Texte intégral
Je suis heureux car cette convention, je l'ai souhaitée plus que toute autre. Trop longtemps, l'Outre-mer n'a fait l'objet que d'une simple annexe au programme politique national - quand « le programme commun de gouvernement de la Gauche » ne l'évoquait pas dans son chapitre sur « les relations extérieures »... Plus ou moins concerté, ce « mini programme » était conçu entre experts, réels ou autoproclamés, et faisait figure, disons les choses clairement, d'exercice imposé... Je souhaite rompre avec cette méthode.
Pour ma part, je veux que le projet pour l'Outre-mer soit une pièce maîtresse du projet pour la France de demain. Non pas simplement pour des raisons symboliques mais parce qu'il n'y a pas « deux France » : on est ou on n'est pas dans la République !
Notre projet pour l'Outre-mer doit être le fruit d'une dynamique, d'un travail de long terme, sérieux et éloigné de toutes considérations clientélistes. C'est la raison pour laquelle, après m'être rendu dans tous les départements d'Outre-mer, j'ai souhaité que toutes les collectivités d'Outre-mer nous fassent part de leurs idées et que l'on organise une convention spécifique sur le sujet. C'est cette convention qui nous réunit tous aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement les organisateurs de cette convention, Michel Diefenbacher et Marie-Dominique Aeschlimann. Je tiens aussi à saluer mes collègues François Baroin et Léon Bertrand qui ont activement participé à cette journée entièrement consacrée à l'Outre-mer.
Pour autant, notre programme ne peut être la simple juxtaposition des propositions de chaque territoire. Même si aborder l'Outre-mer dans un discours global est forcément réducteur, je vais essayer de vous livrer ma vision des principaux enjeux d'aujourd'hui et de demain pour ces territoires dans l'ensemble français.
Je suis d'abord frappé par la méconnaissance des réalités de l'Outre-mer chez bon nombre de nos concitoyens et, ce qui est plus grave, chez beaucoup de nos responsables politiques de haut rang. Les clichés ont la vie dure et il est temps de porter une autre image de l'Outre-mer.
Car - enfin !- l'Outre-mer c'est la France de plain-pied dans la mondialisation ! La Réunion, dans l'Océan indien, est aux portes de l'Afrique et aux confins de la péninsule indienne. La Guadeloupe, Saint-Barthélémy, Saint-Martin et la Martinique relient, dans l'Arc antillais, les deux Amériques. La Guyane est en Amazonie alors que les îles de Saint-Pierre et Miquelon sont tournées vers le Canada ; la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie française, dans l'Océan Pacifique, sont à proximité de l'Asie et de l'Australie. Ce sont les seuls territoires européens dans la zone ! Les Terres australes et antarctiques françaises couvrent, quant à elles, d'immenses zones aux confins du monde habité.
Si la France, 46ème pays par sa superficie, est la deuxième puissance maritime du monde par l'étendue de sa zone économique exclusive, qui fait 11 millions de km carrés, c'est grâce aux territoires d'Outre-mer !
Mais avant tout cela, il y a les femmes et les hommes d'Outre-mer : 2,5 millions d'entre eux habitent ces territoires alors que près d'un million résident en métropole. Leurs origines, leurs histoires et leurs cultures sont multiples. Quel point commun y a-t-il entre un Amérindien de Guyane, un Saint-pierrais, un Créole, un Wallisien et un Mahorais ? Eh bien, il y en a au moins un : la France !
Nos destins sont liés, notre histoire est commune et le désir de « vouloir vivre ensemble » est réel. L'appartenance des quatre DOM, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Nouvelle-Calédonie à la France est plus ancienne que celle de la Savoie ou des Alpes-Maritimes ! Le tribut payé par les Français d'Outre-Mer lors des grands conflits a été lourd et des hommes remarquables, comme Félix Eboué, se sont illustrés.
Notre communauté de destin est donc ancienne et on peut se réjouir que, depuis la révision constitutionnelle de 2003, les collectivités françaises d'Outre-Mer soient nommées, une par une, dans la Constitution. Cet ancrage à la République est une chance pour l'Outre-mer mais j'aimerais que nos compatriotes de métropole comprennent que c'est aussi une chance pour la France ! Si la France peut, d'une certaine manière, prétendre à un discours universaliste, c'est qu'elle n'est pas enfermée dans son hexagone. De fait, la France des trois océans est présente partout dans le monde et s'est enrichie au fil des siècles de la diversité de ses populations.
Nous savons que l'Outre-mer est associé, dans l'imaginaire collectif, à des destinations de vacances ou à des sportifs de haut niveau. Pourquoi pas...c'est une facette de la réalité ! Mais l'Outre-mer c'est bien d'autres choses dont nous pourrions prendre exemple!
C'est une certaine « modernité institutionnelle » avec un apprentissage très abouti de décentralisation des pouvoirs, notamment dans les collectivités à statuts particuliers.
L'Outre-mer c'est aussi une certaine « modernité sociale ». Le multiculturalisme originel a conduit à développer des modes de vie et d'acceptation des différences, y compris sur le plan religieux. J'ai, par exemple, été frappé, lors de mon dernier déplacement à la Réunion, de constater que le christianisme, l'islam, l'hindouisme se côtoyaient de façon sereine, en totale cohérence avec les grands principes de la laïcité qui fondent notre République. L'exemple est à méditer...
L'Outre-Mer c'est, enfin, malgré les difficultés évidentes sur lesquelles je reviendrai, une certaine « modernité économique ». Dans la plupart des cas, les économies se caractérisent par un fort taux de création d'entreprise et un taux de croissance globalement supérieur à celui de la métropole. La Réunion a développé une réelle expertise dans le domaine des technologies de la communication, la Nouvelle-Calédonie possède une industrie performante autour du nickel alors que la Guyane abrite le centre spatial de Kourou, si stratégique pour la France et l'Europe.
Pour autant, tout ne va pas bien en Outre-mer. Nous le savons tous ici mais je tenais à rappeler qu'avant d'être un « problème », un « dossier » ou une « charge budgétaire », l'Outre-mer est un atout, une fenêtre ouverte sur le monde et, probablement, un potentiel immense pour notre avenir commun.
Mais ne versons pas dans l'angélisme, malgré les efforts fournis par les Français d'Outre-mer et par le Gouvernement actuel, la situation sur le plan économique et social ne peut être qualifiée de satisfaisante. J'ai pu personnellement mesurer à quel point les attentes sont fortes notamment dans les domaines qui touchent à la vie quotidienne.
Quelle est la situation ?
Même si le chômage a globalement décru en Outre-mer durant les dernières années, le taux de chômage reste souvent deux à trois fois supérieur à celui de métropole : 25 % à Mayotte, 26 % en Guyane, 31% à La Réunion! Globalement, pour l'ensemble des territoires d'Outre-Mer, le PIB/habitant est très nettement inférieur à celui de la métropole même si la situation est contrastée d'un territoire à l'autre.
J'ai pu observer, lors de mes déplacements Outre-mer, à quel point le tissu social était parfois distendu. Le niveau de violence est élevé, les conflits sociaux sont nombreux et la question raciale demeure trop souvent structurante dans les rapports sociaux. Elle peut être à l'origine de conflits ou non mais elle est, en tout état de cause, rarement neutre.
Cette situation est objectivement peu satisfaisante et des réponses doivent être apportées. Elles doivent être concrètes et ciblées sur les préoccupations réelles de nos concitoyens. Ce qu'il faut éviter, c'est exactement ce que fait le Parti socialiste, c'est-à-dire une litanie de mesures - près d'une centaine m'a-t-on dit ! Je crois sincèrement que le temps des promesses qui se limitent à préconiser le quadruplement de tel ou tel fonds est révolu...Ce n'est pas de cela que l'Outre-mer a besoin ! Il faut être sérieux : la démagogie est une forme d'irrespect vis-à-vis de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, je pense qu'il faut afficher des idées simples et s'y tenir. Pour moi, la philosophie de notre programme est claire :
. Il faut reconnaître et mettre en valeur la spécificité et la diversité de l'Outre-mer français. Cela implique notamment d'admettre qu'il subsiste un décalage inacceptable avec la métropole sur plusieurs plans et que cette réalité objective justifie une approche en termes de « discrimination positive territoriale ». Cette approche doit se démarquer nettement d'une culture de l'assistanat.
. Il faut construire un projet qui prenne prioritairement en compte les questions de sécurité et de développement économique et sortir des éternels débats institutionnels. Ces débats ont, de fait, souvent eu pour effet de masquer les vrais problèmes de nos compatriotes d'Outre-mer dans leur quotidien.
. En matière de développement économique, il faut faire des choix plus clairs et plus courageux en concentrant les efforts sur les secteurs réellement porteurs. Il faut susciter bien davantage l'ouverture à l'environnement régional et lever au maximum les contraintes de toutes sortes pesant encore sur les entreprises afin de créer les conditions d'un développement économique endogène, c'est-à-dire un développement qui serve réellement les populations locales.
Cette approche paraît d'autant plus impérative que le contexte international évolue vers plus de libéralisme et que l'élargissement récent de l'Union européenne à des pays émergents affaiblit la position relative de l'Outre-mer dans la construction européenne. Dans ce contexte, auquel s'ajoutent les contraintes budgétaires nationales, le volume des aides directes est, de toute façon, destiné à se réduire. Il faut donc accompagner cette tendance par une approche plus responsable du développement de l'Outre-mer.
Au fond, pour moi, il y a quatre priorités :
1) Garantir la sécurité car c'est la condition première de l'exercice des libertés, y compris celle d'entreprendre
2) Créer les conditions d'un véritable développement local et d'un emploi durable qui donne de vraies perspectives à notre jeunesse d'Outre-mer
3) Développer une solidarité qui ne se confonde pas avec de l'assistanat et qui soit au service de l'égalité des chances
4) Conforter les identités et les cultures diverses au sein d'une République unie
I - Garantir la sécurité dans un Etat de droit, condition première de l'exercice des libertés
En matière de sécurité, il ne faut pas se le cacher, la situation demeure difficile en Outre-mer. Il faut donc redoubler de vigueur, tant en matière de sécurité publique et de lutte contre l'immigration clandestine que de sécurité routière et de sécurité civile.
Certes, beaucoup de progrès ont été réalisés dans le domaine de la sécurité publique, ces dernières années, grâce à une politique de fermeté et d'action tous azimuts. Partout les moyens humains et matériels ont été renforcés. Des technologies nouvelles ont été déployées, comme les radars à Mayotte. De nouvelles structures de coordination opérationnelle ont été mises en place comme, par exemple, aux Antilles avec la création de la plate-forme interministérielle de lutte contre les stupéfiants. Enfin, la loi, lorsqu'elle n'était pas adaptée au contexte local, a été modifiée ; c'était l'objet du volet spécifique à l'Outre-mer de la loi relative à l'immigration et à l'intégration récemment votée. Les résultats sont déjà mesurables. Sur les douze derniers mois, la délinquance de voie publique a baissé de 4,67% sur l'ensemble de l'Outre-mer.
Doit-on, pour autant, s'en satisfaire ? Non, car nous n'avons fait qu'une partie du chemin et je sais que les difficultés restent immenses pour beaucoup de nos compatriotes d'Outre-mer. Le taux de délinquance demeure élevé et, en matière de sécurité, l'isolement physique accroît le sentiment de vulnérabilité.
Des phénomènes massifs d'immigration clandestine déstabilisent certaines sociétés qui ne sont pas armées pour intégrer ces migrants issus de pays frontaliers souvent très pauvres. Je pense à Mayotte, à la Guyane mais aussi à la Guadeloupe.
L'insécurité générée par tous ces facteurs a un coût social et économique élevé. Nous savons, notamment aux Antilles, que la montée de l'insécurité et sa persistance à un niveau soutenu ont été à l'origine du renoncement de certains investisseurs et de la perte de marchés, particulièrement dans le domaine touristique.
Au total, l'insécurité est donc encore durement ressentie en Outre-mer. Il ne faut pas sous-estimer ce phénomène comme a pu le faire la Gauche, en son temps, en s'abritant derrière un simple « sentiment d'insécurité ». C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin !
Il faut renforcer la lutte contre le narcotrafic et l'immigration clandestine, notamment dans les Départements français d'Amérique et à Mayotte, par la mise en place de moyens aéronavals et de détection supplémentaires. Il est fondamental, en parallèle, de développer notre capacité de renseignement en structurant davantage nos liens avec les alliés et surtout avec les pays proches et à risque.
De même, il est nécessaire de renforcer la coopération civilo-militaire sur les missions de sécurité qui, en Outre-mer, s'apparentent, dans bien des cas, à la préservation de la souveraineté nationale. Les Armées, qui s'investissent déjà dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, doivent contribuer davantage aux missions de sécurisation des frontières et aux interventions en milieux spécifiques.
Mais tous ces efforts en matière répressive seront vains sans une politique articulée autour de trois axes complémentaires.
Le premier est celui de l'amélioration quantitative et qualitative de la prise en charge carcérale des délinquants. Partout en Outre-mer, nos prisons sont saturées avec des taux d'occupation moyens qui varient entre 130 et 150 %... Songez que, dans certains territoires, des délinquants condamnés à des peines de prison ferme pouvant aller jusqu'à 9 mois ne purgent pas leurs peines ! Il faut donc augmenter, en urgence, la capacité de nos prisons en commençant par les territoires dotés d'un seul établissement car les mesures de gestion de la population carcérale sont, dans ces cas, très difficiles à mettre en oeuvre. Cela doit aller de pair avec de sérieux effort en matière de suivi des détenus et l'amélioration de la prise en charge des remis en liberté car très peu de structures existent en la matière...
Le deuxième axe consiste à approfondir la lutte contre les filières de trafics et contre le travail clandestin qui alimente souvent l'immigration irrégulière. C'est la raison pour laquelle j'ai créé, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, des Groupes d'Intervention Régionaux (GIR) permanents en Outre-mer, comme en Guyane, il y a quinze jours. Ce travail doit être poursuivi et amplifié sans faiblesse car il ne faut pas s'arrêter à la surface des choses.
Le troisième axe est celui du renforcement substantiel de notre politique de co-développement vis-à-vis des Etats pauvres qui sont voisins de nos territoires. Sans réductions des écarts de richesse, nos territoires continueront à exercer une très forte attractivité vis-à-vis des pays les plus en difficulté. C'est le cas de Mayotte à quelques kilomètres des Comores, de la Guyane qui jouxte le Surinam ou de la Guadeloupe proche de Haïti...
Pour ce qui est de la sécurité routière, il est temps de faire preuve de davantage de rigueur en commençant par des choses simples comme le port du casque. Il n'est pas normal que l'insécurité routière continue à croître en outre-mer alors que la tendance est inverse en métropole ! Il faut donc renforcer les dotations de radars automatiques - surtout mobiles - et assurer systématiquement les moyens d'une immobilisation réelle des véhicules par la création de fourrières départementales ou de moyens de destruction appropriés. Il est inacceptable que l'on se tue plus en outre mer qu'en métropole. Aucune « spécificité » ne peut justifier cette situation !
En matière de sécurité civile, les efforts à fournir sont substantiels. Les territoires ultra marins sont plus exposés aux risques naturels majeurs que la métropole. Il faut donc déployer les moyens nécessaires pour apporter une première réponse immédiate en cas de catastrophe de grande ampleur. Cela implique la création d'une véritable force d'intervention locale avec de réels moyens de projection et le pré-positionnement de stocks de matériels adaptés au volume des victimes potentielles. Parlons clairement : ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous avons là à faire face à un vrai problème d'équité.
Mais il faut aussi, pour les risques quotidiens, mettre à niveau et sécuriser les moyens d'intervention des acteurs courants de la sécurité civile en aidant à la mise à niveau des bâtiments des sapeurs pompiers avec une priorité à la sécurisation des centres opérationnels. Depuis de nombreuses années, un certain nombre de décisions ne sont pas prises en matière d'équipement par les collectivités qui n'en ont parfois pas les moyens et par l'Etat qui n'en a plus la compétence. Je crois que cette impasse a une limite : celle du droit à la sécurité qui est le même pour tous les Français ! Cela veut peut-être dire que le schéma de décentralisation qui a produit des effets plutôt positifs en métropole n'est pas adapté à certaines de nos collectivités d'Outre-mer. Peut-être pourrait-on envisager, pour ces collectivités, de retransférer cette compétence à l'Etat, au niveau du Préfet ?
Je suis convaincu que la sécurité est une priorité pour bon nombre de nos compatriotes d'Outre-mer. Beaucoup souffrent de ne pas pouvoir vivre dans un climat apaisé où leurs enfants n'auraient pas à craindre d'aller à l'école ou de sortir en ville. Je suis ; d'ailleurs ; frappé du fait que les socialistes n'en disent rien... Je crois que, pour être crédible, il faut tout de même avoir le sens de la hiérarchisation des priorités !
II - Créer les conditions d'un véritable développement local et d'un emploi durable
En matière économique, le constat est connu, « appelons un chat, un chat » : les économies ultra marines sont globalement en décalage de développement même si une baisse du chômage de 3% a été enregistrée entre 2004 et 2005.
Ce sont des économies physiquement exclues des marchés métropolitains et européens et qui ne présentent pas une taille critique pour certains types d'activités, en particulier industrielles. Les échanges économiques régionaux demeurent généralement assez modestes dans les faits même si les relations de nature politique, humanitaire et culturelle existent.
Ces économies sont caractérisées par l'importance du secteur public, un niveau de prix élevé en raison de l'éloignement et de l'effet inflationniste du système des « sursalaires ». Elles sont marquées, par ailleurs, par de fortes disparités de richesses. Quelques grands groupes, très structurants économiquement, cohabitent avec une multitude de très petites entreprises, souvent fragiles.
Alors que faire ? Que faire lorsque tant de choses ont été tentées, que tant de dispositifs existent ce qui fait dire à certains que l'Outre-mer « coûte cher ». Comme si l'on se posait la question du coût de la Creuse ou du coût de la Lozère... Ces territoires font partie intégrante de la République, leurs handicaps en matière de développement sont objectivement mesurables. La solidarité la plus élémentaire, non pas celle des mots mais celle des actes, justifie donc une approche en termes de discrimination positive territoriale.
L'enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d'autonomie, une plus grande capacité de développement par elles-même. Je ne crois pas à une accumulation de mesures aux objectifs multiples qui se traduiraient par une série d'aides publiques supplémentaires. Je crois, au contraire, qu'avec plus de 80 régimes d'aides publiques, il y a probablement un effort de rationalisation et de simplification à faire.
Je suis convaincu que le problème des économies d'Outre-mer ne se pose pas en termes de « rattrapage » par rapport à un prétendu modèle métropolitain ou européen. Je pense qu'il faut que chaque économie trouve sa voie propre et que ces économies peuvent même prétendre à l'excellence.
Je crois qu'il faut, par conséquent, concentrer nos efforts dans deux grandes directions : lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesse et structurer les filières à enjeux. Cela peut se traduire de plusieurs façons.
Cela signifie d'abord maintenir une politique stable d'incitation fiscale à l'investissement en conservant le principe de la défiscalisation posé par la loi de programme de 2003 et en en simplifiant les procédures. Présenter le défiscalisation Outre-mer comme un ensemble de « niches fiscales » révèle, pour le moins, une méconnaissance de la réalité économique de terrain. La défiscalisation est, en réalité, un outil de développement pour des économies sous capitalisées et spontanément peu attractives pour des investisseurs. Des engagements ont été pris par l'Etat sur 15 ans, ils doivent être respectés. N'oublions jamais que la richesse est créée par le secteur productif et que les investisseurs détestent l'inconstance des politiques publiques. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas corriger les imperfections du système s'il a généré des effets d'aubaine inacceptables. A l'inverse, on peut penser à des outils nouveaux de développement...
C'est dans ce contexte que je propose d'étudier, dans les territoires où l'Etat dispose de la compétence fiscale, la possibilité de créer des « zones franches globales d'activités » couvrant l'intégralité des territoires. Ces zones franches ne concerneraient que les secteurs les plus porteurs et les plus exposés à la concurrence. L'idée que j'ai soumise au débat, lors de mon déplacement aux Antilles, est simple dans son principe : pour que les échanges économiques soient plus équilibrés et qu'ils soient davantage tournés vers les pays proches qui ont, pour la plupart, des coûts de production très nettement inférieurs aux nôtres, il faut agir sur plusieurs leviers dont celui de la fiscalité des entreprises en l'adaptant au contexte local. Ce n'est finalement que l'application, à ces territoires, du principe d'égalité des chances.
Ce qui est en jeu, ce n'est pas « une mesure fiscale de plus », ce qui est en jeu c'est la fondation d'un nouveau projet de développement pour les territoires d'Outre-mer concernés. Ce projet devra d'ailleurs être accompagné d'efforts de structuration des filières.
Les sursalaires de la fonction publique font-ils obstacle au succès d'un tel projet ? Je n'ai, sur ce point, aucun a priori, ni dans un sens, ni dans l'autre. Hérité de l'histoire, ce système a des avantages : le soutien de la consommation, l'émergence d'une classe moyenne et la solidarité familiale. Ce n'est pas rien lorsque le chômage est important ! Mais ce système a aussi des inconvénients : des prix structurellement élevés qui pèsent sur la compétitivité de l'économie locale, une charge pour les finances des collectivités publiques et une faible attractivité des entreprises du secteur marchand. Sur cette question, il n'y aura pas de solution sans consensus et il n'y aura pas de consensus si notre ambition était un alignement du pouvoir d'achat par le bas. Je pense qu'il est important d'accepter ce débat sans tabou et sur la base de données objectives.
Parallèlement, il me semble nécessaire de développer des partenariats économiques régionaux en incitant à l'exportation de services et de savoir-faire. Sans négliger les secteurs traditionnels, comme la banane ou la canne, qui sont très importants pour la préservation des équilibres de nos territoires, je pense que l'avantage comparatif de nos économies locales se situera davantage dans des secteurs comme l'ingénierie de la construction et des travaux publics, les communications, l'eau, l'assainissement ou les énergies renouvelables. Il faut, en particulier, inciter les grandes entreprises nationales et même européennes à davantage utiliser nos territoires français d'Outre-mer comme des « plate-formes logistiques et décisionnelles » pour mieux pénétrer les marchés étrangers environnants.
Dans cette même logique, je suis convaincu qu'il faut faire émerger de façon volontaire, quitte à les aménager, des pôles de compétitivité ultra marins, à l'image du projet réunionnais sur « l'agro-nutrition en milieu tropical » que j'ai accompagné. Cette démarche permettra de concentrer les énergies multiples vers un but commun et de donner confiance à des acteurs économiques qui en ont besoin.
Enfin, lever les obstacles à la création de richesses, c'est aussi structurer le dialogue social dans des territoires qui en ont besoin comme, par exemple, la Guadeloupe ou la Nouvelle Calédonie. Il faut créer, dans ces territoires, des « facilitateurs », sous la forme d'un binôme employeur/syndicaliste, susceptibles d'intervenir à la demande des parties en conflit. Il faudrait aussi, à l'instar de ce qui s'est fait en Martinique, favoriser les formations conjointes des partenaires sociaux au droit du travail et leur permettre d'étudier les bonnes pratiques de résolution des conflits à l'étranger.
III- Développer une solidarité qui ne se confonde pas avec de l'assistanat et qui soit au service de l'égalité des chances
La solidarité est un concept « fourre-tout » que l'on invoque souvent sans en définir précisément les contours. Je crois, qu'aujourd'hui, il est temps de modifier notre conception de la solidarité avec l'Outre-mer. La solidarité ce n'est pas l'achat de la paix sociale à coup de transferts en tous genres. La solidarité c'est assurer les conditions fondamentales du développement humain pour que, de façon autonome et digne, un peuple puisse regarder son avenir en face, debout !
Il faut arrêter le saupoudrage des aides et identifier des priorités fondamentales pour le développement. Concrètement, pour moi, notre devoir de solidarité doit s'exercer dans trois directions : la santé, l'éducation et l'aménagement du cadre de vie.
En matière de santé, les niveaux d'équipement sanitaire sont généralement satisfaisants. Le réseau d'établissements est relativement dense et les plateaux techniques sont plutôt performants. Généralement, d'ailleurs, il y a une forte attractivité des structures françaises dans les régions où elles se situent.
Il existe néanmoins, ponctuellement, des situations très insatisfaisantes en matière d'offre de soins, comme en Guyane ou à Mayotte. Certains indicateurs de santé sont en décalage avec ceux de la métropole. Par exemple, l'espérance de vie à la naissance en Guyane est inférieure d'environ quatre ans à celle de la métropole. Ce n'est pas acceptable sur le territoire de la République !
Les problèmes de santé que l'on rencontre, sans être spécifiques par nature, le sont souvent par leur ampleur ; je pense aux toxicomanies, au SIDA, à l'alcoolisme ou aux troubles psychiatriques... Par ailleurs, certains problèmes particuliers de santé persistent, comme le chikungunya, le paludisme, la dengue, la tuberculose et même la lèpre en Guyane !
Dans ce contexte, il y a, à mon sens, plusieurs priorités.
Il est d'abord impératif de combler les retards d'offre de soins dans les départements très insuffisamment dotés et sujets à de fortes pressions migratoires. Je pense notamment à la Guyane, à Mayotte mais aussi à La Réunion où le nombre de lits pour 10 000 habitants est encore, aujourd'hui, inférieur de moitié au ratio métropolitain !
Il faut, ensuite, développer de façon urgente la capacité et la qualité des structures de prise en charge des toxicomanes et diversifier l'offre d'accueil par des structures spécialisées, les communautés thérapeutiques ou les placements familiaux. En complément, il est urgent de développer la capacité et la qualité des établissements psychiatriques. Au-delà, c'est à une véritable politique de santé mentale qu'il faut s'atteler par la diversification des structures d'accueil mais aussi par un travail sur l'acceptation de la maladie par la société.
Enfin, l'offre médico-sociale pour les personnes âgées et handicapées doit être encouragée afin de favoriser des retours à domicile dans de bonnes conditions. Mettre en place des mesures fiscales incitatives pour la création d'emplois dans le secteur des services à domicile me paraît particulièrement judicieux.
En ce qui concerne l'éducation, on constate que le maillage du réseau éducatif est plutôt satisfaisant, même si bon nombre de bâtiments sont mal adaptés, les communes n'ayant pas les moyens suffisants pour intervenir efficacement.
On note, cependant, des différences de niveaux avec la métropole, notamment au sortir de l'école primaire, et que le phénomène de fuite des cerveaux vers la métropole a tendance à persister dans un contexte où l'enseignement supérieur atteint rarement une taille critique. Ce domaine est crucial car c'est sur le capital humain que se construiront des sociétés plus prospères.
Il faut donc promouvoir des formules « d'école de la deuxième chance » adaptées aux contextes locaux. L'échec scolaire n'est pas une fatalité ; il doit être combattu avec une extrême détermination.
Il est aussi important d'assurer une articulation plus forte entre la formation et l'emploi en accentuant l'effort sur l'enseignement professionnel dans un contexte d'inadéquation de l'offre et de la demande de travail. La formation est trop souvent déconnectée des besoins présents et à venir des territoires. Il est souhaitable que les étudiants soient mobiles et qu'ils aillent se mesurer à d'autres dans un contexte concurrentiel. Il faut donc favoriser l'acquisition, par les étudiants, d'une formation et même d'une première qualification professionnelle dans l'hexagone ou à l'étranger. C'est à ce prix que seront formés les cadres dont l'Outre-mer a besoin.
Parallèlement, il faut développer le rayonnement international des universités d'Outre-mer dans leurs contextes géographiques. Il faut éviter des universités sous-dimensionnées qui ne trouvent pas en elles-mêmes les ressources nécessaires. Cela implique de développer des domaines d'excellence et d'ouvrir davantage le recrutement des professeurs et assistants pour en diversifier les origines et éviter les phénomènes clientélistes préjudiciables à la qualité des enseignements.
La question de la formation de la jeunesse en Outre-mer est, pour moi, une question cruciale sur laquelle il faut être particulièrement offensif. La formation est, par excellence, un investissement de long terme qui est fondamental pour asseoir les bases d'un développement économique et social propre à chaque territoire.
Enfin, la solidarité, c'est aménager un cadre de vie et d'activité propice à un développement harmonieux.
Nous savons que les capacités financières des collectivités locales ont souvent été obérées par un contexte économique et social difficile mais aussi, parfois, disons les choses comme elles sont, par une gestion approximative.
Le résultat c'est que le bâti et les réseaux sont dégradés et inadaptés aux risques naturels. Les possibilités de rénovation sont limitées par le manque de moyens des communes, les surcoûts liés au climat et les contraintes foncières. Il existe, par ailleurs, un phénomène de mitage du territoire par des constructions souvent inachevées et un nombre de constructions illégales important, y compris sur les côtes. Enfin, pour des raisons notamment architecturales, l'animation des centres-villes est souvent difficile.
En matière de transport, les liaisons aériennes avec la métropole sont onéreuses, ce qui représente un frein très concret à la mobilité et aux échanges. Quant aux transports collectifs internes, ils sont notoirement insuffisants, ce qui provoque des phénomènes de congestion du trafic préjudiciables à l'activité économique et à la qualité de la vie.
Face à cette situation, il y a plusieurs axes d'efforts.
Il faut tout d'abord renforcer l'intervention financière de l'Etat en matière de logement social et la pérenniser. La défiscalisation pourrait, à cet égard, être réorientée, en partie, sur le financement du logement social.
Je pense aussi qu'une mobilisation particulière est nécessaire pour la rénovation des centres des agglomérations chef-lieux car je vois mal comment certains territoires pourront réellement décoller, y compris sur le plan touristique, sans avoir une ville-capitale fonctionnelle et attractive !
Dans le même esprit, je pense qu'il faut favoriser une politique ambitieuse de protection des espaces remarquables tout en en prévoyant l'exploitation touristique durable. En matière d'environnement, la France détient un patrimoine exceptionnel grâce à l'Outre-Mer. Nous sommes collectivement comptables de cette richesse et nous devons affirmer, sans ambiguïté, notre volonté de protection dans le cadre d'une stratégie nationale. L'inscription des récifs coralliens de la Nouvelle-Calédonie au patrimoine mondiale de l'UNESCO, la création d'un parc national en Guyane ou le projet de réserve naturelle sur les Terres australes et antarctiques françaises participent de cette volonté. La qualité de l'environnement sera demain, plus encore qu'aujourd'hui, un atout majeur dans un contexte de concurrence croissante avec des destinations touristiques meilleur marché.
Par ailleurs, je suis convaincu que la notion de continuité territoriale est fondamentale à plusieurs titres. C'est à la fois une question économique et sociale. Il en va de la compétitivité de nombreux secteurs économiques comme de la cohésion des familles dispersées. Compte tenu des enjeux et dans un contexte oligopolistique, j'estime que l'Etat est parfaitement légitime à intervenir pour favoriser une baisse des tarifs des transports aériens. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé récemment que l'on s'attaque au problème, de façon concrète, en agissant à la fois sur l'offre et la demande.
Je propose d'abord de modifier les obligations de service public qui pèsent sur les compagnies qui desservent l'Outre-Mer. Cela devrait favoriser un accroissement de l'offre de sièges - et donc une baisse des tarifs - puisque l'organisation de vols charters et l'arrivée d'éventuelles nouvelles compagnies seront facilitées.
La seconde idée que je propose consiste à agir sur la demande de sièges d'avion en révisant les modalités d'application du système des congés bonifiés, sans le remettre en cause, afin de mieux étaler les périodes de départ en congés et donc de favoriser une baisse des tarifs. Ces propositions doivent, bien entendu, faire l'objet d'une concertation.
De même, il me paraît important d'assurer l'accès des ultra marins à l'Internet haut débit à des conditions comparables à celles de la métropole, tant d'un point de vue technique que tarifaire. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi, de la même manière, la TNT ne pourrait pas être déployée en Outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole.
Enfin, il me paraît fondamental que l'Etat, dans le cadre des contrats de projets, soutienne davantage les politiques locales de transports en commun de personnes, notamment lorsqu'il s'agit d'alternatives à la route. Il en va de même du transport des marchandises qui pourrait être assuré bien davantage par voie maritime.
IV- Conforter les identités et les cultures diverses au sein d'une République unie
La question identitaire est toujours importante en Outre-mer, même si elle trouve des modes d'expression divers. Elle peut et doit être distinguée de la question institutionnelle.
Ma conviction, c'est que, dans une démocratie mature, la République peut et doit faire davantage de place aux identités et cultures d'Outre-Mer car, en réalité, elles font partie de nous-même!
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'enseignement des langues et cultures régionales dans leurs territoires d'origine et que je suis même favorable à leur enseignement en métropole lorsque que la demande est suffisamment importante pour justifier un investissement du système éducatif. N'oublions pas que le créole - je devrais dire les créoles - constitue l'ensemble de langues régionales le plus important de France par le nombre de locuteurs...
Nos compatriotes, natifs ou originaires d'Outre-Mer sont sensibles à ces questions. Leur positionnement n'est pas aisé dans la société française. Ils ont souvent un triple sentiment : un sentiment d'éviction, d'amalgame et d'abandon. Sentiment d'éviction lorsqu'ils constatent, malgré leur nombre, leur « invisibilité » dans la sphère publique, politique et médiatique. Sentiment d'amalgame lorsqu'on prétend les associer à une communauté noire d'origine africaine. Sentiment d'abandon, parfois, lorsqu'en métropole depuis longtemps, ils ne se sentent pas tout à fait intégrés mais que, « de retour au pays », ils ne sont plus tout à fait chez eux non plus...Je pense qu'il y a là un vrai sujet qu'il faut aborder sans démagogie mais avec énergie.
Il faut probablement aborder cette question sous deux angles : changer l'image qu'ont certains métropolitains de leurs compatriotes ultra marins mais aussi changer le regard que portent certains ultra marins sur eux même. En d'autres termes, il faut combler le déficit de reconnaissance symbolique des ultra marins. Cela peut prendre plusieurs formes.
Cela peut consister à corriger le déficit d'image de l'Outre-Mer et des ultra marins dans les médias. Le paysage audio-visuel est certainement en partie responsable du fait que l'Outre-Mer soit mal connu et que son image soit souvent caricaturée. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais intégrer dans les missions du CSA celle de la promotion de l'Outre-Mer dans tous ses aspects culturels, historiques et géographiques. Au-delà de la présentation quotidienne de la météo des collectivités d'Outre-Mer qu'il serait déjà bien de réintroduire sur les antennes des grandes chaînes hertziennes, il pourrait s'agir notamment de veiller à la recherche d'un équilibre dans le traitement des sujets d'actualité mais aussi des émissions de fond.
Combler le déficit de reconnaissance, c'est aussi promouvoir davantage, à talent égal, des originaires d'Outre-Mer dans la sphère administrative aux postes d'autorité. C'est ainsi que, comme Ministre de l'intérieur, j'ai déjà nommé, dans le corps préfectoral, plusieurs Hauts fonctionnaires talentueux venant de l'Outre-Mer. C'est la même dynamique qui doit nous animer en politique mais sans démagogie ! Pour les scrutins uninominaux, il faut désigner le candidat qui a le plus de chance de gagner sur son nom et tant mieux si c'est un ultra marin ! Pour les scrutins de liste, notamment aux élections municipales, il faut inscrire en position éligible des Français d'Outre-Mer dans toutes les communes où des communautés significatives habitent.
Combler le déficit de reconnaissance symbolique, c'est, enfin, mettre en lumière les grands hommes et femmes que l'Outre-Mer a donné à la France. C'est la raison pour laquelle j'ai convenu avec le Ministre des Transports, Dominique Perben, de faire aboutir, dès que possible, une procédure de changement de dénomination de l'aéroport de la Martinique pour baptiser ce dernier du nom d'Aimé Césaire. Je crois que c'est justice vis-à-vis du grand poète et de l'homme d'engagements et de paix qu'est Aimé Césaire, même si sa modestie, je le sais, en souffrira.
Mais l'identité, il ne suffit pas de la reconnaître, il faut la faire vivre, lui permettre de s'épanouir ! Je crois que la création d'un lieu consacré à l'Outre-Mer pourrait contribuer à cet épanouissement. L'idée d'une « Maison de l'Outre-Mer » a souvent été évoquée mais n'a jamais été suivie d'effets. Je pense pourtant que, bien conçu, un lieu spécifiquement consacré à l'Outre-Mer pourrait avoir tout son sens. Ce serait un lieu de conservation et de présentation des richesses des différents territoires d'Outre-Mer mais aussi un lieu de rencontre et de sociabilité pour des communautés souvent éparpillées. Ce pourrait être, par la même occasion, un centre d'affaires pour des responsables économiques et politiques qui ne cessent de voyager dans le but de développer leurs territoires.
Enfin, sur un plan plus pratique, je crois qu'il ne faut pas se cacher que nos compatriotes d'Outre-Mer ont à faire face à de nombreuses difficultés en métropole que l'on ne soupçonne même pas. Il peut s'agir de véritables discriminations ou de simples problèmes administratifs liés à la spécificité de leur situation objective, par exemple dans la recherche d'emplois, de logements ou les démarches bancaires. Aussi, pourrait-on imaginer la création, au sein du Ministère de l'Outre-Mer, d'une structure chargée de suivre la question des ultra marins en métropole.
Je serais aussi favorable à la création d'un « Conseil interministériel de l'Outre-Mer », placé sous la présidence du Président de la République, qui permettrait, à intervalles réguliers, de réaliser un bilan de la marche vers l'égalité des chances de nos territoires et compatriotes d'Outre-Mer.
Mesdames, Messieurs, chers amis, je suis convaincu que les différentes identités des territoires de l'Outre-Mer ont, plus que jamais, toute leur place au sein d'une République française forte et cohérente. Si je me suis peu exprimé sur les questions institutionnelles, c'est que je pense qu'il ne s'agit pas, aujourd'hui, d'un sujet de préoccupation central des femmes et des hommes d'Outre-Mer auxquels je m'adresse. Je reste, néanmoins, ouvert au débat.
Ce que je crois, c'est que l'évolution institutionnelle n'est pas une fin en soi ; elle doit avoir une utilité en termes de développement pour les populations concernées. De plus, il faut être clair dans les choix exprimés car l'attachement à la France ne peut souffrir d'ambiguïté ou de double langage. Soit on est dans la République, soit on ne n'y est pas !
Je suis persuadé que nos compatriotes ne sont plus dupes des discours politiques démagogiques qui, jouant de façon caricaturale de la « corde sensible », en finissent par être ridicules, paternalistes ou vides de portée pratique. Pour moi, la plus grande preuve de respect, la plus grande preuve d'attachement sincère, c'est de dire les choses comme elles sont, même lorsque c'est désagréable, et d'agir en conséquence jusqu'à ce que le cours de la réalité soit infléchi dans le sens souhaité. Car en politique, comme en toutes choses, je ne crois pas en la fatalité.
Je veux construire, avec vous, la France d'après, celle que nous laisserons à nos enfants. Je sais que ses bases ne se bâtiront pas sur des renoncements et des petits accommodements. La France du siècle à venir, la « Grande France », celle de métropole et d'outre-Mer, se construira par le travail et dans le respect de la justice. En restant fidèles à nos valeurs fondamentales mais sans être prisonniers de nos schémas anciens de pensée, nous devons trouver ensemble, pour l'Outre-Mer, le chemin de notre destin commun. Source http://www.u-m-p.org, le 13 juillet 2006
Pour ma part, je veux que le projet pour l'Outre-mer soit une pièce maîtresse du projet pour la France de demain. Non pas simplement pour des raisons symboliques mais parce qu'il n'y a pas « deux France » : on est ou on n'est pas dans la République !
Notre projet pour l'Outre-mer doit être le fruit d'une dynamique, d'un travail de long terme, sérieux et éloigné de toutes considérations clientélistes. C'est la raison pour laquelle, après m'être rendu dans tous les départements d'Outre-mer, j'ai souhaité que toutes les collectivités d'Outre-mer nous fassent part de leurs idées et que l'on organise une convention spécifique sur le sujet. C'est cette convention qui nous réunit tous aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement les organisateurs de cette convention, Michel Diefenbacher et Marie-Dominique Aeschlimann. Je tiens aussi à saluer mes collègues François Baroin et Léon Bertrand qui ont activement participé à cette journée entièrement consacrée à l'Outre-mer.
Pour autant, notre programme ne peut être la simple juxtaposition des propositions de chaque territoire. Même si aborder l'Outre-mer dans un discours global est forcément réducteur, je vais essayer de vous livrer ma vision des principaux enjeux d'aujourd'hui et de demain pour ces territoires dans l'ensemble français.
Je suis d'abord frappé par la méconnaissance des réalités de l'Outre-mer chez bon nombre de nos concitoyens et, ce qui est plus grave, chez beaucoup de nos responsables politiques de haut rang. Les clichés ont la vie dure et il est temps de porter une autre image de l'Outre-mer.
Car - enfin !- l'Outre-mer c'est la France de plain-pied dans la mondialisation ! La Réunion, dans l'Océan indien, est aux portes de l'Afrique et aux confins de la péninsule indienne. La Guadeloupe, Saint-Barthélémy, Saint-Martin et la Martinique relient, dans l'Arc antillais, les deux Amériques. La Guyane est en Amazonie alors que les îles de Saint-Pierre et Miquelon sont tournées vers le Canada ; la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie française, dans l'Océan Pacifique, sont à proximité de l'Asie et de l'Australie. Ce sont les seuls territoires européens dans la zone ! Les Terres australes et antarctiques françaises couvrent, quant à elles, d'immenses zones aux confins du monde habité.
Si la France, 46ème pays par sa superficie, est la deuxième puissance maritime du monde par l'étendue de sa zone économique exclusive, qui fait 11 millions de km carrés, c'est grâce aux territoires d'Outre-mer !
Mais avant tout cela, il y a les femmes et les hommes d'Outre-mer : 2,5 millions d'entre eux habitent ces territoires alors que près d'un million résident en métropole. Leurs origines, leurs histoires et leurs cultures sont multiples. Quel point commun y a-t-il entre un Amérindien de Guyane, un Saint-pierrais, un Créole, un Wallisien et un Mahorais ? Eh bien, il y en a au moins un : la France !
Nos destins sont liés, notre histoire est commune et le désir de « vouloir vivre ensemble » est réel. L'appartenance des quatre DOM, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Nouvelle-Calédonie à la France est plus ancienne que celle de la Savoie ou des Alpes-Maritimes ! Le tribut payé par les Français d'Outre-Mer lors des grands conflits a été lourd et des hommes remarquables, comme Félix Eboué, se sont illustrés.
Notre communauté de destin est donc ancienne et on peut se réjouir que, depuis la révision constitutionnelle de 2003, les collectivités françaises d'Outre-Mer soient nommées, une par une, dans la Constitution. Cet ancrage à la République est une chance pour l'Outre-mer mais j'aimerais que nos compatriotes de métropole comprennent que c'est aussi une chance pour la France ! Si la France peut, d'une certaine manière, prétendre à un discours universaliste, c'est qu'elle n'est pas enfermée dans son hexagone. De fait, la France des trois océans est présente partout dans le monde et s'est enrichie au fil des siècles de la diversité de ses populations.
Nous savons que l'Outre-mer est associé, dans l'imaginaire collectif, à des destinations de vacances ou à des sportifs de haut niveau. Pourquoi pas...c'est une facette de la réalité ! Mais l'Outre-mer c'est bien d'autres choses dont nous pourrions prendre exemple!
C'est une certaine « modernité institutionnelle » avec un apprentissage très abouti de décentralisation des pouvoirs, notamment dans les collectivités à statuts particuliers.
L'Outre-mer c'est aussi une certaine « modernité sociale ». Le multiculturalisme originel a conduit à développer des modes de vie et d'acceptation des différences, y compris sur le plan religieux. J'ai, par exemple, été frappé, lors de mon dernier déplacement à la Réunion, de constater que le christianisme, l'islam, l'hindouisme se côtoyaient de façon sereine, en totale cohérence avec les grands principes de la laïcité qui fondent notre République. L'exemple est à méditer...
L'Outre-Mer c'est, enfin, malgré les difficultés évidentes sur lesquelles je reviendrai, une certaine « modernité économique ». Dans la plupart des cas, les économies se caractérisent par un fort taux de création d'entreprise et un taux de croissance globalement supérieur à celui de la métropole. La Réunion a développé une réelle expertise dans le domaine des technologies de la communication, la Nouvelle-Calédonie possède une industrie performante autour du nickel alors que la Guyane abrite le centre spatial de Kourou, si stratégique pour la France et l'Europe.
Pour autant, tout ne va pas bien en Outre-mer. Nous le savons tous ici mais je tenais à rappeler qu'avant d'être un « problème », un « dossier » ou une « charge budgétaire », l'Outre-mer est un atout, une fenêtre ouverte sur le monde et, probablement, un potentiel immense pour notre avenir commun.
Mais ne versons pas dans l'angélisme, malgré les efforts fournis par les Français d'Outre-mer et par le Gouvernement actuel, la situation sur le plan économique et social ne peut être qualifiée de satisfaisante. J'ai pu personnellement mesurer à quel point les attentes sont fortes notamment dans les domaines qui touchent à la vie quotidienne.
Quelle est la situation ?
Même si le chômage a globalement décru en Outre-mer durant les dernières années, le taux de chômage reste souvent deux à trois fois supérieur à celui de métropole : 25 % à Mayotte, 26 % en Guyane, 31% à La Réunion! Globalement, pour l'ensemble des territoires d'Outre-Mer, le PIB/habitant est très nettement inférieur à celui de la métropole même si la situation est contrastée d'un territoire à l'autre.
J'ai pu observer, lors de mes déplacements Outre-mer, à quel point le tissu social était parfois distendu. Le niveau de violence est élevé, les conflits sociaux sont nombreux et la question raciale demeure trop souvent structurante dans les rapports sociaux. Elle peut être à l'origine de conflits ou non mais elle est, en tout état de cause, rarement neutre.
Cette situation est objectivement peu satisfaisante et des réponses doivent être apportées. Elles doivent être concrètes et ciblées sur les préoccupations réelles de nos concitoyens. Ce qu'il faut éviter, c'est exactement ce que fait le Parti socialiste, c'est-à-dire une litanie de mesures - près d'une centaine m'a-t-on dit ! Je crois sincèrement que le temps des promesses qui se limitent à préconiser le quadruplement de tel ou tel fonds est révolu...Ce n'est pas de cela que l'Outre-mer a besoin ! Il faut être sérieux : la démagogie est une forme d'irrespect vis-à-vis de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, je pense qu'il faut afficher des idées simples et s'y tenir. Pour moi, la philosophie de notre programme est claire :
. Il faut reconnaître et mettre en valeur la spécificité et la diversité de l'Outre-mer français. Cela implique notamment d'admettre qu'il subsiste un décalage inacceptable avec la métropole sur plusieurs plans et que cette réalité objective justifie une approche en termes de « discrimination positive territoriale ». Cette approche doit se démarquer nettement d'une culture de l'assistanat.
. Il faut construire un projet qui prenne prioritairement en compte les questions de sécurité et de développement économique et sortir des éternels débats institutionnels. Ces débats ont, de fait, souvent eu pour effet de masquer les vrais problèmes de nos compatriotes d'Outre-mer dans leur quotidien.
. En matière de développement économique, il faut faire des choix plus clairs et plus courageux en concentrant les efforts sur les secteurs réellement porteurs. Il faut susciter bien davantage l'ouverture à l'environnement régional et lever au maximum les contraintes de toutes sortes pesant encore sur les entreprises afin de créer les conditions d'un développement économique endogène, c'est-à-dire un développement qui serve réellement les populations locales.
Cette approche paraît d'autant plus impérative que le contexte international évolue vers plus de libéralisme et que l'élargissement récent de l'Union européenne à des pays émergents affaiblit la position relative de l'Outre-mer dans la construction européenne. Dans ce contexte, auquel s'ajoutent les contraintes budgétaires nationales, le volume des aides directes est, de toute façon, destiné à se réduire. Il faut donc accompagner cette tendance par une approche plus responsable du développement de l'Outre-mer.
Au fond, pour moi, il y a quatre priorités :
1) Garantir la sécurité car c'est la condition première de l'exercice des libertés, y compris celle d'entreprendre
2) Créer les conditions d'un véritable développement local et d'un emploi durable qui donne de vraies perspectives à notre jeunesse d'Outre-mer
3) Développer une solidarité qui ne se confonde pas avec de l'assistanat et qui soit au service de l'égalité des chances
4) Conforter les identités et les cultures diverses au sein d'une République unie
I - Garantir la sécurité dans un Etat de droit, condition première de l'exercice des libertés
En matière de sécurité, il ne faut pas se le cacher, la situation demeure difficile en Outre-mer. Il faut donc redoubler de vigueur, tant en matière de sécurité publique et de lutte contre l'immigration clandestine que de sécurité routière et de sécurité civile.
Certes, beaucoup de progrès ont été réalisés dans le domaine de la sécurité publique, ces dernières années, grâce à une politique de fermeté et d'action tous azimuts. Partout les moyens humains et matériels ont été renforcés. Des technologies nouvelles ont été déployées, comme les radars à Mayotte. De nouvelles structures de coordination opérationnelle ont été mises en place comme, par exemple, aux Antilles avec la création de la plate-forme interministérielle de lutte contre les stupéfiants. Enfin, la loi, lorsqu'elle n'était pas adaptée au contexte local, a été modifiée ; c'était l'objet du volet spécifique à l'Outre-mer de la loi relative à l'immigration et à l'intégration récemment votée. Les résultats sont déjà mesurables. Sur les douze derniers mois, la délinquance de voie publique a baissé de 4,67% sur l'ensemble de l'Outre-mer.
Doit-on, pour autant, s'en satisfaire ? Non, car nous n'avons fait qu'une partie du chemin et je sais que les difficultés restent immenses pour beaucoup de nos compatriotes d'Outre-mer. Le taux de délinquance demeure élevé et, en matière de sécurité, l'isolement physique accroît le sentiment de vulnérabilité.
Des phénomènes massifs d'immigration clandestine déstabilisent certaines sociétés qui ne sont pas armées pour intégrer ces migrants issus de pays frontaliers souvent très pauvres. Je pense à Mayotte, à la Guyane mais aussi à la Guadeloupe.
L'insécurité générée par tous ces facteurs a un coût social et économique élevé. Nous savons, notamment aux Antilles, que la montée de l'insécurité et sa persistance à un niveau soutenu ont été à l'origine du renoncement de certains investisseurs et de la perte de marchés, particulièrement dans le domaine touristique.
Au total, l'insécurité est donc encore durement ressentie en Outre-mer. Il ne faut pas sous-estimer ce phénomène comme a pu le faire la Gauche, en son temps, en s'abritant derrière un simple « sentiment d'insécurité ». C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin !
Il faut renforcer la lutte contre le narcotrafic et l'immigration clandestine, notamment dans les Départements français d'Amérique et à Mayotte, par la mise en place de moyens aéronavals et de détection supplémentaires. Il est fondamental, en parallèle, de développer notre capacité de renseignement en structurant davantage nos liens avec les alliés et surtout avec les pays proches et à risque.
De même, il est nécessaire de renforcer la coopération civilo-militaire sur les missions de sécurité qui, en Outre-mer, s'apparentent, dans bien des cas, à la préservation de la souveraineté nationale. Les Armées, qui s'investissent déjà dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, doivent contribuer davantage aux missions de sécurisation des frontières et aux interventions en milieux spécifiques.
Mais tous ces efforts en matière répressive seront vains sans une politique articulée autour de trois axes complémentaires.
Le premier est celui de l'amélioration quantitative et qualitative de la prise en charge carcérale des délinquants. Partout en Outre-mer, nos prisons sont saturées avec des taux d'occupation moyens qui varient entre 130 et 150 %... Songez que, dans certains territoires, des délinquants condamnés à des peines de prison ferme pouvant aller jusqu'à 9 mois ne purgent pas leurs peines ! Il faut donc augmenter, en urgence, la capacité de nos prisons en commençant par les territoires dotés d'un seul établissement car les mesures de gestion de la population carcérale sont, dans ces cas, très difficiles à mettre en oeuvre. Cela doit aller de pair avec de sérieux effort en matière de suivi des détenus et l'amélioration de la prise en charge des remis en liberté car très peu de structures existent en la matière...
Le deuxième axe consiste à approfondir la lutte contre les filières de trafics et contre le travail clandestin qui alimente souvent l'immigration irrégulière. C'est la raison pour laquelle j'ai créé, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, des Groupes d'Intervention Régionaux (GIR) permanents en Outre-mer, comme en Guyane, il y a quinze jours. Ce travail doit être poursuivi et amplifié sans faiblesse car il ne faut pas s'arrêter à la surface des choses.
Le troisième axe est celui du renforcement substantiel de notre politique de co-développement vis-à-vis des Etats pauvres qui sont voisins de nos territoires. Sans réductions des écarts de richesse, nos territoires continueront à exercer une très forte attractivité vis-à-vis des pays les plus en difficulté. C'est le cas de Mayotte à quelques kilomètres des Comores, de la Guyane qui jouxte le Surinam ou de la Guadeloupe proche de Haïti...
Pour ce qui est de la sécurité routière, il est temps de faire preuve de davantage de rigueur en commençant par des choses simples comme le port du casque. Il n'est pas normal que l'insécurité routière continue à croître en outre-mer alors que la tendance est inverse en métropole ! Il faut donc renforcer les dotations de radars automatiques - surtout mobiles - et assurer systématiquement les moyens d'une immobilisation réelle des véhicules par la création de fourrières départementales ou de moyens de destruction appropriés. Il est inacceptable que l'on se tue plus en outre mer qu'en métropole. Aucune « spécificité » ne peut justifier cette situation !
En matière de sécurité civile, les efforts à fournir sont substantiels. Les territoires ultra marins sont plus exposés aux risques naturels majeurs que la métropole. Il faut donc déployer les moyens nécessaires pour apporter une première réponse immédiate en cas de catastrophe de grande ampleur. Cela implique la création d'une véritable force d'intervention locale avec de réels moyens de projection et le pré-positionnement de stocks de matériels adaptés au volume des victimes potentielles. Parlons clairement : ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous avons là à faire face à un vrai problème d'équité.
Mais il faut aussi, pour les risques quotidiens, mettre à niveau et sécuriser les moyens d'intervention des acteurs courants de la sécurité civile en aidant à la mise à niveau des bâtiments des sapeurs pompiers avec une priorité à la sécurisation des centres opérationnels. Depuis de nombreuses années, un certain nombre de décisions ne sont pas prises en matière d'équipement par les collectivités qui n'en ont parfois pas les moyens et par l'Etat qui n'en a plus la compétence. Je crois que cette impasse a une limite : celle du droit à la sécurité qui est le même pour tous les Français ! Cela veut peut-être dire que le schéma de décentralisation qui a produit des effets plutôt positifs en métropole n'est pas adapté à certaines de nos collectivités d'Outre-mer. Peut-être pourrait-on envisager, pour ces collectivités, de retransférer cette compétence à l'Etat, au niveau du Préfet ?
Je suis convaincu que la sécurité est une priorité pour bon nombre de nos compatriotes d'Outre-mer. Beaucoup souffrent de ne pas pouvoir vivre dans un climat apaisé où leurs enfants n'auraient pas à craindre d'aller à l'école ou de sortir en ville. Je suis ; d'ailleurs ; frappé du fait que les socialistes n'en disent rien... Je crois que, pour être crédible, il faut tout de même avoir le sens de la hiérarchisation des priorités !
II - Créer les conditions d'un véritable développement local et d'un emploi durable
En matière économique, le constat est connu, « appelons un chat, un chat » : les économies ultra marines sont globalement en décalage de développement même si une baisse du chômage de 3% a été enregistrée entre 2004 et 2005.
Ce sont des économies physiquement exclues des marchés métropolitains et européens et qui ne présentent pas une taille critique pour certains types d'activités, en particulier industrielles. Les échanges économiques régionaux demeurent généralement assez modestes dans les faits même si les relations de nature politique, humanitaire et culturelle existent.
Ces économies sont caractérisées par l'importance du secteur public, un niveau de prix élevé en raison de l'éloignement et de l'effet inflationniste du système des « sursalaires ». Elles sont marquées, par ailleurs, par de fortes disparités de richesses. Quelques grands groupes, très structurants économiquement, cohabitent avec une multitude de très petites entreprises, souvent fragiles.
Alors que faire ? Que faire lorsque tant de choses ont été tentées, que tant de dispositifs existent ce qui fait dire à certains que l'Outre-mer « coûte cher ». Comme si l'on se posait la question du coût de la Creuse ou du coût de la Lozère... Ces territoires font partie intégrante de la République, leurs handicaps en matière de développement sont objectivement mesurables. La solidarité la plus élémentaire, non pas celle des mots mais celle des actes, justifie donc une approche en termes de discrimination positive territoriale.
L'enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d'autonomie, une plus grande capacité de développement par elles-même. Je ne crois pas à une accumulation de mesures aux objectifs multiples qui se traduiraient par une série d'aides publiques supplémentaires. Je crois, au contraire, qu'avec plus de 80 régimes d'aides publiques, il y a probablement un effort de rationalisation et de simplification à faire.
Je suis convaincu que le problème des économies d'Outre-mer ne se pose pas en termes de « rattrapage » par rapport à un prétendu modèle métropolitain ou européen. Je pense qu'il faut que chaque économie trouve sa voie propre et que ces économies peuvent même prétendre à l'excellence.
Je crois qu'il faut, par conséquent, concentrer nos efforts dans deux grandes directions : lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesse et structurer les filières à enjeux. Cela peut se traduire de plusieurs façons.
Cela signifie d'abord maintenir une politique stable d'incitation fiscale à l'investissement en conservant le principe de la défiscalisation posé par la loi de programme de 2003 et en en simplifiant les procédures. Présenter le défiscalisation Outre-mer comme un ensemble de « niches fiscales » révèle, pour le moins, une méconnaissance de la réalité économique de terrain. La défiscalisation est, en réalité, un outil de développement pour des économies sous capitalisées et spontanément peu attractives pour des investisseurs. Des engagements ont été pris par l'Etat sur 15 ans, ils doivent être respectés. N'oublions jamais que la richesse est créée par le secteur productif et que les investisseurs détestent l'inconstance des politiques publiques. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas corriger les imperfections du système s'il a généré des effets d'aubaine inacceptables. A l'inverse, on peut penser à des outils nouveaux de développement...
C'est dans ce contexte que je propose d'étudier, dans les territoires où l'Etat dispose de la compétence fiscale, la possibilité de créer des « zones franches globales d'activités » couvrant l'intégralité des territoires. Ces zones franches ne concerneraient que les secteurs les plus porteurs et les plus exposés à la concurrence. L'idée que j'ai soumise au débat, lors de mon déplacement aux Antilles, est simple dans son principe : pour que les échanges économiques soient plus équilibrés et qu'ils soient davantage tournés vers les pays proches qui ont, pour la plupart, des coûts de production très nettement inférieurs aux nôtres, il faut agir sur plusieurs leviers dont celui de la fiscalité des entreprises en l'adaptant au contexte local. Ce n'est finalement que l'application, à ces territoires, du principe d'égalité des chances.
Ce qui est en jeu, ce n'est pas « une mesure fiscale de plus », ce qui est en jeu c'est la fondation d'un nouveau projet de développement pour les territoires d'Outre-mer concernés. Ce projet devra d'ailleurs être accompagné d'efforts de structuration des filières.
Les sursalaires de la fonction publique font-ils obstacle au succès d'un tel projet ? Je n'ai, sur ce point, aucun a priori, ni dans un sens, ni dans l'autre. Hérité de l'histoire, ce système a des avantages : le soutien de la consommation, l'émergence d'une classe moyenne et la solidarité familiale. Ce n'est pas rien lorsque le chômage est important ! Mais ce système a aussi des inconvénients : des prix structurellement élevés qui pèsent sur la compétitivité de l'économie locale, une charge pour les finances des collectivités publiques et une faible attractivité des entreprises du secteur marchand. Sur cette question, il n'y aura pas de solution sans consensus et il n'y aura pas de consensus si notre ambition était un alignement du pouvoir d'achat par le bas. Je pense qu'il est important d'accepter ce débat sans tabou et sur la base de données objectives.
Parallèlement, il me semble nécessaire de développer des partenariats économiques régionaux en incitant à l'exportation de services et de savoir-faire. Sans négliger les secteurs traditionnels, comme la banane ou la canne, qui sont très importants pour la préservation des équilibres de nos territoires, je pense que l'avantage comparatif de nos économies locales se situera davantage dans des secteurs comme l'ingénierie de la construction et des travaux publics, les communications, l'eau, l'assainissement ou les énergies renouvelables. Il faut, en particulier, inciter les grandes entreprises nationales et même européennes à davantage utiliser nos territoires français d'Outre-mer comme des « plate-formes logistiques et décisionnelles » pour mieux pénétrer les marchés étrangers environnants.
Dans cette même logique, je suis convaincu qu'il faut faire émerger de façon volontaire, quitte à les aménager, des pôles de compétitivité ultra marins, à l'image du projet réunionnais sur « l'agro-nutrition en milieu tropical » que j'ai accompagné. Cette démarche permettra de concentrer les énergies multiples vers un but commun et de donner confiance à des acteurs économiques qui en ont besoin.
Enfin, lever les obstacles à la création de richesses, c'est aussi structurer le dialogue social dans des territoires qui en ont besoin comme, par exemple, la Guadeloupe ou la Nouvelle Calédonie. Il faut créer, dans ces territoires, des « facilitateurs », sous la forme d'un binôme employeur/syndicaliste, susceptibles d'intervenir à la demande des parties en conflit. Il faudrait aussi, à l'instar de ce qui s'est fait en Martinique, favoriser les formations conjointes des partenaires sociaux au droit du travail et leur permettre d'étudier les bonnes pratiques de résolution des conflits à l'étranger.
III- Développer une solidarité qui ne se confonde pas avec de l'assistanat et qui soit au service de l'égalité des chances
La solidarité est un concept « fourre-tout » que l'on invoque souvent sans en définir précisément les contours. Je crois, qu'aujourd'hui, il est temps de modifier notre conception de la solidarité avec l'Outre-mer. La solidarité ce n'est pas l'achat de la paix sociale à coup de transferts en tous genres. La solidarité c'est assurer les conditions fondamentales du développement humain pour que, de façon autonome et digne, un peuple puisse regarder son avenir en face, debout !
Il faut arrêter le saupoudrage des aides et identifier des priorités fondamentales pour le développement. Concrètement, pour moi, notre devoir de solidarité doit s'exercer dans trois directions : la santé, l'éducation et l'aménagement du cadre de vie.
En matière de santé, les niveaux d'équipement sanitaire sont généralement satisfaisants. Le réseau d'établissements est relativement dense et les plateaux techniques sont plutôt performants. Généralement, d'ailleurs, il y a une forte attractivité des structures françaises dans les régions où elles se situent.
Il existe néanmoins, ponctuellement, des situations très insatisfaisantes en matière d'offre de soins, comme en Guyane ou à Mayotte. Certains indicateurs de santé sont en décalage avec ceux de la métropole. Par exemple, l'espérance de vie à la naissance en Guyane est inférieure d'environ quatre ans à celle de la métropole. Ce n'est pas acceptable sur le territoire de la République !
Les problèmes de santé que l'on rencontre, sans être spécifiques par nature, le sont souvent par leur ampleur ; je pense aux toxicomanies, au SIDA, à l'alcoolisme ou aux troubles psychiatriques... Par ailleurs, certains problèmes particuliers de santé persistent, comme le chikungunya, le paludisme, la dengue, la tuberculose et même la lèpre en Guyane !
Dans ce contexte, il y a, à mon sens, plusieurs priorités.
Il est d'abord impératif de combler les retards d'offre de soins dans les départements très insuffisamment dotés et sujets à de fortes pressions migratoires. Je pense notamment à la Guyane, à Mayotte mais aussi à La Réunion où le nombre de lits pour 10 000 habitants est encore, aujourd'hui, inférieur de moitié au ratio métropolitain !
Il faut, ensuite, développer de façon urgente la capacité et la qualité des structures de prise en charge des toxicomanes et diversifier l'offre d'accueil par des structures spécialisées, les communautés thérapeutiques ou les placements familiaux. En complément, il est urgent de développer la capacité et la qualité des établissements psychiatriques. Au-delà, c'est à une véritable politique de santé mentale qu'il faut s'atteler par la diversification des structures d'accueil mais aussi par un travail sur l'acceptation de la maladie par la société.
Enfin, l'offre médico-sociale pour les personnes âgées et handicapées doit être encouragée afin de favoriser des retours à domicile dans de bonnes conditions. Mettre en place des mesures fiscales incitatives pour la création d'emplois dans le secteur des services à domicile me paraît particulièrement judicieux.
En ce qui concerne l'éducation, on constate que le maillage du réseau éducatif est plutôt satisfaisant, même si bon nombre de bâtiments sont mal adaptés, les communes n'ayant pas les moyens suffisants pour intervenir efficacement.
On note, cependant, des différences de niveaux avec la métropole, notamment au sortir de l'école primaire, et que le phénomène de fuite des cerveaux vers la métropole a tendance à persister dans un contexte où l'enseignement supérieur atteint rarement une taille critique. Ce domaine est crucial car c'est sur le capital humain que se construiront des sociétés plus prospères.
Il faut donc promouvoir des formules « d'école de la deuxième chance » adaptées aux contextes locaux. L'échec scolaire n'est pas une fatalité ; il doit être combattu avec une extrême détermination.
Il est aussi important d'assurer une articulation plus forte entre la formation et l'emploi en accentuant l'effort sur l'enseignement professionnel dans un contexte d'inadéquation de l'offre et de la demande de travail. La formation est trop souvent déconnectée des besoins présents et à venir des territoires. Il est souhaitable que les étudiants soient mobiles et qu'ils aillent se mesurer à d'autres dans un contexte concurrentiel. Il faut donc favoriser l'acquisition, par les étudiants, d'une formation et même d'une première qualification professionnelle dans l'hexagone ou à l'étranger. C'est à ce prix que seront formés les cadres dont l'Outre-mer a besoin.
Parallèlement, il faut développer le rayonnement international des universités d'Outre-mer dans leurs contextes géographiques. Il faut éviter des universités sous-dimensionnées qui ne trouvent pas en elles-mêmes les ressources nécessaires. Cela implique de développer des domaines d'excellence et d'ouvrir davantage le recrutement des professeurs et assistants pour en diversifier les origines et éviter les phénomènes clientélistes préjudiciables à la qualité des enseignements.
La question de la formation de la jeunesse en Outre-mer est, pour moi, une question cruciale sur laquelle il faut être particulièrement offensif. La formation est, par excellence, un investissement de long terme qui est fondamental pour asseoir les bases d'un développement économique et social propre à chaque territoire.
Enfin, la solidarité, c'est aménager un cadre de vie et d'activité propice à un développement harmonieux.
Nous savons que les capacités financières des collectivités locales ont souvent été obérées par un contexte économique et social difficile mais aussi, parfois, disons les choses comme elles sont, par une gestion approximative.
Le résultat c'est que le bâti et les réseaux sont dégradés et inadaptés aux risques naturels. Les possibilités de rénovation sont limitées par le manque de moyens des communes, les surcoûts liés au climat et les contraintes foncières. Il existe, par ailleurs, un phénomène de mitage du territoire par des constructions souvent inachevées et un nombre de constructions illégales important, y compris sur les côtes. Enfin, pour des raisons notamment architecturales, l'animation des centres-villes est souvent difficile.
En matière de transport, les liaisons aériennes avec la métropole sont onéreuses, ce qui représente un frein très concret à la mobilité et aux échanges. Quant aux transports collectifs internes, ils sont notoirement insuffisants, ce qui provoque des phénomènes de congestion du trafic préjudiciables à l'activité économique et à la qualité de la vie.
Face à cette situation, il y a plusieurs axes d'efforts.
Il faut tout d'abord renforcer l'intervention financière de l'Etat en matière de logement social et la pérenniser. La défiscalisation pourrait, à cet égard, être réorientée, en partie, sur le financement du logement social.
Je pense aussi qu'une mobilisation particulière est nécessaire pour la rénovation des centres des agglomérations chef-lieux car je vois mal comment certains territoires pourront réellement décoller, y compris sur le plan touristique, sans avoir une ville-capitale fonctionnelle et attractive !
Dans le même esprit, je pense qu'il faut favoriser une politique ambitieuse de protection des espaces remarquables tout en en prévoyant l'exploitation touristique durable. En matière d'environnement, la France détient un patrimoine exceptionnel grâce à l'Outre-Mer. Nous sommes collectivement comptables de cette richesse et nous devons affirmer, sans ambiguïté, notre volonté de protection dans le cadre d'une stratégie nationale. L'inscription des récifs coralliens de la Nouvelle-Calédonie au patrimoine mondiale de l'UNESCO, la création d'un parc national en Guyane ou le projet de réserve naturelle sur les Terres australes et antarctiques françaises participent de cette volonté. La qualité de l'environnement sera demain, plus encore qu'aujourd'hui, un atout majeur dans un contexte de concurrence croissante avec des destinations touristiques meilleur marché.
Par ailleurs, je suis convaincu que la notion de continuité territoriale est fondamentale à plusieurs titres. C'est à la fois une question économique et sociale. Il en va de la compétitivité de nombreux secteurs économiques comme de la cohésion des familles dispersées. Compte tenu des enjeux et dans un contexte oligopolistique, j'estime que l'Etat est parfaitement légitime à intervenir pour favoriser une baisse des tarifs des transports aériens. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé récemment que l'on s'attaque au problème, de façon concrète, en agissant à la fois sur l'offre et la demande.
Je propose d'abord de modifier les obligations de service public qui pèsent sur les compagnies qui desservent l'Outre-Mer. Cela devrait favoriser un accroissement de l'offre de sièges - et donc une baisse des tarifs - puisque l'organisation de vols charters et l'arrivée d'éventuelles nouvelles compagnies seront facilitées.
La seconde idée que je propose consiste à agir sur la demande de sièges d'avion en révisant les modalités d'application du système des congés bonifiés, sans le remettre en cause, afin de mieux étaler les périodes de départ en congés et donc de favoriser une baisse des tarifs. Ces propositions doivent, bien entendu, faire l'objet d'une concertation.
De même, il me paraît important d'assurer l'accès des ultra marins à l'Internet haut débit à des conditions comparables à celles de la métropole, tant d'un point de vue technique que tarifaire. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi, de la même manière, la TNT ne pourrait pas être déployée en Outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole.
Enfin, il me paraît fondamental que l'Etat, dans le cadre des contrats de projets, soutienne davantage les politiques locales de transports en commun de personnes, notamment lorsqu'il s'agit d'alternatives à la route. Il en va de même du transport des marchandises qui pourrait être assuré bien davantage par voie maritime.
IV- Conforter les identités et les cultures diverses au sein d'une République unie
La question identitaire est toujours importante en Outre-mer, même si elle trouve des modes d'expression divers. Elle peut et doit être distinguée de la question institutionnelle.
Ma conviction, c'est que, dans une démocratie mature, la République peut et doit faire davantage de place aux identités et cultures d'Outre-Mer car, en réalité, elles font partie de nous-même!
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'enseignement des langues et cultures régionales dans leurs territoires d'origine et que je suis même favorable à leur enseignement en métropole lorsque que la demande est suffisamment importante pour justifier un investissement du système éducatif. N'oublions pas que le créole - je devrais dire les créoles - constitue l'ensemble de langues régionales le plus important de France par le nombre de locuteurs...
Nos compatriotes, natifs ou originaires d'Outre-Mer sont sensibles à ces questions. Leur positionnement n'est pas aisé dans la société française. Ils ont souvent un triple sentiment : un sentiment d'éviction, d'amalgame et d'abandon. Sentiment d'éviction lorsqu'ils constatent, malgré leur nombre, leur « invisibilité » dans la sphère publique, politique et médiatique. Sentiment d'amalgame lorsqu'on prétend les associer à une communauté noire d'origine africaine. Sentiment d'abandon, parfois, lorsqu'en métropole depuis longtemps, ils ne se sentent pas tout à fait intégrés mais que, « de retour au pays », ils ne sont plus tout à fait chez eux non plus...Je pense qu'il y a là un vrai sujet qu'il faut aborder sans démagogie mais avec énergie.
Il faut probablement aborder cette question sous deux angles : changer l'image qu'ont certains métropolitains de leurs compatriotes ultra marins mais aussi changer le regard que portent certains ultra marins sur eux même. En d'autres termes, il faut combler le déficit de reconnaissance symbolique des ultra marins. Cela peut prendre plusieurs formes.
Cela peut consister à corriger le déficit d'image de l'Outre-Mer et des ultra marins dans les médias. Le paysage audio-visuel est certainement en partie responsable du fait que l'Outre-Mer soit mal connu et que son image soit souvent caricaturée. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais intégrer dans les missions du CSA celle de la promotion de l'Outre-Mer dans tous ses aspects culturels, historiques et géographiques. Au-delà de la présentation quotidienne de la météo des collectivités d'Outre-Mer qu'il serait déjà bien de réintroduire sur les antennes des grandes chaînes hertziennes, il pourrait s'agir notamment de veiller à la recherche d'un équilibre dans le traitement des sujets d'actualité mais aussi des émissions de fond.
Combler le déficit de reconnaissance, c'est aussi promouvoir davantage, à talent égal, des originaires d'Outre-Mer dans la sphère administrative aux postes d'autorité. C'est ainsi que, comme Ministre de l'intérieur, j'ai déjà nommé, dans le corps préfectoral, plusieurs Hauts fonctionnaires talentueux venant de l'Outre-Mer. C'est la même dynamique qui doit nous animer en politique mais sans démagogie ! Pour les scrutins uninominaux, il faut désigner le candidat qui a le plus de chance de gagner sur son nom et tant mieux si c'est un ultra marin ! Pour les scrutins de liste, notamment aux élections municipales, il faut inscrire en position éligible des Français d'Outre-Mer dans toutes les communes où des communautés significatives habitent.
Combler le déficit de reconnaissance symbolique, c'est, enfin, mettre en lumière les grands hommes et femmes que l'Outre-Mer a donné à la France. C'est la raison pour laquelle j'ai convenu avec le Ministre des Transports, Dominique Perben, de faire aboutir, dès que possible, une procédure de changement de dénomination de l'aéroport de la Martinique pour baptiser ce dernier du nom d'Aimé Césaire. Je crois que c'est justice vis-à-vis du grand poète et de l'homme d'engagements et de paix qu'est Aimé Césaire, même si sa modestie, je le sais, en souffrira.
Mais l'identité, il ne suffit pas de la reconnaître, il faut la faire vivre, lui permettre de s'épanouir ! Je crois que la création d'un lieu consacré à l'Outre-Mer pourrait contribuer à cet épanouissement. L'idée d'une « Maison de l'Outre-Mer » a souvent été évoquée mais n'a jamais été suivie d'effets. Je pense pourtant que, bien conçu, un lieu spécifiquement consacré à l'Outre-Mer pourrait avoir tout son sens. Ce serait un lieu de conservation et de présentation des richesses des différents territoires d'Outre-Mer mais aussi un lieu de rencontre et de sociabilité pour des communautés souvent éparpillées. Ce pourrait être, par la même occasion, un centre d'affaires pour des responsables économiques et politiques qui ne cessent de voyager dans le but de développer leurs territoires.
Enfin, sur un plan plus pratique, je crois qu'il ne faut pas se cacher que nos compatriotes d'Outre-Mer ont à faire face à de nombreuses difficultés en métropole que l'on ne soupçonne même pas. Il peut s'agir de véritables discriminations ou de simples problèmes administratifs liés à la spécificité de leur situation objective, par exemple dans la recherche d'emplois, de logements ou les démarches bancaires. Aussi, pourrait-on imaginer la création, au sein du Ministère de l'Outre-Mer, d'une structure chargée de suivre la question des ultra marins en métropole.
Je serais aussi favorable à la création d'un « Conseil interministériel de l'Outre-Mer », placé sous la présidence du Président de la République, qui permettrait, à intervalles réguliers, de réaliser un bilan de la marche vers l'égalité des chances de nos territoires et compatriotes d'Outre-Mer.
Mesdames, Messieurs, chers amis, je suis convaincu que les différentes identités des territoires de l'Outre-Mer ont, plus que jamais, toute leur place au sein d'une République française forte et cohérente. Si je me suis peu exprimé sur les questions institutionnelles, c'est que je pense qu'il ne s'agit pas, aujourd'hui, d'un sujet de préoccupation central des femmes et des hommes d'Outre-Mer auxquels je m'adresse. Je reste, néanmoins, ouvert au débat.
Ce que je crois, c'est que l'évolution institutionnelle n'est pas une fin en soi ; elle doit avoir une utilité en termes de développement pour les populations concernées. De plus, il faut être clair dans les choix exprimés car l'attachement à la France ne peut souffrir d'ambiguïté ou de double langage. Soit on est dans la République, soit on ne n'y est pas !
Je suis persuadé que nos compatriotes ne sont plus dupes des discours politiques démagogiques qui, jouant de façon caricaturale de la « corde sensible », en finissent par être ridicules, paternalistes ou vides de portée pratique. Pour moi, la plus grande preuve de respect, la plus grande preuve d'attachement sincère, c'est de dire les choses comme elles sont, même lorsque c'est désagréable, et d'agir en conséquence jusqu'à ce que le cours de la réalité soit infléchi dans le sens souhaité. Car en politique, comme en toutes choses, je ne crois pas en la fatalité.
Je veux construire, avec vous, la France d'après, celle que nous laisserons à nos enfants. Je sais que ses bases ne se bâtiront pas sur des renoncements et des petits accommodements. La France du siècle à venir, la « Grande France », celle de métropole et d'outre-Mer, se construira par le travail et dans le respect de la justice. En restant fidèles à nos valeurs fondamentales mais sans être prisonniers de nos schémas anciens de pensée, nous devons trouver ensemble, pour l'Outre-Mer, le chemin de notre destin commun. Source http://www.u-m-p.org, le 13 juillet 2006