Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un très grand honneur de venir devant vous pour évoquer la question du commerce et son lien avec la ville en Europe.
Avant de clôturer officiellement le congrès, au nom de la Présidence française de l'Union en vous donnant lecture de la " Déclaration " et qui portera le nom cette ville qui nous a accueilli, bien accueilli, je souhaiterais vous dire quelques mots sur l'expérience française et l'action des Pouvoirs publics en faveur du commerce.
On peut résumer les choix des Pouvoirs publics autour de trois axes : une volonté de construire le commerce en ville, la conviction que l'avenir économique des villes est un avenir commercial et le choix de lier animation des villes et développement rural.
Le Gouvernement mène une politique de la ville volontaire.
Vous avez certainement dit durant ces trois journées que la ville est le produit d'un acte volontaire. Ce n'est ni l'accumulation désordonnée de fonctions économiques, sociales et culturelles ni le pur résultat de l'hyper-rationnalité de l'univers marchand.
La ville est le signe, peut-être le plus emblématique, de notre civilisation. C'est encore plus vrai pour nos villes européennes dont l'histoire se confond avec notre histoire, celles de nos peuples.
Dès lors que l'on écarte le laissez-faire sans pour autant tracer unilatéralement, et de façon définitive, les lignes de la ville, alors le commerce peut jouer un rôle majeur dans la programmation urbaine.
Ce sont en effet les commerces qui assurent le lien entre activité et habitat, entre espace public et espace privé.
Les espaces de circulation ne sont pas le but ultime de la ville. Les trottoirs comme les rues sont un moyen utilisé pour se rendre chez son commerçant, voir son médecin, déposer les enfants à l'école ou rentrer chez soi !
Inversons la démarche qui fut celle employée pour les périphéries aux zonages unifonctionels.
Certaines de nos villes sont marquées par les stigmates de la ville faite à l'équerre et au compas avec des zones spécialisées. Pour la zone plurifonctionnelle, souvent le centre ancien, le graphiste vous propose les hachures, comme si l'homme voulait rayer une surface sur laquelle il estime ne plus pouvoir intervenir.
Pourtant nous savons tous qu'en ville ce sont les commerces, les lieux culturels et l'habitat qui commandent la gestion économique à échelle humaine de l'espace public et non pas les zones d'aménagement ou les voies express.
Cela suppose une politique active en faveur du commerce de centre ville qui souffre évidemment d'une certaine cherté liée à la centralité.
Mon département ministériel mène en la matière une politique très active de soutien collectif aux commerces de centre-ville, à partir de taxes payées par les grandes surfaces, généralement situées en périphérie.
Je ne vais pas détailler ces outils maintenant. Retenons qu'ils sont souples et très adaptables aux situations rencontrés, qu'il s'agisse d'aider à la rénovation des façades dans un centre ancien classé, de financer des dispositifs de sécurité dans des centres commerciaux situés en zones sensibles ou bien de subventionner la ré-ouverture de l'unique commerce d'une région rurale.
Cette solidarité est géographique et économique, nous la retrouvons dans la loi " Solidarité et renouvellement urbain " justement.
Les dispositions que comportent cette loi ont vocation à favoriser les implantations commerciales en centre-ville en incitant à la diversité des commerces et leur mixité avec l'habitat.
En même temps la nouvelle loi devrait améliorer l'insertion urbaine des centres commerciaux de la périphérie, en limitant les emprises au sol des parkings.
Ce sont des exemples concrets des choix du Gouvernement en faveur du commerce en ville.
Le commerce est le meilleur moteur du développement économique durable des villes.
Il est communément admis de considérer que nous vivons dans une civilisation urbaine. Cela n'est pas uniquement un état de fait. Cela veut dire bien plus de choses.
Cela signifie, c'est une évidence, une densification des populations et de l'activité.
Nous ne connaissons pas les limites de ce processus. Le colloque a permis de comparer les analyses faites par les uns et les autres sur des modèles européens de ville. Il n'y a sans doute pas de loi universelle.
D'autres régions, je pense aux mégalopoles des deux continents américains ou d'extrême orient, nous montrent bien la singularité de nos villes européennes.
Face aux risques nés d'un développement anarchique de la trame urbaine, les commerces peuvent jouer un rôle fondamental de régulation. Pour réussir deux conditions sont indissociables : encourager la modernisation de l'activité commerciale, en même temps assurer sa diversité.
Encourager la modernisation des commerces : ce n'est pas pour moi une question tabou. Nos choix consommation évoluent vite, pourquoi les commerces devraient-ils continuer de proposer des produits ou des services qui ne se vendent plus ?
Moderniser cela veut dire permettre des investissements pour que les consommateurs aient plus de choix, plus de services, plus de confort aussi.
L'augmentation des surfaces commerciales n'est pas une mauvaise chose en elle même. Elle est avant tout le signe de la bonne santé économique d'un pays. La conjoncture française de ces trois dernières années est parfaitement éclairante à ce sujet.
Mais la modernisation ne vaut que si elle bénéficie, in fine, aux consommateurs.
Concrètement le dynamisme commercial en ville doit s'accompagner d'une concurrence préservée, sinon accrue. En France, la responsabilité gouvernementale du secteur du commerce est conjointe avec la responsabilité de la concurrence. C'est une bonne chose.
Je veux mettre en garde contre les stratégies d'enseignes visant à la saturation d'une zone de chalandise. Acheter des mètres carrés pour empêcher un concurrent d'exister cause un préjudice à la collectivité.
Le Gouvernement veille à ce que tous les entrepreneurs aient des chances égales de réussir, les villes doivent s'en préoccuper si elles souhaitent continuer d'attirer des habitants.
C'est un point qui n'est pas souvent bien compris, les responsables politiques locaux ont trop tendance à accepter toutes les offres d'implantation, surtout lorsqu'elles sont émises par des enseignes " leader ".
Pourtant le défaut de choix et les prix trop élevés qui sont les conséquences inéluctables de positions dominantes, font fuir le consommateur vers les périphéries.
L'avenir du commerce de centre ville serait compromis si seuls subsistent les atouts de services et de proximité. Le choix et le prix restent, toutes les études le montrent, déterminants.
Les acteurs de la ville doivent intervenir de façon préventive, en amont des projets d'implantations, c'est une condition du développement durable des villes.
Le développement durable est une voie économique au sens premier du terme, c'est à dire économe
Les opérations urbaines de renouvellement urbain qui viennent au secours de situations économiques dégradées sont très coûteuses.
Certes mon département ministériel dispose d'outils pour aider les villes à reconquérir leurs espaces commerciaux, y compris lorsque l'armature urbaine s'est effondrée, c'est une nécessité, une expression de la solidarité nationale pour les zones les plus défavorisées.
Mais je préfère engager l'Etat et ses moyens sur des opérations de " prévention " plutôt qu'en " réparation ".
Tout cela occupe beaucoup les acteurs urbains. Et je peux comprendre qu'ils ne regardent plus ce qui se passe au delà de la frontière urbaine. Mais je crois que le développement durable des villes ne peut pas être autocentré.
L'équilibre économique et social des villes est indispensable à l'animation des territoire ruraux.
J'ai toujours été choqué par l'usage exclusif du zonage comme unique outil de la programmation urbaine.
C'est un tropisme catastrophique pour le développement des territoires. Cela revient à dire qu'il y aurait des pleins : à l'intérieur des zones où se concentreraient les atouts pour le développement et les vides, tout autour, laissés un peu à eux-mêmes, friches urbaines ou jachères rurales improductives.
Si l'objet de ce congrès est de poser les bases économiques du renouvellement urbain pour le futur, alors j'invite à ce que nous accomplissions une révolution : commençons notre réflexion économique et urbaine à partir de ces soit-disant " vides spatiaux ". Renversons la perspective.
Que constate-t-on alors ?
Eh bien que la meilleure localisation économique d'activités, pour les métiers d'art, par exemple, peut-être en zone rurale. L'emploi en milieu rural est source de diffusion de richesse, à partir des clientèles urbaines.
Le flux de richesse, la transmission de savoir faire va de l'extérieur vers le centre. C'est un cas que je connais bien, il n'y a pas que les " call centers " qui entrent dans cette logique.
Chacun d'entre-nous peut examiner les villes qu'il connaît. S'il peut exister des villes riches au milieu de la misère, il n'y pas d'exemple de développement urbain durable sans une économie rurale dynamique.
Intégrons cette donnée là dans le renouvellement urbain. Les commerçants le savent bien. Les périmètres administratifs doivent être dépassés, il faut penser communautés d'agglomération, communautés de communes.
Surtout les acteurs du développement économique doivent faire le choix de la coopération. Le Gouvernement les y incite en France.
Si j'ai souhaité vous dire cela avant de vous donner lecture de la " déclaration de Lille ", c'est parce que notre civilisation urbaine est en train de changer. Les villes continuent d'attirer les populations. Mais ce ne sont plus les mêmes villes qu'au XIXème et au XXème siècle.
Dans certains cas les nouvelles villes naissent de bourgs ruraux, c'est frappant dans de nombreuses régions françaises. C'est peut-être un mouvement lent mais il est perceptible.
Je souhaite qu'il y ait là aussi une construction volontaire de l'armature commerciale dans ces villes nouvelles.
La Déclaration de Lille
Tout d'abord un constat : la grande diversité de nos villes nous interdit un modèle européen unique de développement urbain. Aussi le Congrès de Lille s'est fixé comme objectif d'identifier les meilleures méthodes, les " bonnes pratiques " pour le commerce dans le renouvellement urbain.
Trois critères de réussite ont été dégagés :
1/ associer, dès le début de l'opération, les commerçants des centre villes et des quartiers, afin d'obtenir leur adhésion au projet
2/ prendre en compte les besoins réels des acteurs du commerce urbain et des consommateurs en écartant l'importation artificielle de modes de développement urbain qui ont pu réussir ailleurs
3/ dépasser, dans la réflexion, comme dans l'action, la question des commerces et le cadre de la ville pour développer une approche globale sur le plan territorial comme sur le plan économique
Pour les acteurs du renouvellement urbain que sont les entreprises de commerce et les autorités locales les recommandations suivantes sont formulées :
Pour les entreprises de commerce
- proposer des solutions créatives et innovantes
- développer les concepts nouveaux de magasins en centre-ville mais aussi dans les quartiers et la périphérie
- participer à la reconversion et à la rénovation des centres commerciaux et des grandes surfaces alimentaires dans les quartiers en difficulté
- développer une présence active dans les instances de concertation
- lier les stratégies de marketing aux projets urbains
Pour les autorités locales
- lancer, préalablement aux opérations, les études nécessaires à la prise de décision
- veiller à une articulation étroite entre le projet urbain et le projet commercial
- entretenir un dialogue soutenu, du début des études, à la fin de la réalisation, avec les partenaires économiques
- associer les acteurs économiques aux travaux des organes de coopération
- faire place aux opérateurs économiques dans la gestion commerciale et urbaine du centre-ville
Pour réussir nos villes ont de nombreux outils en commun :
- la maîtrise des décisions administratives qui permettent de valoriser une offre foncière adaptée aux besoins locaux
- le contrôle des plans de déplacement et de stationnement
- la faculté de rénover les espaces publics, protéger l'architecture locale, intervenir sur l'habitat
- la responsabilité du développement de services publics locaux et d'équipements éducatifs, culturels et sociaux
- la promotion des atouts de la cité
Les bonnes pratiques recensées, ces éléments connus doivent être diffusés, les coopérations transnationales doivent être encouragées.
Pour poursuivre l'action qui a commencé avec le Congrès de Malaga en Espagne en 1999,
Les maîtres d'ouvrage du congrès de Lille : la Commission européenne, le comité des Régions, le ministère français de l'économie, des finances et de l'industrie et la Caisse des Dépôts et Consignations en France publieront sur leurs sites internet " les meilleures pratiques ".
Au delà, la mobilisation des fonds structurels européens ainsi que des programmes d'initiative communautaire vers les secteurs du commerce doit être recherchée.
Enfin, avec l'appui du Comité économique et social européen et des commissions spécialisées du Comité des Régions, les travaux de l'intergroupe " commerce " du Parlement européen pourront mieux prendre en compte les priorités du renouvellement urbain.
Pour conclure, et après cette déclaration, qui sera, si vous en êtes d'accord, notre charte commune de travail dans les mois qui viennent, permettez moi deux remarques plus personnelles :
- le commerce électronique, la vente en ligne est une composante que nous considérons trop souvent comme uniquement technologique.
Mais vous savez que ce n'est pas que cela, parce qu'internet touche nos modes de vie et parce qu'il est familier aux plus jeunes d'entre nous, il y a de sérieuses chances pour qu'il est un impact sur la ville.
Ce qui va changer avec internet dans la vie urbaine nous concerne, il faut nous emparer du sujet : examiner, comparer, discuter, proposer. Ne rééditons pas les erreurs de nos années 70. J'ai envie de vous dire " l'économie du commerce sans conscience n'est que ruine urbaine ".
- chacun d'entre nous porte en lui sa ville idéale. Avec l'expérience, le promoteur, l'urbaniste, le commerçant, le citoyen ou l'homme politique conçoivent une idée plus précise, et parfois un peu fermée du monde urbain.
Pour moi, qui suis né en milieu rural, à Corrombles, en Bourgogne, je crois que la ville ne doit pas être une utopie aseptisée. Pour que la ville se développe, il lui faut, comme la campagne, du mouvement, du bruit, des odeurs aussi.
C'est comme cela que la ville restera une perspective humaine, avec, pour la faire vivre et l'animer, des commerçants heureux.
Enfin, je veux saluer, en même temps que vous tous, Madame Gisela HAMMERS-STRIZEK qui va nous parler du prochain colloque, à Leipzig, en 2002.
(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 22 novembre 2000)
C'est pour moi un très grand honneur de venir devant vous pour évoquer la question du commerce et son lien avec la ville en Europe.
Avant de clôturer officiellement le congrès, au nom de la Présidence française de l'Union en vous donnant lecture de la " Déclaration " et qui portera le nom cette ville qui nous a accueilli, bien accueilli, je souhaiterais vous dire quelques mots sur l'expérience française et l'action des Pouvoirs publics en faveur du commerce.
On peut résumer les choix des Pouvoirs publics autour de trois axes : une volonté de construire le commerce en ville, la conviction que l'avenir économique des villes est un avenir commercial et le choix de lier animation des villes et développement rural.
Le Gouvernement mène une politique de la ville volontaire.
Vous avez certainement dit durant ces trois journées que la ville est le produit d'un acte volontaire. Ce n'est ni l'accumulation désordonnée de fonctions économiques, sociales et culturelles ni le pur résultat de l'hyper-rationnalité de l'univers marchand.
La ville est le signe, peut-être le plus emblématique, de notre civilisation. C'est encore plus vrai pour nos villes européennes dont l'histoire se confond avec notre histoire, celles de nos peuples.
Dès lors que l'on écarte le laissez-faire sans pour autant tracer unilatéralement, et de façon définitive, les lignes de la ville, alors le commerce peut jouer un rôle majeur dans la programmation urbaine.
Ce sont en effet les commerces qui assurent le lien entre activité et habitat, entre espace public et espace privé.
Les espaces de circulation ne sont pas le but ultime de la ville. Les trottoirs comme les rues sont un moyen utilisé pour se rendre chez son commerçant, voir son médecin, déposer les enfants à l'école ou rentrer chez soi !
Inversons la démarche qui fut celle employée pour les périphéries aux zonages unifonctionels.
Certaines de nos villes sont marquées par les stigmates de la ville faite à l'équerre et au compas avec des zones spécialisées. Pour la zone plurifonctionnelle, souvent le centre ancien, le graphiste vous propose les hachures, comme si l'homme voulait rayer une surface sur laquelle il estime ne plus pouvoir intervenir.
Pourtant nous savons tous qu'en ville ce sont les commerces, les lieux culturels et l'habitat qui commandent la gestion économique à échelle humaine de l'espace public et non pas les zones d'aménagement ou les voies express.
Cela suppose une politique active en faveur du commerce de centre ville qui souffre évidemment d'une certaine cherté liée à la centralité.
Mon département ministériel mène en la matière une politique très active de soutien collectif aux commerces de centre-ville, à partir de taxes payées par les grandes surfaces, généralement situées en périphérie.
Je ne vais pas détailler ces outils maintenant. Retenons qu'ils sont souples et très adaptables aux situations rencontrés, qu'il s'agisse d'aider à la rénovation des façades dans un centre ancien classé, de financer des dispositifs de sécurité dans des centres commerciaux situés en zones sensibles ou bien de subventionner la ré-ouverture de l'unique commerce d'une région rurale.
Cette solidarité est géographique et économique, nous la retrouvons dans la loi " Solidarité et renouvellement urbain " justement.
Les dispositions que comportent cette loi ont vocation à favoriser les implantations commerciales en centre-ville en incitant à la diversité des commerces et leur mixité avec l'habitat.
En même temps la nouvelle loi devrait améliorer l'insertion urbaine des centres commerciaux de la périphérie, en limitant les emprises au sol des parkings.
Ce sont des exemples concrets des choix du Gouvernement en faveur du commerce en ville.
Le commerce est le meilleur moteur du développement économique durable des villes.
Il est communément admis de considérer que nous vivons dans une civilisation urbaine. Cela n'est pas uniquement un état de fait. Cela veut dire bien plus de choses.
Cela signifie, c'est une évidence, une densification des populations et de l'activité.
Nous ne connaissons pas les limites de ce processus. Le colloque a permis de comparer les analyses faites par les uns et les autres sur des modèles européens de ville. Il n'y a sans doute pas de loi universelle.
D'autres régions, je pense aux mégalopoles des deux continents américains ou d'extrême orient, nous montrent bien la singularité de nos villes européennes.
Face aux risques nés d'un développement anarchique de la trame urbaine, les commerces peuvent jouer un rôle fondamental de régulation. Pour réussir deux conditions sont indissociables : encourager la modernisation de l'activité commerciale, en même temps assurer sa diversité.
Encourager la modernisation des commerces : ce n'est pas pour moi une question tabou. Nos choix consommation évoluent vite, pourquoi les commerces devraient-ils continuer de proposer des produits ou des services qui ne se vendent plus ?
Moderniser cela veut dire permettre des investissements pour que les consommateurs aient plus de choix, plus de services, plus de confort aussi.
L'augmentation des surfaces commerciales n'est pas une mauvaise chose en elle même. Elle est avant tout le signe de la bonne santé économique d'un pays. La conjoncture française de ces trois dernières années est parfaitement éclairante à ce sujet.
Mais la modernisation ne vaut que si elle bénéficie, in fine, aux consommateurs.
Concrètement le dynamisme commercial en ville doit s'accompagner d'une concurrence préservée, sinon accrue. En France, la responsabilité gouvernementale du secteur du commerce est conjointe avec la responsabilité de la concurrence. C'est une bonne chose.
Je veux mettre en garde contre les stratégies d'enseignes visant à la saturation d'une zone de chalandise. Acheter des mètres carrés pour empêcher un concurrent d'exister cause un préjudice à la collectivité.
Le Gouvernement veille à ce que tous les entrepreneurs aient des chances égales de réussir, les villes doivent s'en préoccuper si elles souhaitent continuer d'attirer des habitants.
C'est un point qui n'est pas souvent bien compris, les responsables politiques locaux ont trop tendance à accepter toutes les offres d'implantation, surtout lorsqu'elles sont émises par des enseignes " leader ".
Pourtant le défaut de choix et les prix trop élevés qui sont les conséquences inéluctables de positions dominantes, font fuir le consommateur vers les périphéries.
L'avenir du commerce de centre ville serait compromis si seuls subsistent les atouts de services et de proximité. Le choix et le prix restent, toutes les études le montrent, déterminants.
Les acteurs de la ville doivent intervenir de façon préventive, en amont des projets d'implantations, c'est une condition du développement durable des villes.
Le développement durable est une voie économique au sens premier du terme, c'est à dire économe
Les opérations urbaines de renouvellement urbain qui viennent au secours de situations économiques dégradées sont très coûteuses.
Certes mon département ministériel dispose d'outils pour aider les villes à reconquérir leurs espaces commerciaux, y compris lorsque l'armature urbaine s'est effondrée, c'est une nécessité, une expression de la solidarité nationale pour les zones les plus défavorisées.
Mais je préfère engager l'Etat et ses moyens sur des opérations de " prévention " plutôt qu'en " réparation ".
Tout cela occupe beaucoup les acteurs urbains. Et je peux comprendre qu'ils ne regardent plus ce qui se passe au delà de la frontière urbaine. Mais je crois que le développement durable des villes ne peut pas être autocentré.
L'équilibre économique et social des villes est indispensable à l'animation des territoire ruraux.
J'ai toujours été choqué par l'usage exclusif du zonage comme unique outil de la programmation urbaine.
C'est un tropisme catastrophique pour le développement des territoires. Cela revient à dire qu'il y aurait des pleins : à l'intérieur des zones où se concentreraient les atouts pour le développement et les vides, tout autour, laissés un peu à eux-mêmes, friches urbaines ou jachères rurales improductives.
Si l'objet de ce congrès est de poser les bases économiques du renouvellement urbain pour le futur, alors j'invite à ce que nous accomplissions une révolution : commençons notre réflexion économique et urbaine à partir de ces soit-disant " vides spatiaux ". Renversons la perspective.
Que constate-t-on alors ?
Eh bien que la meilleure localisation économique d'activités, pour les métiers d'art, par exemple, peut-être en zone rurale. L'emploi en milieu rural est source de diffusion de richesse, à partir des clientèles urbaines.
Le flux de richesse, la transmission de savoir faire va de l'extérieur vers le centre. C'est un cas que je connais bien, il n'y a pas que les " call centers " qui entrent dans cette logique.
Chacun d'entre-nous peut examiner les villes qu'il connaît. S'il peut exister des villes riches au milieu de la misère, il n'y pas d'exemple de développement urbain durable sans une économie rurale dynamique.
Intégrons cette donnée là dans le renouvellement urbain. Les commerçants le savent bien. Les périmètres administratifs doivent être dépassés, il faut penser communautés d'agglomération, communautés de communes.
Surtout les acteurs du développement économique doivent faire le choix de la coopération. Le Gouvernement les y incite en France.
Si j'ai souhaité vous dire cela avant de vous donner lecture de la " déclaration de Lille ", c'est parce que notre civilisation urbaine est en train de changer. Les villes continuent d'attirer les populations. Mais ce ne sont plus les mêmes villes qu'au XIXème et au XXème siècle.
Dans certains cas les nouvelles villes naissent de bourgs ruraux, c'est frappant dans de nombreuses régions françaises. C'est peut-être un mouvement lent mais il est perceptible.
Je souhaite qu'il y ait là aussi une construction volontaire de l'armature commerciale dans ces villes nouvelles.
La Déclaration de Lille
Tout d'abord un constat : la grande diversité de nos villes nous interdit un modèle européen unique de développement urbain. Aussi le Congrès de Lille s'est fixé comme objectif d'identifier les meilleures méthodes, les " bonnes pratiques " pour le commerce dans le renouvellement urbain.
Trois critères de réussite ont été dégagés :
1/ associer, dès le début de l'opération, les commerçants des centre villes et des quartiers, afin d'obtenir leur adhésion au projet
2/ prendre en compte les besoins réels des acteurs du commerce urbain et des consommateurs en écartant l'importation artificielle de modes de développement urbain qui ont pu réussir ailleurs
3/ dépasser, dans la réflexion, comme dans l'action, la question des commerces et le cadre de la ville pour développer une approche globale sur le plan territorial comme sur le plan économique
Pour les acteurs du renouvellement urbain que sont les entreprises de commerce et les autorités locales les recommandations suivantes sont formulées :
Pour les entreprises de commerce
- proposer des solutions créatives et innovantes
- développer les concepts nouveaux de magasins en centre-ville mais aussi dans les quartiers et la périphérie
- participer à la reconversion et à la rénovation des centres commerciaux et des grandes surfaces alimentaires dans les quartiers en difficulté
- développer une présence active dans les instances de concertation
- lier les stratégies de marketing aux projets urbains
Pour les autorités locales
- lancer, préalablement aux opérations, les études nécessaires à la prise de décision
- veiller à une articulation étroite entre le projet urbain et le projet commercial
- entretenir un dialogue soutenu, du début des études, à la fin de la réalisation, avec les partenaires économiques
- associer les acteurs économiques aux travaux des organes de coopération
- faire place aux opérateurs économiques dans la gestion commerciale et urbaine du centre-ville
Pour réussir nos villes ont de nombreux outils en commun :
- la maîtrise des décisions administratives qui permettent de valoriser une offre foncière adaptée aux besoins locaux
- le contrôle des plans de déplacement et de stationnement
- la faculté de rénover les espaces publics, protéger l'architecture locale, intervenir sur l'habitat
- la responsabilité du développement de services publics locaux et d'équipements éducatifs, culturels et sociaux
- la promotion des atouts de la cité
Les bonnes pratiques recensées, ces éléments connus doivent être diffusés, les coopérations transnationales doivent être encouragées.
Pour poursuivre l'action qui a commencé avec le Congrès de Malaga en Espagne en 1999,
Les maîtres d'ouvrage du congrès de Lille : la Commission européenne, le comité des Régions, le ministère français de l'économie, des finances et de l'industrie et la Caisse des Dépôts et Consignations en France publieront sur leurs sites internet " les meilleures pratiques ".
Au delà, la mobilisation des fonds structurels européens ainsi que des programmes d'initiative communautaire vers les secteurs du commerce doit être recherchée.
Enfin, avec l'appui du Comité économique et social européen et des commissions spécialisées du Comité des Régions, les travaux de l'intergroupe " commerce " du Parlement européen pourront mieux prendre en compte les priorités du renouvellement urbain.
Pour conclure, et après cette déclaration, qui sera, si vous en êtes d'accord, notre charte commune de travail dans les mois qui viennent, permettez moi deux remarques plus personnelles :
- le commerce électronique, la vente en ligne est une composante que nous considérons trop souvent comme uniquement technologique.
Mais vous savez que ce n'est pas que cela, parce qu'internet touche nos modes de vie et parce qu'il est familier aux plus jeunes d'entre nous, il y a de sérieuses chances pour qu'il est un impact sur la ville.
Ce qui va changer avec internet dans la vie urbaine nous concerne, il faut nous emparer du sujet : examiner, comparer, discuter, proposer. Ne rééditons pas les erreurs de nos années 70. J'ai envie de vous dire " l'économie du commerce sans conscience n'est que ruine urbaine ".
- chacun d'entre nous porte en lui sa ville idéale. Avec l'expérience, le promoteur, l'urbaniste, le commerçant, le citoyen ou l'homme politique conçoivent une idée plus précise, et parfois un peu fermée du monde urbain.
Pour moi, qui suis né en milieu rural, à Corrombles, en Bourgogne, je crois que la ville ne doit pas être une utopie aseptisée. Pour que la ville se développe, il lui faut, comme la campagne, du mouvement, du bruit, des odeurs aussi.
C'est comme cela que la ville restera une perspective humaine, avec, pour la faire vivre et l'animer, des commerçants heureux.
Enfin, je veux saluer, en même temps que vous tous, Madame Gisela HAMMERS-STRIZEK qui va nous parler du prochain colloque, à Leipzig, en 2002.
(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 22 novembre 2000)