Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la lutte contre la pollution du milieu marin, Paris le 5 décembre 2005.

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Circonstance : Salon nautique à Paris du 3 au 12 décembre 2005-clôture du forum "Plaisance et Ecologie" le 5

Texte intégral

Madame la Présidente [de Bénéteau et de la Fédération des Industries
Nautiques, Mme Annette Roux],
Monsieur le Président [du Conseil Supérieur de la Navigation de
Plaisance, Gérard d'Aboville],
Chère Catherine Chabaud,
Mesdames, Messieurs,
L'un des premiers évènements organisés au Salon Nautique International
2005 est donc consacré au thème de l'Environnement et de la Plaisance.
Je me réjouis de cette initiative du Conseil Supérieur de la Navigation
de Plaisance, et je suis très heureuse d'avoir été invitée à y
participer et à la clôturer. Le développement durable et la
préservation de l'environnement constituent désormais un des premiers
chantiers des navigateurs, de la Fédération des Industries Nautiques,
et des plaisanciers.
Les marins et les plaisanciers sont sensibles aux défis écologiques
auxquels nous sommes confrontés. Ils aiment la mer, en connaissent la
fragilité et ont souvent l'occasion de voir les dégâts que nous avons
pu lui causer par le passé.
J'ai écouté avec intérêt la synthèse des travaux du Forum qui vient
d'en être faite par les participants sur les quatre grands domaines
d'action de l'écologie et de la plaisance : la conception des navires,
la navigation, les déchets et, à la fin de la vie du bateau, sa
déconstruction et son recyclage. Sur chacun de ces points, nous devons
trouver des solutions.
Parmi ceux-ci, mes attentes concernent au premier chef la problématique
des déchets, dont l'impact sur l'environnement est sans doute le plus
immédiat.
Il nous faut aujourd'hui donner une impulsion décisive sur ces sujets.
Parlons tout d'abord de la pollution du milieu marin. La pollution du
milieu marin, y compris dans les ports, provient essentiellement des
rejets de substances et de déchets solides.
Je citerai :
- les eaux noires, qui peuvent générer des pollutions bactériologiques,
dommageables en particulier sur les zones sensibles,
- les déchets ménagers et les déchets spécialisés, comme les huiles de
vidanges, les batteries, et autre produits d'exploitation des bateaux,
- et les déchets produit par l'entretien des bateaux, comme les
peintures antisalissures.
Il faut le reconnaître, de nombreux progrès ont été réalisés.
Ainsi, face à la contamination récurrente des ports par les déchets
flottants, face aux pollutions chroniques, de nombreux ports mettent en
place une gestion intégrée des déchets portuaires.
Sur le point des déchets sanitaires ? les eaux noires ? il nous faut
travailler sur plusieurs axes. Dans les ports, la mise en place
d'équipements publics adaptés et accessibles répond certainement à une
attente des usagers et une nécessité de préservation. Plusieurs
expériences ont été tentées, et je voudrais citer en particulier celle
du port de Saint-Malo.
La situation est différente au large, dans les zones de mouillage. Je
ne peux m'empêcher de songer tout particulier au mouillage du Parc
National de Port-Cros au large de l'Ile de Porquerolles et de la
presqu'île de Giens, et dont chaque été nous regrettons la pollution
par les eaux noires.
Je veux améliorer la situation de ce mouillage, et j'entends donner une
impulsion directe au travers d'un décret que nous préparerons avec le
Ministère des Transports et de la Mer. Ce décret interdira le mouillage
des bateaux construits après 2008 dans les sites sensibles, à moins
qu'il ne soit équipé d'un système de réservoir ou d'un système
équivalent.
Ce décret fait l'objet de réflexions depuis longtemps, et j'entends
qu'il apporte une solution technique à un problème écologique, tout en
étant applicable. Il laisse du temps pour mettre en place des solutions
adaptées, et il permet à des solutions alternatives (du type
traitement) d'être commercialisées.
Mais il assure également une incitation très forte : à partir de 2008,
j'espère bien que l'immense majorité des nouveaux bateaux fera le choix
d'un système de réservoir ou de traitement, et ceux qui ne feront pas
ce choix ne pourront se rendre dans les mouillages. Ainsi,
progressivement mais sans retour en arrière, nous ferons évoluer les
esprits et nous accompagnerons le projet technologique pour des
solutions plus protectrices de l'environnement. Je crois qu'un large
accord de tous peut être trouvé sur ce dispositif, et qu'il nous fixe
un objectif ambitieux mais atteignable.
Puisque nous parlons de déchets, je voudrais également évoquer les
problématiques des zones de carénage.
L'entretien des navires pratiqué sur les zones de carénage ou des zones
techniques des terre-pleins, emploie des produits souvent toxiques et
fait appel à des procédés générateurs de pollution (ponçage, sablage,
peinture de coques).
Certes, ces produits sont aujourd'hui moins toxiques qu'auparavant,
avec l'avancée adoptée par la convention de l'OMI interdisant
l'utilisation des composés organo-stanniques (les TBT) dans les
peintures anti-salissures des navires et le développement de peinture
sans biocide ne doit pas faire oublier le problème de stock de ces
peintures.
Mais les produits actuels conservent une toxicité, et ils peuvent être
facilement entraînés par le ruissellement des eaux pluviales et de
lavage sur la zone ou par les marées et provoque une pollution majeure
du milieu aquatique. Les conséquences sur l'environnement marin sont
très loin d'être négligeables.
Il me semble donc important que, outre les efforts de gestion intégrée
de ces aspects dans les ports, ces zones fassent l'objet de contrôles,
soutenus par un cadre réglementaire adéquat et que leur aménagement
soit revu pour limiter tout rejet en mer. Je reste persuadée que la
majeure partie de ces pollutions peut être, techniquement, traitée par
des dispositifs de traitement ou des pratiques adaptées. C'est bien
tout le monde de la plaisance, du constructeur au gestionnaire de port,
en passant par les plaisanciers, qui est concerné par cette question,
et je sais pouvoir compter sur vous.
Les déchets en mer, ne sont pas limités aux seuls déchets d'eau noire
et aux produits de carénage. Il y a aussi, hélas, les trop nombreux
déchets banals qui sont rejetés, entre autre par certains plaisanciers.
Quel navigateur professionnel n'a pas croisé, à mille kilomètres de
toute côte habitée, un triste témoignage de la négligence des citoyens
du monde, sous la forme d'un déchet flottant ? Ces déchets, il
appartient à chacun de les supprimer. L'effort de tous, là encore, est
indispensable, et il nous faut unir nos forces pour que le message de
la mer propre soit reçu par tous.
Je sais que les navigateurs, le Conseil Supérieur de la Navigation de
Plaisance, la Fédération des Industries Nautiques, et tout le monde de
la plaisance, sont mobilisés autour de cet objectif. Le Ministère de
l'Ecologie et du Développement Durable, pour sa part, lancera une
grande campagne de communication sur les déchets en mer pour l'été
2006, qui fera l'objet d'une annonce et d'une présentation de ma part
dans le premier semestre de l'année prochaine.
Bien sûr, nous devons aussi penser, tous ensemble, aux mille et uns
gestes simples qui permettront aux plaisanciers soucieux de leur
environnement de pouvoir contribuer à sa préservation ? car il ne
suffit pas d'inciter à la préservation du milieu, il faut encore que
chacun en ait les moyens concrets. Je sais, en tant qu'élue de terrain,
que ce sont les petits gestes qui aboutissent aux grands succès, et
pour illustrer ces petits gestes et la manière de les faciliter, je
voudrais citer un seul exemple qui m'a été rapporté :
* Il existe aujourd'hui des produits nettoyants biodégradables qui,
rejetés avec les eaux grises d'un navire (les eaux de vaisselle),
auraient un impact bien plus faible sur le milieu marin que les
produits courants. Ces produits sont à peine plus chers que les
produits classiques mais hélas? il est souvent difficile de les trouver
en vente dans les ports, car ils n'y sont pas disponibles ! Voilà aussi
le type de chantiers modestes en apparence mais essentiels, pour
lesquels je convie tous les acteurs de la profession à se joindre à
nous.
Il y a d'autres chantiers en cours.
La propulsion des bateaux doit retenir toute notre attention. La
consommation d'énergie du secteur de la plaisance, et l'émission de gaz
à effet de serre, peuvent être améliorées et j'ai été très
impressionnée par les réalisations qui m'ont été présentées tout à
l'heure lors de ma visite du salon. La recherche de moteurs moins
polluants doit se poursuivre, ainsi que celle de moteurs moins
bruyants, tant pour la tranquillité des autres usagers de la mer que
pour celle du milieu marin.
Un autre problème a été porté à mon attention, et vous l'avez évoqué
tout à l'heure, celui des fusées de détresse, dont la durée de
péremption est courte mais qui continuent d'avoir des propriétés
pyrotechniques bien des années après. Une solution doit être trouvée,
et mes services en charge de la prévention des pollutions et des
risques vous assisteront autant que de besoin.
Pour finir, nous parlerons, ? de la fin de vie des bateaux ! 20 000
bateaux arrivent en fin de vie chaque année, et un grand nombre de ces
épaves sont abandonnées, brûlées ou coulées, en dépit des déchets
qu'elles contiennent.
Depuis 2003, la Fédération des Industries Nautiques s'est engagée avec
le concours de l'ADEME, dont le Ministère de l'Ecologie et du
Développement Durable exerce la tutelle, dans une démarche volontaire
de préfiguration d'élimination des Bateaux de Plaisance Hors d'Usage
(les BPHU).
Je salue cette initiative, dont je sais qu'elle n'est pas facile : le
tonnage des BPHU est de 20 000 T environ, contre par exemple 300 000 ou
400 000 T pour la filière des pneumatiques usagers, ou 15 millions de
tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques. Il y a
donc une économie d'échelle à trouver pour faire fonctionner la
filière.
Je n'en serai que plus attentive aux résultats de l'étude de 18 mois
qui a été lancée en juillet 2004 et est sur le point d'aboutir. Le
Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable vous soutiendra au
travers de l'ADEME dans la mise en place d'une filière BPHU.
Il ne reste à conclure, et à vous remercier à nouveau, Madame la
Présidente, Monsieur le Président, et Madame l'Animatrice, de m'avoir
convié à partager avec vous ma vision de la plaisance écologique. Ayons
tous à c?ur de protéger l'environnement marin. Je sais pouvoir compter
sur vous, comme pouvez compter sur mon soutien dans vos initiatives.
Nous allons maintenant, Madame la Présidente, procéder à une
manifestation qui me tient à c?ur, puisqu'il s'agit de la remise du
prix Bateau Bleu pour un système de traitement des eaux noires, sujet
que j'ai évoqué tout à l'heure et dont vous nous parlerez en détail.
Je souhaite à chacun et chacune d'entre vous bon vent, et mer calme !(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 5 décembre 2005)