Texte intégral
Q- Vous avez parlé d'une initiative que vous allez promouvoir aujourd'hui, qui est le
parrainage, c'est une initiative assez inattendue de la part du garde des Sceaux,
c'est-à-dire que vous allez proposer à des jeunes en situation difficile d'avoir des
parrains ? Comment cela fonctionne-t-il ?
R- L'idée, si vous voulez, c'est qu'après les évènements que nous avons connus dans nos
banlieues, ou on fait des discours ou l'on essaye de faire quelque chose. Nous avons, ce que
nous appelons des jeunes sous main de justice, qui dépendent de la Protection judiciaire de
la jeunesse, qui est une administration du ministère de la Justice, nous avons beaucoup de
jeunes et tous les ans, il y en a 80.000 qui passent devant les juges, certains pour des
petites choses, d'autres pour des affaires plus importantes. Je voudrais - et c'est
d'ailleurs le logo - leur faire la courte échelle, les aider à reprendre un pied. C'est pour
cela que l'on voit deux mains qui se croisent : on leur fait la courte échelle, parce qu'ils
ont raté une marche de la vie, et je demande à tout un chacun, vous, moi, tout le monde de
passer six heures en 2006 avec un de ces jeunes, essayer de les guider dans ce qu'ils ont au
fond d'eux-mêmes, parce que chacun de ces enfants a envie de faire quelque chose dans la
vie. C'est plus ou moins réaliste, il faut leur dire : "si tu veux arriver à ceci, voici les
moyens". Et puis, le cas échéant, les aider.
Q- Six heures dans l'année, ce n'est pas beaucoup pour aider un enfant !
R- Je demande peu, et ensuite, les gens font ce qu'ils veulent s'ils veulent donner
beaucoup.
Q- En réalité, ils font plus ?
R- En fait, ils feront ce qu'ils voudront mais je leur demande de suivre un de ces jeunes
pendant six heures en 2006, proposées par la Protection judiciaire de la jeunesse et ils
chemineront ensemble, ils feront un bout de chemin ensemble.
Q- Ce serait une sorte d'adulte de référence qui les aiderait, qui ne les jugerait pas, qui
les écouterait ?
R- Exactement. Penser que ces jeunes qui ont une frontière invisible entre ces banlieues et
la ville, qui n'ont jamais vue autre chose que les parents, des surveillants, des éducateurs
socioculturels...
Q- Des policiers et des juges...
R- Ils n'ont jamais vu quelqu'un d'un peu intégré, qui ne pose pas de problème. On va leur
dire : "Toi, tu peux faire comme moi". Et ils peuvent faire comme nous : avoir une famille,
avoir un métier. Et leur donner cette petite chance soit par un stage, soit les aider dans
des études par alternance, qui est effectivement le mieux de ce qu'on peut espérer pour eux,
et voir ainsi comment on peut en sortir pas mal de la difficulté.
Q- Parmi ces parrains, vous avez un grand chef cuisinier, P. Gagnaire...
R- P. Gagnaire est de ma région, originaire de Saint-Étienne. Et puis Sophie de Menthon qui
préside un réseau qui s'appelle "ETHIC". Et puis, nous avons de grandes entreprises : Total,
Dior...
Q- Vous avez pris votre téléphone pour appeler ?
R- Oui, j'ai pris mon téléphone directement en particulier pour appeler les présidents de
fédérations : la Fédération du bâtiment, la CGPME. Bref, pour avoir une déclinaison de gens
qui peuvent offrir plus que des rendez-vous et un carnet d'adresses, carrément des stages.
Et cela, je crois que c'est pas mal.
Q- Combien y aura-t-il de jeunes pris en charge, par ces parrains ?
R- On ne sait pas encore. D'ores et déjà, spontanément, quand j'ai lancé l'idée au mois de
décembre, on a eu près de 300 inscriptions en ligne. Là, je le lance de manière plus
officielle aujourd'hui. J'espère concerner des milliers de jeunes cette année, et que des
milliers de Français se sentent concernés, en se disant : on fait un petit effort qui a
grande répercussion pour montrer qu'il n'y a pas de frontière psychologique entre ces jeunes
des banlieues et nous.
Q- Aider les jeunes, c'est bien, mais en même temps, il y a de nouveau une discussion sur
l'ordonnance de 1945, sur l'idée que l'on pourrait abaisser l'âge à partir duquel se juge la
responsabilité pénale. On sait que N. Sarkozy y est très favorable, qu'en
pensez-vous ?
R- Il y a une chose sur laquelle on maintiendra l'ordonnance de 1945 dans sa philosophie :
c'est qu'il y a une justice particulière pour nos jeunes mineurs qu'on ne peut pas traiter
comme des majeurs. C'est un socle sur lequel on ne bouge pas. En revanche, aménager et
s'adapter à la situation moderne, il y a des années que nous faisons cela. L'ordonnance de
1945 a été modifiée de nombreuses fois depuis 1945. Là, s'il s'agit d'envoyer un gamin tout
à fait insupportable en internat, cette mesure pédagogique n'est pas...
Q- Mais c'est plus qu'un internat aujourd'hui...
R- Si, c'est ce qui est proposé, c'est pour cela que je vous donne cet exemple, il s'agirait
de cela. Donc vous voyez, il ne s'agit pas de les mettre en prison. Un enfant de douze ans,
par exemple, on pourra le mettre en internat. Aujourd'hui, on ne sait pas quoi en faire.
Q- En internat fermé, d'où il n'a pas le droit de sortir ?
R- Un internat fermé mais un internat scolaire, pas une prison ! Il s'agit de prendre des
mesures pour faire comprendre à certains jeunes que récidiver dans la délinquance ne peut
pas leur valoir que des admonestations les unes à la suite des autres. Il y a un moment où
l'on prend une petite sanction. La petite sanction, ce peut être l'internat, ce qui va les
sortir de leur milieu familial, de leur milieu amical et quelquefois, ce sera excellent. Il
ne s'agit pas de taper d'une manière sourde, il s'agit de sanctionner d'une manière
pédagogique.
Q- Y aura-t-il suffisamment des internats ou des centres éducatifs en France pour accueillir
ces jeunes dont vous parlez ?
R- Il y en a assez pour démarrer cette politique et si c'était nécessaire, nous verrions.
Q- Le parquet de Bobigny, qui juge beaucoup de ces affaires-là, a estimé dans son audience
de rentrée hier qu'il fallait renforcer la répression sur les mineurs, alors qu'on sait que
ce parquet est traditionnellement plus indulgent qu'un autre. Est-ce un vrai changement
d'orientation ? Est-ce que cela vous convient ? Cela vient-il de vous ?
R- Non, cela ne vient pas de moi, encore que je rappelle que pendant les violences urbaines,
j'ai donné des instructions très claires à tous les procureurs de la République, dont le
procureur de Bobigny, bien sûr, qui consistent à faire des réquisitions d'une grande
sévérité pour ces jeunes qui mettaient le feu au voitures et qui mettaient le feu dans nos
banlieues. La tradition du parquet de Bobigny n'était pas celle-là. En revanche, la
tradition du juge des enfants était peut-être celle-là. Donc, je pense que ce qu'a voulu
dire le procureur, et repris, je crois, par le président, c'est que les mineurs qui sont en
perte de repères ont besoin d'être guidés. Une sanction éducative est une forme de guide
sous ce rapport, et c'est cela qu'ils vont demander et pas seulement ce que l'on voit de
temps en temps, que l'on voyait beaucoup hier, que l'on ne veut plus voir aujourd'hui :
l'admonestation qui enchaîne l'admonestation ; les jeunes s'en fichent !
Q- Des jeunes qui passent quelques heures au poste et qui rentrent...
R- Même pas ! Les jeunes s'en fichent. Il sort d'un juge ou d'un médiateur, et on lui dit :
"il ne faut pas recommencer"... Et on lui dit dix fois ! Il s'en fiche. Donc un tout petit
peu plus que cela, tout en préservant l'esprit de l'ordonnance de 1945 : une justice pour
mineurs, adaptée aux mineurs.
Q- Revenons aussi à l'affaire d'Outreau, qui continue de bouleverser, parce les témoignages
diffusés à la télévision, des "victimes" de l'erreur judiciaire ont beaucoup bouleversé.
Etes-vous toujours hostile à la réforme du juge d'instruction, ou en tout cas la suppression
du rôle du juge d'instruction ? R. Van Ruymbeke, qui est un célèbre juge d'instruction,
trouve qu'il faudrait supprimer cette fonction.
R- Je me garde bien de tirer des conclusions. Dans ce que nous vivons à travers la
commission d'enquête de l'Assemblée nationale, il y a quelque chose d'extraordinaire, c'est
que tous les Français, maintenant, se passionnent pour le procès pénal, le procès criminel.
Très peu d'entre nous - parce que grâce au ciel, on n'a pas l'habitude de fréquenter les
audiences criminelles - savent comment cela se passe, ils le découvrent, avec le côté
passionnel, évidemment excessif, et aujourd'hui, ce sont des pleurs que nous entendons et
même quelques fois des cris de stupéfaction. Il ne faut pas oublier que cette enquête va se
faire pas à pas et qu'elle a des phases ; là, c'est une phase d'émotion, sûrement très
utile. Quand on a beaucoup souffert, pleurer est normal. On ce moment, on pleure sur
nous-mêmes. Ensuite, on va réfléchir petit à petit et calmement, dans quelques semaines.
Aujourd'hui, parler de réforme serait inaudible, demain, sans doute. A ce moment-là, la
question sera posée : faut-il ou pas garder le système accusatoire ou le système
inquisitoire ? Dans le système accusatoire, il n'y a plus de juge d'instruction, dans le
système inquisitoire, c'est (inaud.). Chacun donnera son avis. Je sais que ceux qui poussent
cette idée profitent, si je puis dire, des évènements d'Outreau, pour dire qu'on a qu'à
supprimer le juge d'instruction parce qu'on voit bien, dans cette affaire, on n'est pas sûr
qu'il ait fait ce qu'il devait faire. Ne préjugeons pas. Il n'a pas même pas été entendu.
Q- Il demande la présomption d'innocence.
R- Et il a bien raison ! Tout le monde y a droit et...
Q- ... La loi est la même pour tous.
R- Oui, et c'est plus que la loi : l'attitude d'esprit. Il faut une attitude d'esprit, le
respect.
Q- Faut-il accroître la responsabilité des magistrats ? Je rappelle que le président de la
République, lors de ses voeux, a justement souhaité une réforme du CSM, ouvrant la porte à
une responsabilité plus grande des juges en cas de faute.
R- Le Président m'a demandé de travailler sur cette question. J'ai créé une commission au
sein de la chancellerie, nous y réfléchissons. Bientôt nous transmettrons au CSM, qui nous
le renverra et je transmettrai le travail au président de la République qui prendra des
initiatives. Deux choses rapides pour bien comprendre : l'acte de juger ne peut pas donner
lieu à autre chose que des voies de recours, sinon, il suffirait de ne pas être content pour
attaquer son juge. Si c'était cela, nous n'avons plus de justice sereine. Il faut donc faire
très attention à ne pas aller dans cette direction. En revanche, le dévoiement de l'acte de
juger peut arriver, une erreur grossière et manifeste. Alors là, la question pourrait se
poser.Source/ premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 janvier 2006
parrainage, c'est une initiative assez inattendue de la part du garde des Sceaux,
c'est-à-dire que vous allez proposer à des jeunes en situation difficile d'avoir des
parrains ? Comment cela fonctionne-t-il ?
R- L'idée, si vous voulez, c'est qu'après les évènements que nous avons connus dans nos
banlieues, ou on fait des discours ou l'on essaye de faire quelque chose. Nous avons, ce que
nous appelons des jeunes sous main de justice, qui dépendent de la Protection judiciaire de
la jeunesse, qui est une administration du ministère de la Justice, nous avons beaucoup de
jeunes et tous les ans, il y en a 80.000 qui passent devant les juges, certains pour des
petites choses, d'autres pour des affaires plus importantes. Je voudrais - et c'est
d'ailleurs le logo - leur faire la courte échelle, les aider à reprendre un pied. C'est pour
cela que l'on voit deux mains qui se croisent : on leur fait la courte échelle, parce qu'ils
ont raté une marche de la vie, et je demande à tout un chacun, vous, moi, tout le monde de
passer six heures en 2006 avec un de ces jeunes, essayer de les guider dans ce qu'ils ont au
fond d'eux-mêmes, parce que chacun de ces enfants a envie de faire quelque chose dans la
vie. C'est plus ou moins réaliste, il faut leur dire : "si tu veux arriver à ceci, voici les
moyens". Et puis, le cas échéant, les aider.
Q- Six heures dans l'année, ce n'est pas beaucoup pour aider un enfant !
R- Je demande peu, et ensuite, les gens font ce qu'ils veulent s'ils veulent donner
beaucoup.
Q- En réalité, ils font plus ?
R- En fait, ils feront ce qu'ils voudront mais je leur demande de suivre un de ces jeunes
pendant six heures en 2006, proposées par la Protection judiciaire de la jeunesse et ils
chemineront ensemble, ils feront un bout de chemin ensemble.
Q- Ce serait une sorte d'adulte de référence qui les aiderait, qui ne les jugerait pas, qui
les écouterait ?
R- Exactement. Penser que ces jeunes qui ont une frontière invisible entre ces banlieues et
la ville, qui n'ont jamais vue autre chose que les parents, des surveillants, des éducateurs
socioculturels...
Q- Des policiers et des juges...
R- Ils n'ont jamais vu quelqu'un d'un peu intégré, qui ne pose pas de problème. On va leur
dire : "Toi, tu peux faire comme moi". Et ils peuvent faire comme nous : avoir une famille,
avoir un métier. Et leur donner cette petite chance soit par un stage, soit les aider dans
des études par alternance, qui est effectivement le mieux de ce qu'on peut espérer pour eux,
et voir ainsi comment on peut en sortir pas mal de la difficulté.
Q- Parmi ces parrains, vous avez un grand chef cuisinier, P. Gagnaire...
R- P. Gagnaire est de ma région, originaire de Saint-Étienne. Et puis Sophie de Menthon qui
préside un réseau qui s'appelle "ETHIC". Et puis, nous avons de grandes entreprises : Total,
Dior...
Q- Vous avez pris votre téléphone pour appeler ?
R- Oui, j'ai pris mon téléphone directement en particulier pour appeler les présidents de
fédérations : la Fédération du bâtiment, la CGPME. Bref, pour avoir une déclinaison de gens
qui peuvent offrir plus que des rendez-vous et un carnet d'adresses, carrément des stages.
Et cela, je crois que c'est pas mal.
Q- Combien y aura-t-il de jeunes pris en charge, par ces parrains ?
R- On ne sait pas encore. D'ores et déjà, spontanément, quand j'ai lancé l'idée au mois de
décembre, on a eu près de 300 inscriptions en ligne. Là, je le lance de manière plus
officielle aujourd'hui. J'espère concerner des milliers de jeunes cette année, et que des
milliers de Français se sentent concernés, en se disant : on fait un petit effort qui a
grande répercussion pour montrer qu'il n'y a pas de frontière psychologique entre ces jeunes
des banlieues et nous.
Q- Aider les jeunes, c'est bien, mais en même temps, il y a de nouveau une discussion sur
l'ordonnance de 1945, sur l'idée que l'on pourrait abaisser l'âge à partir duquel se juge la
responsabilité pénale. On sait que N. Sarkozy y est très favorable, qu'en
pensez-vous ?
R- Il y a une chose sur laquelle on maintiendra l'ordonnance de 1945 dans sa philosophie :
c'est qu'il y a une justice particulière pour nos jeunes mineurs qu'on ne peut pas traiter
comme des majeurs. C'est un socle sur lequel on ne bouge pas. En revanche, aménager et
s'adapter à la situation moderne, il y a des années que nous faisons cela. L'ordonnance de
1945 a été modifiée de nombreuses fois depuis 1945. Là, s'il s'agit d'envoyer un gamin tout
à fait insupportable en internat, cette mesure pédagogique n'est pas...
Q- Mais c'est plus qu'un internat aujourd'hui...
R- Si, c'est ce qui est proposé, c'est pour cela que je vous donne cet exemple, il s'agirait
de cela. Donc vous voyez, il ne s'agit pas de les mettre en prison. Un enfant de douze ans,
par exemple, on pourra le mettre en internat. Aujourd'hui, on ne sait pas quoi en faire.
Q- En internat fermé, d'où il n'a pas le droit de sortir ?
R- Un internat fermé mais un internat scolaire, pas une prison ! Il s'agit de prendre des
mesures pour faire comprendre à certains jeunes que récidiver dans la délinquance ne peut
pas leur valoir que des admonestations les unes à la suite des autres. Il y a un moment où
l'on prend une petite sanction. La petite sanction, ce peut être l'internat, ce qui va les
sortir de leur milieu familial, de leur milieu amical et quelquefois, ce sera excellent. Il
ne s'agit pas de taper d'une manière sourde, il s'agit de sanctionner d'une manière
pédagogique.
Q- Y aura-t-il suffisamment des internats ou des centres éducatifs en France pour accueillir
ces jeunes dont vous parlez ?
R- Il y en a assez pour démarrer cette politique et si c'était nécessaire, nous verrions.
Q- Le parquet de Bobigny, qui juge beaucoup de ces affaires-là, a estimé dans son audience
de rentrée hier qu'il fallait renforcer la répression sur les mineurs, alors qu'on sait que
ce parquet est traditionnellement plus indulgent qu'un autre. Est-ce un vrai changement
d'orientation ? Est-ce que cela vous convient ? Cela vient-il de vous ?
R- Non, cela ne vient pas de moi, encore que je rappelle que pendant les violences urbaines,
j'ai donné des instructions très claires à tous les procureurs de la République, dont le
procureur de Bobigny, bien sûr, qui consistent à faire des réquisitions d'une grande
sévérité pour ces jeunes qui mettaient le feu au voitures et qui mettaient le feu dans nos
banlieues. La tradition du parquet de Bobigny n'était pas celle-là. En revanche, la
tradition du juge des enfants était peut-être celle-là. Donc, je pense que ce qu'a voulu
dire le procureur, et repris, je crois, par le président, c'est que les mineurs qui sont en
perte de repères ont besoin d'être guidés. Une sanction éducative est une forme de guide
sous ce rapport, et c'est cela qu'ils vont demander et pas seulement ce que l'on voit de
temps en temps, que l'on voyait beaucoup hier, que l'on ne veut plus voir aujourd'hui :
l'admonestation qui enchaîne l'admonestation ; les jeunes s'en fichent !
Q- Des jeunes qui passent quelques heures au poste et qui rentrent...
R- Même pas ! Les jeunes s'en fichent. Il sort d'un juge ou d'un médiateur, et on lui dit :
"il ne faut pas recommencer"... Et on lui dit dix fois ! Il s'en fiche. Donc un tout petit
peu plus que cela, tout en préservant l'esprit de l'ordonnance de 1945 : une justice pour
mineurs, adaptée aux mineurs.
Q- Revenons aussi à l'affaire d'Outreau, qui continue de bouleverser, parce les témoignages
diffusés à la télévision, des "victimes" de l'erreur judiciaire ont beaucoup bouleversé.
Etes-vous toujours hostile à la réforme du juge d'instruction, ou en tout cas la suppression
du rôle du juge d'instruction ? R. Van Ruymbeke, qui est un célèbre juge d'instruction,
trouve qu'il faudrait supprimer cette fonction.
R- Je me garde bien de tirer des conclusions. Dans ce que nous vivons à travers la
commission d'enquête de l'Assemblée nationale, il y a quelque chose d'extraordinaire, c'est
que tous les Français, maintenant, se passionnent pour le procès pénal, le procès criminel.
Très peu d'entre nous - parce que grâce au ciel, on n'a pas l'habitude de fréquenter les
audiences criminelles - savent comment cela se passe, ils le découvrent, avec le côté
passionnel, évidemment excessif, et aujourd'hui, ce sont des pleurs que nous entendons et
même quelques fois des cris de stupéfaction. Il ne faut pas oublier que cette enquête va se
faire pas à pas et qu'elle a des phases ; là, c'est une phase d'émotion, sûrement très
utile. Quand on a beaucoup souffert, pleurer est normal. On ce moment, on pleure sur
nous-mêmes. Ensuite, on va réfléchir petit à petit et calmement, dans quelques semaines.
Aujourd'hui, parler de réforme serait inaudible, demain, sans doute. A ce moment-là, la
question sera posée : faut-il ou pas garder le système accusatoire ou le système
inquisitoire ? Dans le système accusatoire, il n'y a plus de juge d'instruction, dans le
système inquisitoire, c'est (inaud.). Chacun donnera son avis. Je sais que ceux qui poussent
cette idée profitent, si je puis dire, des évènements d'Outreau, pour dire qu'on a qu'à
supprimer le juge d'instruction parce qu'on voit bien, dans cette affaire, on n'est pas sûr
qu'il ait fait ce qu'il devait faire. Ne préjugeons pas. Il n'a pas même pas été entendu.
Q- Il demande la présomption d'innocence.
R- Et il a bien raison ! Tout le monde y a droit et...
Q- ... La loi est la même pour tous.
R- Oui, et c'est plus que la loi : l'attitude d'esprit. Il faut une attitude d'esprit, le
respect.
Q- Faut-il accroître la responsabilité des magistrats ? Je rappelle que le président de la
République, lors de ses voeux, a justement souhaité une réforme du CSM, ouvrant la porte à
une responsabilité plus grande des juges en cas de faute.
R- Le Président m'a demandé de travailler sur cette question. J'ai créé une commission au
sein de la chancellerie, nous y réfléchissons. Bientôt nous transmettrons au CSM, qui nous
le renverra et je transmettrai le travail au président de la République qui prendra des
initiatives. Deux choses rapides pour bien comprendre : l'acte de juger ne peut pas donner
lieu à autre chose que des voies de recours, sinon, il suffirait de ne pas être content pour
attaquer son juge. Si c'était cela, nous n'avons plus de justice sereine. Il faut donc faire
très attention à ne pas aller dans cette direction. En revanche, le dévoiement de l'acte de
juger peut arriver, une erreur grossière et manifeste. Alors là, la question pourrait se
poser.Source/ premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 janvier 2006