Texte intégral
Madame la déléguée,
Mesdames et messieurs les représentants des partenaires sociaux,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Voici un an et demi, le 18 juin 2004, je vous avais réunis ici même, avec Jean-Louis Borloo, pour affirmer toute la détermination du Gouvernement à relancer la lutte contre le travail illégal et pour vous présenter un plan national d'action en ce sens pour les années 2004 et 2005.
Notre détermination était à la hauteur des enjeux que représente le travail illégal. Nous devons tous bien en mesurer les conséquences. C'est, à mes yeux, un mal susceptible de mettre en danger notre modèle social. Son influence déstabilisatrice menace en effet nombre des grands équilibres de notre société : coût pour notre protection sociale, diminution des recettes fiscales, destructuration de l'emploi, atteinte aux droits sociaux des salariés, déséquilibre des conditions de concurrence néfaste aux entreprises respectueuses du droit.
Notre détermination était également à la hauteur des progrès qui nous restaient encore à accomplir. J'en veux pour preuve un seul exemple : celui de notre commission qui était en sommeil depuis plusieurs années... Il nous fallait donc remobiliser nos moyens de contrôle, adapter notre arsenal juridique, approfondir les partenariats et inscrire notre action dans la durée.
Dix-huit mois plus tard, et après nos deux réunions intermédiaires en mars et mai dernier, le moment est venu de prendre la mesure du chemin parcouru et de nous fixer des orientations pour les deux années à venir.
S'agissant du bilan du plan d'action 2004-2005, que Mme Horel vous présentera en détail dans quelques instants, je crois pouvoir dire que les progrès sont manifestes.
Ils sont à apprécier au regard des priorités que nous nous étions fixés.
1/ Notre premier objectif était de mobiliser plus fortement l'ensemble des services de contrôle autour de cette priorité affirmée de l'action publique.
Cette mobilisation a été effective. En 2005, ce sont ainsi 60 000 entreprises qui ont été contrôlées dans les secteurs prioritaires. Le nombre de procès-verbaux enregistrés en 2004, en progression sensible par rapport à 2003 (+ 12 %), atteste également du renforcement de l'activité des services de contrôle, alors qu'il était plutôt orienté à la baisse les années précédentes.
Je voudrais vous remercier pour votre implication à tous dans la mise en ?uvre du plan d'action. Je m'en félicite d'autant plus que cette mobilisation a pu se faire de manière structurée.
Cela exigeait d'abord un renforcement de la coordination entre les différents corps de contrôle et une pleine mobilisation interministérielle.
L'impulsion nouvelle donnée à la lutte contre le travail illégal ne peut relever du seul ministre du travail, même si c'est bien lui qui en la responsabilité première. Elle a été fortement soutenue au cours de cette période par le Premier Ministre lui-même et par l'ensemble de mes collègues concernés. La création de l'OCLTI (Office central de répression du travail illégal), structure de police judiciaire spécialement dédiée à la lutte contre le travail illégal, l'inclusion de cette lutte dans les problématiques du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, créé en mai 2005, traduisent toutes deux cette volonté, commune à tous les départements ministériels que vous représentez ici, d'en faire une priorité d'action mobilisant tous les services et destinée à obtenir des résultats.
Cette mobilisation se traduit tout autant au plan territorial :
- dans le renforcement de l'activité des commissions départementales que réunissent les préfets avec les partenaires sociaux et qui ont vocation à décliner le plan national d'action et à en arrêter les priorités au niveau local,
- dans la nouvelle place acquise par les COLTI (Comités opérationnels de lutte contre le travail illégal ), que les procureurs réunissent de plus en plus souvent, et où prennent siègent désormais, comme nous l'avions souhaité, les ASSEDIC, l'ANPE, les DDCCRF, les GIR et souvent les DRAC lorsqu'il s'agit des spectacles,
- dans la coordination renforcée entre les URSSAF et les directions départementales du travail concrétisée par la charte de coopération signée cet été.
Les opérations de grande envergure, dont j'ai demandé l'organisation aux préfets en juillet dernier, ont aussi contribué à cette coordination renforcée entre services de l'Etat et grands organismes : ce sont plus de 600 opérations conjointes qui ont été menées. Elles ont fortement contribué à renforcer l'implication des services de la gendarmerie et de la police nationale dans les problématiques de travail illégal.
J'observe également que la mobilisation des services - et je tiens ici à souligner en particulier celle de l'inspection du travail- a été particulièrement forte autour des axes importants que nous avions définis en juin 2004. Nous avions en effet décidés de lutter prioritairement contre deux types d'infractions en fort développement et mal maîtrisées : le contournement des règles relatives à la libre prestation de service et l'emploi illicite de travailleurs étrangers sans titre. Nous en avions fait des axes d'action prioritaire, tant il me paraît important de ne pas placer nos entreprises en situation de concurrence anormale, et les travailleurs étrangers dans des situations propices à une exploitation intolérable.
A cet égard, je voudrais souligner que la part des entreprises étrangères contrôlées a plus que doublé par rapport à 2004. De même, la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre était l'un des axes prioritaires des 600 opérations conjointes menées depuis le mois d'août.
2/ Cette forte mobilisation des services n'est pas restée lettre morte : des résultats très concrets sont au rendez-vous. Je m'en tiendrai à deux exemples.
D'une part, il semble que le taux des entreprises en infraction soit désormais orienté à la baisse : il est de 5 % en 2005 pour les secteurs prioritaires. C'est particulièrement net pour certains secteurs : je pense en particulier au secteur du spectacle où, en 2003, au début de la campagne de contrôle, environ les trois quarts des entreprises contrôlées étaient en infraction.
D'autre part, les suites données aux contrôles apparaissent maintenant plus effectives :
- Ainsi, en 2005, ce sont, pour les seuls secteurs prioritaires, plus de 6.600 salariés dont la situation a été régularisée et qui ont été rétablis dans leurs droits.
- J'observe aussi une forte progression du montant des redressements notifiés par les URSSAF et la MSA aux entreprises en infraction : près de 18 millions d'euros en 2005 contre 15 en 2004, dans les seuls secteurs prioritaires. Ainsi, depuis 2003, les redressements ont plus que doublé dans le BTP et augmenté de 60 % dans les HCR.
3/ Enfin nous nous étions fixé comme objectif en juin 2004 de renforcer très significativement notre arsenal juridique. Ces engagements ont été tenus.
Je vous renvoie pour cela à votre dossier qui recense les textes publiés depuis 2004.
J'insisterai ici simplement sur les évolutions majeures :
- la création de l'office central de lutte contre le travail illégal,
- la levée du secret professionnel entre les corps chargés du contrôle
- la clarification des règles relatives au détachement des travailleurs étrangers
- le renforcement de la solidarité financière des donneurs d'ordre
- le renforcement des sanctions administratives en cas d'infraction de travail illégal.
Sur ce dernier point, Mme Horel vous présentera tout à l'heure le projet de décret élargissant le champ des aides publiques à l'emploi pouvant être refusées à ce titre.
Vous trouverez également dans votre dossier deux projets de décret, à prendre en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui conditionnent le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisation de sécurité sociale au respect par l'employeur des règles sur l'interdiction de travail dissimulé : en cas de verbalisation à ce titre, les réductions et exonérations pourront donc être annulées.
Il nous faut maintenant poursuivre l'action en 2006-2007, car c'est l'inscription de cette action dans la durée qui nous permettra vraiment d'obtenir des résultats.
Dans cet esprit, je vous propose de nous fixer six objectifs autour desquels ordonner notre action pour les deux années à venir.
Pour cela, le Plan que je vous propose innove par rapport au précédent : il prévoit en effet, non plus de concentrer notre action sur des secteurs prioritaires, comme nous l'avions fait en 2004-2005, mais de fixer des objectifs transversaux qui correspondent aux pratiques frauduleuses les plus rencontrées.
Cela ne signifie pas naturellement que les quatre secteurs précédemment identifiés (BTP, HCR, agriculture et spectacles) ne feront plus l'objet d'un suivi attentif. Bien au contraire. Mais il nous est apparu désormais plus efficace de structurer notre action autour d'objectifs thématiques et, pour chacun d'eux, de préciser les secteurs cibles où seront prioritairement menées les actions de contrôle et de prévention. Nous éviterons ainsi le risque de stigmatisation, et le champ de notre action sera élargi, comme l'ont d'ailleurs souhaité plusieurs branches professionnelles, particulièrement sensibilisées dangers que leur fait courir le développement du travail illégal.
Le premier de ces six objectifs est le renforcement de la coopération entre institutions et du partenariat social. C'est toujours à mes yeux la condition nécessaire à l'amélioration de l'efficacité de notre action.
A cet égard, je souhaite insister sur trois priorités.
Il nous faut d'abord conforter le rôle des COLTI, qui sont les chevilles ouvrières de la coordination des actions de terrain. Cela suppose alors de conforter la position de leur secrétaire permanent. Son rôle sera notamment central dans le fonctionnement du système des sanctions administratives, du refus des aides publiques, qui fait l'objet du décret que nous vous soumettons aujourd'hui. A l'heure actuelle, près de 2/3 des secrétaires permanents sont des agents de l'inspection du travail. Je crois nécessaire que cette mission essentielle soit assumée de manière plus équilibrée entre les différentes administrations ou organismes.
Il nous faut ensuite poursuivre et amplifier les opérations de contrôle coordonnées. Voilà pourquoi les « opérations de grande envergure » faisant intervenir l'ensemble des services compétents, que j'avais initiées par ma circulaire du 27 juillet, seront reconduites. Ces actions conjointes, coordonnées et suivies dans le cadre des COLTI, seront à l'avenir programmées à raison d'une par semestre dans chaque département. Dans les départements à forte activité saisonnière, une opération supplémentaire pourrait être programmées. Des instructions en ce sens seront adressées aux préfets et aux procureurs dans les prochains jours.
Cette plus forte mobilisation des services sera rendue possible par le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, qui sera mis en oeuvre en 2006. C'est un plan ambitieux car complet et sans précédent. Il implique des moyens supplémentaires dans le cadre d'un plan pluriannuel 2006-2010 permettant une mise à niveau avec les autres services d'inspection du travail européen. Pour 2006, les moyens pour atteindre cet objectif ont d'ores et déjà été mis en place : 231 postes d'inspecteurs et de contrôleurs du travail sont ouverts au concours cette année contre 120 en 2003.
Au-delà de l'action des services de l'Etat, je crois aussi indispensable d'accentuer notre coopération avec les partenaires sociaux. L'importance des démarches partenariales me paraît être en effet un des grands enseignements de la période passée, tant je suis persuadé qu'on ne peut pas tout attendre de la seule action répressive, aussi bien ajustée soit-elle. Il faut qu'il y ait une communauté d'objectifs avec les partenaires sociaux pour que le combat soit porté par tous les acteurs. De nombreuses initiatives ont déjà vu le jour dans la période récente : convention partenariale dans le déménagement, charte de bonnes pratiques pour la sous-traitance dans le BTP, par exemple.
Il faut les multiplier en passant des accords avec d'autres professions. C'est ainsi qu'une convention nationale est en préparation dans les secteurs du travail temporaire et du gardiennage.
Toutes ces actions doivent aussi être déclinées au plan territorial et donner lieu à des campagnes d'information et de sensibilisation concertées entre professionnels et administrations. Ce sera l'un des points sur lesquels j'insisterai particulièrement dans les instructions que je vais transmettre aux Préfets pour leur demander d'appliquer ce nouveau plan d'action 2006-2007. Ils doivent en discuter avec les partenaires sociaux, au sein des commissions départementales qu'il conviendra de réunir au cours de ce trimestre, et qui sont bien l'enceinte appropriée pour élaborer ces stratégies.
Le deuxième objectif est le renforcement de la lutte contre la non-déclaration. C'est la fraude la plus banale, mais aussi la plus répandue. Là aussi, il faut combiner répression, dissuasion et prévention. Le renforcement des sanctions administratives nous offrira à ce titre de nouveaux outils. L'ACOSS en fait un des ses objectifs prioritaires qui sera mis en exergue dans la future convention d'objectifs et de gestion en cours d'élaboration entre l'Etat et l'institution. Vous y reviendrez, Monsieur le Directeur Général, tout à l'heure.
En troisième lieu, vous retrouverez l'une des priorités du plan précédent : la lutte contre les fraudes transnationales.
Assurer la régularité du détachement, sur notre territoire, de salariés par des prestataires de services étrangers est une exigence fondamentale. Les règles de notre droit du travail doivent être respectées pour éviter le « dumping social ». J'y suis particulièrement vigilant. Et c'est pour cela que nous avons clarifié les règles sur le détachement dans la loi du 2 août dernier relative aux PME.
Nous devons encore intensifier notre action. Pour y parvenir, il nous faut développer l'information, la coopération avec les Etats partenaires - vous en trouverez un bilan dans votre dossier-, mais aussi mieux contrôler, en soutenant les efforts des services chargés du contrôle, en les dotant des outils méthodologiques et des formations adaptées.
Le quatrième objectif vise à développer les bonnes pratiques en matière de sous-traitance. Les dérives parfois constatées favorisent le travail dissimulé, l'emploi d'étrangers sans titre, le marchandage et le prêt illicite de main d'?uvre. Le recours à des cascades de sous-traitance provoque l'intervention d'entreprises ou d'établissements de moins en moins structurées, et dont la surface financière est de plus en plus faible.
Il convient de mieux garantir la régularité de ces pratiques. Dans cette optique, l'effort de prévention est essentiel. Nous y avons veillé dans le BTP en instaurant la charte des bonnes pratiques. Il faut reproduire ce modèle dans d'autres secteurs : agriculture, spectacles, notamment. Là encore, la combinaison prévention-répression, qui consiste notamment à mettre en cause, plus souvent que ce n'est le cas aujourd'hui, la responsabilité solidaire des donneurs d'ordre, doit être utilisée.
Le cinquième objectif a trait à l'emploi d'étrangers sans titre de travail. De véritables filières d'entrée et d'emploi irrégulier sont à l'?uvre sur notre territoire. Cela n'est pas acceptable. Cela l'est d'autant moins qu'il s'agit probablement des violations les plus graves du droit du travail puisque des personnes sont employées dans des conditions mettant en cause leurs droits les plus élémentaires et parfois attentatoires à la dignité humaine.
Nous intensifierons notre combat contre ce type de fraudes, qui était déjà prioritaire dans le plan 2004-2005. Il s'appuiera sur un partenariat renforcé avec les professionnels, sur la mise en ?uvre d'accords de coopération spécifiques pour l'accueil de jeunes professionnels dans les secteurs souffrant d'une pénurie de main d'?uvre, mais aussi sur une plus grande effectivité de la contribution spéciale due à l'ANAEM par les employeurs d'étrangers en situation irrégulière. Cette action, qui sera coordonnée au plan local par les COLTI et s'inscrit dans le respect des compétences propres à chaque corps de contrôle, sera l'objet prioritaire des opérations de contrôle d'envergure qui, je l'ai dit, seront reconduites.
Bien entendu, il n'est pas question de faire de l'inspection du travail une police des étrangers, cette compétence étant déjà donnée à d'autres services de l'Etat. En revanche, l'inspection du travail a naturellement vocation à lutter contre toutes les formes d'exploitation des salariés.
Enfin notre sixième objectif sera de faire respecter les conditions de recours à des statuts spécifiques, souvent à l'origine de dévoiements et de fraudes pour échapper aux règles du salariat. Je veux parler ici des stagiaires, des bénévoles, des intermittents et des amateurs, que certains emploient abusivement, sous ces qualificatifs, sans leur accorder les garanties inhérentes au salariat.
Il convient de clarifier et de préciser les règles régissant l'usage de ces statuts et de renforcer les contrôles. C'est pourquoi une charte de bonnes pratiques sur l'accueil des stagiaires en entreprise est en cours d'élaboration, en lien avec le ministère de l'Éducation Nationale ; elle comportera notamment un dispositif de suivi et d'évaluation. Par ailleurs, des actions de contrôles seront conduites dans les secteurs qui recourent à ces statuts, et un effort particulier sera porté au démantèlement des filières d'accueil de faux stagiaires étrangers.
En juin 2004, j'avais insisté sur la nécessité d'une évaluation régulière et approfondie. Je m'y suis employé au cours de nos réunions précédentes. Mais je crois que nous pouvons encore progresser. Voilà pourquoi j'ai souhaité, et c'est une nouveauté, que ce plan soit assorti d'indicateurs de suivi.
Ainsi, pour chacun de ses objectifs, la DILTI, en lien ses partenaires institutionnels, élaborera les indicateurs de résultats et de mesure de l'action des services, qui permettront de suivre les résultats obtenus.
De même, tout comme pour le Plan 2004-2005, je m'engage à ce que notre commission se réunisse régulièrement pour faire le point sur la mise en ?uvre des orientations du nouveau plan.
Tels sont les axes du plan national de lutte contre le travail illégal que je vous propose pour 2006 et 2007.
La lutte contre le travail illégal, sous toutes ses formes, répond à une évidente exigence économique et sociale. Elle est aussi l'un des éléments essentiels de l'ordre public social. Elle reste une tâche de grande ampleur, dont la réussite dépend de la mobilisation de tous les acteurs. C'est la volonté du gouvernement. Ma détermination est totale ; je compte sur la vôtre.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 1 février 2006
Mesdames et messieurs les représentants des partenaires sociaux,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Voici un an et demi, le 18 juin 2004, je vous avais réunis ici même, avec Jean-Louis Borloo, pour affirmer toute la détermination du Gouvernement à relancer la lutte contre le travail illégal et pour vous présenter un plan national d'action en ce sens pour les années 2004 et 2005.
Notre détermination était à la hauteur des enjeux que représente le travail illégal. Nous devons tous bien en mesurer les conséquences. C'est, à mes yeux, un mal susceptible de mettre en danger notre modèle social. Son influence déstabilisatrice menace en effet nombre des grands équilibres de notre société : coût pour notre protection sociale, diminution des recettes fiscales, destructuration de l'emploi, atteinte aux droits sociaux des salariés, déséquilibre des conditions de concurrence néfaste aux entreprises respectueuses du droit.
Notre détermination était également à la hauteur des progrès qui nous restaient encore à accomplir. J'en veux pour preuve un seul exemple : celui de notre commission qui était en sommeil depuis plusieurs années... Il nous fallait donc remobiliser nos moyens de contrôle, adapter notre arsenal juridique, approfondir les partenariats et inscrire notre action dans la durée.
Dix-huit mois plus tard, et après nos deux réunions intermédiaires en mars et mai dernier, le moment est venu de prendre la mesure du chemin parcouru et de nous fixer des orientations pour les deux années à venir.
S'agissant du bilan du plan d'action 2004-2005, que Mme Horel vous présentera en détail dans quelques instants, je crois pouvoir dire que les progrès sont manifestes.
Ils sont à apprécier au regard des priorités que nous nous étions fixés.
1/ Notre premier objectif était de mobiliser plus fortement l'ensemble des services de contrôle autour de cette priorité affirmée de l'action publique.
Cette mobilisation a été effective. En 2005, ce sont ainsi 60 000 entreprises qui ont été contrôlées dans les secteurs prioritaires. Le nombre de procès-verbaux enregistrés en 2004, en progression sensible par rapport à 2003 (+ 12 %), atteste également du renforcement de l'activité des services de contrôle, alors qu'il était plutôt orienté à la baisse les années précédentes.
Je voudrais vous remercier pour votre implication à tous dans la mise en ?uvre du plan d'action. Je m'en félicite d'autant plus que cette mobilisation a pu se faire de manière structurée.
Cela exigeait d'abord un renforcement de la coordination entre les différents corps de contrôle et une pleine mobilisation interministérielle.
L'impulsion nouvelle donnée à la lutte contre le travail illégal ne peut relever du seul ministre du travail, même si c'est bien lui qui en la responsabilité première. Elle a été fortement soutenue au cours de cette période par le Premier Ministre lui-même et par l'ensemble de mes collègues concernés. La création de l'OCLTI (Office central de répression du travail illégal), structure de police judiciaire spécialement dédiée à la lutte contre le travail illégal, l'inclusion de cette lutte dans les problématiques du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, créé en mai 2005, traduisent toutes deux cette volonté, commune à tous les départements ministériels que vous représentez ici, d'en faire une priorité d'action mobilisant tous les services et destinée à obtenir des résultats.
Cette mobilisation se traduit tout autant au plan territorial :
- dans le renforcement de l'activité des commissions départementales que réunissent les préfets avec les partenaires sociaux et qui ont vocation à décliner le plan national d'action et à en arrêter les priorités au niveau local,
- dans la nouvelle place acquise par les COLTI (Comités opérationnels de lutte contre le travail illégal ), que les procureurs réunissent de plus en plus souvent, et où prennent siègent désormais, comme nous l'avions souhaité, les ASSEDIC, l'ANPE, les DDCCRF, les GIR et souvent les DRAC lorsqu'il s'agit des spectacles,
- dans la coordination renforcée entre les URSSAF et les directions départementales du travail concrétisée par la charte de coopération signée cet été.
Les opérations de grande envergure, dont j'ai demandé l'organisation aux préfets en juillet dernier, ont aussi contribué à cette coordination renforcée entre services de l'Etat et grands organismes : ce sont plus de 600 opérations conjointes qui ont été menées. Elles ont fortement contribué à renforcer l'implication des services de la gendarmerie et de la police nationale dans les problématiques de travail illégal.
J'observe également que la mobilisation des services - et je tiens ici à souligner en particulier celle de l'inspection du travail- a été particulièrement forte autour des axes importants que nous avions définis en juin 2004. Nous avions en effet décidés de lutter prioritairement contre deux types d'infractions en fort développement et mal maîtrisées : le contournement des règles relatives à la libre prestation de service et l'emploi illicite de travailleurs étrangers sans titre. Nous en avions fait des axes d'action prioritaire, tant il me paraît important de ne pas placer nos entreprises en situation de concurrence anormale, et les travailleurs étrangers dans des situations propices à une exploitation intolérable.
A cet égard, je voudrais souligner que la part des entreprises étrangères contrôlées a plus que doublé par rapport à 2004. De même, la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre était l'un des axes prioritaires des 600 opérations conjointes menées depuis le mois d'août.
2/ Cette forte mobilisation des services n'est pas restée lettre morte : des résultats très concrets sont au rendez-vous. Je m'en tiendrai à deux exemples.
D'une part, il semble que le taux des entreprises en infraction soit désormais orienté à la baisse : il est de 5 % en 2005 pour les secteurs prioritaires. C'est particulièrement net pour certains secteurs : je pense en particulier au secteur du spectacle où, en 2003, au début de la campagne de contrôle, environ les trois quarts des entreprises contrôlées étaient en infraction.
D'autre part, les suites données aux contrôles apparaissent maintenant plus effectives :
- Ainsi, en 2005, ce sont, pour les seuls secteurs prioritaires, plus de 6.600 salariés dont la situation a été régularisée et qui ont été rétablis dans leurs droits.
- J'observe aussi une forte progression du montant des redressements notifiés par les URSSAF et la MSA aux entreprises en infraction : près de 18 millions d'euros en 2005 contre 15 en 2004, dans les seuls secteurs prioritaires. Ainsi, depuis 2003, les redressements ont plus que doublé dans le BTP et augmenté de 60 % dans les HCR.
3/ Enfin nous nous étions fixé comme objectif en juin 2004 de renforcer très significativement notre arsenal juridique. Ces engagements ont été tenus.
Je vous renvoie pour cela à votre dossier qui recense les textes publiés depuis 2004.
J'insisterai ici simplement sur les évolutions majeures :
- la création de l'office central de lutte contre le travail illégal,
- la levée du secret professionnel entre les corps chargés du contrôle
- la clarification des règles relatives au détachement des travailleurs étrangers
- le renforcement de la solidarité financière des donneurs d'ordre
- le renforcement des sanctions administratives en cas d'infraction de travail illégal.
Sur ce dernier point, Mme Horel vous présentera tout à l'heure le projet de décret élargissant le champ des aides publiques à l'emploi pouvant être refusées à ce titre.
Vous trouverez également dans votre dossier deux projets de décret, à prendre en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui conditionnent le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisation de sécurité sociale au respect par l'employeur des règles sur l'interdiction de travail dissimulé : en cas de verbalisation à ce titre, les réductions et exonérations pourront donc être annulées.
Il nous faut maintenant poursuivre l'action en 2006-2007, car c'est l'inscription de cette action dans la durée qui nous permettra vraiment d'obtenir des résultats.
Dans cet esprit, je vous propose de nous fixer six objectifs autour desquels ordonner notre action pour les deux années à venir.
Pour cela, le Plan que je vous propose innove par rapport au précédent : il prévoit en effet, non plus de concentrer notre action sur des secteurs prioritaires, comme nous l'avions fait en 2004-2005, mais de fixer des objectifs transversaux qui correspondent aux pratiques frauduleuses les plus rencontrées.
Cela ne signifie pas naturellement que les quatre secteurs précédemment identifiés (BTP, HCR, agriculture et spectacles) ne feront plus l'objet d'un suivi attentif. Bien au contraire. Mais il nous est apparu désormais plus efficace de structurer notre action autour d'objectifs thématiques et, pour chacun d'eux, de préciser les secteurs cibles où seront prioritairement menées les actions de contrôle et de prévention. Nous éviterons ainsi le risque de stigmatisation, et le champ de notre action sera élargi, comme l'ont d'ailleurs souhaité plusieurs branches professionnelles, particulièrement sensibilisées dangers que leur fait courir le développement du travail illégal.
Le premier de ces six objectifs est le renforcement de la coopération entre institutions et du partenariat social. C'est toujours à mes yeux la condition nécessaire à l'amélioration de l'efficacité de notre action.
A cet égard, je souhaite insister sur trois priorités.
Il nous faut d'abord conforter le rôle des COLTI, qui sont les chevilles ouvrières de la coordination des actions de terrain. Cela suppose alors de conforter la position de leur secrétaire permanent. Son rôle sera notamment central dans le fonctionnement du système des sanctions administratives, du refus des aides publiques, qui fait l'objet du décret que nous vous soumettons aujourd'hui. A l'heure actuelle, près de 2/3 des secrétaires permanents sont des agents de l'inspection du travail. Je crois nécessaire que cette mission essentielle soit assumée de manière plus équilibrée entre les différentes administrations ou organismes.
Il nous faut ensuite poursuivre et amplifier les opérations de contrôle coordonnées. Voilà pourquoi les « opérations de grande envergure » faisant intervenir l'ensemble des services compétents, que j'avais initiées par ma circulaire du 27 juillet, seront reconduites. Ces actions conjointes, coordonnées et suivies dans le cadre des COLTI, seront à l'avenir programmées à raison d'une par semestre dans chaque département. Dans les départements à forte activité saisonnière, une opération supplémentaire pourrait être programmées. Des instructions en ce sens seront adressées aux préfets et aux procureurs dans les prochains jours.
Cette plus forte mobilisation des services sera rendue possible par le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, qui sera mis en oeuvre en 2006. C'est un plan ambitieux car complet et sans précédent. Il implique des moyens supplémentaires dans le cadre d'un plan pluriannuel 2006-2010 permettant une mise à niveau avec les autres services d'inspection du travail européen. Pour 2006, les moyens pour atteindre cet objectif ont d'ores et déjà été mis en place : 231 postes d'inspecteurs et de contrôleurs du travail sont ouverts au concours cette année contre 120 en 2003.
Au-delà de l'action des services de l'Etat, je crois aussi indispensable d'accentuer notre coopération avec les partenaires sociaux. L'importance des démarches partenariales me paraît être en effet un des grands enseignements de la période passée, tant je suis persuadé qu'on ne peut pas tout attendre de la seule action répressive, aussi bien ajustée soit-elle. Il faut qu'il y ait une communauté d'objectifs avec les partenaires sociaux pour que le combat soit porté par tous les acteurs. De nombreuses initiatives ont déjà vu le jour dans la période récente : convention partenariale dans le déménagement, charte de bonnes pratiques pour la sous-traitance dans le BTP, par exemple.
Il faut les multiplier en passant des accords avec d'autres professions. C'est ainsi qu'une convention nationale est en préparation dans les secteurs du travail temporaire et du gardiennage.
Toutes ces actions doivent aussi être déclinées au plan territorial et donner lieu à des campagnes d'information et de sensibilisation concertées entre professionnels et administrations. Ce sera l'un des points sur lesquels j'insisterai particulièrement dans les instructions que je vais transmettre aux Préfets pour leur demander d'appliquer ce nouveau plan d'action 2006-2007. Ils doivent en discuter avec les partenaires sociaux, au sein des commissions départementales qu'il conviendra de réunir au cours de ce trimestre, et qui sont bien l'enceinte appropriée pour élaborer ces stratégies.
Le deuxième objectif est le renforcement de la lutte contre la non-déclaration. C'est la fraude la plus banale, mais aussi la plus répandue. Là aussi, il faut combiner répression, dissuasion et prévention. Le renforcement des sanctions administratives nous offrira à ce titre de nouveaux outils. L'ACOSS en fait un des ses objectifs prioritaires qui sera mis en exergue dans la future convention d'objectifs et de gestion en cours d'élaboration entre l'Etat et l'institution. Vous y reviendrez, Monsieur le Directeur Général, tout à l'heure.
En troisième lieu, vous retrouverez l'une des priorités du plan précédent : la lutte contre les fraudes transnationales.
Assurer la régularité du détachement, sur notre territoire, de salariés par des prestataires de services étrangers est une exigence fondamentale. Les règles de notre droit du travail doivent être respectées pour éviter le « dumping social ». J'y suis particulièrement vigilant. Et c'est pour cela que nous avons clarifié les règles sur le détachement dans la loi du 2 août dernier relative aux PME.
Nous devons encore intensifier notre action. Pour y parvenir, il nous faut développer l'information, la coopération avec les Etats partenaires - vous en trouverez un bilan dans votre dossier-, mais aussi mieux contrôler, en soutenant les efforts des services chargés du contrôle, en les dotant des outils méthodologiques et des formations adaptées.
Le quatrième objectif vise à développer les bonnes pratiques en matière de sous-traitance. Les dérives parfois constatées favorisent le travail dissimulé, l'emploi d'étrangers sans titre, le marchandage et le prêt illicite de main d'?uvre. Le recours à des cascades de sous-traitance provoque l'intervention d'entreprises ou d'établissements de moins en moins structurées, et dont la surface financière est de plus en plus faible.
Il convient de mieux garantir la régularité de ces pratiques. Dans cette optique, l'effort de prévention est essentiel. Nous y avons veillé dans le BTP en instaurant la charte des bonnes pratiques. Il faut reproduire ce modèle dans d'autres secteurs : agriculture, spectacles, notamment. Là encore, la combinaison prévention-répression, qui consiste notamment à mettre en cause, plus souvent que ce n'est le cas aujourd'hui, la responsabilité solidaire des donneurs d'ordre, doit être utilisée.
Le cinquième objectif a trait à l'emploi d'étrangers sans titre de travail. De véritables filières d'entrée et d'emploi irrégulier sont à l'?uvre sur notre territoire. Cela n'est pas acceptable. Cela l'est d'autant moins qu'il s'agit probablement des violations les plus graves du droit du travail puisque des personnes sont employées dans des conditions mettant en cause leurs droits les plus élémentaires et parfois attentatoires à la dignité humaine.
Nous intensifierons notre combat contre ce type de fraudes, qui était déjà prioritaire dans le plan 2004-2005. Il s'appuiera sur un partenariat renforcé avec les professionnels, sur la mise en ?uvre d'accords de coopération spécifiques pour l'accueil de jeunes professionnels dans les secteurs souffrant d'une pénurie de main d'?uvre, mais aussi sur une plus grande effectivité de la contribution spéciale due à l'ANAEM par les employeurs d'étrangers en situation irrégulière. Cette action, qui sera coordonnée au plan local par les COLTI et s'inscrit dans le respect des compétences propres à chaque corps de contrôle, sera l'objet prioritaire des opérations de contrôle d'envergure qui, je l'ai dit, seront reconduites.
Bien entendu, il n'est pas question de faire de l'inspection du travail une police des étrangers, cette compétence étant déjà donnée à d'autres services de l'Etat. En revanche, l'inspection du travail a naturellement vocation à lutter contre toutes les formes d'exploitation des salariés.
Enfin notre sixième objectif sera de faire respecter les conditions de recours à des statuts spécifiques, souvent à l'origine de dévoiements et de fraudes pour échapper aux règles du salariat. Je veux parler ici des stagiaires, des bénévoles, des intermittents et des amateurs, que certains emploient abusivement, sous ces qualificatifs, sans leur accorder les garanties inhérentes au salariat.
Il convient de clarifier et de préciser les règles régissant l'usage de ces statuts et de renforcer les contrôles. C'est pourquoi une charte de bonnes pratiques sur l'accueil des stagiaires en entreprise est en cours d'élaboration, en lien avec le ministère de l'Éducation Nationale ; elle comportera notamment un dispositif de suivi et d'évaluation. Par ailleurs, des actions de contrôles seront conduites dans les secteurs qui recourent à ces statuts, et un effort particulier sera porté au démantèlement des filières d'accueil de faux stagiaires étrangers.
En juin 2004, j'avais insisté sur la nécessité d'une évaluation régulière et approfondie. Je m'y suis employé au cours de nos réunions précédentes. Mais je crois que nous pouvons encore progresser. Voilà pourquoi j'ai souhaité, et c'est une nouveauté, que ce plan soit assorti d'indicateurs de suivi.
Ainsi, pour chacun de ses objectifs, la DILTI, en lien ses partenaires institutionnels, élaborera les indicateurs de résultats et de mesure de l'action des services, qui permettront de suivre les résultats obtenus.
De même, tout comme pour le Plan 2004-2005, je m'engage à ce que notre commission se réunisse régulièrement pour faire le point sur la mise en ?uvre des orientations du nouveau plan.
Tels sont les axes du plan national de lutte contre le travail illégal que je vous propose pour 2006 et 2007.
La lutte contre le travail illégal, sous toutes ses formes, répond à une évidente exigence économique et sociale. Elle est aussi l'un des éléments essentiels de l'ordre public social. Elle reste une tâche de grande ampleur, dont la réussite dépend de la mobilisation de tous les acteurs. C'est la volonté du gouvernement. Ma détermination est totale ; je compte sur la vôtre.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 1 février 2006