Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités locales, sur l'évolution de la fiscalité des communes touristiques, Royan le 9 juin 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président de l'Association nationale des maires des stations et des communes touristiques,
Monsieur le Président de l'Association nationale des maires des stations de montagne,
Mesdames, Messieurs les élus,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire à quel point je suis heureux d'être parmi vous à Royan pour cette rencontre nationale des communes touristiques, en Charente-Maritime, dans le 3ème département le plus touristique de France, avec une activité qui génère près d'1,3 Mdseuros de chiffre d'affaires et emploie 20.000 salariés en saison estivale.
Je retrouve avec plaisir des élus que je connais bien : Didier BOROTRA, que je rencontre régulièrement en tant qu'éminent porte-parole des communes des stations classées, et à vrai dire également de celles accueillant des casinos ; et Gilbert BLANC-TAILLEUR, qui m'a déjà fait l'honneur de m'inviter en fin d'année dernière lors du congrès annuel de son association.
Je tiens également à saluer ce soir l'ensemble des élus dont les convictions politiques ne sont pas forcément les mêmes, dont les divergences s'expriment dans le respect mutuel, et pour lesquels je m'efforce d'être un ministre délégué aux collectivités territoriales à l'écoute et équitable.
Je ne peux, en revanche, que regretter l'absence de Madame la Présidente du Conseil Régional qui aurait sans doute approuvé mes propos d'aujourd'hui.
Les sujets qui concernent la relation entre l'Etat et les communes touristiques demeurent nombreux et d'actualité, en particulier après la loi tourisme du 14 avril 2006.
Il s'agit bien-sûr d'évoquer avec vous les sujets de fiscalité et de finances locales, thèmes sur lesquels vous débattrez ce matin avec l'éminent Président du Comité des Finances Locales, Gilles CARREZ que je salue.
Au-delà d'un simple bilan en la matière, je sais que vos interrogations sont pressantes, je sais que certaines de vos demandes reviennent chaque année, et je vais m'attacher à y répondre ce matin sans tabou.
Il s'agit également, d'une manière plus générale et plus déterminante, d'engager un débat sur l'avenir de l'économie des communes touristiques. Cela me donnera l'occasion d'affirmer avec vous ma conviction quant au rôle déterminant que doivent retrouver les maires des communes touristiques, à l'aide d'outils modernisés et adaptés.
I. Les problématiques récurrentes qu'il faut définitivement solder
1) Les communes touristiques bénéficient d'avantages financiers et fiscaux non négligeables
A- Des ressources financières spécifiques
Les communes touristiques (au sens du classement de 1994) bénéficient toujours aujourd'hui d'un avantage financier au titre de la DGF.
La loi du 31 décembre 1993 portant réforme de la DGF des communes a procédé à l'intégration des anciennes dotations touristiques ("complémentaires" et "stationnaires") au sein de la dotation forfaitaire. C'est ainsi 4.070 communes touristiques qui bénéficient de ce régime.
Ces anciennes dotations agrégées évoluent donc désormais au rythme de la dotation forfaitaire. Le versement de ces ressources est non seulement garanti, mais augmenté chaque année du taux de croissance de la dotation forfaitaire.
En 2006, cette ressource s'élève à plus de 208 millions d'euros :
- 2.196 communes perçoivent ainsi une ancienne dotation supplémentaire touristique, destinée à tenir compte des charges exceptionnelles résultant de l'accueil saisonnier de populations non-résidentes à titre principal. Elle représente un montant de 196,7 Meuros en 2006 ;
- 1.873 communes perçoivent une ancienne dotation complémentaire touristique, destinée à tenir compte des charges spécifiques supportées par les petites communes qui connaissent une importante fréquentation touristique journalière, pour un montant de 9,59 Meuros en 2006.
Je souhaite également vous rappeler que le mode de calcul de la population DGF s'avère très favorable aux communes touristiques, puisque la population DGF intègre les résidences secondaires.
Comparées aux autres communes, les communes touristiques présentent une très forte proportion de résidences secondaires : 22,36 % contre 4,56 % sur le reste du territoire.
La population DGF intervenant dans le calcul de toutes les dotations, il s'agit donc d'un avantage indéniable pour les communes touristiques.
B - Des produits fiscaux non négligeables
Par ailleurs, je souhaite également vous rappeler que vos communes touristiques bénéficient de recettes fiscales spécifiques non négligeables :
- la taxe de séjour, tout d'abord, dont le produit est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune. Si cette taxe fait l'objet de critiques structurelles, et j'y reviendrai, il n'en reste pas moins qu'en 2004, la taxe de séjour représentait 126 Meuros ;
- la taxe sur les entreprises exploitant des engins de remontées mécaniques, qui génère 34 Meuros de produit en 2004 ;
- le prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos, dont ont bénéficié les stations classées, est de l'ordre de 311 Meuros en 2004.
2) C'est au vu de ces avantages acquis et bien réels que je souhaite avec vous être clair sur les demandes reconventionnelles concernant la DGF de vos communes.
Je sais qu'un certain nombre d'entre vous y sont particulièrement attentifs et ce, au point de revenir chaque année sur le sujet.
C'est avec la même motivation et avec une détermination encore plus grande que je souhaite vous répondre clairement, sans langue de bois.
A- Une majoration significative de la DGF des communes touristiques n'est pas souhaitable
Une des propositions les plus souvent reprises vise concrètement à majorer la DGF en comptant deux habitants par résidence secondaire au sein de la population DGF, au lieu d'un habitant, comme c'est le cas actuellement.
C'est oublier le fait que vos communes sont déjà favorisées dans le calcul de la population DGF au vu du nombre de résidences secondaires sur leur territoire, comme je viens de vous le rappeler.
Il s'agit, surtout, d'une majoration de la population DGF qui pèserait très fortement sur la dotation forfaitaire des communes et réduirait notablement la part dédiée à la péréquation.
Sur la base de la population ayant servi pour la répartition de la DGF 2005, une simulation du coût induit par cette mesure montre qu'elle réduirait de près de 125 Meuros le montant disponible pour la péréquation, soit plus que l'augmentation annuelle de la DSU.
Dans la version élargie de cette proposition, qui prend en compte les communes bénéficiant de la dotation complémentaire touristique, le coût de la mesure serait porté à plus de 133 Meuros.
Le risque reconventionnel serait en outre élevé : étendue à l'ensemble des communes, cette proposition présenterait un coût total de 267 Meuros, soit plus du double de l'augmentation annuelle prévue pour la DSU.
Au total, compte tenu des mécanismes de la DGF, ce seraient naturellement les dotations de péréquation (DSU, DSR, DNP) qui seraient ponctionnées à hauteur des surcoûts liés aux majorations des dotations forfaitaires.
Cette mesure entraînerait des effets de transferts injustifiés aux dépens de communes relativement dépourvues de résidences secondaires.
Au sein des dotations de péréquation, une majoration de 25 % de la population de certaines communes reviendrait à pénaliser mécaniquement les dotations des autres communes.
Je souhaite donc être ferme et clair avec vous : cette proposition ne peut prospérer compte tenu de la nouvelle architecture de la DGF.
B- Les communes de montagne
De même, et je me tourne là vers Gilbert [BLANC-TAILLEUR], je connais bien les propositions annuelles des membres de ton association constituée de 6.200 communes, dont 2.200 touristiques.
Les dernières consistent à exclure, pour le calcul du potentiel financier des communes de montagne, les montants correspondants au « bonus » dont elles bénéficient dans la part superficie de la dotation forfaitaire ou encore de ne retenir que 25 % du montant total de leur dotation forfaitaire.
Ces propositions ne peuvent être retenues pour plusieurs raisons.
D'une part, il est juste que le montant effectivement attribué aux communes de montagne soit bien pris en compte dans le potentiel financier.
Il constitue une ressource garantie pour les communes, comme l'ensemble de la dotation forfaitaire et doit donc être naturellement intégré au potentiel financier, qui reflète la capacité d'une collectivité à mobiliser des ressources perçues de façon régulière.
D'autre part, vous comprendrez facilement que compte tenu du système d'enveloppe fermée auquel obéit la répartition de la DGF, avantager ainsi systématiquement les communes de montagne aboutirait en fait à défavoriser tout aussi systématiquement l'ensemble des autres communes, touristiques ou non.
En revanche, je me permets de vous rappeler que, pour ce qui est de la répartition de dotations de péréquation, ces critères de charges sont bien pris en compte de façon spécifique pour les communes de montagne.
Pour résumer ma position quant à ces demandes catégorielles adressées chaque année au Ministère de l'Intérieur, je pense que :
- ces dotations seraient contraires au principe de simplification des dotations de l'Etat, consistant à supprimer les concours particuliers, qui a présidé à la réforme de 2004 ;
- elles vont en outre à l'encontre des recommandations du CFL qui rappelle que la DGF n'a pas vocation à soutenir une politique particulière ;
- à mon sens, la fonction économique et sociale de premier plan qu'exercent de nombreuses communes touristiques gagnerait, en revanche, à être soutenue par d'autres outils, tels que la relance du Fonds d'Intervention Touristique ou la voie fiscale.
II. Une politique économique ambitieuse pour demain
1) Au-delà du montant global de la taxe de séjour, il s'agit de s'interroger sur l'opportunité d'une réforme en profondeur de la fiscalité locale touristique
En 2004, 1.879 collectivités ont perçu la taxe de séjour, pour un produit d'environ 100 Meuros. La taxe de séjour forfaitaire s'est élevée, quant à elle, à 38 Meuros au bénéfice de 328 collectivités.
En 2004, 13 départements ont perçu un produit de taxe de séjour additionnelle départementale pour un montant total de 2,5 M euros.
Les critiques adressées à la taxe de séjour portent essentiellement sur l'insuffisance de son rendement, la complexité de son mode de prélèvement et son inadaptation aux formes les plus récentes de villégiature.
Conformément à une mission des Inspections Générales de l'Administration et du Tourisme que nous avons diligentée avec mon collègue Léon Bertrand, il apparaît que les services municipaux se heurtent notamment à des difficultés :
- pour recenser certains types de locations saisonnières (personnes louant une partie de leur habitation) ;
- pour déterminer la capacité d'accueil ou le nombre de nuitées facturées aux vacanciers.
De même, il est délicat, en l'absence de classement, de pouvoir rattacher certaines locations à une catégorie d'hébergement.
Vous le savez, une des pistes de la mission d'expertise auprès des principaux bénéficiaires de la taxe de séjour porte sur un élargissement de l'assiette de la taxe à diverses activités telles que la restauration, les cinémas, le cirque, les musées...
S'il est exact qu'il faudra moderniser cette taxe, un élargissement de l'assiette à diverses activités contribuant à l'économie touristique ne me paraît pas pour l'instant le moyen le plus approprié. Cela reviendrait à faire acquitter aux touristes une nouvelle taxe venant peser sur leur consommation et, de ce fait, sur les activités commerciales et touristiques.
Pour autant, il ne s'agit pas d'abandonner l'idée de cette réforme de la taxe de séjour qui pourrait, par exemple, être utilement intégrée dans la réflexion d'ensemble sur la réforme de la fiscalité locale.
2) Au-delà de l'aspect fiscal du sujet, la loi du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme est une première étape vers une conception plus moderne du rôle essentiel des maires dans l'essor du tourisme
J'ai la conviction que le maire doit être plus que jamais au coeur du dispositif touristique. C'est lui qui est le plus concerné, le plus interpellé, le mieux informé sur le sujet. C'est lui qui est à même de coordonner les différents acteurs du tourisme local, conseiller les commerçants sur leurs jours ouvrés, apprécier les attentes des visiteurs, mettre en valeur le patrimoine culturel de la commune, etc.
Il est donc légitime et nécessaire que le maire soit le pivot d'une politique globale du développement du tourisme. C'est, d'ailleurs, le sens de la réforme des stations classées menée par le Gouvernement.
Pourront désormais être classées stations touristiques les communes qui mettent en oeuvre une politique globale d'accueil, d'information et de promotion touristique tendant à mettre en valeur leurs ressources naturelles et patrimoniales.
C'est bien là reconnaître les compétences multiples dont les collectivités et leurs maires doivent se doter pour parvenir à une offre touristique d'excellence.
D'un point de vue plus pragmatique, cette réforme a permis d'étendre aux nouvelles stations classées :
- d'une part, la majoration des rémunérations des cadres municipaux, au titre du surclassement démographique, s'il s'agit de petites communes ;
- d'autre part, la majoration des indemnités accordées aux maires et adjoints pour leur surcroît de travail lors de la saison haute.
Il s'agit, à mon sens, d'une reconnaissance de la place centrale du maire comme acteur du développement touristique et d'un encouragement à la poursuite de ses efforts.
En 2005, et malgré les exemples de chiffres que j'ai cités dans mes propos introductifs, l'année touristique n'a pas forcément été à la hauteur de vos espérances : stable, à défaut d'être bonne.
Cette stabilité, c'est celle de nos ressources géographiques, historiques et culturelles, qui font du tourisme un véritable enjeu de développement économique pour notre pays.
Au-delà de cet acquis, je sais toute l'énergie que vous consacrez au développement touristique de vos territoires.
Je souhaite, en tout cas, que notre rencontre d'aujourd'hui soit le signe d'un renforcement de la collaboration renforcée entre le Ministre délégué aux collectivités territoriales, le Ministre du Tourisme, et l'ensemble des collectivités que vous représentez.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 13 juin 2006