jours.
Mais la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, et nous devons nous tourner résolument vers ce troisième millénaire déjà riche de nos rêves et lourd de nos espoirs.
Il ne faut pas être grand clerc pour affirmer, sans risque d'être démenti, qu'après l'âge des extrêmes que fut ce court 20ème siècle, le XXIème siècle sera lui celui de la mondialisation.
Ce processus, à l'oeuvre depuis nombre d'années, constitue une réalité irréversible dont le rythme s'est accéléré depuis la disparition de l'Empire soviétique, la conversion des derniers dinosaures du " Communist park " à l'économie de marché, et l'irruption des nouvelles technologies de l'information.
Il ne faut d'ailleurs pas céder à la tentation facile et stérile de diaboliser la mondialisation.
Comme la langue d'Esope, la mondialisation est la meilleure et la pire des choses.
La meilleure, lorsqu'elle signifie progrès économique et extension de la démocratie à toute la surface du globe avec le triple règne du marché, des droits de l'homme et de l'opinion.
La pire, lorsqu'elle se résume aux risques dont elle est porteuse et qui ont pour nom : uniformité, notamment culturelle, instabilité économique, -par contagion-, et inégalité entre les nations.
Le défi auquel est d'ores et déjà confronté notre pays est simple : il s'agit, pour les pouvoirs publics, de renoncer à la tentation d'un " splendide isolement ", justifiée par une conception restrictive de l'exception française, et de réformer résolument notre société afin qu'elle puisse tirer parti de la mondialisation sans avoir à n'en subir que les seuls aspects négatifs.
Préparer la France à cet inéluctable choc du futur, c'est avant tout bâtir une société de confiance, moderniser notre démocratie et participer activement à la construction d'une Europe plus intégrée.
Replacer l'homme, -terme générique qui embrasse la femme- au coeur du projet politique, -et non pas l'Etat-, tel doit être l'objet de cette société de confiance que j'appelle de mes voeux.
Il s'agit d'offrir à chaque personne la possibilité de se réaliser et de s'épanouir en lui permettant de construire et de réussir son projet de vie.
Cette redécouverte du bonheur, -cette " idée neuve en Europe " disait déjà Saint-Just-, comme fondement du pacte social suppose de reconstruire l'école républicaine afin de garantir l'égalité des chances et de remettre l'ascenseur social en état de marche.
L'école républicaine, qui est devenue une fabrique de reproduction à l'identique des inégalités sociales et culturelles, doit renouer avec sa vocation initiale, celle de la promotion par l'éducation.
Cette reconquête républicaine de notre système éducatif ne se fera pas contre les enseignants, mais avec eux, en veillant à affermir leur autorité et à valoriser leur rôle social.
Bâtir une société de confiance, c'est aussi promouvoir la liberté d'entreprendre et réconcilier nos compatriotes avec l'esprit d'entreprise.
Il s'agit de libérer notre société de ses entraves, de l'alléger de ses pesanteurs et de desserrer ses carcans afin de favoriser l'éclosion de projets et la création d'entreprises.
Cette révolution culturelle passe, bien évidemment, par une maîtrise des dépenses publiques et une réduction des prélèvements obligatoires qui doivent découler d'une réforme de l'Etat, trop longtemps différée.
Mieux d'Etat, c'est recentrer le Léviathan sur ses missions régaliennes, son rôle de gardien de la solidarité et sa fonction de garant de l'égalité des chances des hommes et des territoires.
A cet égard, nous porterions une lourde responsabilité si nous ne mettions pas à profit l'opportunité historique de changement que nous offrent les départs massifs de fonctionnaires à la retraite dans les toutes prochaines années, pour rénover l'Etat.
Bâtir une société de confiance, c'est enfin ne pas se résigner à la fausse fatalité de la violence et de l'insécurité.
A cet égard, force est malheureusement de constater que le processus de dégradation continue de la sécurité, à l'oeuvre depuis de longues années, pollue la vie quotidienne de nos concitoyens, sape les fondements de notre République et alimente le fond de commerce des extrémistes.
Les républicains que nous sommes ne doivent pas oublier que la sécurité des personnes et des biens, qui est à l'origine du pacte fondateur des sociétés, constitue, tout à la fois, la première et donc la mère des libertés ainsi qu'une impérieuse exigence de justice sociale car la délinquance et la violence frappent d'abord les plus démunis de nos concitoyens.
Un sursaut républicain s'avère donc indispensable pour pacifier ce climat délétère, impliquer les exécutifs locaux dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de sécurité, résorber les zones de non droit, -ces offenses au principe d'égalité devant la loi-, sanctionner les premières infractions des jeunes délinquants par une réplique prompte et systématique et offrir au juge une gamme de réponses graduées et proportionnées.
Bâtir une société de confiance, mais aussi approfondir notre démocratie qui, dans une conception trop strictement représentative, peut apparaître, à maints égards, comme inachevée.
L'approfondissement de notre démocratie passe par un renouveau du Parlement, bicaméral bien sûr, qui doit être conforté dans son rôle de contrôleur de l'action du Gouvernement et des administrations, mais aussi dans son indispensable mission d'éclaireur de l'avenir.
A cet égard, le Sénat, qui dispose de la stabilité, facteur de sérénité, a vocation à devenir les racines du futur.
Rénover notre démocratie, c'est aussi restaurer le débat politique, au sens noble du terme, sur les enjeux de notre société.
A cet égard, je me félicite que notre jeune chaîne de télévision, " Public Sénat ", ait tenu les promesses de l'aube. Elle s'affirme, d'ores et déjà, comme un espace de débats, une enceinte de réflexions et une source d'informations.
Rénover notre démocratie, c'est enfin et surtout, fonder une véritable République territoriale, par un accroissement des responsabilités locales, -terme préférable à celui de décentralisation-, qui constitue une réforme bénéfique, car elle libère les initiatives et les énergies locales.
Notre Etat, qui doit demeurer unitaire, -il ne s'agit pas de fédéraliser la France-, ne se résume pas à sa seule forme jacobine ; le temps est venu d'instiller une dose de " girondisme " dans notre architecture institutionnelle et notre paysage administratif.
Mais si unité ne signifie pas uniformité, il ne convient pas non plus de conférer à une seule collectivité métropolitaine le monopole de la singularité en vertu de son insularité.
Une démarche plus conforme à notre Constitution devrait, me semble-t-il, consister à conférer de nouvelles compétences à l'ensemble des régions métropolitaines, sans pour autant refuser à certaines d'entre elles d'aller plus loin, à l'intérieur de ce nouveau cadre, au nom du droit à l'expérimentation, encadré par le législateur.
Passer à l'acte II de la décentralisation, par l'ouverture de nouveaux territoires d'interventions aux collectivités locales et une stabilisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, constitue une urgente nécessité pour améliorer l'efficience de l'action publique.
A cet égard, je me félicite que l'action opiniâtre du Sénat, au travers notamment des Etats généraux des élus locaux, ait permis de favoriser la prise de conscience par le Gouvernement du bien fondé de la décentralisation.
Mais tout pas en avant demeure subordonné à la réalisation d'un préalable, celui de l'amélioration de la condition des élus locaux, ces nouveaux hussards de la République, auxquels le Sénat a rendu un hommage mérité et apprécié lors de la Fête de la Fédération du 14 juillet 2000. Il s'agit maintenant de doter les élus locaux d'un statut enfin digne de ce nom.
Bâtir une société de confiance, approfondir notre démocratie et, enfin, troisième terme de cette trilogie réformatrice, participer activement à la construction d'une Europe plus intégrée. Dans un contexte caractérisé par la renationalisation des esprits, la France doit faire abstraction des appréhensions que peut lui inspirer la nouvelle dimension, notamment démographique, de l'Allemagne réunifiée.
Plus que jamais le couple franco-allemand demeure le moteur de l'Europe, celui qui devrait permettre de concilier, d'une part, l'urgente nécessité d'aller plus loin dans le sens de la réalité et de la crédibilité d'une défense européenne et d'un pilotage politique de l'Euro et, d'autre part, l'ardente obligation d'accueillir nos frères de la partie centrale et orientale de notre continent afin de réconcilier l'Europe avec son histoire et sa géographie.
Une Europe plus intégrée, mais aussi une Europe plus proche des citoyens, une Europe par et pour les hommes.
Il faut en finir avec l'image d'une Europe tâtillonne qui régente notre vie quotidienne, à grand renfort de directives, et faire vivre le principe de subsidiarité.
A cet égard, je ne vous surprendrai pas en vous redisant que je suis partisan de la création, aux côtés de l'actuelle assemblée qui représente le peuple européen en émergence et en devenir, d'une seconde chambre représentant les nations. Ce Sénat européen aurait notamment pour mission de veiller à la stricte application du principe de subsidiarité.
Toutes ces réformes, il nous faudra, Mesdames, Messieurs, les réussir dans les meilleurs délais car notre pays, qui n'est pas une nation comme les autres, a conservé toute sa vertu d'exemplarité.
L'histoire avec un grand " H ", celle du siècle des lumières et de la Révolution française, nous a appris que la France n'est jamais aussi grande et généreuse que lorsqu'elle tutoie l'universel.
Mais je ne voudrais pas, chers amis, conclure ces considérations et réflexions sur une note trop solennelle.
Permettez-moi, à l'orée de ce nouveau siècle, de vous adresser les voeux les plus chaleureux de sérénité, de plénitude et d'épanouissement que je forme pour vous et ceux qui vous sont chers.
Bonne et heureuse année, bon siècle et bon millénaire...
(Source http://www.senat.fr, le 19 janvier 2001)
PRESENTATION DES VOEUX A LA PRESSE :
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui dans les Salons de la Présidence du Sénat pour vous présenter mes voeux très amicaux à l'orée de ce troisième millénaire.
Il ne faut pas être grand clerc, Chers Amis, pour affirmer que ce XXIème siècle sera celui de la mondialisation, processus irréversible qui suscite chez nos concitoyens bien des appréhensions : peur de l'uniformité, hantise de l'instabilité, en particulier économique, obsession de l'inégalité ...
Les femmes et les hommes politiques de ce pays doivent préparer la France à cet inéluctable choc du futur, avant qu'il ne soit trop tard !
Premier préalable, à mon sens, pour relever ce formidable défi : s'atteler à bâtir une véritable société de confiance. Il faut pour cela replacer l'individu - et non pas l'Etat - au coeur du projet politique.
Dans cette bataille, la reconstruction de l'école républicaine est une impérieuse nécessité car, faut-il le rappeler, l'ascenseur social est singulièrement en panne depuis de longues années.
L'école doit enfin avoir pour objectif majeur de donner à tous nos enfants un bagage commun solide, afin de pouvoir acquérir ultérieurement des connaissances spécialisées.
Construire une société de confiance, c'est aussi promouvoir l'esprit d'entreprise. J'ai personnellement multiplié les actions en ce sens depuis mon élection à la Présidence du Sénat.
Cette véritable révolution culturelle ne se fera pas sans la maîtrise des dépenses publiques et la réduction des prélèvements obligatoires, toutes choses que les excédents de la croissance auraient dû permettre.
Il faut aussi et surtout s'attaquer à la réforme de l'Etat. Celui-ci doit se recentrer sur ses missions régaliennes, au premier rang desquelles figure la sécurité des personnes et des biens, sécurité sans laquelle, on ne le redira jamais assez, il n'y a pas de liberté, ni de vraie justice sociale, puisque, hélas, la délinquance et la violence frappent d'abord les plus démunis.
Nous ne viendrons pas à bout de ce fléau sans impliquer les exécutifs locaux dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de sécurité. Encore cette exigence doit-elle s'accompagner, de mon point de vue, d'une sanction systématique des premières infractions commises par les jeunes délinquants.
Mais préparer la France aux inéluctables conséquences de la mondialisation suppose également d'approfondir notre démocratie. Car notre démocratie est à bien des égards inachevée et je doute que les observateurs avertis de la vie politique que vous êtes, puissent contredire cet état de fait.
L'approfondissement de notre démocratie passe par une revalorisation du rôle du Parlement, un Parlement bicaméral, bien sûr, un Parlement qui ait les moyens de contrôler efficacement l'action du Gouvernement et des administrations.
Réinventer la démocratie, c'est aussi réinventer le débat politique au sens noble du terme. A cet égard, je me félicite que Public-Sénat se soit affirmée, en seulement neuf mois, comme une chaîne crédible et une source d'information pour tous.
Mes déplacements hebdomadaires, pour ne pas dire quotidiens, sur le terrain m'ont conforté dans l'idée que le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, et aussi - fait moins connu - des Français établis hors de France, est un élément moteur dans la vitalité de notre démocratie.
Parce qu'elle dispose de la stabilité et de la sérénité, l'assemblée que je préside est sans doute la mieux à même de résister aux pressions de nature "politicienne" et aussi - pardonnez-moi, chers amis - "médiatique".
Il n'y aura pas non plus de rénovation de notre démocratie sans un véritable accroissement des responsabilités locales. Cette "République territoriale", que je n'ai cessé d'appeler de mes voeux depuis mon élection à la Présidence du Sénat, est du reste le meilleur antidote face aux excès de la mondialisation.
Sans pour autant remettre en cause le caractère unitaire de notre Etat, il me semble aujourd'hui indispensable - c'est le Président du Sénat qui vous parle - d'instiller une dose de "girondisme".
Il ne s'agit pas, soyons clair, de conférer à une seule collectivité métropolitaine le monopole de la singularité, mais plutôt d'accorder de nouvelles compétences à l'ensemble des régions métropolitaines en ouvrant, pour certaines d'entre elles, le droit à l'expérimentation.
Cette avancée doit s'accompagner d'une stabilisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Je me félicite, à cet égard, que l'action du Sénat et mon engagement personnel au service de la décentralisation, notamment au travers de l'organisation oecuménique des Etats généraux des élus locaux dans chaque région de France, ait contribué à ce que le Gouvernement prenne enfin conscience du bien fondé de la décentralisation.
L'adoption de la proposition de loi du Sénateur Fauchon sur les délits non intentionnels en est l'illustration. J'espère que le Gouvernement se montrera également ouvert sur la proposition de loi de notre collègue Vasselle, qui sera discutée demain et dont l'objectif est de donner enfin un statut digne de ce nom aux élus locaux.
Mais la France ne pourra pas affronter le choc du futur si elle ne participe pas également activement à la construction d'une Europe plus intégrée.
Dans cette perspective, je reste convaincu que le couple franco-allemand demeure un atout décisif, qu'il s'agisse en particulier de la défense européenne, du pilotage politique de l'Euro ou encore de l'élargissement de l'Europe.
L'Europe doit être plus intégrée. Elle doit être aussi plus proche des citoyens. La création d'une seconde chambre représentant les nations, aux côtés de l'actuelle assemblée qui représente le peuple européen, serait un gage supplémentaire d'efficacité.
Ce Sénat européen, auquel je réfléchis beaucoup avec les autres sénats européens que j'ai réunis dans une association depuis novembre 2000, pourrait veiller en particulier à la stricte application du principe de subsidiarité.
Voilà, chers amis, les quelques pistes de réflexion que je voulais tracer avec vous en ce début de troisième millénaire.
Je vous remercie encore d'être venus si nombreux et je vous renouvelle mes voeux amicaux de bonne et heureuse année pour vous-mêmes et tous ceux qui vous sont chers.
(Source http://www.senat.fr, le 25 janvier 2001)