Texte intégral
Que l'on regarde avec attention les vingt dernières années de la
politique française, qu'on regarde les domaines les plus cruciaux, ceux
qui permettent de juger de la santé d'un pays, et l'on est frappé, pour
ne pas dire terrassé, par une constatation aveuglante : en vingt ans,
rien n'a changé ! Examinez le taux de chômage, celui des déficits
publics, de la croissance, celui du nombre des exclus, et vous voyez
que de 1985 à 2005, en passant par 1995, ce que les chiffres décrivent,
c'est une stagnation généralisée. Depuis vingt ans, le chômage est de
10 % de la population active. En 1985, la croissance était de 1,8 %,
exactement comme en 1995, exactement comme en 2005, les déficits
publics supérieurs à 3 %, comme aujourd'hui. Il y a simplement deux
changements : le nombre des retraités, qui a augmenté de 20 %, et la
dette, de 300 %.
Ce bilan est accablant. La conséquence ne l'est évidemment pas moins,
c'est l'immense frustration de l'ensemble de la société française.
Tous, dans tous les secteurs, disent la même chose : « nous manquons de
reconnaissance et nous ne sommes pas entendus ». Au paroxysme,
inacceptable, il y a les fauteurs de trouble des banlieues, par leurs
actes dont le caractère offensant et automutilant n'a échappé à
personne. Mais c'est aussi ce sentiment de frustration qui habite les
élus locaux, les médecins, les agriculteurs, les enseignants, les
chômeurs. Et c'est ce qui fait que notre société est en voie
d'explosion généralisée.
Nous devons nous poser la question des causes de cet échec.
Au n?ud des causes de l'impuissance et de la frustration, il y a l'état
de nos institutions.
Une démocratie ne peut vivre sans institutions, et plus exactement,
c'est de la qualité des institutions que dépend la qualité de la
démocratie. Jugeons donc l'arbre à ses fruits : nous ne pouvons alors
qu'être très sévère sur nos institutions.
Car à quoi servent des institutions ? A permettre à un pays d'être
gouverné efficacement, et dans le respect des prérogatives du peuple et
des citoyens. Or devant un tel bilan, qui peut dire que nous sommes
gouvernés efficacement ? Devant l'ignorance dans lequel on entretient
le peuple autour des principaux enjeux nationaux, qui peut dire que le
peuple est respecté ?
A quoi servent des institutions ? A assurer à l'action publique
l'efficacité et la durée sans laquelle rien ne se fait. Or nous avons
le record du monde développé de l'instabilité gouvernementale. Depuis
27 ans, la durée moyenne d'un gouvernement est de deux ans et demi.
Nous venons d'user quatre ministres de l'économie en trois ans, aucune
majorité n'a réussi à survivre à une élection, et chaque fois qu'on
change de majorité, on change de politique.
Et ainsi, ce qui pourrait être comique, si la situation n'était pas
tragique, c'est le nombre de politiques décidées, puis abandonnées,
puis reprises, quelquefois par les mêmes. Les emplois jeunes par
exemple : décidés par la gauche, abandonnés, puis repris par la droite,
sous des dénominations diverses, contrat d'avenir, contrat « jeunes en
entreprise »...
A quoi servent des Institutions ? A garantir une représentation
authentique et respectée, dans le domaine civique, politique, social,
pour que le pouls de la démocratie batte dans ce pays. Pour que nul
n'ait le sentiment d'être ignoré dans ses attentes et ses aspirations.
Ainsi, des institutions servent à faire progresser dans l'esprit des
citoyens la conscience de la réalité du pays, et donc à leur faire
partager les choix qui sont faits en leur nom, en leur permettant
d'assumer et de soutenir ces choix. Elles renforcent la société que
nous formons, elles arment la réalité nationale qui est la nôtre.
Mais jamais depuis quatre siècles, la France n'a été à ce point le
théâtre d'explosions en chaîne, qui séparent les milieux sociaux les
uns aux autres, ou les déchirent à l'intérieur. Cette fracture sociale,
dont les violences dans les banlieues ont été l'un des visages les plus
inquiétants, donne à tous ceux qui en sont les victimes un sentiment
d'exclusion irrémédiable.
Elle se manifeste aussi aujourd'hui en fracture ethnique. Elle frappe
par la consonance des noms. Elle désigne à la vindicte des groupes
entiers. Elle met en cause la couleur de la peau. Ainsi les Noirs ne se
sentent plus respectés et ils s'organisent.
Ces ombres découpent la société française en castes, imperméables les
unes aux autres, dont il faut avoir la clé pour entrer. Et ce n'est pas
en prenant 50 jeunes des banlieues, sur des centaines de milliers, pour
les mettre dans une grande école, que l'on pratique une politique
globale et équilibrée.
Et ce poison, s'il est dangereux dans tous les pays du monde, est
mortel chez nous, car la France s'est bâtie autour du principe d'unité.
Toute notre histoire le montre. La France est unité. Cela vient de
l'Ancien Régime et ce sont les premiers mots de la Constitution: « la
France est une république indivisible ».
L'explosion permanente et universelle, multiple dans ses visages, dont
la France est frappée menace l'existence du sentiment national lui-
même.
Voila où nous en sommes. Et la stupéfaction est donc intense quand on
songe aux objectifs des constituants de la Ve République, l'unité
nationale, la stabilité et le bon fonctionnement de nos pouvoirs
publics.
Or, cette Ve République, qui n'assure pas les objectifs pour lesquelles
elle avait été conçue, est incapable de se réformer. Et pourtant, ce
n'est pas que des critiques aient été faites par ceux-là même qui en
furent ensuite les garants. citations...Voilà ce qu'ils disaient, voilà
ce qui est arrivé, comme s'il y avait une fatalité à ce que l'on voit
les défauts du système dans l'opposition, et que l'on ne fasse rien une
fois arrivé au pouvoir.
Puisque la Ve République a été incapable de se réformer, alors il faut
changer de République.
La France a besoin d'une VIe République.
Les vices de la Vème république sont tels que la France a besoin d'une
VIe république.
Car dans la Ve république, la concentration du pouvoir va aujourd'hui
de pair avec l'impuissance du pouvoir. Ce paradoxe que Napoléon ou
Charles de Gaulle auraient rejeté, nous sommes obligés de le constater
maintenant.
Plus profondément, la concentration du pouvoir va de pair avec
l'illégitimité du pouvoir. Le parti gouvernemental a la Présidence de
la République, le Premier Ministre, presque tous les ministres du
gouvernement, 30 sur 31, la majorité absolue à l'Assemblée nationale
avec 365 députés, la majorité du Sénat. Avec tout ce monde, ils sont
incapables de faire passer le Lundi de Pentecôte.
Ce n'est pas parce qu'ils sont si nombreux que les Français les
reconnaissent légitimes dans leurs décisions. En réalité, quoi que l'on
décide, tout est vain, tout est stérile lorsque la légitimité de celui
qui décide n'est pas reconnue.
Dans la Ve république, la représentation du peuple n'est pas assurée.
Et quand la représentation n'est pas assurée, le peuple se venge. On
nous explique que si l'on ne change pas la loi électorale, c'est pour
ne pas favoriser les extrêmes. Or, avec la loi actuelle, la France est
le pays du monde occidental développé dans lequel les extrêmes sont les
plus puissants. 40 % des Français votent pour l'extrême gauche ou l
?extrême droite. Aucun autre pays européen ne connaît une telle
situation, alors que sur les 25, 23 sont gouvernés par une
représentation proportionnelle des courants politiques.
Dans la Vème république, il y a aujourd'hui comme une mystification.
Celui qui est élu ne gouverne pas, et celui qui gouverne n'est pas élu.
Tout le monde a voté pour le Président de la république : pourtant il
se tient en retrait, éloignés des défis, dans le silence pendant des
mois. Et personne n'a voté pour le Premier Ministre, qui est chargé de
gouverner. Le Premier Ministre n'a qu'un seul électeur, le Président de
la république. Et cette situation ne ressemble pas aux principes d'une
vraie démocratie.
Cela ressemble à l'ancien régime. Le souverain se fait lointain, le
ministre est tout puissant mais dépend du seul bon vouloir du
souverain. Autour d'eux les intrigues des guerres de succession.
Alors quels sont les principes de cette VIème république que nous
devons construire ?
La VIe République sera fondée sur deux principes : principe de
responsabilité, principe de légitimité ?c'est-à-dire représentativité.
Le premier responsable, c'est le président de la République.
Je propose donc que la VIe République, à laquelle il faut songer comme
la première démocratie, conserve l'élection présidentielle, parce
qu'elle donne toute sa place au peuple souverain.
Qu'est ce qui peut menacer cette élection ? Soyons clairs, ce qui peut
menacer cette élection, c'est un deuxième tour qui serait 2002 au
carré. Un extrémiste d'un bord contre un extrémiste de l'autre. Cette
situation cauchemardesque mérite qu'on s'y intéresse, car là est la
seule bombe qui puisse faire exploser l'élection présidentielle au
suffrage universel. Si on réfléchit au lieu de se faire peur, et si on
suit notre démarche, c'est-à-dire regarder les causes, alors on en
découvrira une : rien ne justifie en soi que, constitutionnellement, il
faille n'avoir que deux candidatures au second tour de l'élection
présidentielle. Si on avait ouvert le principe qui régit toutes les
autres élections, c'est-à-dire, la qualification au deuxième tour si
vous avez atteint un seuil très important, par exemple 10% des
électeurs inscrits, il y aurait eu trois candidatures la dernière fois
et l'élection n'aurait pas eu le même visage. Le cauchemar démocratique
dans lequel nous avons été entraînés n'aurait été qu'une anecdote.
Qu'est-ce qui justifie cette affaire de deux candidats seulement ? Là
encore, si on réfléchit, c'est un principe monarchique. Ça veut dire
que nous considérons que le président de la cinquième République doit
nécessairement être élu par une majorité absolue de citoyens. On
remplace le sacre par la majorité absolue. C'est ça qui donne le
sentiment que c'est la France tout entière qui vous a choisie. Or je
crois que ce principe monarchique n'est plus adapté, je crois que la
légitimité se gagne, qu'elle n'est pas acquise une fois pour toutes. Le
président de la République ne doit pas sa légitimité au nombre de ses
voix, mais à l'action qu'il conduit une fois qu'il a été porté à la
tête de la République française et de la politique de notre pays.
Tout cela mérite une réflexion pour le futur. Je ne voudrais pas que
notre société explose sur un écueil comme celui que je viens de
signaler.
Principe de responsabilité : celui qui est élu doit gouverner. Au lieu
de dérober le Président derrière les rideaux de l'Elysée, d'où il ne
s'exprime, comme le Sphinx, qu'à de rares moments, rituels et par des
déclarations censées stupéfier, il faut le plonger dans la réalité
française, dans la réalité du pays qui l'a élu.
Et pour cela, il faut tourner la page sur notre actuel texte
constitutionnel.
Il faut supprimer l'anomalie de l'article 20 de la Constitution de la
Ve République. Car le déséquilibre est dans l'article 20 ! Non, dans
une démocratie de plein exercice, quand il y a un président élu au
suffrage universel, ce n'est pas au gouvernement de « déterminer et de
conduire la politique de la nation ».
Cela, c'est la responsabilité du Président. De même qu'il doit être de
sa responsabilité de nommer les ministres et de mettre fin à leurs
fonctions. La légitimité est sienne, la responsabilité doit être la
sienne.
La responsabilité du gouvernement c'est de mettre en ?uvre cette
politique.
« Le président de la République détermine et conduit la politique de la
nation. Le gouvernement la met en ?uvre. »
Ainsi, tout retrouve sa place : le peuple délègue sa confiance. Il
choisit un cap en choisissant un capitaine. Le Président assume et
assure. Il conduit et il s'exprime. Le gouvernement gouverne.
Faut-il un premier ministre ? Il n'y en a pas aux Etats-Unis. Il me
paraît utile qu'il y en ait un en France. Nous sommes un pays de
secousses et de tensions. Nous sommes un pays centralisé, unitaire par
nature, presque unitarien, où beaucoup revient à l'État. Il est bon
qu'il y ait pour la lourde et centralisée action gouvernementale, un
coordinateur, un entraîneur, qui porte la lourde charge du quotidien et
partage la réflexion stratégique avec le Président. Mais le premier
ministre doit redevenir le premier des ministres : le chef du
gouvernement, c'est le Président de la République élu par les Français
pour assumer la charge de les gouverner.
En face d'un exécutif responsable, il faut un Parlement représentatif
du peuple des citoyens.
Et il faut que le Président, symboliquement, puisse s'adresser au
Parlement. Discours du congrès.
Aujourd'hui, le Parlement est tenu pour une chambre d'enregistrement de
la volonté du gouvernement, à qui l'on interdit de s'exprimer sur des
sujets essentiels de notre avenir national. Le Parlement qui représente
les Français est mineur et sous tutelle. Et l'esprit de parti est tel
qu'il applaudit lui-même à cette situation.
Lorsqu'il s'agit de l'avenir de l'Europe, de l'adhésion de la Turquie,
on lui interdit de donner son avis !
Lorsqu'il s'agit des graves questions du domaine de l'emploi, sous le
nom d'ordonnances, et sans mandat du peuple, on lui fait voter un blanc
seing !
Lorsqu'il s'agit de vendre à des intérêts privés les sociétés
autoroutières qui appartiennent aux Français et qui ont été payées par
eux, tant sous forme d'investissements que sous forme de péages, le
Parlement est interdit de vote, au mépris de la loi.
Réduit au silence, interdit d'exercer le mandat du peuple, découragés
au fond d'eux-mêmes, les parlementaires tirent la conséquence logique
de cette situation de mineurs en étant absents des débats et les
ministres lisent des discours qu'ils n'ont pas écrit face à des rangées
de fauteuils vides !
Et tout cela, bien entendu, malgré l'assurance tous risques de
majorités pléthoriques, autant de députés que de jours dans l'année,
résultat mécanique de cascades d'élections au scrutin majoritaire.
C'est tout cela qu'il faut changer.
Il faut le changer par la constitution, en donnant au Parlement la
maîtrise de son ordre du jour, et donc en l'obligeant à sortir de la
situation de mineur qui est la sienne et à passer à une situation de
majeur.
Il faut le changer par la loi, en s'engageant résolument dans la
représentation équitable des citoyens français.
Tous les citoyens français ont un droit égal à se voir représenter au
Parlement. Aujourd'hui, si l'on rapporte le résultat des élections
législatives de juin 2002 au résultat du premier tour de l'élection
présidentielle d'avril 2002, 19 % d'entre eux sont représentés par 63 %
des sièges, tandis que 50 % de ceux qui sont allés voter ne sont
représentés par personne.
Tous les courants d'opinion principaux, au-dessus de 5 % des voix,
doivent être représentés par des élus à l'Assemblée nationale.
On me dira, avec une feinte indignation : vous acceptez que des
extrêmes, l'extrême droite ou l'extrême gauche, entrent à l'Assemblée !
Vous faites le jeu des extrêmes !
Je répondrai qu'il y a, dans l'Union européenne, 23 pays sur 25 qui
respectent le principe de la représentation de tous les courants
d'opinion, 23 pays sur 25 qui ont adopté la représentation
proportionnelle, et nous sommes les seuls à avoir une extrême droite et
une extrême gauche au même niveau que les grands partis démocratiques !
J'ai toujours combattu les idées de l'extrême droite, j'ai toujours
combattu les idées de l'extrême gauche, mais je préfère combattre des
idées, à visage découvert, à l'Assemblée nationale, plutôt que de les
voir progresser à bas bruit dans la frustration de la représentation,
et la facilité du silence.
J'ai siégé pendant des années, au Parlement européen, avec Le Pen d'un
côté et Laguiller et Krivine de l'autre. Cela ne nous empêchait pas de
faire des lois, et si cela nous contraignait souvent, faute de
majorité, à rechercher des accords et des compromis, c'était un bien et
non pas un mal.
Les deux réalités de la nation, la réalité territoriale et la réalité
politique, doivent être représentées à égalité à l'Assemblée nationale.
Les vallées pyrénéennes, les monts du Lyonnais, le Massif central, les
Alpes, ce n'est pas la même chose. Les grandes unités urbaines, Paris
et l'Ile de France, Lyon, Lille, Marseille, Toulouse, Bordeaux, chacune
avec leur métropole, elles ne sont pas assimilables l'une à l'autre. Il
est légitime que l'Assemblée des représentants de la nation représente
à égalité la diversité de nos territoires géographiques et la diversité
de nos territoires politiques.
Et le changement de loi électorale permettra, du même coup, d'assurer
la représentation des territoires sociologiques.
C'est notre mode de scrutin qui fait de la France le dernier et de loin
parmi tous les pays développés pour la représentation de la majorité
féminine du peuple et des minorités d'origine ou de culture.
Dès que l'on change la loi électorale, on l'a vu au Sénat, on l'a vu au
Parlement européen, la diversité des sexes, des origines, des
expériences professionnelles ou culturelles de notre peuple est
immédiatement prise en compte.
Et si l'on veut que cette Assemblée assume la tâche qui doit être la
sienne et retrouve la responsabilité qu'elle n'aurait jamais dû perdre,
il faut aussi que nous tranchions une question lancinante.
Nous ne pouvons plus continuer avec des parlementaires absents ! Nous
ne pouvons plus continuer à délibérer avec un ou deux pour cent de la
représentation nationale.
La République nouvelle doit adopter le principe du mandat unique pour
les députés de la nation.
Je connais les joies et les richesses du cumul républicain. Je ne les
sous-estime pas. J'ai été président de Conseil général en même temps
que député, et même ministre, pendant des années, presque dix ans. J'ai
beaucoup aimé cela. Naturellement, c'était exténuant, mais intéressant,
enrichissant.
Simplement, ce n'est plus le temps que nous vivons. Cela empêche de
s'investir calmement dans une tâche, de prendre les repères, les
habitudes et les marques du débatteur et du législateur. C'est vrai que
les Mitterrand, Chaban, Lecanuet, ont été de grands cumulards. Mais le
temps acceptait que le patron surveille de loin, se contentant de
choisir ses collaborateurs, et arrêtant seulement les grandes options,
un ou deux jours par semaine.
Ce n'est plus l'époque. Nous sommes entrés dans des temps plus
exigeants.
Et il y a une assemblée de notre parlement qui doit comprendre des élus
locaux, de grands responsables d'exécutif, c'est le Sénat.
La République a besoin que la voix de ses collectivités locales soit
représentée dans la délibération des lois et participe au contrôle du
gouvernement.
Il est légitime que les responsables des grands exécutifs locaux soient
en dialogue serré avec les gouvernants nationaux. Le lieu naturel de ce
dialogue, c'est le Sénat, qui doit assumer sa différence et organiser
ses travaux en conséquence.
Alors, s'il y a crise ? Nous sommes pour une élaboration de la loi qui
sache prendre le temps de convaincre. 3 mois.
Au fond, la loi de la Ve République, c'est contraindre. La loi de la
Viè ce doit être convaincre. Le président des Etats-Unis, les
institutions européennes, respectent cette discipline. L'exécutif ne
peut pas forcer le législatif. Tant que les deux ne trouvent pas
d'accord, la décision n'est pas prise ! Et le calendrier qui se tend,
la montre qui tourne suffisent à organiser la pression nécessaire pour
que les lignes bougent.
Mais des crises peuvent survenir dans un pays aussi bouillant que le
nôtre. Quelles sont les sorties de crise possible ?
Il y en a deux : le plus naturel, c'est le référendum. Blocage au
Parlement, le président se tourne vers le peuple et le peuple tranche.
Et il y a l'arme ultime : la dissolution. La dissolution a été, disons
le, dénaturée en 1997. Une dissolution ne peut pas être de convenance.
Elle doit être réservée aux circonstances extrêmes de blocage ! C'est
pourquoi je propose que la VIe République garantisse que la dissolution
ne soit pas détournée, en confiant son exercice au Conseil
Constitutionnel, sur proposition du Président de la République.
Troisième pilier de la nouvelle République : les corps de contrôle, les
autorités indépendantes.
Je veux défendre deux principes : ces autorités de contrôle, ces
autorités indépendantes doivent retrouver le principe d'impartialité de
l'État, et elles doivent pouvoir être saisies par les citoyens.
Elles sont aujourd'hui le lieu des nominations de préférence amicale ou
partisane. Elles sont donc amenées à prendre la coloration du parti
dominant.
Il faut garantir, au contraire, leur indépendance et leur impartialité.
Et pour cela, il suffit, de faire de ces grandes nominations l'objet
d'un vote de confirmation ou d'investiture du Parlement, à une majorité
qualifiée, après audition du candidat proposé. Ce mécanisme est celui
qui fonctionne aux Etats-Unis. Il oblige à réfléchir à la compétence,
au caractère indiscutable de la personnalité proposée et de son
parcours. Il met le candidat à l'abri des préférences partisanes.
Et il faut que toutes ces grandes instances, chargées de protéger le
pouvoir contre lui-même, la loi et le citoyen contre les abus de
position dominante, puissent être saisies par le citoyen lui-même.
Récemment, le garde des Sceaux à propos d'une loi pénale clairement
inconstitutionnelle, est allé jusqu'à enjoindre aux parlementaires de
ne pas saisir le Conseil Constitutionnel. ?S'ils le faisaient, ils
seraient jugés par l'opinion'. Admettons qu'une telle intimidation ait
produit son effet et qu'une telle loi votée, il ne se soit pas trouvé
soixante députés ou soixante sénateurs pour saisir le Conseil.
Nous aurions alors vu adopter une loi dont tout le monde aurait su
qu'elle allait contre les principes fondamentaux de notre Droit sans
que nul n'ait les moyens de se défendre contre un tel abus.
Il faut que les citoyens puissent saisir le Conseil Constitutionnel, ou
le CSA, ou la juridiction administrative, avec les filtres nécessaires
pour ne pas provoquer de thrombose ou d'abus. Il faut que le citoyen
ait un recours contre un abus de pouvoir, même si cet abus de pouvoir
ne le touche pas directement dans ses intérêts. Il faut qu'il trouve
les recours nécessaires pour défendre des principes civiques.
Mesdames, Messieurs,
Il est temps d'ouvrir une époque nouvelle. La France a trop souffert de
l'absence de démocratie dans sa République. Cette absence de démocratie
l'a conduite, non pas comme le croyaient ses fondateurs, à plus
d'efficacité de l'État, mais à moins d'efficacité, non pas à plus de
courage, mais à moins de courage. Le pouvoir concentré concentre les
défauts et les vices du pouvoir. Il faut une République nouvelle.
Cette VIe République répondra à deux principes vitaux dans une
démocratie : le principe de responsabilité, le principe de
représentativité.
Elle sera le lieu d'une authentique séparation des pouvoirs.
Avec le mandat unique des députés représentant les territoires aussi
bien que les grands courants d'opinion, avec le Sénat où s'exprimeront
les collectivités locales, elle redonnera à notre Parlement les
prérogatives qui lui ont peu à peu, insidieusement, été enlevées. Elle
en fera le lieu du débat, de la confrontation, de la conviction. Elle
lui rendra donc, avec la passion et l'influence, sa dignité et son
prestige.
Avec l'affirmation de la responsabilité directe du Président de la
République sur le gouvernement, elle donnera à l'élection du Président
de la République toute sa portée et supprimera les cohabitations qui
ont corrodé le sens de cette éminente fonction.
En tournant la page sur une République usée, nous allons donner à la
France la démocratie dont elle a besoin pour que s'affirme l'esprit de
renaissance.Source http://www.udf.org, le 10 janvier 2006
politique française, qu'on regarde les domaines les plus cruciaux, ceux
qui permettent de juger de la santé d'un pays, et l'on est frappé, pour
ne pas dire terrassé, par une constatation aveuglante : en vingt ans,
rien n'a changé ! Examinez le taux de chômage, celui des déficits
publics, de la croissance, celui du nombre des exclus, et vous voyez
que de 1985 à 2005, en passant par 1995, ce que les chiffres décrivent,
c'est une stagnation généralisée. Depuis vingt ans, le chômage est de
10 % de la population active. En 1985, la croissance était de 1,8 %,
exactement comme en 1995, exactement comme en 2005, les déficits
publics supérieurs à 3 %, comme aujourd'hui. Il y a simplement deux
changements : le nombre des retraités, qui a augmenté de 20 %, et la
dette, de 300 %.
Ce bilan est accablant. La conséquence ne l'est évidemment pas moins,
c'est l'immense frustration de l'ensemble de la société française.
Tous, dans tous les secteurs, disent la même chose : « nous manquons de
reconnaissance et nous ne sommes pas entendus ». Au paroxysme,
inacceptable, il y a les fauteurs de trouble des banlieues, par leurs
actes dont le caractère offensant et automutilant n'a échappé à
personne. Mais c'est aussi ce sentiment de frustration qui habite les
élus locaux, les médecins, les agriculteurs, les enseignants, les
chômeurs. Et c'est ce qui fait que notre société est en voie
d'explosion généralisée.
Nous devons nous poser la question des causes de cet échec.
Au n?ud des causes de l'impuissance et de la frustration, il y a l'état
de nos institutions.
Une démocratie ne peut vivre sans institutions, et plus exactement,
c'est de la qualité des institutions que dépend la qualité de la
démocratie. Jugeons donc l'arbre à ses fruits : nous ne pouvons alors
qu'être très sévère sur nos institutions.
Car à quoi servent des institutions ? A permettre à un pays d'être
gouverné efficacement, et dans le respect des prérogatives du peuple et
des citoyens. Or devant un tel bilan, qui peut dire que nous sommes
gouvernés efficacement ? Devant l'ignorance dans lequel on entretient
le peuple autour des principaux enjeux nationaux, qui peut dire que le
peuple est respecté ?
A quoi servent des institutions ? A assurer à l'action publique
l'efficacité et la durée sans laquelle rien ne se fait. Or nous avons
le record du monde développé de l'instabilité gouvernementale. Depuis
27 ans, la durée moyenne d'un gouvernement est de deux ans et demi.
Nous venons d'user quatre ministres de l'économie en trois ans, aucune
majorité n'a réussi à survivre à une élection, et chaque fois qu'on
change de majorité, on change de politique.
Et ainsi, ce qui pourrait être comique, si la situation n'était pas
tragique, c'est le nombre de politiques décidées, puis abandonnées,
puis reprises, quelquefois par les mêmes. Les emplois jeunes par
exemple : décidés par la gauche, abandonnés, puis repris par la droite,
sous des dénominations diverses, contrat d'avenir, contrat « jeunes en
entreprise »...
A quoi servent des Institutions ? A garantir une représentation
authentique et respectée, dans le domaine civique, politique, social,
pour que le pouls de la démocratie batte dans ce pays. Pour que nul
n'ait le sentiment d'être ignoré dans ses attentes et ses aspirations.
Ainsi, des institutions servent à faire progresser dans l'esprit des
citoyens la conscience de la réalité du pays, et donc à leur faire
partager les choix qui sont faits en leur nom, en leur permettant
d'assumer et de soutenir ces choix. Elles renforcent la société que
nous formons, elles arment la réalité nationale qui est la nôtre.
Mais jamais depuis quatre siècles, la France n'a été à ce point le
théâtre d'explosions en chaîne, qui séparent les milieux sociaux les
uns aux autres, ou les déchirent à l'intérieur. Cette fracture sociale,
dont les violences dans les banlieues ont été l'un des visages les plus
inquiétants, donne à tous ceux qui en sont les victimes un sentiment
d'exclusion irrémédiable.
Elle se manifeste aussi aujourd'hui en fracture ethnique. Elle frappe
par la consonance des noms. Elle désigne à la vindicte des groupes
entiers. Elle met en cause la couleur de la peau. Ainsi les Noirs ne se
sentent plus respectés et ils s'organisent.
Ces ombres découpent la société française en castes, imperméables les
unes aux autres, dont il faut avoir la clé pour entrer. Et ce n'est pas
en prenant 50 jeunes des banlieues, sur des centaines de milliers, pour
les mettre dans une grande école, que l'on pratique une politique
globale et équilibrée.
Et ce poison, s'il est dangereux dans tous les pays du monde, est
mortel chez nous, car la France s'est bâtie autour du principe d'unité.
Toute notre histoire le montre. La France est unité. Cela vient de
l'Ancien Régime et ce sont les premiers mots de la Constitution: « la
France est une république indivisible ».
L'explosion permanente et universelle, multiple dans ses visages, dont
la France est frappée menace l'existence du sentiment national lui-
même.
Voila où nous en sommes. Et la stupéfaction est donc intense quand on
songe aux objectifs des constituants de la Ve République, l'unité
nationale, la stabilité et le bon fonctionnement de nos pouvoirs
publics.
Or, cette Ve République, qui n'assure pas les objectifs pour lesquelles
elle avait été conçue, est incapable de se réformer. Et pourtant, ce
n'est pas que des critiques aient été faites par ceux-là même qui en
furent ensuite les garants. citations...Voilà ce qu'ils disaient, voilà
ce qui est arrivé, comme s'il y avait une fatalité à ce que l'on voit
les défauts du système dans l'opposition, et que l'on ne fasse rien une
fois arrivé au pouvoir.
Puisque la Ve République a été incapable de se réformer, alors il faut
changer de République.
La France a besoin d'une VIe République.
Les vices de la Vème république sont tels que la France a besoin d'une
VIe république.
Car dans la Ve république, la concentration du pouvoir va aujourd'hui
de pair avec l'impuissance du pouvoir. Ce paradoxe que Napoléon ou
Charles de Gaulle auraient rejeté, nous sommes obligés de le constater
maintenant.
Plus profondément, la concentration du pouvoir va de pair avec
l'illégitimité du pouvoir. Le parti gouvernemental a la Présidence de
la République, le Premier Ministre, presque tous les ministres du
gouvernement, 30 sur 31, la majorité absolue à l'Assemblée nationale
avec 365 députés, la majorité du Sénat. Avec tout ce monde, ils sont
incapables de faire passer le Lundi de Pentecôte.
Ce n'est pas parce qu'ils sont si nombreux que les Français les
reconnaissent légitimes dans leurs décisions. En réalité, quoi que l'on
décide, tout est vain, tout est stérile lorsque la légitimité de celui
qui décide n'est pas reconnue.
Dans la Ve république, la représentation du peuple n'est pas assurée.
Et quand la représentation n'est pas assurée, le peuple se venge. On
nous explique que si l'on ne change pas la loi électorale, c'est pour
ne pas favoriser les extrêmes. Or, avec la loi actuelle, la France est
le pays du monde occidental développé dans lequel les extrêmes sont les
plus puissants. 40 % des Français votent pour l'extrême gauche ou l
?extrême droite. Aucun autre pays européen ne connaît une telle
situation, alors que sur les 25, 23 sont gouvernés par une
représentation proportionnelle des courants politiques.
Dans la Vème république, il y a aujourd'hui comme une mystification.
Celui qui est élu ne gouverne pas, et celui qui gouverne n'est pas élu.
Tout le monde a voté pour le Président de la république : pourtant il
se tient en retrait, éloignés des défis, dans le silence pendant des
mois. Et personne n'a voté pour le Premier Ministre, qui est chargé de
gouverner. Le Premier Ministre n'a qu'un seul électeur, le Président de
la république. Et cette situation ne ressemble pas aux principes d'une
vraie démocratie.
Cela ressemble à l'ancien régime. Le souverain se fait lointain, le
ministre est tout puissant mais dépend du seul bon vouloir du
souverain. Autour d'eux les intrigues des guerres de succession.
Alors quels sont les principes de cette VIème république que nous
devons construire ?
La VIe République sera fondée sur deux principes : principe de
responsabilité, principe de légitimité ?c'est-à-dire représentativité.
Le premier responsable, c'est le président de la République.
Je propose donc que la VIe République, à laquelle il faut songer comme
la première démocratie, conserve l'élection présidentielle, parce
qu'elle donne toute sa place au peuple souverain.
Qu'est ce qui peut menacer cette élection ? Soyons clairs, ce qui peut
menacer cette élection, c'est un deuxième tour qui serait 2002 au
carré. Un extrémiste d'un bord contre un extrémiste de l'autre. Cette
situation cauchemardesque mérite qu'on s'y intéresse, car là est la
seule bombe qui puisse faire exploser l'élection présidentielle au
suffrage universel. Si on réfléchit au lieu de se faire peur, et si on
suit notre démarche, c'est-à-dire regarder les causes, alors on en
découvrira une : rien ne justifie en soi que, constitutionnellement, il
faille n'avoir que deux candidatures au second tour de l'élection
présidentielle. Si on avait ouvert le principe qui régit toutes les
autres élections, c'est-à-dire, la qualification au deuxième tour si
vous avez atteint un seuil très important, par exemple 10% des
électeurs inscrits, il y aurait eu trois candidatures la dernière fois
et l'élection n'aurait pas eu le même visage. Le cauchemar démocratique
dans lequel nous avons été entraînés n'aurait été qu'une anecdote.
Qu'est-ce qui justifie cette affaire de deux candidats seulement ? Là
encore, si on réfléchit, c'est un principe monarchique. Ça veut dire
que nous considérons que le président de la cinquième République doit
nécessairement être élu par une majorité absolue de citoyens. On
remplace le sacre par la majorité absolue. C'est ça qui donne le
sentiment que c'est la France tout entière qui vous a choisie. Or je
crois que ce principe monarchique n'est plus adapté, je crois que la
légitimité se gagne, qu'elle n'est pas acquise une fois pour toutes. Le
président de la République ne doit pas sa légitimité au nombre de ses
voix, mais à l'action qu'il conduit une fois qu'il a été porté à la
tête de la République française et de la politique de notre pays.
Tout cela mérite une réflexion pour le futur. Je ne voudrais pas que
notre société explose sur un écueil comme celui que je viens de
signaler.
Principe de responsabilité : celui qui est élu doit gouverner. Au lieu
de dérober le Président derrière les rideaux de l'Elysée, d'où il ne
s'exprime, comme le Sphinx, qu'à de rares moments, rituels et par des
déclarations censées stupéfier, il faut le plonger dans la réalité
française, dans la réalité du pays qui l'a élu.
Et pour cela, il faut tourner la page sur notre actuel texte
constitutionnel.
Il faut supprimer l'anomalie de l'article 20 de la Constitution de la
Ve République. Car le déséquilibre est dans l'article 20 ! Non, dans
une démocratie de plein exercice, quand il y a un président élu au
suffrage universel, ce n'est pas au gouvernement de « déterminer et de
conduire la politique de la nation ».
Cela, c'est la responsabilité du Président. De même qu'il doit être de
sa responsabilité de nommer les ministres et de mettre fin à leurs
fonctions. La légitimité est sienne, la responsabilité doit être la
sienne.
La responsabilité du gouvernement c'est de mettre en ?uvre cette
politique.
« Le président de la République détermine et conduit la politique de la
nation. Le gouvernement la met en ?uvre. »
Ainsi, tout retrouve sa place : le peuple délègue sa confiance. Il
choisit un cap en choisissant un capitaine. Le Président assume et
assure. Il conduit et il s'exprime. Le gouvernement gouverne.
Faut-il un premier ministre ? Il n'y en a pas aux Etats-Unis. Il me
paraît utile qu'il y en ait un en France. Nous sommes un pays de
secousses et de tensions. Nous sommes un pays centralisé, unitaire par
nature, presque unitarien, où beaucoup revient à l'État. Il est bon
qu'il y ait pour la lourde et centralisée action gouvernementale, un
coordinateur, un entraîneur, qui porte la lourde charge du quotidien et
partage la réflexion stratégique avec le Président. Mais le premier
ministre doit redevenir le premier des ministres : le chef du
gouvernement, c'est le Président de la République élu par les Français
pour assumer la charge de les gouverner.
En face d'un exécutif responsable, il faut un Parlement représentatif
du peuple des citoyens.
Et il faut que le Président, symboliquement, puisse s'adresser au
Parlement. Discours du congrès.
Aujourd'hui, le Parlement est tenu pour une chambre d'enregistrement de
la volonté du gouvernement, à qui l'on interdit de s'exprimer sur des
sujets essentiels de notre avenir national. Le Parlement qui représente
les Français est mineur et sous tutelle. Et l'esprit de parti est tel
qu'il applaudit lui-même à cette situation.
Lorsqu'il s'agit de l'avenir de l'Europe, de l'adhésion de la Turquie,
on lui interdit de donner son avis !
Lorsqu'il s'agit des graves questions du domaine de l'emploi, sous le
nom d'ordonnances, et sans mandat du peuple, on lui fait voter un blanc
seing !
Lorsqu'il s'agit de vendre à des intérêts privés les sociétés
autoroutières qui appartiennent aux Français et qui ont été payées par
eux, tant sous forme d'investissements que sous forme de péages, le
Parlement est interdit de vote, au mépris de la loi.
Réduit au silence, interdit d'exercer le mandat du peuple, découragés
au fond d'eux-mêmes, les parlementaires tirent la conséquence logique
de cette situation de mineurs en étant absents des débats et les
ministres lisent des discours qu'ils n'ont pas écrit face à des rangées
de fauteuils vides !
Et tout cela, bien entendu, malgré l'assurance tous risques de
majorités pléthoriques, autant de députés que de jours dans l'année,
résultat mécanique de cascades d'élections au scrutin majoritaire.
C'est tout cela qu'il faut changer.
Il faut le changer par la constitution, en donnant au Parlement la
maîtrise de son ordre du jour, et donc en l'obligeant à sortir de la
situation de mineur qui est la sienne et à passer à une situation de
majeur.
Il faut le changer par la loi, en s'engageant résolument dans la
représentation équitable des citoyens français.
Tous les citoyens français ont un droit égal à se voir représenter au
Parlement. Aujourd'hui, si l'on rapporte le résultat des élections
législatives de juin 2002 au résultat du premier tour de l'élection
présidentielle d'avril 2002, 19 % d'entre eux sont représentés par 63 %
des sièges, tandis que 50 % de ceux qui sont allés voter ne sont
représentés par personne.
Tous les courants d'opinion principaux, au-dessus de 5 % des voix,
doivent être représentés par des élus à l'Assemblée nationale.
On me dira, avec une feinte indignation : vous acceptez que des
extrêmes, l'extrême droite ou l'extrême gauche, entrent à l'Assemblée !
Vous faites le jeu des extrêmes !
Je répondrai qu'il y a, dans l'Union européenne, 23 pays sur 25 qui
respectent le principe de la représentation de tous les courants
d'opinion, 23 pays sur 25 qui ont adopté la représentation
proportionnelle, et nous sommes les seuls à avoir une extrême droite et
une extrême gauche au même niveau que les grands partis démocratiques !
J'ai toujours combattu les idées de l'extrême droite, j'ai toujours
combattu les idées de l'extrême gauche, mais je préfère combattre des
idées, à visage découvert, à l'Assemblée nationale, plutôt que de les
voir progresser à bas bruit dans la frustration de la représentation,
et la facilité du silence.
J'ai siégé pendant des années, au Parlement européen, avec Le Pen d'un
côté et Laguiller et Krivine de l'autre. Cela ne nous empêchait pas de
faire des lois, et si cela nous contraignait souvent, faute de
majorité, à rechercher des accords et des compromis, c'était un bien et
non pas un mal.
Les deux réalités de la nation, la réalité territoriale et la réalité
politique, doivent être représentées à égalité à l'Assemblée nationale.
Les vallées pyrénéennes, les monts du Lyonnais, le Massif central, les
Alpes, ce n'est pas la même chose. Les grandes unités urbaines, Paris
et l'Ile de France, Lyon, Lille, Marseille, Toulouse, Bordeaux, chacune
avec leur métropole, elles ne sont pas assimilables l'une à l'autre. Il
est légitime que l'Assemblée des représentants de la nation représente
à égalité la diversité de nos territoires géographiques et la diversité
de nos territoires politiques.
Et le changement de loi électorale permettra, du même coup, d'assurer
la représentation des territoires sociologiques.
C'est notre mode de scrutin qui fait de la France le dernier et de loin
parmi tous les pays développés pour la représentation de la majorité
féminine du peuple et des minorités d'origine ou de culture.
Dès que l'on change la loi électorale, on l'a vu au Sénat, on l'a vu au
Parlement européen, la diversité des sexes, des origines, des
expériences professionnelles ou culturelles de notre peuple est
immédiatement prise en compte.
Et si l'on veut que cette Assemblée assume la tâche qui doit être la
sienne et retrouve la responsabilité qu'elle n'aurait jamais dû perdre,
il faut aussi que nous tranchions une question lancinante.
Nous ne pouvons plus continuer avec des parlementaires absents ! Nous
ne pouvons plus continuer à délibérer avec un ou deux pour cent de la
représentation nationale.
La République nouvelle doit adopter le principe du mandat unique pour
les députés de la nation.
Je connais les joies et les richesses du cumul républicain. Je ne les
sous-estime pas. J'ai été président de Conseil général en même temps
que député, et même ministre, pendant des années, presque dix ans. J'ai
beaucoup aimé cela. Naturellement, c'était exténuant, mais intéressant,
enrichissant.
Simplement, ce n'est plus le temps que nous vivons. Cela empêche de
s'investir calmement dans une tâche, de prendre les repères, les
habitudes et les marques du débatteur et du législateur. C'est vrai que
les Mitterrand, Chaban, Lecanuet, ont été de grands cumulards. Mais le
temps acceptait que le patron surveille de loin, se contentant de
choisir ses collaborateurs, et arrêtant seulement les grandes options,
un ou deux jours par semaine.
Ce n'est plus l'époque. Nous sommes entrés dans des temps plus
exigeants.
Et il y a une assemblée de notre parlement qui doit comprendre des élus
locaux, de grands responsables d'exécutif, c'est le Sénat.
La République a besoin que la voix de ses collectivités locales soit
représentée dans la délibération des lois et participe au contrôle du
gouvernement.
Il est légitime que les responsables des grands exécutifs locaux soient
en dialogue serré avec les gouvernants nationaux. Le lieu naturel de ce
dialogue, c'est le Sénat, qui doit assumer sa différence et organiser
ses travaux en conséquence.
Alors, s'il y a crise ? Nous sommes pour une élaboration de la loi qui
sache prendre le temps de convaincre. 3 mois.
Au fond, la loi de la Ve République, c'est contraindre. La loi de la
Viè ce doit être convaincre. Le président des Etats-Unis, les
institutions européennes, respectent cette discipline. L'exécutif ne
peut pas forcer le législatif. Tant que les deux ne trouvent pas
d'accord, la décision n'est pas prise ! Et le calendrier qui se tend,
la montre qui tourne suffisent à organiser la pression nécessaire pour
que les lignes bougent.
Mais des crises peuvent survenir dans un pays aussi bouillant que le
nôtre. Quelles sont les sorties de crise possible ?
Il y en a deux : le plus naturel, c'est le référendum. Blocage au
Parlement, le président se tourne vers le peuple et le peuple tranche.
Et il y a l'arme ultime : la dissolution. La dissolution a été, disons
le, dénaturée en 1997. Une dissolution ne peut pas être de convenance.
Elle doit être réservée aux circonstances extrêmes de blocage ! C'est
pourquoi je propose que la VIe République garantisse que la dissolution
ne soit pas détournée, en confiant son exercice au Conseil
Constitutionnel, sur proposition du Président de la République.
Troisième pilier de la nouvelle République : les corps de contrôle, les
autorités indépendantes.
Je veux défendre deux principes : ces autorités de contrôle, ces
autorités indépendantes doivent retrouver le principe d'impartialité de
l'État, et elles doivent pouvoir être saisies par les citoyens.
Elles sont aujourd'hui le lieu des nominations de préférence amicale ou
partisane. Elles sont donc amenées à prendre la coloration du parti
dominant.
Il faut garantir, au contraire, leur indépendance et leur impartialité.
Et pour cela, il suffit, de faire de ces grandes nominations l'objet
d'un vote de confirmation ou d'investiture du Parlement, à une majorité
qualifiée, après audition du candidat proposé. Ce mécanisme est celui
qui fonctionne aux Etats-Unis. Il oblige à réfléchir à la compétence,
au caractère indiscutable de la personnalité proposée et de son
parcours. Il met le candidat à l'abri des préférences partisanes.
Et il faut que toutes ces grandes instances, chargées de protéger le
pouvoir contre lui-même, la loi et le citoyen contre les abus de
position dominante, puissent être saisies par le citoyen lui-même.
Récemment, le garde des Sceaux à propos d'une loi pénale clairement
inconstitutionnelle, est allé jusqu'à enjoindre aux parlementaires de
ne pas saisir le Conseil Constitutionnel. ?S'ils le faisaient, ils
seraient jugés par l'opinion'. Admettons qu'une telle intimidation ait
produit son effet et qu'une telle loi votée, il ne se soit pas trouvé
soixante députés ou soixante sénateurs pour saisir le Conseil.
Nous aurions alors vu adopter une loi dont tout le monde aurait su
qu'elle allait contre les principes fondamentaux de notre Droit sans
que nul n'ait les moyens de se défendre contre un tel abus.
Il faut que les citoyens puissent saisir le Conseil Constitutionnel, ou
le CSA, ou la juridiction administrative, avec les filtres nécessaires
pour ne pas provoquer de thrombose ou d'abus. Il faut que le citoyen
ait un recours contre un abus de pouvoir, même si cet abus de pouvoir
ne le touche pas directement dans ses intérêts. Il faut qu'il trouve
les recours nécessaires pour défendre des principes civiques.
Mesdames, Messieurs,
Il est temps d'ouvrir une époque nouvelle. La France a trop souffert de
l'absence de démocratie dans sa République. Cette absence de démocratie
l'a conduite, non pas comme le croyaient ses fondateurs, à plus
d'efficacité de l'État, mais à moins d'efficacité, non pas à plus de
courage, mais à moins de courage. Le pouvoir concentré concentre les
défauts et les vices du pouvoir. Il faut une République nouvelle.
Cette VIe République répondra à deux principes vitaux dans une
démocratie : le principe de responsabilité, le principe de
représentativité.
Elle sera le lieu d'une authentique séparation des pouvoirs.
Avec le mandat unique des députés représentant les territoires aussi
bien que les grands courants d'opinion, avec le Sénat où s'exprimeront
les collectivités locales, elle redonnera à notre Parlement les
prérogatives qui lui ont peu à peu, insidieusement, été enlevées. Elle
en fera le lieu du débat, de la confrontation, de la conviction. Elle
lui rendra donc, avec la passion et l'influence, sa dignité et son
prestige.
Avec l'affirmation de la responsabilité directe du Président de la
République sur le gouvernement, elle donnera à l'élection du Président
de la République toute sa portée et supprimera les cohabitations qui
ont corrodé le sens de cette éminente fonction.
En tournant la page sur une République usée, nous allons donner à la
France la démocratie dont elle a besoin pour que s'affirme l'esprit de
renaissance.Source http://www.udf.org, le 10 janvier 2006