Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Vidons d'abord la querelle des ordonnances qui a été le sujet principal des interventions des orateurs représentant les groupes qui ont déposé la motion de censure. Je me bornerai pour cela à vous lire assez rapidement un texte.
Je cite : "on ne manquera pas de critiquer le principe même du recours aux ordonnances. Certains, se référant au débat de mai 1967 ironiseront sur le changement d'attitude de la gauche à l'égard de l'article 38. La vanité de tels jeux n'échappera à personne car la plupart de ceux qui critiquent et critiqueront les ordonnances de 1981 les avaient acceptées ou s'y étaient résignés en 1967. La partie est donc nulle. Il faut donc renoncer à la polémique et reconnaître que les ordonnances peuvent avoir des vertus. La contrainte (applaudissements) - Attention avant d'applaudir, vous ne savez pas ce que vous applaudissez ! La contrainte de la loi d'habilitation pèsera donc tout autant sur le Gouvernement qui la dépose que sur le Parlement qui va la voter. La discussion se serait, dans le climat d'obstruction que l'opposition a choisi de faire régner, enlisée au hasard de centaines - à l'époque, il s'agissait de centaines ! - d'amendements.
Je conclus la citation : "la légitimité des choix retenus ne devrait pas faire problème aux yeux de quiconque et l'incertitude régnant sur la portée des textes qui seront appelés à revêtir certaines des mesures envisagées ne saurait remettre en cause un projet d'une incontestable cohérence".
Ce texte, je l'ai trouvé dans un rapport qui date du 3 décembre 1981 présenté au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, présidée à l'époque par J.-M. BELORGEY et où siégeait Monsieur C. BARTOLONE.
Venons-en maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, à l'essentiel - c'est-à-dire au fond de la réforme. Le 15 novembre dernier, je vous ai proposé mon plan de réforme pour la sauvegarde de la Sécurité sociale.
Ce plan avait été précédé par une longue et approfondie concertation.
Tout d'abord, avec les confédérations syndicales et l'ensemble des partenaires sociaux ; à l'occasion aussi des 22 forums régionaux qui ont donné lieu à beaucoup de débats et à un grand nombre de reprises de presse ; enfin, ici même, au Parlement, avec notamment les excellents travaux de la mission d'information commune présidée par Monsieur BOURG-BROC et Monsieur P. MÉHAIGNERIE, qui a donné lieu à l'établissement du document que j'ai ici à la main.
Ce projet, élaboré donc après une longue concertation, a fait l'objet d'un vote d'approbation massive de la part de la majorité de l'Assemblée nationale ainsi que du Sénat. Il a également recueilli une large approbation dans toutes les sensibilités de l'opinion. On s'est plu à reconnaître son caractère global et cohérent, à reconnaître que c'était une réforme de fond, non pas un simple replâtrage.
Hier, à l'occasion des rencontres que plusieurs de mes ministres et moi-même avons eues avec les confédérations syndicales, qu'avons-nous constaté ? Les orientations - je le dis à la représentation nationale parce que c'est important - de la réforme de la Sécurité sociale que vous avez approuvée ont été approuvées par les confédérations syndicales suivantes : la Confédération française de l'encadrement CGC, la CFTC, la CFDT. Elles ont été également explicitement approuvées par l'Union nationale des syndicats autonomes que nous avons reçue hier soir. Elles ont été approuvées par le CNPF, la CGPME et l'Union professionnelle artisanale.
La seule confédération syndicale à avoir rejeté l'ensemble du plan de réforme et de sauvegarde de la Sécurité sociale, c'est vrai, ça a été la CGT. C'est la seule !
Voilà donc la vérité.
Mesdames et Messieurs les députés, l'approbation donnée au contenu même de la réforme du plan de sauvegarde de la Sécurité sociale est beaucoup plus large qu'on ne l'entend dire parfois ici ou là...
La deuxième constatation que j'aimerais faire, c'est que cette réforme a donné lieu depuis qu'elle a été débattue dans cette assemblée à la plus extraordinaire tentative de déformation, de désinformation, de confusion que nous ayons jamais constaté depuis bien longtemps. Je voudrais en donner quelques exemples très précis : Monsieur BARTOLONE nous a dit tout à l'heure - ou plus exactement, cela figure dans le texte même de la motion de censure, que ma réforme allait alourdir les charges qui pèsent sur les ménages, notamment les plus modestes. Je l'ai démontré devant les Françaises et les Français à la télévision : cette affirmation est fausse !
Cette affirmation est fausse pour plusieurs raisons :
D'abord, parce que contrairement à certains des plans de réforme précédents de la Sécurité sociale, notamment ceux qui ont été élaborés entre 1988 et 1993, la réforme que je vous propose ne comporte aucune diminution de remboursement qui naturellement pénaliserait les plus faibles.
En deuxième lieu, le remboursement de la dette sociale ne sera pas payé par les 5 millions de Français les plus modestes, dont les revenus sont, hélas, inférieurs aux minima sociaux.
En troisième lieu, parce que plus de 55 % des retraités qui ne sont pas imposables et plus de 80 % des chômeurs dont les ressources sont inférieures au SMIC ne seront pas touchés par le relèvement de la cotisation-maladie des inactifs. Et ceci doit être dit et répété !
Deuxième exemple de désinformation - et j'utilise une seconde parce que je ne veux pas alimenter le climat polémique qui règne ici davantage. Il est écrit, noir sur blanc dans le texte de la motion de censure, que le projet du gouvernement que vous avez approuvé prévoit par la capitalisation un système de retraites à deux vitesses. Monsieur BARTOLONE a été plus loin encore dans la contrevérité en disant que nous allions instaurer par ordonnance un régime d'épargne-retraite collective : ceci est faux ! Et je le dis solennellement !
Ceci est un mensonge !
Les ordonnances n'institueront aucun régime d'épargne-retraite collective. Nous le ferons par la voie d'un projet de loi qui vous sera soumis selon la formule classique.
Deuxièmement : c'est un mensonge de dire aux Français qu'il y aura une ordonnance sur la retraite, sur l'épargne-retraite. De la même manière, j'ai dit - et le président de la République s'en est porté garant - que nous continuerons à faire de la répartition le socle de nos régimes de retraite. Cela ne prête à aucun doute, à aucune ambiguïté. C'est un engagement qui a été pris et répété. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, quelques exemples de contrevérités qui se succèdent au fur et à mesure des jours qui passent.
J'ai entendu dire aussi tout à l'heure que nous allions porter à un record historique le niveau des prélèvements obligatoires. J'ai entendu articuler le chiffre de 44,7 %. Ce chiffre à l'heure actuelle est une prévision, avec tous les aléas de la prévision. Il n'intègre d'ailleurs pas les allégements de charges au profit des entreprises qui sont importants, parfois excessifs selon certains. Je voudrais dire qu'aujourd'hui, le recordman en termes de constatation, non de prévision, le record constaté dans ce pays des prélèvements obligatoires, il a été fait en 1984 avec 44,6 % : Monsieur FABIUS était Premier ministre !
Cette réforme dont les principes ont ainsi été posés, dont les orientations ont été approuvées, très au-delà même de la majorité de cette assemblée, y compris d'ailleurs, vous le savez, par d'anciens ministres de la Santé socialistes ou peut-être par des personnalités qui revendiquent haut et fort leur appartenance à ce qu'on appelle la gauche - cette réforme maintenant va entrer en application. Elle entrera en application progressivement et dans la concertation. D'abord, concertation sur les projets d'ordonnances qui découleront du texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Il y en aura cinq : deux qui seront élaborées pour entrer en application au début de l'année prochaine, à savoir celle qui concerne la caisse d'amortissement de la dette sociale et d'autre part l'institution du remboursement de la dette sociale.
Deuxième ordonnance : celle qui prévoira les mesures d'urgence de redressement de la Sécurité sociale.
Puis viendront dans le courant des quatre premiers mois de l'année 1996 les textes concernant la réforme hospitalière, le texte concernant la maîtrise médicalisée des dépenses, le texte concernant l'architecture des caisses de Sécurité sociale.
J'en profite pour dire à cette occasion que nous veillerons à ce que dans le cadre du système que je vous ai présenté, de la nouvelle architecture qui prévoira en clé de voûte l'intervention du Parlement et qui peut s'en offusquer en démocratie ? - le rôle des partenaires sociaux soit naturellement garanti quant au fonctionnement dans les institutions de Sécurité sociale.
Puis viendront les projets de lois spécifiques que j'ai annoncés : le projet de loi concernant le régime universel d'assurance-maladie, le projet de loi concernant l'épargne-retraite collective et enfin les textes relatifs aux dispositions fiscales.
Je voudrais dire à ce sujet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous il y a quelques jours, que nous vous proposerons dès 1996 de franchir une première étape dans l'une des réformes fondamentales qui participe à mon plan de sauvegarde de la Sécurité sociale : le financement.
Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que vous serez les premiers, la majorité sera la première à faire en sorte qu'une promesse que nous avons longtemps entendue mais qui n'a jamais été tenue jusqu'à présent, à savoir que la CSG soit élargie aux revenus des placements financiers, soit enfin tenue ! C'est grâce à vous que ce sera fait, et à personne d'autre. Je me souviens de la même façon que lorsque nous avions discuté de l'institution de la CSG créée par un autre gouvernement, nous avions été beaucoup à dire que cette réforme pouvait être justifiée à la condition que cette CSG devienne déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Eh bien, je vous proposerai étape par étape - avec une première étape dès 1996 - de rendre déductible la CSG qui deviendra ainsi une vraie cotisation sociale, comme je m'y suis engagé.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la réforme que vous avez décidé de faire pour sauvegarder la Sécurité sociale parce que nous voulons tous la sauver.
Il faut la réformer pour la sauver.
Pour ce qui est des propositions que Monsieur BARTOLONE a énumérées tout à l'heure devant vous, je constate une fois de plus que c'est à peu près l'exact décalque de la réforme que je vous ai proposée et que vous avez adoptée ! C'est la raison pour laquelle, vous l'observerez, l'essentiel des critiques qui nous sont adressées par le groupe socialiste, sont des critiques de procédure et jamais des critiques de fond.
Au fil des semaines qui se sont écoulées depuis que je vous ai présenté et que vous avez approuvé la réforme de la Sécurité sociale, il est vrai que des difficultés sont apparues et des blocages se sont révélés.
Il y en a deux pour l'essentiel qui expliquent la situation sociale difficile dans laquelle nous nous trouvons.
Premier blocage, les régimes spéciaux de retraite, les retraites de la Fonction publique, les retraites des entreprises publiques.
J'avais souhaité, et je vous l'ai dit, ouvrir le dossier des régimes spéciaux tout simplement parce que j'ai la conviction que si on ne l'ouvre pas, dans dix ou quinze ans, nous serons face à des difficultés considérables et que l'équilibre même de ces régimes sera en cause. Personne, de bonne foi, aujourd'hui, ne peut le nier; j'ai même entendu Monsieur BARTOLONE le dire. Il y a donc bien un problème. J'avais défini pour cela une procédure, c'était celle de la commission que l'on a désignée du nom de son principal responsable, Monsieur LE VERT, la commission LE VERT. Cette procédure n'a pas été comprise. Elle a déclenché un certain nombre de réactions parce qu'on s'est imaginé, à tort, que demain les modalités de calcul, les âges de départ à la retraite de ces régimes spéciaux allaient être remis en cause. J'ai dit, solennellement, qu'il n'en serait rien. Et pour que les choses soient claires, j'ai décidé de suspendre les travaux de la commission LE VERT. Il faut prendre le temps de réfléchir à ce problème, et de définir avec les organisations syndicales de la Fonction publique d'une part, des entreprises publiques d'autre part, une autre méthode de réflexion et d'approche d'un problème que, de toute manière, nous retrouverons sur nos routes au cours des années qui viennent. Voilà le premier blocage que j'estime avoir levé par les déclarations sans ambiguïtés que j'ai faites depuis plus de trois jours.
Deuxième difficulté, le contrat de plan à la SNCF.
Ce contrat de plan, et je l'ai entendu dire - je parle sous le contrôle des ministres qui m'accompagnaient hier - je l'ai entendu dire par les confédérations syndicales que nous avons reçues, y compris d'ailleurs par la CGT : il faut un contrat de plan à la SNCF. C'est tout à fait évident.
Il faut un contrat de plan à la SNCF, et il en faut un dans les mois qui viennent. Ce contrat de plan, je le rappelle, aurait dû être signé avant le 31 décembre 1994. Il y a eu des discussions depuis plusieurs mois entre l'État et l'entreprise, mais nous avons constaté un déficit de dialogue social interne à l'entreprise.
La préparation qui était nécessaire pour quelque chose qui est important pour les salariés de l'entreprise, pour les cheminots de France, puisque cela va définir les conditions d'exercice de leur métier pour les cinq prochaines années, ce travail de préparation préalable n'a pas été fait.
C'est donc la raison pour laquelle j'ai dit, et j'ai écrit, à l'intersyndicale des personnels de la SNCF que le contrat de plan sous sa forme actuelle était gelé, et que nous allions reprendre le dossier avec la volonté d'aboutir dans les prochains mois.
J'ai donc fait, et la représentation nationale en est aujourd'hui le témoin, les ouvertures et les clarifications qui étaient nécessaires pour que le dialogue puisse s'instaurer et que la négociation puisse commencer.
Au-delà de ces blocages qui sont ainsi, je le pense profondément, levés, il est vrai que ce qui s'est passé depuis quinze [jours] ou trois semaines dans notre pays révèle des inquiétudes profondes. Certes, les salariés du secteur privé ne sont pas en grève.
Certes, le pourcentage des grévistes dans la Fonction publique et dans le secteur public, hors SNCF et RATP, est resté faible. Il était lundi - je le dis, parce qu'on n'entend généralement jamais ces chiffres selon les secteurs d'activité - selon les administrations, compris entre 3 et 10 %. Certes, dans le cadre de la confusion générale qu'on essaye d'entretenir dans les esprits, nous avons entendu tout à l'heure des chiffres de manifestations tout à fait fantaisistes. On nous a dit qu'il y avait des centaines de milliers de manifestants à Paris : ce n'est pas vrai !
Ce n'est pas vrai !
J'ai tenu à rappeler cela parce qu'il faut redire des vérités, et je constate que ces vérités déchaînent souvent la passion chez certains impatients.
Quelle impatience du côté de la gauche de cette assemblée !
Quelle impatience imprudente ! Quelle impatience imprudente !
Mais je ne sous-estime pas la profondeur du malaise qui s'est exprimé. Bien sûr. Elle révèle d'abord dans le service public une véritable peur de l'avenir. Vous-mêmes, Mesdames et Messieurs de la majorité, vous vous en êtes fait souvent l'écho ici, en questionnant les ministres compétents - par exemple le ministre de l'Industrie. Eh bien, il nous faut dissiper ces inquiétudes. Il nous faut montrer, avec peut-être plus de force encore que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, notre détermination à défendre les missions du service public telles qu'elles sont comprises dans la société française, telles qu'elles en constituent l'armature. Et pour cela, j'ai fait une proposition - qui n'est qu'une proposition au stade actuel -. Vous avez observé que lorsque nous décidons trop vite, on nous reproche de décider trop vite ; lorsque nous faisons des propositions ouvertes à la discussion, on nous reproche de rester flou dans ces propositions. Mais c'est le lot commun, et je ne m'en plains pas.
J'ai donc fait une proposition, et j'espère que vous participerez, Mesdames et Messieurs, à l'élaboration de cette proposition - que nous nous penchions sur le problème de savoir comment garantir par une disposition de caractère constitutionnel la pérennité des missions du service public à la française.
Ce n'est pas facile, cela méritera des études approfondies dans les semaines qui viennent, mais je souhaite que cela fasse l'objet d'un large débat.
Je l'ai proposé aux confédérations syndicales, qui sont souvent moins sectaires que certaines formations politiques, et qui l'ont accepté; et je vous propose d'y travailler, d'y travailler tous ensemble.
Deuxième inquiétude profonde - et nous la connaissons bien, cela va de soi - révélée par cette crise, c'est la peur du chômage.
Nous savons bien qu'à la racine des comportements de nos concitoyens aujourd'hui c'est cette peur du chômage qui explique bien des choses ; qui explique que la consommation plafonne, voire diminue ; qui explique que la décision d'investissements soit souvent retardée, que la décision d'acquisition d'un logement soit ajournée.
Il nous faut donc reprendre, avec une imagination et plus d'audace que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, ce combat contre le chômage et pour l'emploi.
Nous avons marqué des points depuis quelques mois, dix, beaucoup plus que ceci n'avait été fait dans une période sur laquelle je ne voudrais pas revenir trop longuement. C'est ainsi que le chômage de longue durée a diminué...
... Je disais donc que nous avons marqué des points contre le chômage de longue durée, et que le Contrat Initiative Emploi qui était un des grands engagements de la campagne du Président de la République, et que notre majorité a concrétisé, est un succès. Nous avons, aujourd'hui, à reprendre le combat pour l'emploi des jeunes. Car de ce point de vue les résultats enregistrés ne sont pas satisfaisants. Ils risquent même de se dégrader à l'occasion des mois qui viennent du fait de la crise que nous vivons aujourd'hui ; du fait également de la conjoncture internationale qui est en train de s'installer autour de nous.
Et voilà pourquoi, parmi les initiatives que j'ai prises hier, j'ai également proposé aux partenaires sociaux qui en ont accepté le principe, un sommet sur l'emploi, sur l'emploi des jeunes, sur l'insertion des jeunes dans l'entreprise, sur le temps de travail, sur l'aménagement du temps de travail, sur la réduction du temps de travail.
Car ce n'est pas la première fois que je le dis ; ce mot bien sûr ne me fait pas peur. Ceci a été accepté hier. J'ai chargé J. BARROT de préparer cette rencontre. Je pense que nous pourrons fixer le premier sommet au cours de la semaine prochaine, et naturellement nous poursuivrons ces discussions à partir du début janvier pour, entre partenaires sociaux de bonne volonté, trouver les solutions qui s'imposent.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous dire sur les événements que nous vivons, sur la crise - s'il faut employer ce mot - qui s'est installée dans notre pays depuis quelques semaines. Le Gouvernement a entendu et compris ce que les Français ont voulu lui dire.
J'ai refusé depuis le début de cette situation - et ça n'a pas été le cas de tout le monde - j'ai refusé à tout moment toute tentative de division, toute tentative d'exploitation politique du conflit entre les uns et les autres. Je n'ai jamais, comme certains, tenté de dresser les grévistes contre les non-grévistes, ou les non-grévistes contre les grévistes. Je n'ai jamais tenté d'opposer ceux que l'on prétend favorisés par rapport à ceux qui ne le seraient pas. J'ai pris conscience, comme chacune et chacun d'entre vous, que tout le monde souffre de cette situation, et que c'est donc tous ensemble qu'il faut chercher les moyens d'en sortir.
Car il faut en sortir. J'ai fait pour cela tous les efforts qui étaient nécessaires, les ouvertures et les clarifications que j'ai exposées tout à l'heure, le dialogue social qui a été d'une intensité, au cours des derniers jours, que l'on n'avait pas vu depuis bien des mois, pour ne pas dire depuis bien des années, le travail d'explication et de concertation que nous allons poursuivre. Les cheminots et les agents de la RATP ont entendu et compris ce langage.
En cette période de l'année, il faut que chacun prenne conscience que nous devons recommencer à circuler et à travailler ; que c'est l'intérêt général, qu'il y va de la bonne santé de nos entreprises, qu'il y va de la croissance de notre économie, qu'il y va du bien-être des Françaises et des Français, qu'ils soient en grève ou qu'ils ne soient pas en grève.
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez longuement débattu de toutes ces questions, et je voudrais remercier tout particulièrement le Président SÉGUIN qui, tout au long des journées de samedi et dimanche, a présidé avec l'autorité, l'impartialité, l'intelligence que tout le monde lui reconnaît.
Je voudrais également remercier tous les députés qui ont siégé sans discontinuer samedi et dimanche ; remercier la majorité de sa loyauté, de sa constance, de son unité. Et comme on a salué, depuis le début de l'après-midi dans cet hémicycle, un certain nombre de députés nouvellement élus, je les salue tous ; n'oublions pas C. JACOB et F. MARLIN qui ont également été élus dimanche dernier et qui siègent sur les bancs de notre majorité.
Mesdames et Messieurs les députés, je suis sûr que vous permettrez au Gouvernement de poursuivre l'action qu'il a engagée, tout simplement parce que cette action est juste, parce qu'elle est nécessaire, parce que le pays a besoin de cette réforme de la Sécurité sociale pour sauvegarder ce qui est un des acquis les plus précieux de notre histoire des cinquante dernières années. Je sais très bien que personne dans la majorité ne confond la politique et le music-hall, je sais très bien qu'il n'est pas de la dignité de cette assemblée de conclure ce débat par quelques chansons comme on vient de le faire aujourd'hui, je sais très bien que, vous, vous avez dans le cur et dans l'esprit, pour seule préoccupation, l'intérêt de la France, et le bien-être des Français.
Mesdames et Messieurs les députés,
Vidons d'abord la querelle des ordonnances qui a été le sujet principal des interventions des orateurs représentant les groupes qui ont déposé la motion de censure. Je me bornerai pour cela à vous lire assez rapidement un texte.
Je cite : "on ne manquera pas de critiquer le principe même du recours aux ordonnances. Certains, se référant au débat de mai 1967 ironiseront sur le changement d'attitude de la gauche à l'égard de l'article 38. La vanité de tels jeux n'échappera à personne car la plupart de ceux qui critiquent et critiqueront les ordonnances de 1981 les avaient acceptées ou s'y étaient résignés en 1967. La partie est donc nulle. Il faut donc renoncer à la polémique et reconnaître que les ordonnances peuvent avoir des vertus. La contrainte (applaudissements) - Attention avant d'applaudir, vous ne savez pas ce que vous applaudissez ! La contrainte de la loi d'habilitation pèsera donc tout autant sur le Gouvernement qui la dépose que sur le Parlement qui va la voter. La discussion se serait, dans le climat d'obstruction que l'opposition a choisi de faire régner, enlisée au hasard de centaines - à l'époque, il s'agissait de centaines ! - d'amendements.
Je conclus la citation : "la légitimité des choix retenus ne devrait pas faire problème aux yeux de quiconque et l'incertitude régnant sur la portée des textes qui seront appelés à revêtir certaines des mesures envisagées ne saurait remettre en cause un projet d'une incontestable cohérence".
Ce texte, je l'ai trouvé dans un rapport qui date du 3 décembre 1981 présenté au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, présidée à l'époque par J.-M. BELORGEY et où siégeait Monsieur C. BARTOLONE.
Venons-en maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, à l'essentiel - c'est-à-dire au fond de la réforme. Le 15 novembre dernier, je vous ai proposé mon plan de réforme pour la sauvegarde de la Sécurité sociale.
Ce plan avait été précédé par une longue et approfondie concertation.
Tout d'abord, avec les confédérations syndicales et l'ensemble des partenaires sociaux ; à l'occasion aussi des 22 forums régionaux qui ont donné lieu à beaucoup de débats et à un grand nombre de reprises de presse ; enfin, ici même, au Parlement, avec notamment les excellents travaux de la mission d'information commune présidée par Monsieur BOURG-BROC et Monsieur P. MÉHAIGNERIE, qui a donné lieu à l'établissement du document que j'ai ici à la main.
Ce projet, élaboré donc après une longue concertation, a fait l'objet d'un vote d'approbation massive de la part de la majorité de l'Assemblée nationale ainsi que du Sénat. Il a également recueilli une large approbation dans toutes les sensibilités de l'opinion. On s'est plu à reconnaître son caractère global et cohérent, à reconnaître que c'était une réforme de fond, non pas un simple replâtrage.
Hier, à l'occasion des rencontres que plusieurs de mes ministres et moi-même avons eues avec les confédérations syndicales, qu'avons-nous constaté ? Les orientations - je le dis à la représentation nationale parce que c'est important - de la réforme de la Sécurité sociale que vous avez approuvée ont été approuvées par les confédérations syndicales suivantes : la Confédération française de l'encadrement CGC, la CFTC, la CFDT. Elles ont été également explicitement approuvées par l'Union nationale des syndicats autonomes que nous avons reçue hier soir. Elles ont été approuvées par le CNPF, la CGPME et l'Union professionnelle artisanale.
La seule confédération syndicale à avoir rejeté l'ensemble du plan de réforme et de sauvegarde de la Sécurité sociale, c'est vrai, ça a été la CGT. C'est la seule !
Voilà donc la vérité.
Mesdames et Messieurs les députés, l'approbation donnée au contenu même de la réforme du plan de sauvegarde de la Sécurité sociale est beaucoup plus large qu'on ne l'entend dire parfois ici ou là...
La deuxième constatation que j'aimerais faire, c'est que cette réforme a donné lieu depuis qu'elle a été débattue dans cette assemblée à la plus extraordinaire tentative de déformation, de désinformation, de confusion que nous ayons jamais constaté depuis bien longtemps. Je voudrais en donner quelques exemples très précis : Monsieur BARTOLONE nous a dit tout à l'heure - ou plus exactement, cela figure dans le texte même de la motion de censure, que ma réforme allait alourdir les charges qui pèsent sur les ménages, notamment les plus modestes. Je l'ai démontré devant les Françaises et les Français à la télévision : cette affirmation est fausse !
Cette affirmation est fausse pour plusieurs raisons :
D'abord, parce que contrairement à certains des plans de réforme précédents de la Sécurité sociale, notamment ceux qui ont été élaborés entre 1988 et 1993, la réforme que je vous propose ne comporte aucune diminution de remboursement qui naturellement pénaliserait les plus faibles.
En deuxième lieu, le remboursement de la dette sociale ne sera pas payé par les 5 millions de Français les plus modestes, dont les revenus sont, hélas, inférieurs aux minima sociaux.
En troisième lieu, parce que plus de 55 % des retraités qui ne sont pas imposables et plus de 80 % des chômeurs dont les ressources sont inférieures au SMIC ne seront pas touchés par le relèvement de la cotisation-maladie des inactifs. Et ceci doit être dit et répété !
Deuxième exemple de désinformation - et j'utilise une seconde parce que je ne veux pas alimenter le climat polémique qui règne ici davantage. Il est écrit, noir sur blanc dans le texte de la motion de censure, que le projet du gouvernement que vous avez approuvé prévoit par la capitalisation un système de retraites à deux vitesses. Monsieur BARTOLONE a été plus loin encore dans la contrevérité en disant que nous allions instaurer par ordonnance un régime d'épargne-retraite collective : ceci est faux ! Et je le dis solennellement !
Ceci est un mensonge !
Les ordonnances n'institueront aucun régime d'épargne-retraite collective. Nous le ferons par la voie d'un projet de loi qui vous sera soumis selon la formule classique.
Deuxièmement : c'est un mensonge de dire aux Français qu'il y aura une ordonnance sur la retraite, sur l'épargne-retraite. De la même manière, j'ai dit - et le président de la République s'en est porté garant - que nous continuerons à faire de la répartition le socle de nos régimes de retraite. Cela ne prête à aucun doute, à aucune ambiguïté. C'est un engagement qui a été pris et répété. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, quelques exemples de contrevérités qui se succèdent au fur et à mesure des jours qui passent.
J'ai entendu dire aussi tout à l'heure que nous allions porter à un record historique le niveau des prélèvements obligatoires. J'ai entendu articuler le chiffre de 44,7 %. Ce chiffre à l'heure actuelle est une prévision, avec tous les aléas de la prévision. Il n'intègre d'ailleurs pas les allégements de charges au profit des entreprises qui sont importants, parfois excessifs selon certains. Je voudrais dire qu'aujourd'hui, le recordman en termes de constatation, non de prévision, le record constaté dans ce pays des prélèvements obligatoires, il a été fait en 1984 avec 44,6 % : Monsieur FABIUS était Premier ministre !
Cette réforme dont les principes ont ainsi été posés, dont les orientations ont été approuvées, très au-delà même de la majorité de cette assemblée, y compris d'ailleurs, vous le savez, par d'anciens ministres de la Santé socialistes ou peut-être par des personnalités qui revendiquent haut et fort leur appartenance à ce qu'on appelle la gauche - cette réforme maintenant va entrer en application. Elle entrera en application progressivement et dans la concertation. D'abord, concertation sur les projets d'ordonnances qui découleront du texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Il y en aura cinq : deux qui seront élaborées pour entrer en application au début de l'année prochaine, à savoir celle qui concerne la caisse d'amortissement de la dette sociale et d'autre part l'institution du remboursement de la dette sociale.
Deuxième ordonnance : celle qui prévoira les mesures d'urgence de redressement de la Sécurité sociale.
Puis viendront dans le courant des quatre premiers mois de l'année 1996 les textes concernant la réforme hospitalière, le texte concernant la maîtrise médicalisée des dépenses, le texte concernant l'architecture des caisses de Sécurité sociale.
J'en profite pour dire à cette occasion que nous veillerons à ce que dans le cadre du système que je vous ai présenté, de la nouvelle architecture qui prévoira en clé de voûte l'intervention du Parlement et qui peut s'en offusquer en démocratie ? - le rôle des partenaires sociaux soit naturellement garanti quant au fonctionnement dans les institutions de Sécurité sociale.
Puis viendront les projets de lois spécifiques que j'ai annoncés : le projet de loi concernant le régime universel d'assurance-maladie, le projet de loi concernant l'épargne-retraite collective et enfin les textes relatifs aux dispositions fiscales.
Je voudrais dire à ce sujet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous il y a quelques jours, que nous vous proposerons dès 1996 de franchir une première étape dans l'une des réformes fondamentales qui participe à mon plan de sauvegarde de la Sécurité sociale : le financement.
Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que vous serez les premiers, la majorité sera la première à faire en sorte qu'une promesse que nous avons longtemps entendue mais qui n'a jamais été tenue jusqu'à présent, à savoir que la CSG soit élargie aux revenus des placements financiers, soit enfin tenue ! C'est grâce à vous que ce sera fait, et à personne d'autre. Je me souviens de la même façon que lorsque nous avions discuté de l'institution de la CSG créée par un autre gouvernement, nous avions été beaucoup à dire que cette réforme pouvait être justifiée à la condition que cette CSG devienne déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Eh bien, je vous proposerai étape par étape - avec une première étape dès 1996 - de rendre déductible la CSG qui deviendra ainsi une vraie cotisation sociale, comme je m'y suis engagé.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la réforme que vous avez décidé de faire pour sauvegarder la Sécurité sociale parce que nous voulons tous la sauver.
Il faut la réformer pour la sauver.
Pour ce qui est des propositions que Monsieur BARTOLONE a énumérées tout à l'heure devant vous, je constate une fois de plus que c'est à peu près l'exact décalque de la réforme que je vous ai proposée et que vous avez adoptée ! C'est la raison pour laquelle, vous l'observerez, l'essentiel des critiques qui nous sont adressées par le groupe socialiste, sont des critiques de procédure et jamais des critiques de fond.
Au fil des semaines qui se sont écoulées depuis que je vous ai présenté et que vous avez approuvé la réforme de la Sécurité sociale, il est vrai que des difficultés sont apparues et des blocages se sont révélés.
Il y en a deux pour l'essentiel qui expliquent la situation sociale difficile dans laquelle nous nous trouvons.
Premier blocage, les régimes spéciaux de retraite, les retraites de la Fonction publique, les retraites des entreprises publiques.
J'avais souhaité, et je vous l'ai dit, ouvrir le dossier des régimes spéciaux tout simplement parce que j'ai la conviction que si on ne l'ouvre pas, dans dix ou quinze ans, nous serons face à des difficultés considérables et que l'équilibre même de ces régimes sera en cause. Personne, de bonne foi, aujourd'hui, ne peut le nier; j'ai même entendu Monsieur BARTOLONE le dire. Il y a donc bien un problème. J'avais défini pour cela une procédure, c'était celle de la commission que l'on a désignée du nom de son principal responsable, Monsieur LE VERT, la commission LE VERT. Cette procédure n'a pas été comprise. Elle a déclenché un certain nombre de réactions parce qu'on s'est imaginé, à tort, que demain les modalités de calcul, les âges de départ à la retraite de ces régimes spéciaux allaient être remis en cause. J'ai dit, solennellement, qu'il n'en serait rien. Et pour que les choses soient claires, j'ai décidé de suspendre les travaux de la commission LE VERT. Il faut prendre le temps de réfléchir à ce problème, et de définir avec les organisations syndicales de la Fonction publique d'une part, des entreprises publiques d'autre part, une autre méthode de réflexion et d'approche d'un problème que, de toute manière, nous retrouverons sur nos routes au cours des années qui viennent. Voilà le premier blocage que j'estime avoir levé par les déclarations sans ambiguïtés que j'ai faites depuis plus de trois jours.
Deuxième difficulté, le contrat de plan à la SNCF.
Ce contrat de plan, et je l'ai entendu dire - je parle sous le contrôle des ministres qui m'accompagnaient hier - je l'ai entendu dire par les confédérations syndicales que nous avons reçues, y compris d'ailleurs par la CGT : il faut un contrat de plan à la SNCF. C'est tout à fait évident.
Il faut un contrat de plan à la SNCF, et il en faut un dans les mois qui viennent. Ce contrat de plan, je le rappelle, aurait dû être signé avant le 31 décembre 1994. Il y a eu des discussions depuis plusieurs mois entre l'État et l'entreprise, mais nous avons constaté un déficit de dialogue social interne à l'entreprise.
La préparation qui était nécessaire pour quelque chose qui est important pour les salariés de l'entreprise, pour les cheminots de France, puisque cela va définir les conditions d'exercice de leur métier pour les cinq prochaines années, ce travail de préparation préalable n'a pas été fait.
C'est donc la raison pour laquelle j'ai dit, et j'ai écrit, à l'intersyndicale des personnels de la SNCF que le contrat de plan sous sa forme actuelle était gelé, et que nous allions reprendre le dossier avec la volonté d'aboutir dans les prochains mois.
J'ai donc fait, et la représentation nationale en est aujourd'hui le témoin, les ouvertures et les clarifications qui étaient nécessaires pour que le dialogue puisse s'instaurer et que la négociation puisse commencer.
Au-delà de ces blocages qui sont ainsi, je le pense profondément, levés, il est vrai que ce qui s'est passé depuis quinze [jours] ou trois semaines dans notre pays révèle des inquiétudes profondes. Certes, les salariés du secteur privé ne sont pas en grève.
Certes, le pourcentage des grévistes dans la Fonction publique et dans le secteur public, hors SNCF et RATP, est resté faible. Il était lundi - je le dis, parce qu'on n'entend généralement jamais ces chiffres selon les secteurs d'activité - selon les administrations, compris entre 3 et 10 %. Certes, dans le cadre de la confusion générale qu'on essaye d'entretenir dans les esprits, nous avons entendu tout à l'heure des chiffres de manifestations tout à fait fantaisistes. On nous a dit qu'il y avait des centaines de milliers de manifestants à Paris : ce n'est pas vrai !
Ce n'est pas vrai !
J'ai tenu à rappeler cela parce qu'il faut redire des vérités, et je constate que ces vérités déchaînent souvent la passion chez certains impatients.
Quelle impatience du côté de la gauche de cette assemblée !
Quelle impatience imprudente ! Quelle impatience imprudente !
Mais je ne sous-estime pas la profondeur du malaise qui s'est exprimé. Bien sûr. Elle révèle d'abord dans le service public une véritable peur de l'avenir. Vous-mêmes, Mesdames et Messieurs de la majorité, vous vous en êtes fait souvent l'écho ici, en questionnant les ministres compétents - par exemple le ministre de l'Industrie. Eh bien, il nous faut dissiper ces inquiétudes. Il nous faut montrer, avec peut-être plus de force encore que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, notre détermination à défendre les missions du service public telles qu'elles sont comprises dans la société française, telles qu'elles en constituent l'armature. Et pour cela, j'ai fait une proposition - qui n'est qu'une proposition au stade actuel -. Vous avez observé que lorsque nous décidons trop vite, on nous reproche de décider trop vite ; lorsque nous faisons des propositions ouvertes à la discussion, on nous reproche de rester flou dans ces propositions. Mais c'est le lot commun, et je ne m'en plains pas.
J'ai donc fait une proposition, et j'espère que vous participerez, Mesdames et Messieurs, à l'élaboration de cette proposition - que nous nous penchions sur le problème de savoir comment garantir par une disposition de caractère constitutionnel la pérennité des missions du service public à la française.
Ce n'est pas facile, cela méritera des études approfondies dans les semaines qui viennent, mais je souhaite que cela fasse l'objet d'un large débat.
Je l'ai proposé aux confédérations syndicales, qui sont souvent moins sectaires que certaines formations politiques, et qui l'ont accepté; et je vous propose d'y travailler, d'y travailler tous ensemble.
Deuxième inquiétude profonde - et nous la connaissons bien, cela va de soi - révélée par cette crise, c'est la peur du chômage.
Nous savons bien qu'à la racine des comportements de nos concitoyens aujourd'hui c'est cette peur du chômage qui explique bien des choses ; qui explique que la consommation plafonne, voire diminue ; qui explique que la décision d'investissements soit souvent retardée, que la décision d'acquisition d'un logement soit ajournée.
Il nous faut donc reprendre, avec une imagination et plus d'audace que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, ce combat contre le chômage et pour l'emploi.
Nous avons marqué des points depuis quelques mois, dix, beaucoup plus que ceci n'avait été fait dans une période sur laquelle je ne voudrais pas revenir trop longuement. C'est ainsi que le chômage de longue durée a diminué...
... Je disais donc que nous avons marqué des points contre le chômage de longue durée, et que le Contrat Initiative Emploi qui était un des grands engagements de la campagne du Président de la République, et que notre majorité a concrétisé, est un succès. Nous avons, aujourd'hui, à reprendre le combat pour l'emploi des jeunes. Car de ce point de vue les résultats enregistrés ne sont pas satisfaisants. Ils risquent même de se dégrader à l'occasion des mois qui viennent du fait de la crise que nous vivons aujourd'hui ; du fait également de la conjoncture internationale qui est en train de s'installer autour de nous.
Et voilà pourquoi, parmi les initiatives que j'ai prises hier, j'ai également proposé aux partenaires sociaux qui en ont accepté le principe, un sommet sur l'emploi, sur l'emploi des jeunes, sur l'insertion des jeunes dans l'entreprise, sur le temps de travail, sur l'aménagement du temps de travail, sur la réduction du temps de travail.
Car ce n'est pas la première fois que je le dis ; ce mot bien sûr ne me fait pas peur. Ceci a été accepté hier. J'ai chargé J. BARROT de préparer cette rencontre. Je pense que nous pourrons fixer le premier sommet au cours de la semaine prochaine, et naturellement nous poursuivrons ces discussions à partir du début janvier pour, entre partenaires sociaux de bonne volonté, trouver les solutions qui s'imposent.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous dire sur les événements que nous vivons, sur la crise - s'il faut employer ce mot - qui s'est installée dans notre pays depuis quelques semaines. Le Gouvernement a entendu et compris ce que les Français ont voulu lui dire.
J'ai refusé depuis le début de cette situation - et ça n'a pas été le cas de tout le monde - j'ai refusé à tout moment toute tentative de division, toute tentative d'exploitation politique du conflit entre les uns et les autres. Je n'ai jamais, comme certains, tenté de dresser les grévistes contre les non-grévistes, ou les non-grévistes contre les grévistes. Je n'ai jamais tenté d'opposer ceux que l'on prétend favorisés par rapport à ceux qui ne le seraient pas. J'ai pris conscience, comme chacune et chacun d'entre vous, que tout le monde souffre de cette situation, et que c'est donc tous ensemble qu'il faut chercher les moyens d'en sortir.
Car il faut en sortir. J'ai fait pour cela tous les efforts qui étaient nécessaires, les ouvertures et les clarifications que j'ai exposées tout à l'heure, le dialogue social qui a été d'une intensité, au cours des derniers jours, que l'on n'avait pas vu depuis bien des mois, pour ne pas dire depuis bien des années, le travail d'explication et de concertation que nous allons poursuivre. Les cheminots et les agents de la RATP ont entendu et compris ce langage.
En cette période de l'année, il faut que chacun prenne conscience que nous devons recommencer à circuler et à travailler ; que c'est l'intérêt général, qu'il y va de la bonne santé de nos entreprises, qu'il y va de la croissance de notre économie, qu'il y va du bien-être des Françaises et des Français, qu'ils soient en grève ou qu'ils ne soient pas en grève.
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez longuement débattu de toutes ces questions, et je voudrais remercier tout particulièrement le Président SÉGUIN qui, tout au long des journées de samedi et dimanche, a présidé avec l'autorité, l'impartialité, l'intelligence que tout le monde lui reconnaît.
Je voudrais également remercier tous les députés qui ont siégé sans discontinuer samedi et dimanche ; remercier la majorité de sa loyauté, de sa constance, de son unité. Et comme on a salué, depuis le début de l'après-midi dans cet hémicycle, un certain nombre de députés nouvellement élus, je les salue tous ; n'oublions pas C. JACOB et F. MARLIN qui ont également été élus dimanche dernier et qui siègent sur les bancs de notre majorité.
Mesdames et Messieurs les députés, je suis sûr que vous permettrez au Gouvernement de poursuivre l'action qu'il a engagée, tout simplement parce que cette action est juste, parce qu'elle est nécessaire, parce que le pays a besoin de cette réforme de la Sécurité sociale pour sauvegarder ce qui est un des acquis les plus précieux de notre histoire des cinquante dernières années. Je sais très bien que personne dans la majorité ne confond la politique et le music-hall, je sais très bien qu'il n'est pas de la dignité de cette assemblée de conclure ce débat par quelques chansons comme on vient de le faire aujourd'hui, je sais très bien que, vous, vous avez dans le cur et dans l'esprit, pour seule préoccupation, l'intérêt de la France, et le bien-être des Français.