Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à l'Assemblée Nationale le 4 avril 2000.

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Circonstance : Examen en deuxième lecture du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à l'Assemblée Nationale le 4 avril 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Votre Assemblée est à nouveau saisie du projet de loi réformant les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques que Madame Catherine Trautmann, puis Madame Elisabeth Guigou, ont défendu avec force et conviction.
Madame le Garde des Sceaux, qui soutient en ce moment même devant le Sénat le projet de loi relatif à la présomption d'innocence, regrette de ne pas être parmi vous.
Je suis heureuse d'être aujourd'hui au banc des ministres pour la poursuite des débats.
Mais, à vrai dire, ce sentiment se double d'une réelle émotion, puisque je n'ai quitté vos rangs, et la présidence de votre Commission des lois, pour rejoindre le Gouvernement il n'y a que quelques jours.
La Ministre de la culture et de la communication que je suis, aborde les débats qui reprennent, avec une grande confiance et avec la volonté de poursuivre, dans la continuité de l'action gouvernementale, cette réforme que je sais ambitieuse et essentielle.
J'ai pu, en qualité de présidente de la Commission des lois, mesurer la volonté de la représentation nationale de réformer en profondeur la réglementation fort ancienne des ventes aux enchères et le statut des commissaires priseurs, pour adapter notre droit aux exigences communautaires mais aussi aux contraintes économiques et culturelles d'un marché de plus en plus international.
J'ai également mesuré la qualité de vos travaux et des débats sur un sujet d'une grande technicité.
Comme vous le savez, de nombreuses dispositions ont été votées conformes par les deux chambres, souvent avec le soutien du Gouvernement. Je m'en réjouis.
Je constate en effet que nous nous accordons tous sur les axes essentiels de la réforme. Je pense notamment :
à la définition du périmètre de la nouvelle réglementation ;
à la recherche d'une compétitivité accrue des professionnels français, qui doivent pouvoir exercer dans des structures commerciales adaptées ;
ou encore aux exigences déontologiques et aux garanties auxquelles doivent être soumis les opérateurs, qui traitent le plus souvent avec de simples consommateurs et interviennent fréquemment sur le marché de l'art.
Mais vous connaissez parfaitement l'ensemble de ces questions. Je n'y reviendrai pas et ne développerai que les principaux points qui n'ont pu, à ce stade de la discussion, faire l'objet d'un vote conforme.
Le premier point qui doit être débattu porte sur la réglementation qu'il convient d'appliquer aux ventes aux enchères sur Internet.
En réalité, la problématique est plus technique que politique.
Les transactions sur réseau numérique correspondent-elles à des ventes aux enchères ?
Si oui, le projet de loi doit-il s'appliquer dans son ensemble ou pour partie, aux opérations concernées ?
Faut-il, au contraire, prévoir une réglementation spécifique à Internet ?
L'ensemble de ces questions méritait réflexion.
Le Sénat a souhaité, dès la première lecture, englober purement et simplement les ventes " en ligne " dans le champ d'application du projet de loi.
Le Gouvernement, dans ce contexte, a confié, en janvier dernier, une mission d'expertise à un avocat général à la Cour de cassation et à un inspecteur général de l'administration des affaires culturelles. Leur rapport est particulièrement riche d'enseignements.
Il a tout d'abord mis en évidence que sur la plupart des sites, les opérateurs du réseau numérique ne procèdent pas à de véritables ventes aux enchères.
En effet, le vendeur et l'acheteur, sélectionnés après une mise en concurrence, sont simplement mis en relation par un prestataire de services, mais demeurent libres de contracter ou non.
Dans le cadre de véritables ventes aux enchères, à l'inverse, la société de vente agit, non comme intermédiaire, mais comme mandataire du vendeur et le transfert de propriété est automatique à la clôture des opérations.
Le texte en discussion, et je partage le point de vue de votre Commission des lois sur cette question, n'a pas pour objet, a priori, de réglementer les transactions, qui ne répondent pas aux critères traditionnels de définition de la vente aux enchères.
C'est là tout le sens du 1er alinéa de l'amendement de votre Commission des lois, auquel le Gouvernement apportera son soutien.
Mais ce rapport conclut aussi à la nécessité d'un renforcement du dispositif lorsque les opérations portent sur des objets d'art. Il est indispensable de préserver notre patrimoine national et de protéger l'acquéreur qui, sur le marché de l'art, est dans une situation de plus grande vulnérabilité.
Il s'agit, en effet, d'éviter, pour les biens culturels, tous les procédés de contournement qui ne tendraient qu'à éluder la nécessaire protection des acquéreurs et les objectifs de conservation du patrimoine.
C'est pourquoi l'amendement, dans son troisième alinéa, étend les garanties découlant de la loi, non seulement aux enchères stricto sensu, mais aussi plus largement à toutes les formes de ventes de biens culturels s'y apparentant.
Le dispositif qui vous est proposé, j'en suis convaincue, est équilibré.
La seconde question que je souhaite aborder devant vous est celle de l'indemnisation des commissaires priseurs.
Le Gouvernement, ainsi que votre Assemblée, estiment que l'atteinte à la valeur pécuniaire du droit de présentation ne constitue pas une expropriation au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Le Gouvernement a pris résolument le parti d'indemniser le préjudice que subiront les commissaires priseurs du fait de l'ouverture à la concurrence des ventes volontaires, et ce, en vertu du principe d'égalité devant les charges publiques.
Sur ce point, j'ajouterai simplement que l'Etat a fait le choix de financer intégralement l'indemnisation des commissaires priseurs et que le Gouvernement a pris l'engagement solennel d'assurer la neutralité fiscale des transformations juridiques imposées par la réforme.
Je ne voudrais pas conclure ces propos sans saluer l'important travail accompli par votre Commission des lois. Je souhaite rendre un hommage particulier à Madame Nicole Feidt, rapporteuse du projet. Grâce à sa volonté, à son travail et à ses qualités d'analyse, nous abordons aujourd'hui ce débat dans les meilleures conditions.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 6 avril 2000)