Texte intégral
Est-il plus grande indignité pour une Nation de ne savoir offrir un toit à chacun de ses enfants. Est-il plus grande injustice que des milliers de Français soient privés de ce droit élémentaire au logement.
Nous avons tous en mémoire les victimes des incendies dans des taudis parisiens cet été. Nous avons tous à l'esprit la terrible errance des sans domicile fixe. Nous connaissons tous, et particulièrement les maires, nombre de ces 3 millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui vivent dans des logements considérés par l'administration comme dégradés ou vétustes. Images choquantes, inacceptables qui nous renvoient un demi-siècle en arrière quand l'abbé Pierre lançait son appel à « l'insurrection de la bonté ». Qu'avons-nous fait de son message ? Qu'avons-nous fait du préambule de la Constitution qui stipule que la Nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ?
Car la crise va désormais bien au-delà de ces situations d'urgence. C'est une grande majorité de familles qui sont confrontées à la difficulté de trouver un logement à un prix ou à un loyer abordable. Ces hommes et ces femmes ne sont pas des accidentés de la vie. Ils ont le plus souvent un emploi, un salaire, un statut. Leur malchance est d'avoir des ressources trop modestes pour faire face à l'envolée des loyers ou des statuts trop précaires pour remplir les conditions d'accès que la collectivité impose.
L'inflation immobilière est devenue l'une des inégalités majeures de la République. Elle grève le pouvoir d'achat. Elle interdit le choix de résidence. Elle paralyse la mobilité sociale.
Nous n'avons pas l'excuse des pénuries de l'après-guerre. Jamais le marché immobilier ne s'est si bien porté. Jamais la construction n'a atteint de tels sommets depuis vingt cinq ans. Et pourtant rarement les difficultés de logement n'ont été aussi grandes. Rarement les fractures spatiales et urbaines n'ont été aussi béantes.
C'est le sociologue Eric Maurin qui dénonce la ghettoïsation à l'?uvre sur notre territoire du haut en bas de l'échelle sociale. C'est son collègue Jacques Donzelot qui évoque « la barrière invisible » du prix de l'immobilier qui sépare les catégories sociales : centre-ville pour les plus favorisés, quartiers périphériques pour les classes moyennes, banlieues de plus en plus lointaines pour les catégories populaires. Ghettos chics, ghettos chocs : la rupture du lien social s'inscrit désormais dans toute la géographie de nos villes.
La politique globale de votre gouvernement consistant à défaire les sécurités et les solidarités sociales a grandement contribué à cet état de fait. Les inégalités devant le logement en sont une des conséquences. C'est l'ensemble de cette politique que nous entendons changer.
Mais ayons l'honnêteté de reconnaître que sur tous les bancs de cette assemblée, nous n'avons pas pris la complète mesure de la crise du logement. L'Etat a très mal évalué la progression de la population de la population française lors des recensements. En 1996 il estimait la construction de logements sur la base 23 millions le nombre de ménages. Surprise : le recensement de 1999 aboutissait à 24,5 millions de ménages. Ecart considérable qui a conduit à une sous-estimation des besoins de logements de l'ordre de 80 000 unités chaque année. L'Etat n'a pas pris non plus en compte l'impact des transformations du modèle familial sur le logement : le divorce, la décohabitation, le vieillissement. Autant d'erreurs de prévisions qui ont creusé la pénurie de logements sociaux.
Mais nous avons aussi, droite et gauche, trop souvent succombé à la tentation de refaire ce qu'avait fait le précédent. La politique du logement, comme la politique de la ville, a connu trop d'à coups, trop de ruptures depuis trente ans quand elle ne servait pas de variable d'ajustement budgétaire. Au fil des alternances et des changements ministériels, des dispositifs, des lois se sont accumulés et parfois contredits là où l'ampleur de la question appelait un effort massif et continu de la collectivité nationale.
L'action de votre gouvernement, Monsieur le ministre, a illustré cette démarche en dents de scie. Pendant les trois années de M.Raffarin, la crise du logement a été sous-estimée pour ne pas dire niée. La croyance était alors que la stimulation du marché de la construction suffirait à répondre aux besoins. Double erreur. En premier lieu parce que l'évolution inflationniste, structurelle et non conjoncturelle comme à la fin des années 80, a gonflé sans mécanismes correcteurs. En second lieu parce que l'offre a servi ceux qui pouvaient suivre l'inflation des prix et a oublié tous les autres. L'Etat s'est défaussé de ses missions sur le marché et sur les collectivités locales.
Les premières lois de finances de la législature ont été à cet égard dramatiques. Outre la baisse en volume des crédits dévolus au logement, leur affectation a accentué tous les déséquilibres. Le gros des priorités a été consacré à des avantages fiscaux exorbitants en faveur de la construction privée - tel le « de Robien »- qui, de l'aveu même du rapporteur au Sénat, ont contribué à l'inflation des prix. Dans le même temps, les moyens nécessaires pour répondre à la demande sociale étaient amputés.
Comment admettre qu'au moment où l'augmentation des loyers atteint un rythme annuel de 5 %, les aides à la personne aient diminué de 8 % faute de réactualisation. Comment accepter que des modifications mesquines du calcul des plafonds et le relèvement du seuil de non versement aient exclu 200 000 personnes du bénéfice de ces aides.
Rien dans le texte que nous examinons ne permet de remédier à cette injustice. Or c'est une question essentielle. Les allocations logement ne sont pas une aumône, une charité que l'on octroie pour se donner bonne conscience. Elles sont l'une des clés qui permettent aux familles les plus modestes d'accéder au logement.
Comment également comprendre qu'en pleine pénurie de constructions sociales, le gouvernement ait pris la responsabilité de diminuer de façon continue le volume global des aides à la pierre. Vous invoquez la bonne santé du bâtiment portée par une conjoncture exceptionnelle. C'est vrai. En 2005, la barre des 400 000 constructions nouvelles a été franchie et on ne peut que s'en féliciter. Mais ce que vous oubliez de dire, c'est à qui profite cette embellie. Sur ces 400 000 constructions nouvelles, seules 40 % sont accessibles aux 3/4 des Français. En d'autres termes l'offre est pléthorique pour ceux qui ont les moyens. Les autres, les catégories populaires ou intermédiaires doivent se contenter de miettes. En dépit de vos annonces flamboyantes, la production de logements locatifs sociaux est approximativement au même niveau qu'en 1998 : 42 000 cette année là ; 40 000 en 2002 ; 54 000 l'an dernier. Stagnation d'autant plus inquiétante que les listes d'attente pour l'attribution de logements sociaux atteignent le chiffre record d'1,3 million de personnes. Au rythme actuel, il faudra 30 ans pour résorber la demande.
Le secteur locatif privé est bien incapable d'offrir une alternative. Le niveau des loyers et les garanties exigées par les bailleurs sont devenus des obstacle infranchissables pour de plus en plus de familles. Votre politique de précarisation sociale n'a fait qu'accentuer leur chemin de croix. On ne compte plus les titulaires du Contrat nouvelle embauche qui se voient refuser un bail ou un prêt immobilier. Trop précaires pour être solvables.
C'est là le c?ur de notre débat. Vous croyez que la dynamique du marché va d'elle-même corriger ses excès et s'adapter à la demande, y compris sociale. Nous sommes convaincus que l'Etat doit retrouver un rôle de régulateur et de correcteur des inégalités pour aider en premier lieu ceux qui ne peuvent pas se loger par eux-mêmes.
On le mesure sur les incitations fiscales. Sans contrepartie sociale, elles ont provoqué la flambée spéculative que nous connaissons actuellement. Le patrimoine immobilier des plus fortunés s'en est accru sans aider les familles modestes à se loger. Pour illustrer la dérive du «de Robien », il faut rappeler que son coût pour l'Etat est équivalent au montant des subventions versées aux bailleurs sociaux.
Vous en convenez vous-même, monsieur le ministre, puisque vous proposez un nouveau « produit », le « Borloo populaire », censé corriger les effets pervers du «de Robien ». Je ne sais s'il vous rendra « populaire ». Avec des plafonds de ressources très élevés, il sera pratiquement accessible à tout le monde et notamment à ceux qui n'en ont pas besoin. Quant au loyer de sortie, vous le prévoyez de 30 % inférieur au prix du marché parisien. Progrès tout à fait relatif : les grandes villes de province sont toutes en dessous de ce seuil.
L'inflexion de votre projet sur le logement locatif social apparaît des plus ténus. Votre préférence ? et c'est une constante de votre gouvernement que je reconnais - demeure l'accession à la propriété. Je crois d'ailleurs savoir qu'avant de s'intituler « Engagement national pour le logement- votre texte avait été baptisé « propriété pour tous ».
Je suis, comme vous, convaincu que la mixité urbaine impose de répondre à l'ambition pleinement légitime de beaucoup de nos compatriotes de devenir propriétaires. A une double condition : que les dispositifs de soutien épaulent ceux qui en ont le plus besoin plutôt que les détenteurs de gros patrimoines. Et qu'ils n'assèchent pas, comme c'est le cas actuellement, les aides locatives.
Or là encore, votre démarche apparaît claudicante. D'un côté vous étendez le prêt à taux zéro aux familles les plus aisées, sachant que cette décision va tarir l'accès du prêt aux familles les plus modestes. De l'autre vous supprimez tout à la fois la prime et le fond de garantie pour l'accession à la propriété qui permettaient aux catégories populaires de devenir propriétaires sans tomber dans le surendettement.
Dans ces conditions, la grande trouvaille médiatique de votre texte ?la maison à 100 000 euros ? ressemble au palais des mirages. Auparavant on faisait du vertical pas cher. Maintenant vous voulez faire de l'horizontal pas cher. Bien des constructeurs ont tenté de bâtir ce genre de maisons. Souvenons-nous des Chalandonettes ou des pavillons Merlin. Mais la qualité médiocre des constructions et le coût exorbitant de leur entretien ont fait capoter tous les programmes de ce type. Vous croyez aujourd'hui pouvoir réussir en combinant la TVA à 5,5, le prêt remboursable à 20 ans et la mise à disposition gracieuse de terrain par les municipalités. Vous avez été maire, monsieur le Ministre, vous savez pertinemment que la plupart des communes sont confrontées à la cherté des terrains et que rares seront celles qui pourront consentir cet effort ou alors ce sera au détriment du logement social. Quant aux nouveaux propriétaires, ils auront à supporter la charge de l'entretien et le remboursement du terrain prétendument gratuit au risque de conduire nombre d'entre eux au surendettement. Résultat paradoxal quand on se souvient que vous aviez tenté d'endiguer ce phénomène dans la loi de cohésion sociale.
La vente d'appartements HLM, que proposent certains amendements de votre majorité, relève de la même contradiction. La diversité des statuts d'occupation est un facteur réel de brassage des populations. Dominique Strauss-Kahn a ainsi proposé un système de prêt bail qui permettrait à un locataire d'appartement HLM de devenir propriétaire au bout de 15 ans de résidence. Cette proposition ne peut que s'inscrire dans un programme ambitieux de constructions sociales alors qu'elle est pour votre majorité le cache misère de la pénurie.
J'en veux pour preuve l'annonce simpliste qui frise la démagogie : le renforcement du surloyer. Vous faites une nouvelle fois reposer l'engorgement du logement social, non sur l'insuffisance de constructions et sur les prix trop élevés du marché libre, mais sur la trop forte présence de personnes qui n'y sont plus éligibles. En clair les logements sociaux seraient pris d'assaut par des profiteurs. La réalité est toute différente. Les bailleurs sociaux estiment aujourd'hui à 3 % les locataires HLM qui dépassent les plafonds de ressources. Beaucoup sont déjà assujettis au surloyer. Son durcissement n'est qu'un effet d'annonce simpliste et stigmatisant qui conduira à recréer des ghettos de pauvres.
La mixité sociale est d'ailleurs la grande absence de votre projet. J'ai entendu le chef de l'Etat tonner justement contre les communes qui ne respectent pas la loi SRU sur les quotas de logements sociaux. Mais nous savons tous que la faiblesse des pénalités et leur application pour le moins tolérante portent en germe la non application de cette loi. Rien dans votre projet ne prévoit de la renforcer. Pis, un collectif de maires de votre majorité, dont certains siègent sur ces bancs, appelle à son démantèlement. L'amendement adopté en commission des finances l'atteste. Il prévoit que la prise en compte des 20 % de logements sociaux ne se fera plus au niveau de la commune mais au niveau de l'intercommunalité. C'est inacceptable. Comment peut-on exiger un comportement civique exemplaire de nos concitoyens quand ceux qui sont chargés d'appliquer la loi la triturent en fonction de leurs intérêts locaux.
L'enjeu est pourtant essentiel. Faire tomber les murs invisibles qui cloisonnent notre société, c'est réinventer un vouloir vivre ensemble. C'est redonner un sens à nos principes républicains. Les amendements du groupe socialiste s'inscrivent dans cette volonté. Aussi je veux être objectif et reconnaître les mesures intéressantes de votre texte.
Les mesures relatives à l'outil foncier me paraissent aller dans la bonne direction. C'est notamment le cas de la décote des terrains cédés par l'Etat en vue de réaliser du logement social. Le coût du foncier entrave trop souvent les bailleurs sociaux. Je crois même qu'il faut aller plus loin en permettant à l'Etat et aux collectivités de leur céder gracieusement les terrains. J'y reviendrai. L'autre proposition que je soutiens est la récupération d'une partie de la plus-value réalisée par la vente d'un terrain classé en zone constructible. La taxe forfaitaire que vous avez fixée est insuffisante mais c'est un pas de plus dans la maîtrise foncière.
Il peut y avoir sur ce chapitre, comme sur beaucoup d'autres, l'amorce d'une confrontation constructive, dans tous les sens du terme. Mon regret est que vos intentions, souvent pertinentes, restent prisonnières des dogmes de votre majorité, des conservatismes de votre électorat, des pressions de vos lobbies. La crise urbaine, qui s'est exprimée violemment cet automne et dans laquelle la problématique du logement n'était évidemment pas absente, appelle autre chose qu'un accompagnement des inégalités du marché comme le fait votre texte. Elle impose de repenser en profondeur toute l'architecture de l'intervention publique. Elle nécessite de définir un nouveau partenariat entre l'Etat, les collectivités, les bailleurs et les citoyens.
Ce sont ces clés qui font défaut aujourd'hui. Ce sont ces CLES que je veux proposer au pays : les Contrats Logements Equitables et Solidaires.
Dans cette formulation existent les trois dimensions de notre projet : le contrat, l'équité, la solidarité.
Le Contrat tout d'abord. La dérégulation du marché immobilier requiert un nouvel équilibre des droits et des devoirs entre l'Etat, le secteur social et le secteur privé. Tout avantage consenti par la puissance publique en terme de fiscalité, d'aides à la pierre doit trouver sa contrepartie en terme de modération des loyers, de mixit?? du logement. C'est dans cet esprit que nous remplacerons le prêt « de Robien » par un nouveau dispositif reprenant ce principe : un avantage fiscale/ une contrepartie sociale.
Une telle approche commence par une remise en ordre du marché immobilier en s'inspirant des trois grands secteurs qui existent dans notre système de santé. Un secteur social dont l'Etat et les collectivités assurent le financement. Un système conventionnel où les aides publiques sont liées à des engagements du bailleur. Un secteur libre où la loi de l'offre et de la demande joue sans intervention publique autre que le respect des codes de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ainsi que des plans locaux d'urbanisme.
L'équité ensuite. Notre volonté de clarifier les droits et les devoirs de chacun est le fondement de l'équité. Nous avons une obligation de résultats dans la mise en ?uvre d'une véritable stratégie de lutte contre les exclusions et d'accès de tous à un logement décent et abordable. L'égalité des chances doit devenir, sans jeu de mots, un lieu commun de la République.
La solidarité enfin. Elle s'inscrit dans la continuité de la loi SRU : construire une société qui reconnaît et fédère ses diversités. Diversité des habitants sur tous les territoires. Diversité des acteurs, publics et privés. Diversité des statuts d'occupation entre location et propriété. Diversité de types d'habitat et des formes architecturales.
Il faut à cet égard parler clairement à nos concitoyens. Le cloisonnement urbain, l'entre-soi, les stratégies d'évitement sont les ferments de la destruction du sentiment national. Si l'on veut que la France reste une Nation une et indivisible, si l'on veut que ses citoyens aient une conscience collective commune, alors il faut accepter que des règles favorisent le brassage de nos diversités. Sans cette exigence, nous serons condamnés à la ghettoïsation et aux conflits communautaristes qu'elle génère.
Derrière ces principes et ces mots, se dessine une politique nationale du logement qui sera l'un des cinq grands programmes d'un gouvernement socialiste. Ce que je propose aujourd'hui, au nom de mon groupe, vaut engagement pour l'avenir.
La première des CLES de ce programme est de rendre le marché locatif abordable pour toutes les familles. Le logement représente pour trop d'entre elles une charge excessive dépassant parfois le tiers de leurs ressources. Voilà pourquoi nous proposons que le coût du loyer dans le secteur social et dans le secteur conventionnel soit limité à 25 % du revenu de chaque ménage. C'est une mesure d'équité qui bénéficiera en priorité aux familles à revenus modestes ou moyens.
J'entends déjà les critiques : vous bloquez les loyers, vous spoliez les propriétaires, vous tuez la poule aux ?ufs d'or. Non mes chers collègues ! Ce n'est pas une mesure administrative que nous imposons. C'est un Contrat entre l'Etat, les bailleurs et les locataires que nous allons négocier.
Le principal effort viendra de la puissance publique avec une revalorisation de 10% des aides personnelles au logement et leur indexation sur le barème de révision des loyers. Trop de retards dans leur actualisation, trop de dispositions ont raboté depuis quatre ans cet instrument cardinal d'accès au logement : le couperet de 24 euros, le mois de carence, le mécanisme de l'évaluation forfaitaire. Tout cela sera supprimé. Les allocations logement doivent redevenir un dispositif simple, efficace et équitable.
C'est la condition pour établir une véritable sécurité dans les rapports entre locataires et propriétaires. Nous connaissons tous les contours du problème. Des locataires qui ont le sentiment d'être pressurés sans jamais pouvoir négocier les conditions d'accès et de maintien dans les lieux. Des bailleurs qui redoutent l'impayé ou la dégradation de leur bien sans pouvoir le récupérer facilement.
S'il n'existe pas de formule miracle, l'Etat peut et doit s'engager dans une négociation avec les associations de locataires et les représentants des bailleurs pour établir un système de sécurisation qui garantisse les deux parties contre les risques locatifs : le fonds crée permettrait d'indemniser les propriétaires confrontés à des situations d'impayés tout en assurant le maintien du locataire dans les lieux dès lors qu'il est de bonne foi. Nous sortirons ainsi des dérives de la caution solidaire qui, de fait, n'aura plus de raison d'être. Nous sommes là au c?ur de la philosophie du contrat logement équitable et solidaire.
Mais une stratégie de modération et de sécurisation du secteur locatif restera partiellement inefficace si dans le même temps le niveau de l'offre de logements abordables reste insuffisant. J'ai souligné il y a quelques instants qu'au rythme actuel de constructions sociales, le déficit ne serait pas résorbé avant 30 ans. Nous nous engageons à diviser ce délai par trois en établissant un programme de 120 000 logements sociaux pendant dix ans.
C'est la deuxième des CLES de notre programme
C'est l'esprit de votre loi de cohésion sociale, me rétorquerez-vous, monsieur le Ministre. A cinq différences de taille près.
1/Nous programmerons effectivement les crédits que vous n'avez jamais obtenus pour atteindre l'objectif.
2/ Nous donnerons la priorité aux prêts locatifs à usage sociale et aux prêts locatifs d'aide à l'insertion qui bénéficient aux plus modestes plutôt qu'au logement intermédiaire ouvert à tous comme vous l'avez fait.
3/ Nous conditionnerons l'accroissement des subventions à une baisse de 10% des loyers de sortie dans les nouvelles opérations.
4/ Nous relancerons le programme Palulos, aujourd'hui sinistré, en augmentant ses subventions de 40 % en échange du maintien du niveau de loyer dans les logements réhabilités.
5/ Nous imposerons que les programmes de démolition/reconstruction respecte la règle du 1 pour 1. Un logement détruit, un logement reconstruit. Trop souvent les plans de rénovation urbaine sont détournés et sont utilisées par certaines municipalités pour trier les familles. On garde celles qui ont des ressources, on écarte les plus déshérités.
Cette sélection est aussi inacceptable que le non respect de la loi SRU. Aucune commune ne doit plus pouvoir déroger aux obligations de mixité sociale. Les sanctions financières seront relevées, le seuil de non versement sera abaissé et l'obligation sera étendue à de nouvelles communes. « La mixité urbaine ne se décrète pas » entends-je souvent. C'est vrai. Mais la ghettoïsation, elle, ne s'arrête pas. Si nous continuons de construire des logements sociaux dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, nous ne ferons qu'entériner la ségrégation urbaine. Est-ce la République que nous voulons ? Bien sûr l'obligation, la sanction ne suffiront jamais. Il faut aussi associer, aider nos compatriotes à assumer la diversité sociale. Et en premier lieu, les professionnels de l'immobilier.
C'est tout le sens de la proposition novatrice de cohabitation résidentielle que nous défendons aujourd'hui. Il s'agit de conditionner la délivrance de permis de construire à la présence de 20 % logements intermédiaires et de 20 % de logements sociaux dans toute programme immobilier de plus de 20 logements. Les promoteurs bénéficieraient en retour de l'accès aux prêts PLS et PLUS ainsi qu'aux subventions pour surcharge foncière. Une telle mesure aurait un triple effet : porter l'offre locative intermédiaire à 110 000 unités, équilibrer les projets de promotion immobilière et de retrouver une diversité sociale dans tous les quartiers d'une ville. Bien évidemment, la mise en ?uvre de ce dispositif se fera en négociation avec les professionnels.
La troisième des CLES de notre Contrat vise à débloquer l'offre locative privée à travers l'amélioration de son parc et la maîtrise des loyers.
Là encore il ne s'agit pas d'imposer, mais de promouvoir un régime conventionnel stable et durable. Son principe est que toute aide publique sera conditionnée à l'engagement du bailleur de loger un ménage sous plafond de ressources et de ne pas augmenter le loyer pour une durée minimum de neuf ans. En retour, les opérations de réhabilitation de l'ANAH seront doublées avec comme priorité le soutien des propriétaires impécunieux. Une telle approche favorisera la production de logements privés à loyers maîtrisés mais aussi la remise sur le marché de logements vacants, une plaie que nous connaissons dans toutes les grandes agglomérations.
Alors bien sûr, il reste la question foncière. En tant que maire d'une grande ville, je sais combien la pénurie et le coût des terrains ont aggravé la pression inflationniste au risque de casser le marché. En ce domaine, le tout libéral a révélé ses dangers.
La quatrième des CLES se trouve dans un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux.
J'ai souligné combien la cession gratuite de terrains publics offrirait un ballon d'oxygène à la construction sociale. La création d'offices fonciers dans les agglomérations et les régions doit être fortement encouragée pour favoriser la constitution de réserves foncières sur le long terme. Mais la redistribution du patrimoine public reste un pis-aller. Elle ne répond pas à l'une des causes principales de la crise : la spéculation immobilière.
Là est le grand trou noir de votre projet, Monsieur le Ministre. Vous n'avez prévu aucun mécanisme qui permette en amont de réguler la formation des prix. Vous considérez que le marché va corriger de lui-même ses excès. Redoutable pari qui nous expose aux violentes oscillations qui caractérisent le marché de l'immobilier depuis quinze ans. Soit la poursuite de la hausse. Soit une brutale dépression comme nous l'avons connue en 1993.
Je suis là encore convaincu que nos CLES permettent d'introduire de véritables sécurités. C'est le sens de la clause de non spéculation que nous proposons d'introduire dans les contrats de vente de terrains par les communes à des opérateurs publics ou privés. D'une durée de 3 à 7 ans, cette clause fixerait un prix limite de revente des logements réalisés. A charge pour le propriétaire de reverser une part de la plus-value à la commune en cas de revente prématurée. Ce mécanisme de modération n'est pas seulement souhaité par beaucoup de professionnels qui mesurent les dangers du dérapage des prix pour leur activité. Il est un droit de regard légitime de la collectivité sur l'utilisation de son patrimoine et de ses deniers.
Enfin comment oublier le scandale de l'insalubrité. Laurent Fabius a écrit des pages saisissantes sur « la vie avec les rats » dans laquelle sont plongées des milliers de familles. Y répondre par la seule procédure d'expulsions comme l'a fait cet été le ministre de l'Intérieur à Paris est proprement indigne d'une démocratie. Entre le taudis et la rue, il doit y avoir le droit au logement.
En amont tout d'abord. Notre société ne peut plus admettre que des marchands de sommeil s'enrichissent grassement en entassant des déshérités dans des bouges infâmes. Il est indispensable d'appliquer et, le cas échéant, de renforcer les dispositions de la loi SRU sur le logement décent. En engageant par exemple davantage la responsabilité des bailleurs qui ne la respectent pas.
Mais en retour la collectivité a trois obligations majeures. La première est la mise en place d'un programme de logements d'urgence qui permette d'accueillir les familles en détresse. La deuxième est de doubler les actions de réhabilitation, selon le dispositif que j'ai évoqué pour l'ANAH. La troisième est d'augmenter les places dans le parc social pour les familles qui disposent de revenus.
En tant que maire, en tant que socialiste, je n'accepterai jamais la plus petite tolérance devant ce retour des bidonvilles qui ne disent pas leur nom.
Je ne veux pas faire croire que ces mesures vont miraculeusement stopper la crise. Faire éclore des immeubles, des maisons, réguler un marché devenu fou, demandent du temps et des investissements considérables. Le projet que je viens de vous présenter représente une augmentation budgétaire annuelle de 1,7 milliard. Est-ce que la Nation veut consentir à cet effort ? Est-elle prête à lui sacrifier d'autres demandes parfois légitimes mais moins urgentes, moins prioritaires ? C'est en ces termes de vérité que je m'adresse à elle. La grandeur du politique est de tracer des voies. Sa servitude est d'accomplir des choix.
Nous avons évidemment prévu les financements. La refonte des avantages fiscaux, la hausse des droits de mutation, l'affectation du prélèvement de l'Etat sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. Responsabilité, équité, solidarité.
Mesdames et Messieurs,
Telles sont les CLES d'une politique du logement qui réponde aux enjeux de son temps. Limiter le loyer à 25 % des revenus des familles. Construire 120 000 logements sociaux par an. Sécuriser les propriétaires et les locataires. Fonder un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux sur la mixité résidentielle et le foncier. Résorber le logement indigne.
Ces CLES sont novatrices parce qu'elles responsabilisent chacun des acteurs autour de droits et de devoirs clairement définis. Parce qu'elles concilient la capacité productive du marché avec le rôle régulateur de la puissance publique. Mais au-delà elles portent une vision de la France. La vision d'une Nation qui transcende ses barrières de classes, de castes, de quartiers, qui intègre ses différences dans une communauté de destin. Alors oui le logement est une politique décisive. Elle décide de l'exclusion ou de l'appartenance. De la ségrégation ou de la solidarité. Dans le mot urbain, il y l'urbanité, cette ouverture qu'on doit aux autres.
C'est pourquoi, par delà notre débat, je veux m'adresser aux Français. Le contrat que nous vous proposons est de pierre. Il engage notre parole et nos actes. Mais nous ne réussirons pas sans vous. Ni le lien social, ni la diversité urbaine ne s'imposeront par une loi, fut-elle la plus équitable. Ils se forgeront dans la volonté continue de chaque citoyen d'abattre les murs, de côtoyer des vies différentes, d'accepter des approches différenciées. Oui des hommes et des femmes ont plus besoin de soutien que d'autres. Oui des quartiers, des communes, des villes requièrent un effort particulier de la collectivité. Parce qu'ils ont plus de handicaps, plus de difficultés à vivre.
Il y a 52 ans, Mendès France avait tracé ce cercle de l'exigence. « Trop de familles vivent encore dans des logements honteux. Des logements honteux non pas du fait des familles qui les occupent, mais honteux parce que la Nation les tolère et ne fait rien pour qu'il en soit autrement ! »
C'est ce refus de la résignation que j'essaie, à travers les propositions des députés socialistes, de transmettre à notre Nation. Pour aujourd'hui et pour demain.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 janvier 2006
Nous avons tous en mémoire les victimes des incendies dans des taudis parisiens cet été. Nous avons tous à l'esprit la terrible errance des sans domicile fixe. Nous connaissons tous, et particulièrement les maires, nombre de ces 3 millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui vivent dans des logements considérés par l'administration comme dégradés ou vétustes. Images choquantes, inacceptables qui nous renvoient un demi-siècle en arrière quand l'abbé Pierre lançait son appel à « l'insurrection de la bonté ». Qu'avons-nous fait de son message ? Qu'avons-nous fait du préambule de la Constitution qui stipule que la Nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ?
Car la crise va désormais bien au-delà de ces situations d'urgence. C'est une grande majorité de familles qui sont confrontées à la difficulté de trouver un logement à un prix ou à un loyer abordable. Ces hommes et ces femmes ne sont pas des accidentés de la vie. Ils ont le plus souvent un emploi, un salaire, un statut. Leur malchance est d'avoir des ressources trop modestes pour faire face à l'envolée des loyers ou des statuts trop précaires pour remplir les conditions d'accès que la collectivité impose.
L'inflation immobilière est devenue l'une des inégalités majeures de la République. Elle grève le pouvoir d'achat. Elle interdit le choix de résidence. Elle paralyse la mobilité sociale.
Nous n'avons pas l'excuse des pénuries de l'après-guerre. Jamais le marché immobilier ne s'est si bien porté. Jamais la construction n'a atteint de tels sommets depuis vingt cinq ans. Et pourtant rarement les difficultés de logement n'ont été aussi grandes. Rarement les fractures spatiales et urbaines n'ont été aussi béantes.
C'est le sociologue Eric Maurin qui dénonce la ghettoïsation à l'?uvre sur notre territoire du haut en bas de l'échelle sociale. C'est son collègue Jacques Donzelot qui évoque « la barrière invisible » du prix de l'immobilier qui sépare les catégories sociales : centre-ville pour les plus favorisés, quartiers périphériques pour les classes moyennes, banlieues de plus en plus lointaines pour les catégories populaires. Ghettos chics, ghettos chocs : la rupture du lien social s'inscrit désormais dans toute la géographie de nos villes.
La politique globale de votre gouvernement consistant à défaire les sécurités et les solidarités sociales a grandement contribué à cet état de fait. Les inégalités devant le logement en sont une des conséquences. C'est l'ensemble de cette politique que nous entendons changer.
Mais ayons l'honnêteté de reconnaître que sur tous les bancs de cette assemblée, nous n'avons pas pris la complète mesure de la crise du logement. L'Etat a très mal évalué la progression de la population de la population française lors des recensements. En 1996 il estimait la construction de logements sur la base 23 millions le nombre de ménages. Surprise : le recensement de 1999 aboutissait à 24,5 millions de ménages. Ecart considérable qui a conduit à une sous-estimation des besoins de logements de l'ordre de 80 000 unités chaque année. L'Etat n'a pas pris non plus en compte l'impact des transformations du modèle familial sur le logement : le divorce, la décohabitation, le vieillissement. Autant d'erreurs de prévisions qui ont creusé la pénurie de logements sociaux.
Mais nous avons aussi, droite et gauche, trop souvent succombé à la tentation de refaire ce qu'avait fait le précédent. La politique du logement, comme la politique de la ville, a connu trop d'à coups, trop de ruptures depuis trente ans quand elle ne servait pas de variable d'ajustement budgétaire. Au fil des alternances et des changements ministériels, des dispositifs, des lois se sont accumulés et parfois contredits là où l'ampleur de la question appelait un effort massif et continu de la collectivité nationale.
L'action de votre gouvernement, Monsieur le ministre, a illustré cette démarche en dents de scie. Pendant les trois années de M.Raffarin, la crise du logement a été sous-estimée pour ne pas dire niée. La croyance était alors que la stimulation du marché de la construction suffirait à répondre aux besoins. Double erreur. En premier lieu parce que l'évolution inflationniste, structurelle et non conjoncturelle comme à la fin des années 80, a gonflé sans mécanismes correcteurs. En second lieu parce que l'offre a servi ceux qui pouvaient suivre l'inflation des prix et a oublié tous les autres. L'Etat s'est défaussé de ses missions sur le marché et sur les collectivités locales.
Les premières lois de finances de la législature ont été à cet égard dramatiques. Outre la baisse en volume des crédits dévolus au logement, leur affectation a accentué tous les déséquilibres. Le gros des priorités a été consacré à des avantages fiscaux exorbitants en faveur de la construction privée - tel le « de Robien »- qui, de l'aveu même du rapporteur au Sénat, ont contribué à l'inflation des prix. Dans le même temps, les moyens nécessaires pour répondre à la demande sociale étaient amputés.
Comment admettre qu'au moment où l'augmentation des loyers atteint un rythme annuel de 5 %, les aides à la personne aient diminué de 8 % faute de réactualisation. Comment accepter que des modifications mesquines du calcul des plafonds et le relèvement du seuil de non versement aient exclu 200 000 personnes du bénéfice de ces aides.
Rien dans le texte que nous examinons ne permet de remédier à cette injustice. Or c'est une question essentielle. Les allocations logement ne sont pas une aumône, une charité que l'on octroie pour se donner bonne conscience. Elles sont l'une des clés qui permettent aux familles les plus modestes d'accéder au logement.
Comment également comprendre qu'en pleine pénurie de constructions sociales, le gouvernement ait pris la responsabilité de diminuer de façon continue le volume global des aides à la pierre. Vous invoquez la bonne santé du bâtiment portée par une conjoncture exceptionnelle. C'est vrai. En 2005, la barre des 400 000 constructions nouvelles a été franchie et on ne peut que s'en féliciter. Mais ce que vous oubliez de dire, c'est à qui profite cette embellie. Sur ces 400 000 constructions nouvelles, seules 40 % sont accessibles aux 3/4 des Français. En d'autres termes l'offre est pléthorique pour ceux qui ont les moyens. Les autres, les catégories populaires ou intermédiaires doivent se contenter de miettes. En dépit de vos annonces flamboyantes, la production de logements locatifs sociaux est approximativement au même niveau qu'en 1998 : 42 000 cette année là ; 40 000 en 2002 ; 54 000 l'an dernier. Stagnation d'autant plus inquiétante que les listes d'attente pour l'attribution de logements sociaux atteignent le chiffre record d'1,3 million de personnes. Au rythme actuel, il faudra 30 ans pour résorber la demande.
Le secteur locatif privé est bien incapable d'offrir une alternative. Le niveau des loyers et les garanties exigées par les bailleurs sont devenus des obstacle infranchissables pour de plus en plus de familles. Votre politique de précarisation sociale n'a fait qu'accentuer leur chemin de croix. On ne compte plus les titulaires du Contrat nouvelle embauche qui se voient refuser un bail ou un prêt immobilier. Trop précaires pour être solvables.
C'est là le c?ur de notre débat. Vous croyez que la dynamique du marché va d'elle-même corriger ses excès et s'adapter à la demande, y compris sociale. Nous sommes convaincus que l'Etat doit retrouver un rôle de régulateur et de correcteur des inégalités pour aider en premier lieu ceux qui ne peuvent pas se loger par eux-mêmes.
On le mesure sur les incitations fiscales. Sans contrepartie sociale, elles ont provoqué la flambée spéculative que nous connaissons actuellement. Le patrimoine immobilier des plus fortunés s'en est accru sans aider les familles modestes à se loger. Pour illustrer la dérive du «de Robien », il faut rappeler que son coût pour l'Etat est équivalent au montant des subventions versées aux bailleurs sociaux.
Vous en convenez vous-même, monsieur le ministre, puisque vous proposez un nouveau « produit », le « Borloo populaire », censé corriger les effets pervers du «de Robien ». Je ne sais s'il vous rendra « populaire ». Avec des plafonds de ressources très élevés, il sera pratiquement accessible à tout le monde et notamment à ceux qui n'en ont pas besoin. Quant au loyer de sortie, vous le prévoyez de 30 % inférieur au prix du marché parisien. Progrès tout à fait relatif : les grandes villes de province sont toutes en dessous de ce seuil.
L'inflexion de votre projet sur le logement locatif social apparaît des plus ténus. Votre préférence ? et c'est une constante de votre gouvernement que je reconnais - demeure l'accession à la propriété. Je crois d'ailleurs savoir qu'avant de s'intituler « Engagement national pour le logement- votre texte avait été baptisé « propriété pour tous ».
Je suis, comme vous, convaincu que la mixité urbaine impose de répondre à l'ambition pleinement légitime de beaucoup de nos compatriotes de devenir propriétaires. A une double condition : que les dispositifs de soutien épaulent ceux qui en ont le plus besoin plutôt que les détenteurs de gros patrimoines. Et qu'ils n'assèchent pas, comme c'est le cas actuellement, les aides locatives.
Or là encore, votre démarche apparaît claudicante. D'un côté vous étendez le prêt à taux zéro aux familles les plus aisées, sachant que cette décision va tarir l'accès du prêt aux familles les plus modestes. De l'autre vous supprimez tout à la fois la prime et le fond de garantie pour l'accession à la propriété qui permettaient aux catégories populaires de devenir propriétaires sans tomber dans le surendettement.
Dans ces conditions, la grande trouvaille médiatique de votre texte ?la maison à 100 000 euros ? ressemble au palais des mirages. Auparavant on faisait du vertical pas cher. Maintenant vous voulez faire de l'horizontal pas cher. Bien des constructeurs ont tenté de bâtir ce genre de maisons. Souvenons-nous des Chalandonettes ou des pavillons Merlin. Mais la qualité médiocre des constructions et le coût exorbitant de leur entretien ont fait capoter tous les programmes de ce type. Vous croyez aujourd'hui pouvoir réussir en combinant la TVA à 5,5, le prêt remboursable à 20 ans et la mise à disposition gracieuse de terrain par les municipalités. Vous avez été maire, monsieur le Ministre, vous savez pertinemment que la plupart des communes sont confrontées à la cherté des terrains et que rares seront celles qui pourront consentir cet effort ou alors ce sera au détriment du logement social. Quant aux nouveaux propriétaires, ils auront à supporter la charge de l'entretien et le remboursement du terrain prétendument gratuit au risque de conduire nombre d'entre eux au surendettement. Résultat paradoxal quand on se souvient que vous aviez tenté d'endiguer ce phénomène dans la loi de cohésion sociale.
La vente d'appartements HLM, que proposent certains amendements de votre majorité, relève de la même contradiction. La diversité des statuts d'occupation est un facteur réel de brassage des populations. Dominique Strauss-Kahn a ainsi proposé un système de prêt bail qui permettrait à un locataire d'appartement HLM de devenir propriétaire au bout de 15 ans de résidence. Cette proposition ne peut que s'inscrire dans un programme ambitieux de constructions sociales alors qu'elle est pour votre majorité le cache misère de la pénurie.
J'en veux pour preuve l'annonce simpliste qui frise la démagogie : le renforcement du surloyer. Vous faites une nouvelle fois reposer l'engorgement du logement social, non sur l'insuffisance de constructions et sur les prix trop élevés du marché libre, mais sur la trop forte présence de personnes qui n'y sont plus éligibles. En clair les logements sociaux seraient pris d'assaut par des profiteurs. La réalité est toute différente. Les bailleurs sociaux estiment aujourd'hui à 3 % les locataires HLM qui dépassent les plafonds de ressources. Beaucoup sont déjà assujettis au surloyer. Son durcissement n'est qu'un effet d'annonce simpliste et stigmatisant qui conduira à recréer des ghettos de pauvres.
La mixité sociale est d'ailleurs la grande absence de votre projet. J'ai entendu le chef de l'Etat tonner justement contre les communes qui ne respectent pas la loi SRU sur les quotas de logements sociaux. Mais nous savons tous que la faiblesse des pénalités et leur application pour le moins tolérante portent en germe la non application de cette loi. Rien dans votre projet ne prévoit de la renforcer. Pis, un collectif de maires de votre majorité, dont certains siègent sur ces bancs, appelle à son démantèlement. L'amendement adopté en commission des finances l'atteste. Il prévoit que la prise en compte des 20 % de logements sociaux ne se fera plus au niveau de la commune mais au niveau de l'intercommunalité. C'est inacceptable. Comment peut-on exiger un comportement civique exemplaire de nos concitoyens quand ceux qui sont chargés d'appliquer la loi la triturent en fonction de leurs intérêts locaux.
L'enjeu est pourtant essentiel. Faire tomber les murs invisibles qui cloisonnent notre société, c'est réinventer un vouloir vivre ensemble. C'est redonner un sens à nos principes républicains. Les amendements du groupe socialiste s'inscrivent dans cette volonté. Aussi je veux être objectif et reconnaître les mesures intéressantes de votre texte.
Les mesures relatives à l'outil foncier me paraissent aller dans la bonne direction. C'est notamment le cas de la décote des terrains cédés par l'Etat en vue de réaliser du logement social. Le coût du foncier entrave trop souvent les bailleurs sociaux. Je crois même qu'il faut aller plus loin en permettant à l'Etat et aux collectivités de leur céder gracieusement les terrains. J'y reviendrai. L'autre proposition que je soutiens est la récupération d'une partie de la plus-value réalisée par la vente d'un terrain classé en zone constructible. La taxe forfaitaire que vous avez fixée est insuffisante mais c'est un pas de plus dans la maîtrise foncière.
Il peut y avoir sur ce chapitre, comme sur beaucoup d'autres, l'amorce d'une confrontation constructive, dans tous les sens du terme. Mon regret est que vos intentions, souvent pertinentes, restent prisonnières des dogmes de votre majorité, des conservatismes de votre électorat, des pressions de vos lobbies. La crise urbaine, qui s'est exprimée violemment cet automne et dans laquelle la problématique du logement n'était évidemment pas absente, appelle autre chose qu'un accompagnement des inégalités du marché comme le fait votre texte. Elle impose de repenser en profondeur toute l'architecture de l'intervention publique. Elle nécessite de définir un nouveau partenariat entre l'Etat, les collectivités, les bailleurs et les citoyens.
Ce sont ces clés qui font défaut aujourd'hui. Ce sont ces CLES que je veux proposer au pays : les Contrats Logements Equitables et Solidaires.
Dans cette formulation existent les trois dimensions de notre projet : le contrat, l'équité, la solidarité.
Le Contrat tout d'abord. La dérégulation du marché immobilier requiert un nouvel équilibre des droits et des devoirs entre l'Etat, le secteur social et le secteur privé. Tout avantage consenti par la puissance publique en terme de fiscalité, d'aides à la pierre doit trouver sa contrepartie en terme de modération des loyers, de mixit?? du logement. C'est dans cet esprit que nous remplacerons le prêt « de Robien » par un nouveau dispositif reprenant ce principe : un avantage fiscale/ une contrepartie sociale.
Une telle approche commence par une remise en ordre du marché immobilier en s'inspirant des trois grands secteurs qui existent dans notre système de santé. Un secteur social dont l'Etat et les collectivités assurent le financement. Un système conventionnel où les aides publiques sont liées à des engagements du bailleur. Un secteur libre où la loi de l'offre et de la demande joue sans intervention publique autre que le respect des codes de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ainsi que des plans locaux d'urbanisme.
L'équité ensuite. Notre volonté de clarifier les droits et les devoirs de chacun est le fondement de l'équité. Nous avons une obligation de résultats dans la mise en ?uvre d'une véritable stratégie de lutte contre les exclusions et d'accès de tous à un logement décent et abordable. L'égalité des chances doit devenir, sans jeu de mots, un lieu commun de la République.
La solidarité enfin. Elle s'inscrit dans la continuité de la loi SRU : construire une société qui reconnaît et fédère ses diversités. Diversité des habitants sur tous les territoires. Diversité des acteurs, publics et privés. Diversité des statuts d'occupation entre location et propriété. Diversité de types d'habitat et des formes architecturales.
Il faut à cet égard parler clairement à nos concitoyens. Le cloisonnement urbain, l'entre-soi, les stratégies d'évitement sont les ferments de la destruction du sentiment national. Si l'on veut que la France reste une Nation une et indivisible, si l'on veut que ses citoyens aient une conscience collective commune, alors il faut accepter que des règles favorisent le brassage de nos diversités. Sans cette exigence, nous serons condamnés à la ghettoïsation et aux conflits communautaristes qu'elle génère.
Derrière ces principes et ces mots, se dessine une politique nationale du logement qui sera l'un des cinq grands programmes d'un gouvernement socialiste. Ce que je propose aujourd'hui, au nom de mon groupe, vaut engagement pour l'avenir.
La première des CLES de ce programme est de rendre le marché locatif abordable pour toutes les familles. Le logement représente pour trop d'entre elles une charge excessive dépassant parfois le tiers de leurs ressources. Voilà pourquoi nous proposons que le coût du loyer dans le secteur social et dans le secteur conventionnel soit limité à 25 % du revenu de chaque ménage. C'est une mesure d'équité qui bénéficiera en priorité aux familles à revenus modestes ou moyens.
J'entends déjà les critiques : vous bloquez les loyers, vous spoliez les propriétaires, vous tuez la poule aux ?ufs d'or. Non mes chers collègues ! Ce n'est pas une mesure administrative que nous imposons. C'est un Contrat entre l'Etat, les bailleurs et les locataires que nous allons négocier.
Le principal effort viendra de la puissance publique avec une revalorisation de 10% des aides personnelles au logement et leur indexation sur le barème de révision des loyers. Trop de retards dans leur actualisation, trop de dispositions ont raboté depuis quatre ans cet instrument cardinal d'accès au logement : le couperet de 24 euros, le mois de carence, le mécanisme de l'évaluation forfaitaire. Tout cela sera supprimé. Les allocations logement doivent redevenir un dispositif simple, efficace et équitable.
C'est la condition pour établir une véritable sécurité dans les rapports entre locataires et propriétaires. Nous connaissons tous les contours du problème. Des locataires qui ont le sentiment d'être pressurés sans jamais pouvoir négocier les conditions d'accès et de maintien dans les lieux. Des bailleurs qui redoutent l'impayé ou la dégradation de leur bien sans pouvoir le récupérer facilement.
S'il n'existe pas de formule miracle, l'Etat peut et doit s'engager dans une négociation avec les associations de locataires et les représentants des bailleurs pour établir un système de sécurisation qui garantisse les deux parties contre les risques locatifs : le fonds crée permettrait d'indemniser les propriétaires confrontés à des situations d'impayés tout en assurant le maintien du locataire dans les lieux dès lors qu'il est de bonne foi. Nous sortirons ainsi des dérives de la caution solidaire qui, de fait, n'aura plus de raison d'être. Nous sommes là au c?ur de la philosophie du contrat logement équitable et solidaire.
Mais une stratégie de modération et de sécurisation du secteur locatif restera partiellement inefficace si dans le même temps le niveau de l'offre de logements abordables reste insuffisant. J'ai souligné il y a quelques instants qu'au rythme actuel de constructions sociales, le déficit ne serait pas résorbé avant 30 ans. Nous nous engageons à diviser ce délai par trois en établissant un programme de 120 000 logements sociaux pendant dix ans.
C'est la deuxième des CLES de notre programme
C'est l'esprit de votre loi de cohésion sociale, me rétorquerez-vous, monsieur le Ministre. A cinq différences de taille près.
1/Nous programmerons effectivement les crédits que vous n'avez jamais obtenus pour atteindre l'objectif.
2/ Nous donnerons la priorité aux prêts locatifs à usage sociale et aux prêts locatifs d'aide à l'insertion qui bénéficient aux plus modestes plutôt qu'au logement intermédiaire ouvert à tous comme vous l'avez fait.
3/ Nous conditionnerons l'accroissement des subventions à une baisse de 10% des loyers de sortie dans les nouvelles opérations.
4/ Nous relancerons le programme Palulos, aujourd'hui sinistré, en augmentant ses subventions de 40 % en échange du maintien du niveau de loyer dans les logements réhabilités.
5/ Nous imposerons que les programmes de démolition/reconstruction respecte la règle du 1 pour 1. Un logement détruit, un logement reconstruit. Trop souvent les plans de rénovation urbaine sont détournés et sont utilisées par certaines municipalités pour trier les familles. On garde celles qui ont des ressources, on écarte les plus déshérités.
Cette sélection est aussi inacceptable que le non respect de la loi SRU. Aucune commune ne doit plus pouvoir déroger aux obligations de mixité sociale. Les sanctions financières seront relevées, le seuil de non versement sera abaissé et l'obligation sera étendue à de nouvelles communes. « La mixité urbaine ne se décrète pas » entends-je souvent. C'est vrai. Mais la ghettoïsation, elle, ne s'arrête pas. Si nous continuons de construire des logements sociaux dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, nous ne ferons qu'entériner la ségrégation urbaine. Est-ce la République que nous voulons ? Bien sûr l'obligation, la sanction ne suffiront jamais. Il faut aussi associer, aider nos compatriotes à assumer la diversité sociale. Et en premier lieu, les professionnels de l'immobilier.
C'est tout le sens de la proposition novatrice de cohabitation résidentielle que nous défendons aujourd'hui. Il s'agit de conditionner la délivrance de permis de construire à la présence de 20 % logements intermédiaires et de 20 % de logements sociaux dans toute programme immobilier de plus de 20 logements. Les promoteurs bénéficieraient en retour de l'accès aux prêts PLS et PLUS ainsi qu'aux subventions pour surcharge foncière. Une telle mesure aurait un triple effet : porter l'offre locative intermédiaire à 110 000 unités, équilibrer les projets de promotion immobilière et de retrouver une diversité sociale dans tous les quartiers d'une ville. Bien évidemment, la mise en ?uvre de ce dispositif se fera en négociation avec les professionnels.
La troisième des CLES de notre Contrat vise à débloquer l'offre locative privée à travers l'amélioration de son parc et la maîtrise des loyers.
Là encore il ne s'agit pas d'imposer, mais de promouvoir un régime conventionnel stable et durable. Son principe est que toute aide publique sera conditionnée à l'engagement du bailleur de loger un ménage sous plafond de ressources et de ne pas augmenter le loyer pour une durée minimum de neuf ans. En retour, les opérations de réhabilitation de l'ANAH seront doublées avec comme priorité le soutien des propriétaires impécunieux. Une telle approche favorisera la production de logements privés à loyers maîtrisés mais aussi la remise sur le marché de logements vacants, une plaie que nous connaissons dans toutes les grandes agglomérations.
Alors bien sûr, il reste la question foncière. En tant que maire d'une grande ville, je sais combien la pénurie et le coût des terrains ont aggravé la pression inflationniste au risque de casser le marché. En ce domaine, le tout libéral a révélé ses dangers.
La quatrième des CLES se trouve dans un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux.
J'ai souligné combien la cession gratuite de terrains publics offrirait un ballon d'oxygène à la construction sociale. La création d'offices fonciers dans les agglomérations et les régions doit être fortement encouragée pour favoriser la constitution de réserves foncières sur le long terme. Mais la redistribution du patrimoine public reste un pis-aller. Elle ne répond pas à l'une des causes principales de la crise : la spéculation immobilière.
Là est le grand trou noir de votre projet, Monsieur le Ministre. Vous n'avez prévu aucun mécanisme qui permette en amont de réguler la formation des prix. Vous considérez que le marché va corriger de lui-même ses excès. Redoutable pari qui nous expose aux violentes oscillations qui caractérisent le marché de l'immobilier depuis quinze ans. Soit la poursuite de la hausse. Soit une brutale dépression comme nous l'avons connue en 1993.
Je suis là encore convaincu que nos CLES permettent d'introduire de véritables sécurités. C'est le sens de la clause de non spéculation que nous proposons d'introduire dans les contrats de vente de terrains par les communes à des opérateurs publics ou privés. D'une durée de 3 à 7 ans, cette clause fixerait un prix limite de revente des logements réalisés. A charge pour le propriétaire de reverser une part de la plus-value à la commune en cas de revente prématurée. Ce mécanisme de modération n'est pas seulement souhaité par beaucoup de professionnels qui mesurent les dangers du dérapage des prix pour leur activité. Il est un droit de regard légitime de la collectivité sur l'utilisation de son patrimoine et de ses deniers.
Enfin comment oublier le scandale de l'insalubrité. Laurent Fabius a écrit des pages saisissantes sur « la vie avec les rats » dans laquelle sont plongées des milliers de familles. Y répondre par la seule procédure d'expulsions comme l'a fait cet été le ministre de l'Intérieur à Paris est proprement indigne d'une démocratie. Entre le taudis et la rue, il doit y avoir le droit au logement.
En amont tout d'abord. Notre société ne peut plus admettre que des marchands de sommeil s'enrichissent grassement en entassant des déshérités dans des bouges infâmes. Il est indispensable d'appliquer et, le cas échéant, de renforcer les dispositions de la loi SRU sur le logement décent. En engageant par exemple davantage la responsabilité des bailleurs qui ne la respectent pas.
Mais en retour la collectivité a trois obligations majeures. La première est la mise en place d'un programme de logements d'urgence qui permette d'accueillir les familles en détresse. La deuxième est de doubler les actions de réhabilitation, selon le dispositif que j'ai évoqué pour l'ANAH. La troisième est d'augmenter les places dans le parc social pour les familles qui disposent de revenus.
En tant que maire, en tant que socialiste, je n'accepterai jamais la plus petite tolérance devant ce retour des bidonvilles qui ne disent pas leur nom.
Je ne veux pas faire croire que ces mesures vont miraculeusement stopper la crise. Faire éclore des immeubles, des maisons, réguler un marché devenu fou, demandent du temps et des investissements considérables. Le projet que je viens de vous présenter représente une augmentation budgétaire annuelle de 1,7 milliard. Est-ce que la Nation veut consentir à cet effort ? Est-elle prête à lui sacrifier d'autres demandes parfois légitimes mais moins urgentes, moins prioritaires ? C'est en ces termes de vérité que je m'adresse à elle. La grandeur du politique est de tracer des voies. Sa servitude est d'accomplir des choix.
Nous avons évidemment prévu les financements. La refonte des avantages fiscaux, la hausse des droits de mutation, l'affectation du prélèvement de l'Etat sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. Responsabilité, équité, solidarité.
Mesdames et Messieurs,
Telles sont les CLES d'une politique du logement qui réponde aux enjeux de son temps. Limiter le loyer à 25 % des revenus des familles. Construire 120 000 logements sociaux par an. Sécuriser les propriétaires et les locataires. Fonder un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux sur la mixité résidentielle et le foncier. Résorber le logement indigne.
Ces CLES sont novatrices parce qu'elles responsabilisent chacun des acteurs autour de droits et de devoirs clairement définis. Parce qu'elles concilient la capacité productive du marché avec le rôle régulateur de la puissance publique. Mais au-delà elles portent une vision de la France. La vision d'une Nation qui transcende ses barrières de classes, de castes, de quartiers, qui intègre ses différences dans une communauté de destin. Alors oui le logement est une politique décisive. Elle décide de l'exclusion ou de l'appartenance. De la ségrégation ou de la solidarité. Dans le mot urbain, il y l'urbanité, cette ouverture qu'on doit aux autres.
C'est pourquoi, par delà notre débat, je veux m'adresser aux Français. Le contrat que nous vous proposons est de pierre. Il engage notre parole et nos actes. Mais nous ne réussirons pas sans vous. Ni le lien social, ni la diversité urbaine ne s'imposeront par une loi, fut-elle la plus équitable. Ils se forgeront dans la volonté continue de chaque citoyen d'abattre les murs, de côtoyer des vies différentes, d'accepter des approches différenciées. Oui des hommes et des femmes ont plus besoin de soutien que d'autres. Oui des quartiers, des communes, des villes requièrent un effort particulier de la collectivité. Parce qu'ils ont plus de handicaps, plus de difficultés à vivre.
Il y a 52 ans, Mendès France avait tracé ce cercle de l'exigence. « Trop de familles vivent encore dans des logements honteux. Des logements honteux non pas du fait des familles qui les occupent, mais honteux parce que la Nation les tolère et ne fait rien pour qu'il en soit autrement ! »
C'est ce refus de la résignation que j'essaie, à travers les propositions des députés socialistes, de transmettre à notre Nation. Pour aujourd'hui et pour demain.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 janvier 2006