Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, vous avez rencontré votre homologue, M. Gonzales, vous lui avez parlé de Guantanamo, que lui avez-vous dit ?
R - J'étais à Washington pour ouvrir, avec l'Attorney General, le groupe de travail franco-américain sur la lutte contre le terrorisme. C'est la quatrième année qu'il se réunit et nous avons décidé, sur son invitation, d'ouvrir ensemble cette séance de travail. Elle réunit des magistrats de terrain, des magistrats du siège, comme le juge Bruguière, ou des magistrats de terrain comme le chef de section anti-terroriste du Parquet de Paris ou du Parquet général de Paris. A la suite de cela, nous avons effectivement retrouvé l'Attorney General au cours du déjeuner d'aujourd'hui et nous avons, à sa demande, réagi à l'actualité.
Sur Guantanamo, rien ne nous permet de porter des jugements sur un pays souverain comme les Etats-Unis ; nous avons simplement fait part de notre réaction de Français, mais par rapport à, j'allais dire, des critères européens, il m'a écouté et il souhaite en tirer sans doute profit, tout en considérant que c'est le débat qui va s'ouvrir au Congrès qui probablement permettrait une évolution.
Q - Comment avez-vous réagi à l'annonce par le Pentagone d'accorder aux détenus de Guantanamo le statut, le respect, l'application des conventions de Genève ?
R - Je pense que c'est un rappel qui, pour nous Européens, était assez évident et je pense qu'il l'était aussi pour les Américains. En tout cas, ce n'est jamais inutile de le rappeler.
Q - Est-ce que vous pensez qu'il est possible, avec cette nouvelle disposition qui pourrait être adoptée par le Congrès, de conserver ad vitam aeternam des terroristes ou présumés terroristes dans un même lieu sans aucune garantie autre que celle de la Convention de Genève ?
R - Je rappelle que les garanties prévues par les conventions internationales, et en particulier les droits de la défense, doivent être préservées. Quant à la question de savoir si cette guerre peut durer éternellement, j'aime à penser que personne ne l'imagine, et qu'en conséquence, la question trouvera bien une issue politique d'une part, juridique de l'autre.
Q - Dans votre façon de concevoir la guerre contre le terrorisme, qu'est-ce qui vous différencie fondamentalement justement des Américains ?
R - Je pense que d'abord nous avons spécialisé, ce qui est le seul cas au monde, des juges et des magistrats du Parquet. Vous savez qu'aujourd'hui l'ensemble de la juridiction anti-terroriste est complètement spécialisée. C'est donc l'instruction, c'est donc la poursuite, c'est donc l'application des peines ainsi que la juridiction de jugement qui est aussi une juridiction qui est spécialisée, puisqu'il n'y a pas de membres de jury populaire ; ceux qui délibèrent sont des magistrats professionnels. Nous sommes le seul pays à l'avoir fait.
Nous avons aussi comme caractéristique une articulation particulière entre les services secrets d'une part et le Parquet. Et c'est ce qui nous permet d'anticiper. Parce que le problème, c'est que dans les autres pays, le juge arrive après la bataille, puisqu'il juge le criminel. Nous avons ceci de très particulier, puisque nous avons spécialisé des magistrats en amont du crime, en amont de l'acte de terrorisme. Et parce que nous avons spécialisé des juges - des juges spécialisés sur l'islamisme, d'autres sur les Basques, d'autres sur d'autres catégories encore de terrorisme, par exemple les Corses -, nous avons là aujourd'hui des hommes et des femmes extraordinairement spécialisés mais qui anticipent, et c'est parce que nous anticipons que, je le dis avec prudence, nous avons pour le moment sur le territoire français une relative sécurité.
Q - Vous ne voyez donc pas d'inconvénient à ce qu'à Toronto, à Miami, à New-York, on arrête des présumés terroristes alors qu'il n'y a aucun début de mise en pratique de comploter ou de vouloir commettre un attentat, si ce n'est la seule volonté ?
R - Non, on ne peut pas dire ce que vous dites. On n'arrête pas les gens qui n'ont rien fait. Si quelqu'un est en train de préparer un attentat en vue de tuer une personne, c'est à ce moment-là qu'il peut être effectivement arrêté et condamné jusqu'à dix ans. Mais il faut être convaincu d'avoir préparé un crime terroriste pouvant tuer des personnes, pas simplement parce que l'on passait par là et qu'on appartenait à une religion minoritaire dans un pays donné.
Q - Est-ce que l'on vous a demandé de faire des suggestions ? Tout le monde dit qu'il faut fermer Guantanamo mais d'un autre côté personne ne veut prendre les détenus. Est-ce que votre interlocuteur l'Attorney General vous a demandé de faire des suggestions pour fermer Guantanamo ?
R - Sur la pratique, cela ne nous regarde pas. En revanche, sur les principes, il m'a interrogé, nous en avons parlé ensemble dans un grand climat de confiance et d'estime réciproques.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juillet 2006
R - J'étais à Washington pour ouvrir, avec l'Attorney General, le groupe de travail franco-américain sur la lutte contre le terrorisme. C'est la quatrième année qu'il se réunit et nous avons décidé, sur son invitation, d'ouvrir ensemble cette séance de travail. Elle réunit des magistrats de terrain, des magistrats du siège, comme le juge Bruguière, ou des magistrats de terrain comme le chef de section anti-terroriste du Parquet de Paris ou du Parquet général de Paris. A la suite de cela, nous avons effectivement retrouvé l'Attorney General au cours du déjeuner d'aujourd'hui et nous avons, à sa demande, réagi à l'actualité.
Sur Guantanamo, rien ne nous permet de porter des jugements sur un pays souverain comme les Etats-Unis ; nous avons simplement fait part de notre réaction de Français, mais par rapport à, j'allais dire, des critères européens, il m'a écouté et il souhaite en tirer sans doute profit, tout en considérant que c'est le débat qui va s'ouvrir au Congrès qui probablement permettrait une évolution.
Q - Comment avez-vous réagi à l'annonce par le Pentagone d'accorder aux détenus de Guantanamo le statut, le respect, l'application des conventions de Genève ?
R - Je pense que c'est un rappel qui, pour nous Européens, était assez évident et je pense qu'il l'était aussi pour les Américains. En tout cas, ce n'est jamais inutile de le rappeler.
Q - Est-ce que vous pensez qu'il est possible, avec cette nouvelle disposition qui pourrait être adoptée par le Congrès, de conserver ad vitam aeternam des terroristes ou présumés terroristes dans un même lieu sans aucune garantie autre que celle de la Convention de Genève ?
R - Je rappelle que les garanties prévues par les conventions internationales, et en particulier les droits de la défense, doivent être préservées. Quant à la question de savoir si cette guerre peut durer éternellement, j'aime à penser que personne ne l'imagine, et qu'en conséquence, la question trouvera bien une issue politique d'une part, juridique de l'autre.
Q - Dans votre façon de concevoir la guerre contre le terrorisme, qu'est-ce qui vous différencie fondamentalement justement des Américains ?
R - Je pense que d'abord nous avons spécialisé, ce qui est le seul cas au monde, des juges et des magistrats du Parquet. Vous savez qu'aujourd'hui l'ensemble de la juridiction anti-terroriste est complètement spécialisée. C'est donc l'instruction, c'est donc la poursuite, c'est donc l'application des peines ainsi que la juridiction de jugement qui est aussi une juridiction qui est spécialisée, puisqu'il n'y a pas de membres de jury populaire ; ceux qui délibèrent sont des magistrats professionnels. Nous sommes le seul pays à l'avoir fait.
Nous avons aussi comme caractéristique une articulation particulière entre les services secrets d'une part et le Parquet. Et c'est ce qui nous permet d'anticiper. Parce que le problème, c'est que dans les autres pays, le juge arrive après la bataille, puisqu'il juge le criminel. Nous avons ceci de très particulier, puisque nous avons spécialisé des magistrats en amont du crime, en amont de l'acte de terrorisme. Et parce que nous avons spécialisé des juges - des juges spécialisés sur l'islamisme, d'autres sur les Basques, d'autres sur d'autres catégories encore de terrorisme, par exemple les Corses -, nous avons là aujourd'hui des hommes et des femmes extraordinairement spécialisés mais qui anticipent, et c'est parce que nous anticipons que, je le dis avec prudence, nous avons pour le moment sur le territoire français une relative sécurité.
Q - Vous ne voyez donc pas d'inconvénient à ce qu'à Toronto, à Miami, à New-York, on arrête des présumés terroristes alors qu'il n'y a aucun début de mise en pratique de comploter ou de vouloir commettre un attentat, si ce n'est la seule volonté ?
R - Non, on ne peut pas dire ce que vous dites. On n'arrête pas les gens qui n'ont rien fait. Si quelqu'un est en train de préparer un attentat en vue de tuer une personne, c'est à ce moment-là qu'il peut être effectivement arrêté et condamné jusqu'à dix ans. Mais il faut être convaincu d'avoir préparé un crime terroriste pouvant tuer des personnes, pas simplement parce que l'on passait par là et qu'on appartenait à une religion minoritaire dans un pays donné.
Q - Est-ce que l'on vous a demandé de faire des suggestions ? Tout le monde dit qu'il faut fermer Guantanamo mais d'un autre côté personne ne veut prendre les détenus. Est-ce que votre interlocuteur l'Attorney General vous a demandé de faire des suggestions pour fermer Guantanamo ?
R - Sur la pratique, cela ne nous regarde pas. En revanche, sur les principes, il m'a interrogé, nous en avons parlé ensemble dans un grand climat de confiance et d'estime réciproques.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juillet 2006