Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires Economiques,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le forum mondial de l'eau qui s'est tenu à Mexico, il y a moins de deux mois, nous a rappelé que la mauvaise qualité de l'eau est la première cause de mortalité au monde.
Nous le savons : une personne sur cinq n'a pas accès à l'eau potable, et une personne sur trois à l'assainissement.
Dans un contexte de changement climatique et de croissance démographique, l'eau est un enjeu planétaire essentiel dont dépendent les équilibres écologiques, économiques et sociaux.
Ce constat peut sembler éloigné de notre problématique française. Nous avons en effet la chance de disposer d'un important réseau hydrographique qui a modelé notre territoire, et d'une ressource globalement abondante.
Mais cette disponibilité à notre robinet ne doit pas être banalisée. Elle ne doit pas nous faire oublier l'investissement humain et financier réalisé pour que nous disposions tous les jours d'une eau potable d'excellente qualité.
C'est un privilège qui doit nous inviter encore davantage à assurer la qualité de l'eau dans le milieu naturel, et ainsi garantir que demain tous les usages de l'eau pourront être satisfaits.
Ce choix d'une gestion de l'eau concertée, durable et équitable pour une reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, c'est celui du projet de loi qui est soumis à votre examen.
C'est pour moi un grand honneur et une grande satisfaction de vous présenter aujourd'hui cette loi, que je sais très attendue.
Elle a fait l'objet d'une très large concertation. De nombreux acteurs du monde de l'eau mais aussi directement le grand public ont pu ainsi contribuer à son élaboration.
Je veux saluer ici le travail de mes prédécesseurs Roselyne BACHELOT et Serge LEPELTIER, ainsi que celui du Sénat qui a amélioré le projet du Gouvernement.
Ma responsabilité, notre responsabilité aujourd'hui est de mener à bien ce projet de réforme de la politique de l'eau.
Avant de vous en présenter les principaux enjeux, permettez-moi de remercier chaleureusement Patrick OLLIER, Président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et des territoires, André FLAJOLET, rapporteur au fond, pour son implication personnelle et l'importance du travail qu'il a accompli depuis des mois, sans oublier Philippe ROUAULT, rapporteur pour avis.
Pourquoi réformer notre législation dans le domaine de l'eau ?
Cette loi a pour but d'adapter nos outils pour atteindre les objectifs fixés collectivement dans le cadre de la politique européenne de l'eau.
Il ne s'agit pas de vivre ces engagements auxquels nous avons librement souscrit comme une contrainte, mais de les assumer pleinement comme une chance pour un environnement plus sain.
Nous le savons tous, la France est comptable devant la Commission européenne de leur bonne réalisation.
A ce propos, je tiens à souligner que le nombre de contentieux européens en matière d'eau a été réduit de moitié en un an.
Ceci doit nous encourager à faire porter nos efforts sur les affaires en cours, certaines d'entre elles exposant la France à des sanctions financières lourdes à brève échéance.
C'est le cas par exemple en matière d'assainissement avec un retard de 8 ans dans la réalisation de la directive « eaux résiduaires urbaines ».
C'est aussi un risque très fort en Bretagne s'agissant du respect de la norme de 50 milligrammes par litre en nitrates dans les eaux destinées à la production d'eau potable.
Parmi les objectifs européens que nous nous sommes engagés à réaliser, la directive cadre sur l'eau de 2000 tient une place particulière.
Elle lie intimement préservation du milieu et satisfaction des usages, et fixe des objectifs très ambitieux, à savoir :
parvenir d'ici 2015 au bon état des eaux ;
réduire, voire supprimer, les rejets de substances dangereuses ;
faire participer le public à l'élaboration et au suivi des politiques ;
récupérer les coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.
Cette directive rejoint et complète l'approche développée au niveau national par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, qui avait érigé l'eau en tant que patrimoine commun de la Nation, et fait le lien entre milieu et usages.
Face à ces enjeux, et malgré le dispositif mis en place par les lois sur l'eau ou la pêche de 1964, 1984 et 1992, la situation en France n'est pas satisfaisante à plusieurs égards.
Pour ma part, je retiens trois points :
Premièrement, la qualité de l'eau et des milieux aquatiques est insuffisante.
Elle n'atteint pas encore le niveau requis par la directive cadre du fait des pollutions ponctuelles et surtout diffuses. Ceci compromet la préservation des ressources destinées à la production d'eau potable.
Pour illustrer cette situation, rappelons que les bilans de l'Institut français de l'environnement font apparaître une contamination généralisée des eaux par les pesticides.
Leur présence est détectée dans 80% des stations de mesure en rivière et dans 57% de celles-ci en eau souterraine. Autre exemple, la moitié du territoire national est classée « zones vulnérables », ce qui signifie que la concentration des eaux en nitrates y est supérieure à 40 mg/l ou que des phénomènes d'eutrophisation sont constatés.
L'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles et des eaux côtières.
Ces dernières reçoivent in fine les pollutions de l'ensemble des bassins versants générant des phénomènes tels que des marées d'algues vertes.
L'atteinte du bon état écologique des cours d'eau est également limitée du fait de certains ouvrages faisant obstacle dans le lit des cours d'eau et qui entravent la continuité biologique et la circulation des sédiments.
Deuxième point, la gestion quantitative de la ressource en eau pose également problème.
Tous les efforts de réduction des pollutions perdraient leur sens si parallèlement nous n'étions pas très vigilants à maintenir un débit suffisant dans nos cours d'eau.
La question de la gestion quantitative a été posée avec acuité ces dernières années.
Même si la pluviométrie des deux derniers mois a considérablement amélioré la situation prévisible pour l'été 2006, nous devons rester vigilants et nous inscrire dans une action structurelle pour réduire les écarts entre offre et demande en eau.
Certaines régions connaissent en effet des déséquilibres chroniques entre les besoins et les ressources qui sont préjudiciables aux activités économiques et à l'équilibre écologique des milieux aquatiques.
Troisième et dernier point, s'agissant de notre organisation institutionnelle, le constat est celui d'un besoin d'adaptation pour améliorer la gouvernance dans le domaine de l'eau.
Certes, le dispositif des agences de l'eau a permis de dégager les moyens nécessaires pour améliorer les réseaux d'eau et d'assainissement et le traitement des rejets urbains et industriels. Mais, les services publics d'eau et d'assainissement doivent faire face à des responsabilités importantes qu'ils ont des difficultés à assumer, notamment en matière de développement et de bon fonctionnement des dispositifs d'assainissement non collectif ou de maîtrise des eaux de ruissellement.
Les pollutions diffuses ou la protection des milieux aquatiques doivent être davantage prises en compte.
Face à ces défis multiples, l'encadrement insuffisant des redevances des agences de l'eau au regard des exigences constitutionnelles, limite leurs possibilités d'évolution et d'adaptation aux nouveaux défis à surmonter.
De même, l'organisation institutionnelle de la pêche en eau douce date d'une soixantaine d'années et n'est plus adaptée aux besoins des pêcheurs.
Notre dispositif s'est bâti par couches successives depuis l'après-guerre : création du conseil supérieur de la pêche et des fédérations de pêche en 1941, création des agences de l'eau en 1964, et reconnaissance des établissements publics territoriaux de bassin en 2003.
Le dispositif a atteint au fil du temps une complexité excessive et manque de lisibilité.
S'il a été bien adapté pour répondre à des enjeux ponctuels avec des responsabilités bien identifiables, il montre ses limites dès lors qu'il faut s'attaquer à des enjeux plus diffus comme les pollutions par les engrais et les produits phytosanitaires, ou la qualité défaillante de l'assainissement non collectif.
Le projet de loi qui vous est soumis vient donc parachever le travail entrepris depuis l'été 2002 en matière de réforme de la politique de l'eau, qui porte tant sur les outils réglementaires que sur les aspects institutionnels ou financiers : prévention des risques d'inondation, création des offices de l'eau d'Outre-Mer, transposition juridique de la directive-cadre sur l'eau, protection des captages, coopération internationale, protection des zones humides, lutte contre l'érosion des sols etc..
Il constitue le texte central de la politique française de l'eau et en conforte les grands principes. Ainsi, le bassin versant est réaffirmé comme le périmètre privilégié pour la définition des objectifs de gestion durable et la mise en oeuvre des mesures destinées à les atteindre.
De même, l'association des usagers de l'eau ou de leurs représentants à la définition et au suivi de la politique de l'eau est amplifiée.
Le principe que leur contribution financière par le biais de redevances soit affectée exclusivement à la politique de l'eau est renforcé.
Ce projet de loi s'organise ainsi autour de trois grands axes :
améliorer la gouvernance dans le domaine de l'eau ;
renforcer nos outils pour assurer la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;
faciliter et rendre plus transparente la gestion des services d'eau et d'assainissement, particulièrement pour l'assainissement non collectif.
En matière de gouvernance, le projet de loi a pour ambition de réformer l'ensemble du système pour plus de lisibilité.
Il traite ainsi des moyens financiers, en appuyant les redevances des agences de l'eau sur des bases juridiques plus sûres, dans le sens d'une déconcentration encadrée par le Parlement et d'une simplification.
En vertu de l'article 34 de la Constitution, le Parlement a compétence exclusive pour fixer les règles d'assiette des redevances des agences de l'eau et encadrer leurs taux.
En contrepartie, les compétences des comités de bassin sont élargies, ces comités devant donner à l'avenir un avis conforme sur les programmes d'intervention des agences.
Je tiens à préciser, que les redevances des agences inscrites dans le projet de loi correspondent toutes à des prélèvements existants, dont certains ont été transférés au bénéfice des agences. Le seul prélèvement obligatoire nouveau prévu est celui lié au fond de garantie des boues.
Par ailleurs, le conseil supérieur de la pêche est transformé en un office de l'eau et des milieux aquatiques, chargé de renforcer la surveillance des cours d'eau sur le terrain, et de bâtir un pôle national d'étude et d'expertise.
Il mettra également en place un véritable système d'information sur l'eau et les milieux aquatiques ainsi que sur les performances des services publics de l'eau et de l'assainissement, outil indispensable à une évaluation partagée des résultats de notre politique de l'eau.
Il apportera également un appui technique aux services centraux et déconcentrés de l'État ainsi qu'aux agences de l'eau et assurera en tant que de besoin une solidarité entre bassins.
Il ne s'agit donc pas, comme certains semblent le craindre, d'accroître le périmètre du secteur public, mais de mieux utiliser les capacités existantes.
Parallèlement, le projet de loi propose de réformer l'organisation de la pêche.
La gestion durable du patrimoine piscicole et des habitats est d'intérêt général et participe à la gestion équilibrée de la ressource en eau.
Le projet de loi modernise l'organisation de cette activité et en responsabilise les acteurs.
Enfin, pour améliorer la gouvernance en matière de gestion locale et concertée des ressources en eau, le projet de loi assouplit les règles de composition et de fonctionnement des commissions locales de l'eau chargées d'élaborer les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et de suivre leur mise en oeuvre.
Il renforce également la portée juridique de ces schémas, les rendant ainsi plus opérationnels.
En ce qui concerne la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques et la gestion quantitative, le projet de loi retient cinq priorités.
Premièrement la lutte contre les pollutions diffuses.
Comme je l'ai déjà dit, les pollutions diffuses que nous connaissons aujourd'hui sont importantes.
Si nous avons bien identifié certains polluants d'origine essentiellement agricole, pesticides, nitrates et parfois phosphore, nous en sommes probablement au tout début pour de nombreuses autres substances que nous rejetons dans notre environnement et qui se retrouvent dans les eaux.
Il convient donc d'agir de manière efficace et dépassionnée, face à une pollution dont l'origine est systémique.
L'enjeu est de rechercher des modes de production et de fonctionnement de notre économie, qui ne génèrent pas un empoisonnement diffus, présentant des risques pour la santé.
En ce qui concerne l'agriculture, la maîtrise des pollutions diffuses est d'autant plus importante que des débouchés nouveaux se créent en matière de biocarburants ou de chimie verte. Il convient de sortir d'un climat de défiance dans lequel une redevance est considérée soit comme une punition soit comme un droit à polluer.
Nous devons aller de l'avant et considérer la maîtrise de ces pollutions comme un enjeu stratégique de développement avec des résultats tangibles à la clef, seule preuve concrète de nos efforts.
C'est dans cet esprit que le projet de loi propose la mise en place de plans d'actions géographiquement ciblés contre les pollutions diffuses, qui devront contribuer à faire évoluer les pratiques agricoles vers une meilleure prise en compte de l'environnement.
Ces plans pourront bénéficier d'aides et devenir obligatoires dans les secteurs sensibles, tels que les zones d'alimentation des captages, les zones humides d'intérêt particulier ou encore les zones d'érosion diffuse.
Le texte s'attaque à la pollution par les pesticides, dont j'ai évoqué précédemment l'ampleur et dont nous connaissons tous l'enjeu, en matière de santé publique.
Ainsi, il donne les moyens d'assurer la traçabilité des ventes des produits phytosanitaires et des biocides et instaure un contrôle des pulvérisateurs utilisés pour l'application de ces produits. Il permet en outre à certains agents de la police de l'eau d'effectuer des contrôles sur les conditions d'utilisation des produits phytosanitaires. La taxe générale sur les activités polluantes applicable aux produits phytosanitaires est transformée en une redevance au profit des agences de l'eau.
En ce qui concerne l'application aux agriculteurs du principe de réparation exprimé à l'article 4 de la charte de l'environnement, le Gouvernement propose une approche pragmatique et ciblée.
Pour les éleveurs, le principal problème de pollution étant celui des nitrates, le projet de loi propose d'utiliser ce paramètre comme assiette de la contribution, en tant qu'intégrateur de l'ensemble des pollutions dues à cette activité.
Pour les cultures, le principal problème de pollution est sans conteste celui des pesticides.
Ces produits dont certains sont classés comme cancérigènes et toxiques pour la reproduction, sont dangereux pour le milieu naturel, mais également et surtout, pour la santé humaine, les plus exposés étant les applicateurs eux-mêmes.
C'est pourquoi le projet de loi propose d'utiliser cette assiette en instaurant, en remplacement de la Taxe généralisée sur les activités polluantes, payée par les fabricants de ces produits, une redevance versée par les utilisateurs, de façon à les inciter à en utiliser moins.
Cette assiette, ciblée sur le paramètre de pollution le plus grave, est considérée comme représentative de l'ensemble des pollutions par les cultures : nitrate, phosphore.
Elle a donc semblé suffisante pour fonder la contribution de celles-ci au principe de réparation, d'autant plus que le Sénat en a relevé les taux, ce que je tiens à saluer, s'agissant d'un sujet dont les conséquences en matière de santé publique peuvent être très importantes.
Par ailleurs, au-delà du découplage des aides agricoles, je vous rappelle qu'en ce qui concerne les nitrates, la conditionnalité des aides de la PAC, est maintenant pleinement opérationnelle.
Elle peut conduire à refuser jusqu'à 5% des aides à un exploitant, et constitue un outil bien plus incitatif que ne le serait une redevance sur les nitrates. Nous devons sortir des symboles et utiliser avec pragmatisme les outils à notre disposition.
La deuxième priorité est de reconquérir la qualité écologique des cours d'eau.
Les états des lieux qui viennent d'être réalisés, tant en France que dans les autres Etats membres de l'Union européenne, montrent tous que la principale raison de non atteinte du bon état écologique réside dans les modifications apportées par l'homme à la morphologie des cours d'eau : barrages gérés avec un souci insuffisant des effets sur le cours d'eau, entretien mal ou pas réalisé, par exemple.
Le projet de loi prévoit que le débit minimum imposé au droit des ouvrages hydrauliques soit adapté aux besoins écologiques, et que leur mode de gestion permette d'atténuer les effets des éclusées.
Il fixe une date limite pour l'application de ces mesures, le 1er janvier 2014. Cela concerne en particulier la règle du débit réservé du 1/10e du module, introduite dans la loi de 1984 comme un objectif, lequel n'est quasiment jamais atteint sur les ouvrages existants. Il était donc nécessaire de définir une échéance.
Le texte facilite également l'entretien des cours d'eau, tout en promouvant des pratiques qui respectent les milieux aquatiques et permettent d'atteindre le bon état écologique. Il prévoit également plusieurs mesures pour que les continuités écologiques soient assurées tant pour les migrations des espèces que pour les sédiments.
Enfin, il renforce les sanctions applicables aux atteintes aux milieux aquatiques et au braconnage
Ces dispositions du projet de loi telles qu'elles ont été modifiées par le Sénat me paraissent ainsi un bon compromis entre les nécessités de permettre le développement des énergies renouvelables et l'objectif de bon état écologique.
La troisième priorité en matière de qualité des milieux concerne la gestion quantitative de la ressource.
Le texte actuel prévoit plusieurs mesures notamment pour renforcer la gestion collective et permettre l'attribution de quota d'eau, ce qui est bien plus souple pour les utilisateurs et efficace pour la protection du milieu.
L'exemple de la gestion de l'eau en nappe de Beauce où cinq départements ont mis en oeuvre une gestion volumétrique exemplaire doit être suivi.
Plusieurs amendements du Gouvernement ont donc été déposés afin de renforcer la maîtrise de la gestion des prélèvements d'eau, en application du plan de gestion de la rareté de l'eau que j'ai présenté en Conseil des ministres le 26 octobre dernier.
En particulier, je vous proposerai :
que la loi reconnaisse la priorité qui doit être donnée systématiquement à l'alimentation en eau potable ;
que la pose de compteurs individuels dans les logements neufs soit rendue obligatoire ;
et enfin, d'ouvrir la possibilité, pour les collectivités responsables des services d'eau, d'assurer la protection de l'approvisionnement en eau de leurs captages, en créant des zones de sauvegarde quantitatives ;
La quatrième priorité porte sur la protection des milieux marins.
J'ai constaté que le projet de loi prenait insuffisamment en compte ce patrimoine naturel exceptionnel dont dispose la France. Je présenterai donc 4 amendements sur ce sujet.
La directive « eaux de baignade » ayant été promulguée en mars dernier, la loi sur l'eau permettra d'assurer sa transposition législative. L'amendement qui vous sera proposé reprend et prolonge les propositions de l'association nationale des élus du littoral qui avait été introduites dans le texte lors de son examen devant la Haute Assemblée.
Un autre amendement portera sur l'application spécifique de la directive « Natura 2000 » en mer.
Enfin, je présenterai deux amendements visant à renforcer les sanctions pour des actions de dégradation du milieu marin, sanctions pouvant aller jusqu'à la confiscation des bateaux.
La cinquième et dernière priorité en matière de protection des milieux aquatiques porte sur la simplification et le renforcement de la police de l'eau.
Un amendement gouvernemental vous proposera la ratification de l'ordonnance de simplification administrative du 18 juillet 2005.
Celle-ci permet d'unifier les outils issus de la législation sur la pêche et de la législation sur l'eau, de façon à avoir un régime unique en matière de piscicultures, de travaux en rivière ou de vidanges de plans d'eau.
Elle limite également la procédure de « l'autorisation loi eau », procédure lourde et coûteuse, aux ouvrages les plus importants ayant un impact sur les milieux aquatiques.
Les autres opérations seront simplement soumises à déclaration, mais le préfet pourra exercer un droit d'opposition si la préservation de ces milieux n'est pas assurée.
L'action de l'administration pourra ainsi être recentrée sur les ouvrages les plus importants, sans diminuer la protection du milieu aquatique. Les délais d'instruction seront réduits et le nombre de contrôles, gage du respect des prescriptions, sera augmenté.
La mise en oeuvre de cette ordonnance s'accompagne, sur le terrain, de la constitution d'un service unique de police de l'eau, dans chaque département, qui sera achevée d'ici la fin de l'année, répondant à un souhait largement partagé par tous les acteurs de l'eau.
Après la Gouvernance, et la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, le troisième grand axe de ce projet de loi porte sur les services d'eau et d'assainissement.
Le projet de loi a pour ambition de répondre à de nombreuses difficultés que rencontrent les élus gestionnaires de service d'assainissement.
La création d'un fond de garantie pour l'épandage des boues d'épuration, permettra de pérenniser cette filière qui contribue au recyclage des sous produits de l'épuration des eaux, tout en évitant des émissions supplémentaires de CO2.
Je salue le rôle des agriculteurs dans cette filière.
Le projet de loi donne des compétences accrues aux communes en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux.
Sur ce sujet, important en particulier pour les communes rurales, Monsieur le rapporteur nous fera des propositions auxquelles je me rallie volontiers s'agissant de simplifier les dispositifs existants et de rapprocher les services d'assainissement collectif et non collectif.
Le projet de loi donne également des outils nouveaux aux maires pour améliorer la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement et renforcer l'information des usagers par exemple en prévoyant l'obligation de transmission systématique du règlement de service.
Les débats en matière de prix et de qualité des services d'eau et d'assainissement restant vifs comme en témoignent certains articles de presse récents, je vous proposerai dans un amendement gouvernemental de confier au comité national de l'eau qui rassemble des élus, des usagers et des techniciens, une mission d'évaluation et de suivi de la qualité de ces services.
Il s'agit de donner un cadre pertinent pour un débat apaisé et constructif, sans pour cela créer une structure nouvelle.
Néanmoins, améliorer le fonctionnement des services ne saurait être suffisant, si parallèlement un effort n'était fait en matière d'accès à l'eau de nos compatriotes les plus démunis.
Le texte facilite ainsi l'accès à l'eau et à l'assainissement de tous les usagers, y compris les plus démunis, en interdisant les dépôts de garantie et autres cautions qui devront être remboursés. L'encadrement de la part fixe de la facture d'eau décidée par le Sénat va également dans ce sens.
Au-delà de ces mesures, le choix du Gouvernement a été de prendre des mesures ciblées, de façon à s'assurer que la solidarité mise en place le soit bien du riche vers le pauvre, et pas l'inverse, résultat auquel aurait pu conduire par exemple une première tranche d'eau gratuite pour tout le monde.
Ainsi, au travers du dispositif existant pour venir en aide aux impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004 (fond de solidarité logement), et l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale pour les personnes en situation de précarité prévue par le projet de loi « engagement national pour le logement », nous disposerons d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.
La solidarité ne saurait cependant se limiter à l'intérieur de nos frontières, mais doit aussi s'entendre entre citoyens du Nord et du Sud.
C'est pourquoi, je vous proposerai un amendement inscrivant dans les missions prioritaires des agences de l'eau la mise en oeuvre de coopérations décentralisées telles que la possibilité leur en a été donnée par la loi de février 2005, portée par vos collègues Jacques OUDIN et André SANTINI que je salue pour la mise en place de ce dispositif exemplaire.
Celui-ci permet une solidarité financière et technique et peut contribuer à faire valoir à l'étranger le savoir-faire reconnu de la France en matière d'eau.
Pour conclure, je sais que ce projet de loi est parfois assez technique, ce qui peut rendre sa lecture difficile.
Je ne doute pas que les échanges que nous aurons au cours des débats qui vont suivre permettront de répondre aux interrogations qui pourraient subsister. Je voudrais rappeler que la directive cadre nous demande de passer d'une logique de moyen à une logique de résultats.
Il s'agit d'un changement profond, d'un défi auquel je ne doute pas que les acteurs de l'eau sauront répondre.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 15 mai 2006
Monsieur le Président de la Commission des Affaires Economiques,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le forum mondial de l'eau qui s'est tenu à Mexico, il y a moins de deux mois, nous a rappelé que la mauvaise qualité de l'eau est la première cause de mortalité au monde.
Nous le savons : une personne sur cinq n'a pas accès à l'eau potable, et une personne sur trois à l'assainissement.
Dans un contexte de changement climatique et de croissance démographique, l'eau est un enjeu planétaire essentiel dont dépendent les équilibres écologiques, économiques et sociaux.
Ce constat peut sembler éloigné de notre problématique française. Nous avons en effet la chance de disposer d'un important réseau hydrographique qui a modelé notre territoire, et d'une ressource globalement abondante.
Mais cette disponibilité à notre robinet ne doit pas être banalisée. Elle ne doit pas nous faire oublier l'investissement humain et financier réalisé pour que nous disposions tous les jours d'une eau potable d'excellente qualité.
C'est un privilège qui doit nous inviter encore davantage à assurer la qualité de l'eau dans le milieu naturel, et ainsi garantir que demain tous les usages de l'eau pourront être satisfaits.
Ce choix d'une gestion de l'eau concertée, durable et équitable pour une reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, c'est celui du projet de loi qui est soumis à votre examen.
C'est pour moi un grand honneur et une grande satisfaction de vous présenter aujourd'hui cette loi, que je sais très attendue.
Elle a fait l'objet d'une très large concertation. De nombreux acteurs du monde de l'eau mais aussi directement le grand public ont pu ainsi contribuer à son élaboration.
Je veux saluer ici le travail de mes prédécesseurs Roselyne BACHELOT et Serge LEPELTIER, ainsi que celui du Sénat qui a amélioré le projet du Gouvernement.
Ma responsabilité, notre responsabilité aujourd'hui est de mener à bien ce projet de réforme de la politique de l'eau.
Avant de vous en présenter les principaux enjeux, permettez-moi de remercier chaleureusement Patrick OLLIER, Président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et des territoires, André FLAJOLET, rapporteur au fond, pour son implication personnelle et l'importance du travail qu'il a accompli depuis des mois, sans oublier Philippe ROUAULT, rapporteur pour avis.
Pourquoi réformer notre législation dans le domaine de l'eau ?
Cette loi a pour but d'adapter nos outils pour atteindre les objectifs fixés collectivement dans le cadre de la politique européenne de l'eau.
Il ne s'agit pas de vivre ces engagements auxquels nous avons librement souscrit comme une contrainte, mais de les assumer pleinement comme une chance pour un environnement plus sain.
Nous le savons tous, la France est comptable devant la Commission européenne de leur bonne réalisation.
A ce propos, je tiens à souligner que le nombre de contentieux européens en matière d'eau a été réduit de moitié en un an.
Ceci doit nous encourager à faire porter nos efforts sur les affaires en cours, certaines d'entre elles exposant la France à des sanctions financières lourdes à brève échéance.
C'est le cas par exemple en matière d'assainissement avec un retard de 8 ans dans la réalisation de la directive « eaux résiduaires urbaines ».
C'est aussi un risque très fort en Bretagne s'agissant du respect de la norme de 50 milligrammes par litre en nitrates dans les eaux destinées à la production d'eau potable.
Parmi les objectifs européens que nous nous sommes engagés à réaliser, la directive cadre sur l'eau de 2000 tient une place particulière.
Elle lie intimement préservation du milieu et satisfaction des usages, et fixe des objectifs très ambitieux, à savoir :
parvenir d'ici 2015 au bon état des eaux ;
réduire, voire supprimer, les rejets de substances dangereuses ;
faire participer le public à l'élaboration et au suivi des politiques ;
récupérer les coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.
Cette directive rejoint et complète l'approche développée au niveau national par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, qui avait érigé l'eau en tant que patrimoine commun de la Nation, et fait le lien entre milieu et usages.
Face à ces enjeux, et malgré le dispositif mis en place par les lois sur l'eau ou la pêche de 1964, 1984 et 1992, la situation en France n'est pas satisfaisante à plusieurs égards.
Pour ma part, je retiens trois points :
Premièrement, la qualité de l'eau et des milieux aquatiques est insuffisante.
Elle n'atteint pas encore le niveau requis par la directive cadre du fait des pollutions ponctuelles et surtout diffuses. Ceci compromet la préservation des ressources destinées à la production d'eau potable.
Pour illustrer cette situation, rappelons que les bilans de l'Institut français de l'environnement font apparaître une contamination généralisée des eaux par les pesticides.
Leur présence est détectée dans 80% des stations de mesure en rivière et dans 57% de celles-ci en eau souterraine. Autre exemple, la moitié du territoire national est classée « zones vulnérables », ce qui signifie que la concentration des eaux en nitrates y est supérieure à 40 mg/l ou que des phénomènes d'eutrophisation sont constatés.
L'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles et des eaux côtières.
Ces dernières reçoivent in fine les pollutions de l'ensemble des bassins versants générant des phénomènes tels que des marées d'algues vertes.
L'atteinte du bon état écologique des cours d'eau est également limitée du fait de certains ouvrages faisant obstacle dans le lit des cours d'eau et qui entravent la continuité biologique et la circulation des sédiments.
Deuxième point, la gestion quantitative de la ressource en eau pose également problème.
Tous les efforts de réduction des pollutions perdraient leur sens si parallèlement nous n'étions pas très vigilants à maintenir un débit suffisant dans nos cours d'eau.
La question de la gestion quantitative a été posée avec acuité ces dernières années.
Même si la pluviométrie des deux derniers mois a considérablement amélioré la situation prévisible pour l'été 2006, nous devons rester vigilants et nous inscrire dans une action structurelle pour réduire les écarts entre offre et demande en eau.
Certaines régions connaissent en effet des déséquilibres chroniques entre les besoins et les ressources qui sont préjudiciables aux activités économiques et à l'équilibre écologique des milieux aquatiques.
Troisième et dernier point, s'agissant de notre organisation institutionnelle, le constat est celui d'un besoin d'adaptation pour améliorer la gouvernance dans le domaine de l'eau.
Certes, le dispositif des agences de l'eau a permis de dégager les moyens nécessaires pour améliorer les réseaux d'eau et d'assainissement et le traitement des rejets urbains et industriels. Mais, les services publics d'eau et d'assainissement doivent faire face à des responsabilités importantes qu'ils ont des difficultés à assumer, notamment en matière de développement et de bon fonctionnement des dispositifs d'assainissement non collectif ou de maîtrise des eaux de ruissellement.
Les pollutions diffuses ou la protection des milieux aquatiques doivent être davantage prises en compte.
Face à ces défis multiples, l'encadrement insuffisant des redevances des agences de l'eau au regard des exigences constitutionnelles, limite leurs possibilités d'évolution et d'adaptation aux nouveaux défis à surmonter.
De même, l'organisation institutionnelle de la pêche en eau douce date d'une soixantaine d'années et n'est plus adaptée aux besoins des pêcheurs.
Notre dispositif s'est bâti par couches successives depuis l'après-guerre : création du conseil supérieur de la pêche et des fédérations de pêche en 1941, création des agences de l'eau en 1964, et reconnaissance des établissements publics territoriaux de bassin en 2003.
Le dispositif a atteint au fil du temps une complexité excessive et manque de lisibilité.
S'il a été bien adapté pour répondre à des enjeux ponctuels avec des responsabilités bien identifiables, il montre ses limites dès lors qu'il faut s'attaquer à des enjeux plus diffus comme les pollutions par les engrais et les produits phytosanitaires, ou la qualité défaillante de l'assainissement non collectif.
Le projet de loi qui vous est soumis vient donc parachever le travail entrepris depuis l'été 2002 en matière de réforme de la politique de l'eau, qui porte tant sur les outils réglementaires que sur les aspects institutionnels ou financiers : prévention des risques d'inondation, création des offices de l'eau d'Outre-Mer, transposition juridique de la directive-cadre sur l'eau, protection des captages, coopération internationale, protection des zones humides, lutte contre l'érosion des sols etc..
Il constitue le texte central de la politique française de l'eau et en conforte les grands principes. Ainsi, le bassin versant est réaffirmé comme le périmètre privilégié pour la définition des objectifs de gestion durable et la mise en oeuvre des mesures destinées à les atteindre.
De même, l'association des usagers de l'eau ou de leurs représentants à la définition et au suivi de la politique de l'eau est amplifiée.
Le principe que leur contribution financière par le biais de redevances soit affectée exclusivement à la politique de l'eau est renforcé.
Ce projet de loi s'organise ainsi autour de trois grands axes :
améliorer la gouvernance dans le domaine de l'eau ;
renforcer nos outils pour assurer la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;
faciliter et rendre plus transparente la gestion des services d'eau et d'assainissement, particulièrement pour l'assainissement non collectif.
En matière de gouvernance, le projet de loi a pour ambition de réformer l'ensemble du système pour plus de lisibilité.
Il traite ainsi des moyens financiers, en appuyant les redevances des agences de l'eau sur des bases juridiques plus sûres, dans le sens d'une déconcentration encadrée par le Parlement et d'une simplification.
En vertu de l'article 34 de la Constitution, le Parlement a compétence exclusive pour fixer les règles d'assiette des redevances des agences de l'eau et encadrer leurs taux.
En contrepartie, les compétences des comités de bassin sont élargies, ces comités devant donner à l'avenir un avis conforme sur les programmes d'intervention des agences.
Je tiens à préciser, que les redevances des agences inscrites dans le projet de loi correspondent toutes à des prélèvements existants, dont certains ont été transférés au bénéfice des agences. Le seul prélèvement obligatoire nouveau prévu est celui lié au fond de garantie des boues.
Par ailleurs, le conseil supérieur de la pêche est transformé en un office de l'eau et des milieux aquatiques, chargé de renforcer la surveillance des cours d'eau sur le terrain, et de bâtir un pôle national d'étude et d'expertise.
Il mettra également en place un véritable système d'information sur l'eau et les milieux aquatiques ainsi que sur les performances des services publics de l'eau et de l'assainissement, outil indispensable à une évaluation partagée des résultats de notre politique de l'eau.
Il apportera également un appui technique aux services centraux et déconcentrés de l'État ainsi qu'aux agences de l'eau et assurera en tant que de besoin une solidarité entre bassins.
Il ne s'agit donc pas, comme certains semblent le craindre, d'accroître le périmètre du secteur public, mais de mieux utiliser les capacités existantes.
Parallèlement, le projet de loi propose de réformer l'organisation de la pêche.
La gestion durable du patrimoine piscicole et des habitats est d'intérêt général et participe à la gestion équilibrée de la ressource en eau.
Le projet de loi modernise l'organisation de cette activité et en responsabilise les acteurs.
Enfin, pour améliorer la gouvernance en matière de gestion locale et concertée des ressources en eau, le projet de loi assouplit les règles de composition et de fonctionnement des commissions locales de l'eau chargées d'élaborer les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et de suivre leur mise en oeuvre.
Il renforce également la portée juridique de ces schémas, les rendant ainsi plus opérationnels.
En ce qui concerne la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques et la gestion quantitative, le projet de loi retient cinq priorités.
Premièrement la lutte contre les pollutions diffuses.
Comme je l'ai déjà dit, les pollutions diffuses que nous connaissons aujourd'hui sont importantes.
Si nous avons bien identifié certains polluants d'origine essentiellement agricole, pesticides, nitrates et parfois phosphore, nous en sommes probablement au tout début pour de nombreuses autres substances que nous rejetons dans notre environnement et qui se retrouvent dans les eaux.
Il convient donc d'agir de manière efficace et dépassionnée, face à une pollution dont l'origine est systémique.
L'enjeu est de rechercher des modes de production et de fonctionnement de notre économie, qui ne génèrent pas un empoisonnement diffus, présentant des risques pour la santé.
En ce qui concerne l'agriculture, la maîtrise des pollutions diffuses est d'autant plus importante que des débouchés nouveaux se créent en matière de biocarburants ou de chimie verte. Il convient de sortir d'un climat de défiance dans lequel une redevance est considérée soit comme une punition soit comme un droit à polluer.
Nous devons aller de l'avant et considérer la maîtrise de ces pollutions comme un enjeu stratégique de développement avec des résultats tangibles à la clef, seule preuve concrète de nos efforts.
C'est dans cet esprit que le projet de loi propose la mise en place de plans d'actions géographiquement ciblés contre les pollutions diffuses, qui devront contribuer à faire évoluer les pratiques agricoles vers une meilleure prise en compte de l'environnement.
Ces plans pourront bénéficier d'aides et devenir obligatoires dans les secteurs sensibles, tels que les zones d'alimentation des captages, les zones humides d'intérêt particulier ou encore les zones d'érosion diffuse.
Le texte s'attaque à la pollution par les pesticides, dont j'ai évoqué précédemment l'ampleur et dont nous connaissons tous l'enjeu, en matière de santé publique.
Ainsi, il donne les moyens d'assurer la traçabilité des ventes des produits phytosanitaires et des biocides et instaure un contrôle des pulvérisateurs utilisés pour l'application de ces produits. Il permet en outre à certains agents de la police de l'eau d'effectuer des contrôles sur les conditions d'utilisation des produits phytosanitaires. La taxe générale sur les activités polluantes applicable aux produits phytosanitaires est transformée en une redevance au profit des agences de l'eau.
En ce qui concerne l'application aux agriculteurs du principe de réparation exprimé à l'article 4 de la charte de l'environnement, le Gouvernement propose une approche pragmatique et ciblée.
Pour les éleveurs, le principal problème de pollution étant celui des nitrates, le projet de loi propose d'utiliser ce paramètre comme assiette de la contribution, en tant qu'intégrateur de l'ensemble des pollutions dues à cette activité.
Pour les cultures, le principal problème de pollution est sans conteste celui des pesticides.
Ces produits dont certains sont classés comme cancérigènes et toxiques pour la reproduction, sont dangereux pour le milieu naturel, mais également et surtout, pour la santé humaine, les plus exposés étant les applicateurs eux-mêmes.
C'est pourquoi le projet de loi propose d'utiliser cette assiette en instaurant, en remplacement de la Taxe généralisée sur les activités polluantes, payée par les fabricants de ces produits, une redevance versée par les utilisateurs, de façon à les inciter à en utiliser moins.
Cette assiette, ciblée sur le paramètre de pollution le plus grave, est considérée comme représentative de l'ensemble des pollutions par les cultures : nitrate, phosphore.
Elle a donc semblé suffisante pour fonder la contribution de celles-ci au principe de réparation, d'autant plus que le Sénat en a relevé les taux, ce que je tiens à saluer, s'agissant d'un sujet dont les conséquences en matière de santé publique peuvent être très importantes.
Par ailleurs, au-delà du découplage des aides agricoles, je vous rappelle qu'en ce qui concerne les nitrates, la conditionnalité des aides de la PAC, est maintenant pleinement opérationnelle.
Elle peut conduire à refuser jusqu'à 5% des aides à un exploitant, et constitue un outil bien plus incitatif que ne le serait une redevance sur les nitrates. Nous devons sortir des symboles et utiliser avec pragmatisme les outils à notre disposition.
La deuxième priorité est de reconquérir la qualité écologique des cours d'eau.
Les états des lieux qui viennent d'être réalisés, tant en France que dans les autres Etats membres de l'Union européenne, montrent tous que la principale raison de non atteinte du bon état écologique réside dans les modifications apportées par l'homme à la morphologie des cours d'eau : barrages gérés avec un souci insuffisant des effets sur le cours d'eau, entretien mal ou pas réalisé, par exemple.
Le projet de loi prévoit que le débit minimum imposé au droit des ouvrages hydrauliques soit adapté aux besoins écologiques, et que leur mode de gestion permette d'atténuer les effets des éclusées.
Il fixe une date limite pour l'application de ces mesures, le 1er janvier 2014. Cela concerne en particulier la règle du débit réservé du 1/10e du module, introduite dans la loi de 1984 comme un objectif, lequel n'est quasiment jamais atteint sur les ouvrages existants. Il était donc nécessaire de définir une échéance.
Le texte facilite également l'entretien des cours d'eau, tout en promouvant des pratiques qui respectent les milieux aquatiques et permettent d'atteindre le bon état écologique. Il prévoit également plusieurs mesures pour que les continuités écologiques soient assurées tant pour les migrations des espèces que pour les sédiments.
Enfin, il renforce les sanctions applicables aux atteintes aux milieux aquatiques et au braconnage
Ces dispositions du projet de loi telles qu'elles ont été modifiées par le Sénat me paraissent ainsi un bon compromis entre les nécessités de permettre le développement des énergies renouvelables et l'objectif de bon état écologique.
La troisième priorité en matière de qualité des milieux concerne la gestion quantitative de la ressource.
Le texte actuel prévoit plusieurs mesures notamment pour renforcer la gestion collective et permettre l'attribution de quota d'eau, ce qui est bien plus souple pour les utilisateurs et efficace pour la protection du milieu.
L'exemple de la gestion de l'eau en nappe de Beauce où cinq départements ont mis en oeuvre une gestion volumétrique exemplaire doit être suivi.
Plusieurs amendements du Gouvernement ont donc été déposés afin de renforcer la maîtrise de la gestion des prélèvements d'eau, en application du plan de gestion de la rareté de l'eau que j'ai présenté en Conseil des ministres le 26 octobre dernier.
En particulier, je vous proposerai :
que la loi reconnaisse la priorité qui doit être donnée systématiquement à l'alimentation en eau potable ;
que la pose de compteurs individuels dans les logements neufs soit rendue obligatoire ;
et enfin, d'ouvrir la possibilité, pour les collectivités responsables des services d'eau, d'assurer la protection de l'approvisionnement en eau de leurs captages, en créant des zones de sauvegarde quantitatives ;
La quatrième priorité porte sur la protection des milieux marins.
J'ai constaté que le projet de loi prenait insuffisamment en compte ce patrimoine naturel exceptionnel dont dispose la France. Je présenterai donc 4 amendements sur ce sujet.
La directive « eaux de baignade » ayant été promulguée en mars dernier, la loi sur l'eau permettra d'assurer sa transposition législative. L'amendement qui vous sera proposé reprend et prolonge les propositions de l'association nationale des élus du littoral qui avait été introduites dans le texte lors de son examen devant la Haute Assemblée.
Un autre amendement portera sur l'application spécifique de la directive « Natura 2000 » en mer.
Enfin, je présenterai deux amendements visant à renforcer les sanctions pour des actions de dégradation du milieu marin, sanctions pouvant aller jusqu'à la confiscation des bateaux.
La cinquième et dernière priorité en matière de protection des milieux aquatiques porte sur la simplification et le renforcement de la police de l'eau.
Un amendement gouvernemental vous proposera la ratification de l'ordonnance de simplification administrative du 18 juillet 2005.
Celle-ci permet d'unifier les outils issus de la législation sur la pêche et de la législation sur l'eau, de façon à avoir un régime unique en matière de piscicultures, de travaux en rivière ou de vidanges de plans d'eau.
Elle limite également la procédure de « l'autorisation loi eau », procédure lourde et coûteuse, aux ouvrages les plus importants ayant un impact sur les milieux aquatiques.
Les autres opérations seront simplement soumises à déclaration, mais le préfet pourra exercer un droit d'opposition si la préservation de ces milieux n'est pas assurée.
L'action de l'administration pourra ainsi être recentrée sur les ouvrages les plus importants, sans diminuer la protection du milieu aquatique. Les délais d'instruction seront réduits et le nombre de contrôles, gage du respect des prescriptions, sera augmenté.
La mise en oeuvre de cette ordonnance s'accompagne, sur le terrain, de la constitution d'un service unique de police de l'eau, dans chaque département, qui sera achevée d'ici la fin de l'année, répondant à un souhait largement partagé par tous les acteurs de l'eau.
Après la Gouvernance, et la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, le troisième grand axe de ce projet de loi porte sur les services d'eau et d'assainissement.
Le projet de loi a pour ambition de répondre à de nombreuses difficultés que rencontrent les élus gestionnaires de service d'assainissement.
La création d'un fond de garantie pour l'épandage des boues d'épuration, permettra de pérenniser cette filière qui contribue au recyclage des sous produits de l'épuration des eaux, tout en évitant des émissions supplémentaires de CO2.
Je salue le rôle des agriculteurs dans cette filière.
Le projet de loi donne des compétences accrues aux communes en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux.
Sur ce sujet, important en particulier pour les communes rurales, Monsieur le rapporteur nous fera des propositions auxquelles je me rallie volontiers s'agissant de simplifier les dispositifs existants et de rapprocher les services d'assainissement collectif et non collectif.
Le projet de loi donne également des outils nouveaux aux maires pour améliorer la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement et renforcer l'information des usagers par exemple en prévoyant l'obligation de transmission systématique du règlement de service.
Les débats en matière de prix et de qualité des services d'eau et d'assainissement restant vifs comme en témoignent certains articles de presse récents, je vous proposerai dans un amendement gouvernemental de confier au comité national de l'eau qui rassemble des élus, des usagers et des techniciens, une mission d'évaluation et de suivi de la qualité de ces services.
Il s'agit de donner un cadre pertinent pour un débat apaisé et constructif, sans pour cela créer une structure nouvelle.
Néanmoins, améliorer le fonctionnement des services ne saurait être suffisant, si parallèlement un effort n'était fait en matière d'accès à l'eau de nos compatriotes les plus démunis.
Le texte facilite ainsi l'accès à l'eau et à l'assainissement de tous les usagers, y compris les plus démunis, en interdisant les dépôts de garantie et autres cautions qui devront être remboursés. L'encadrement de la part fixe de la facture d'eau décidée par le Sénat va également dans ce sens.
Au-delà de ces mesures, le choix du Gouvernement a été de prendre des mesures ciblées, de façon à s'assurer que la solidarité mise en place le soit bien du riche vers le pauvre, et pas l'inverse, résultat auquel aurait pu conduire par exemple une première tranche d'eau gratuite pour tout le monde.
Ainsi, au travers du dispositif existant pour venir en aide aux impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004 (fond de solidarité logement), et l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale pour les personnes en situation de précarité prévue par le projet de loi « engagement national pour le logement », nous disposerons d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.
La solidarité ne saurait cependant se limiter à l'intérieur de nos frontières, mais doit aussi s'entendre entre citoyens du Nord et du Sud.
C'est pourquoi, je vous proposerai un amendement inscrivant dans les missions prioritaires des agences de l'eau la mise en oeuvre de coopérations décentralisées telles que la possibilité leur en a été donnée par la loi de février 2005, portée par vos collègues Jacques OUDIN et André SANTINI que je salue pour la mise en place de ce dispositif exemplaire.
Celui-ci permet une solidarité financière et technique et peut contribuer à faire valoir à l'étranger le savoir-faire reconnu de la France en matière d'eau.
Pour conclure, je sais que ce projet de loi est parfois assez technique, ce qui peut rendre sa lecture difficile.
Je ne doute pas que les échanges que nous aurons au cours des débats qui vont suivre permettront de répondre aux interrogations qui pourraient subsister. Je voudrais rappeler que la directive cadre nous demande de passer d'une logique de moyen à une logique de résultats.
Il s'agit d'un changement profond, d'un défi auquel je ne doute pas que les acteurs de l'eau sauront répondre.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 15 mai 2006