Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur les financements des micro-entreprises, au stade de leur création et de leur développement et sur les structures d'accompagnement proposées par l'Etat et les collectivités territoriales, Paris, le 12 décembre 2000.

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Circonstance : Clôture de la conférence européenne "Lutter contre l'exclusion par la création de micro-entreprises", à Paris le 12 décembre 2000

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Tout d'abord, vous me permettrez de féliciter les organisateurs d'avoir pris l'initiative de cette conférence car la promotion de la micro entreprise et le soutien à tous les dispositifs capables d'améliorer son environnement sont au cur des missions du Secrétariat d'Etat aux PME. Le micro crédit est évidemment un de ces outils.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui mettent en évidence l'importance des très petites entreprises dans le tissu économique de notre pays et plus largement au sein de l'Union européenne d'aujourd'hui et de demain.
Je sais que Laurent Fabius vous a rappelé tout le prix que le gouvernement français accorde à l'amélioration de l'environnement des micro-entreprises, que ce soit au stade de leur création, ou à celui de leur développement.
Le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie vous a également fait part des six axes d'action qu'il entend privilégier dans les prochains mois pour transformer ce voeu en réalité et en mesures concrètes.
Je ne reviendrai donc pas longuement sur le détail de ce véritable plan d'action en faveur de l'insertion par l'initiative économique qui a été transmis à M. PRODI et à l'ensemble des Ministres des finances de l'Union. Je ne doute pas que ces propositions s'intégreront parfaitement dans la démarche de promotion de l'esprit d'entreprise soutenue par l'ensemble des pays membres
Je suis intimement convaincu, pour avoir participé à l'élaboration de plusieurs de ces propositions et pour être associé de près à leur mise en uvre, que ces mesures permettront de faire avancer les choses.
Je pense, par exemple, au projet de création d'un portail unique d'accueil que nous venons de confier à la Banque du Développement des PME et à la Caisse des Dépôts et Consignations. Concernant ce projet, je suis particulièrement intéressé par le projet Small Business Service dont vous a parlé hier Monsieur Stephen TIMMS, Secrétaire des finances pour les entreprises et pour la croissance économique. Je crois que leur expérience est très proche de ce que nous projetons de faire et que nous aurons tout à gagner à nous en inspirer, si le gouvernement britannique est disposé à nous recevoir pour en discuter, bien entendu. Je ne doute pas qu'il accepte.
Je pense aussi à la lutte contre les trappes à inactivité avec l'allégement des charges sur les plus bas salaires.
Au delà, et pour vous montrer à quel point les choses peuvent aller vite lorsque la prise de conscience et les bonnes volontés sont au rendez-vous, j'aimerais vous faire part des projets qui nous animent au quotidien.
L'environnement juridique, fiscal, social et financier des petites entreprises appelle de nombreuses améliorations, l'une d'entre elles consiste à améliorer l'identification des textes qui les concernent. C'est pourquoi, j'ai proposé à Laurent Fabius et au Premier ministre, qui l'on accepté, de préparer, au cours de l'année prochaine, une Loi d'orientation pour l'artisanat et la petite entreprise à l'image de celle qui existe une pour l'agriculture.
Parmi les différents travaux préparatoires, une mission sera prochainement confiée par le Premier ministre à deux parlementaires qui devraient remettre leurs conclusions au milieu de l'année 2001.
Les consultations seront très ouvertes et je souhaite, à cette occasion, que vous puissiez exprimer la sensibilité qui est la vôtre : celle de l'insertion par l'initiative économique.
Votre expérience, qu'elle provienne de l'intérieur de nos frontières ou de l'extérieur nous sera des plus précieuses pour le travail d'élaboration de ce texte très attendu par l'ensemble des organisations professionnelles et associatives représentatives des petites entreprises.
Concernant le micro-crédit, il est bien évident que je ne peux être que résolument pour son développement. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on est responsable d'un département ministériel à l'origine des Prêts à la Création d'Entreprise.
Ces prêts, créés à l'initiative de l'Etat, je le précise pour tous nos amis des pays voisins et plus lointains, sont destinés à tous les porteurs de petits projets. D'un montant compris entre 3 000 et 8 000 euros, le Prêt à la Création d'Entreprise est accordé sans aucune garantie, est remboursable sur une durée de cinq ans, prévoit une période de franchise de remboursement d'un an et un taux de l'ordre de 7 %, qui est le taux de marché.
L'Etat a dégagé, avec le concours de la Caisse des Dépôts et Consignations, une enveloppe financière suffisante pour que 20 000 prêts soient ainsi distribués dès l'année prochaine par la Banque du Développement des PME.
Au simple énoncé de ces caractéristiques, les professionnels que vous êtes auront clairement perçu tout l'intérêt d'un tel dispositif.
Au delà de l'intérêt évident de ce nouveau concours pour tous les porteurs de petits projets, ce sont les modalités de sa distribution qui me paraissent devoir être soulignées.
Ce qui est vital pour une entreprise, immédiatement après sa création, c'est son intégration dans les mécanismes indispensables à son développement, à sa pérennité.
C'est pourquoi, une des conditions impératives à l'obtention des PCE est l'accord d'un crédit d'un montant au moins identique d'une banque traditionnelle. Il est en effet indispensable que l'entreprise puisse être accompagnée par une banque capable d'assurer le financement des investissements et des besoins de trésorerie générés par le développement de son cycle d'exploitation.
Et il est bien évident, que l'implication d'une banque dès le plan de financement initial est un gage solide de ce partenariat.
Bien évidemment, pour y parvenir, il fallait, concomitamment, alléger le poids du risque pour les banques. C'est ce que nous faisons en permettant à la banque de garantir son propre concours à hauteur de 70 %.
Les deux dispositifs combinés permettent au créateur de recevoir 100 000 F de prêts en limitant le risque de la banque à 15 000 F.
J'ai pu le vérifier sur le terrain, les Prêts à la Création d'Entreprise, lancés le 10 octobre dernier reçoivent un excellent accueil sur le terrain.
A Nancy, où je me suis rendu, jeudi dernier, j'ai assisté à la signature d'un PCE par une personne qui bénéficiait d'un apport personnel de 40 000 F, d'un prêt d'honneur de 30 000 F, d'un PCE de 30 000 F et d'un prêt bancaire de 40 000 F.
La bénéficiaire, détail qui n'en est pas un, était à la recherche d'un emploi depuis 9 ans. Le PCE me semble donc faire la démonstration qu'il agit bien comme un véritable outil de réinsertion dans la mesure où il mobilise de nombreux partenaires.
Cet exemple met également en évidence le mariage des acteurs économiques qui est un autre des objectifs majeurs qui sous tend l'économie générale du dispositif.
La plate forme d'initiative locale, dont l'action est soutenue par les collectivités territoriales, apporte sa pierre à l'édifice en instruisant le dossier de financement pour le compte de la banque et de la Banque du Développement des PME. Il aurait tout aussi bien pu s'agir d'ailleurs de l'ADIE, chère à Maria Nowak, que je salue et que je félicite pour la remarquable organisation de cette manifestation.
C'est en mariant le savoir faire des acteurs économiques et plus particulièrement des établissements financiers et des structures d'accompagnement de proximité des porteurs de projets que nous réussirons, ensemble, le pari du financement des créateurs d'entreprise.
A chacun son savoir faire, à chacun son rôle.
A l'Etat de simplifier les conditions de création et de développement des entreprises, en allégeant les charges, en déclenchant la spirale virtueuse du financement avec les PCE et la garantie publique. Je voudrais à ce stade insister sur l'efficacité exceptionnelle de l'outil que constituent les fonds de garantie. Aujourd'hui, la garantie permet de déclencher les financements bancaires avec un effet de levier d'environ 7 en création d'entreprise, c'est à dire qu'un franc de dotation permet de déclencher 7 francs d'investissement.
Bien sûr, pour que cela marche, il faut confier la gestion des fonds à de vrais professionnels, à la fois rigoureux pour gérer les fonds publics qui leur sont confiés et totalement imprégnés de leur mission de service public. Ariane Obolensky, Présidente de la Banque du Développement des PME et Claude Alphandéry, Président de France Active réunissent ces qualités et pratiquent leur art avec un savoir faire remarquable
La garantie est et restera un outil fort et privilégié de l'action des pouvoirs publics en faveur de la création et du développement des entreprises, petites et moyennes. L'arrivée de Christian Sautter à la Présidence de France Active montre bien que les grandes causes ont besoin d'hommes de talent. Les portes de l'hôtel de Seignelay lui sont grandes ouvertes, il le sait, et c'est en toute amitié que je le recevrai quand il le souhaitera et que je lui apporterai le soutien dans ses projets de développement.
Je reviens à mon discours sur les responsabilités respectives des acteurs économiques.
Aux banques, enfin, d'assumer leur rôle en finançant les investissements et les besoins de trésorerie. Je me félicite à ce titre de l'engagement médiatique puissant de plusieurs réseaux bancaires de référence sur les ondes radios depuis quelques semaines.
Aux collectivités territoriales d'aider les quelques 3000 structures d'accompagnement qui agissent au plus près des porteurs de projets et qui les aident à formaliser et à structurer leurs projets et qui les accompagnent dans leurs premiers pas.
Si nous réussissons ce pari, ensemble, je ne doute pas un instant de l'appui des instances européennes. La convention qui vient d'être signée, pendant votre conférence entre la BEI, les banques et l'ADIE, en est une première illustration bien concrète.
Je poursuivrai mon propos en soulignant l'intérêt de l'action de financement des structures associatives.
Il reste, à l'évidence, un seuil en deçà duquel l'intervention des banques demeure problématique et pour lequel la mécanique du PCE n'est pas pleinement adaptée, disons des projets dont la mise en uvre nécessite moins de trente mille francs.
Pour ces projets, l'intervention des organismes solidaires et des associations spécialisées sont certainement la bonne réponse. Vos débats auront apporté, sur ce point, une démonstration claire de leur grande utilité.
L'appui que l'Etat et les collectivités territoriales leur apporte montre bien que les responsables de ce pays en ont pris la pleine mesure. L'amendement à la loi bancaire inclus dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques en constitue la dernière manifestation tangible.
Cet amendement constitue dans le dispositif du droit bancaire français une innovation historique. Je suis personnellement confiant quant aux conditions de son entrée en vigueur, car si la loi introduit une ouverture importante, seuls le professionnalisme et le savoir faire des associations sauront convaincre les établissements prêteurs et garants de faire vivre le dispositif.
Là encore, la signature de la convention ADIE/banques/BEI montrent que la confiance existe. Je souhaite que d'autres conventions de ce type puissent être signées avec d'autres acteurs. Leur professionnalisme me semble constituer la seule condition sine qua non de leur réussite.
Pour ma part, j'aiderai tous les réseaux qui souhaitent développer leur professionnalisme à structurer leur démarche. C'est ce que nous faisons, au Secrétariat d'Etat aux PME en soutenant, chaque année les programmes de démarche qualité des réseaux d'accompagnement.
C'est également le sens de la préparation de la charte qualité et des référentiels de qualité de l'accompagnement et du suivi des créateurs que le Premier ministre a confiée au Conseil National de la Création d'Entreprise que j'ai l'honneur de présider et il y aura une réunion exceptionnelle en janvier (rapport Bockel) à Matignon.
Plus de transparence, plus d'harmonisation dans les modalités d'intervention, une meilleure identification des missions par les porteurs de projet, c'est aussi une des conditions du développement du professionnalisme.
C'est à ce prix que nous parviendrons à forger le lien indispensable entre les acteurs économiques : la confiance.
Je ne terminerai pas mon propos sans vous dire que les exemples que je viens de vous faire partager sur l'expérience française ne doivent pas nous faire oublier que nous n'en sommes qu'au début et que toutes les bonnes idées nous intéressent.
Les pistes que je vous ai livrées ne sont en aucun cas exclusives d'autres propositions. On fait assez souvent le reproche à la France de son arrogance. Je crois que dans le domaine du micro-crédit, nous avons beaucoup à apprendre de vous tous et nous devons nous approprier les bonnes pratiques que vous développez dans vos pays respectifs.
Je ne doute pas qu'avec l'état d'esprit qui a prévalu au cours de vos très riches et très vivants débats nous soyons en mesure d'offrir, demain, ensemble, aux candidats entrepreneurs les moyens de réaliser leurs ambitions.
Vous me permettrez pour conclure de répondre, en partie du moins, à mon ami Michel Rocard qui s'est exprimée à cette tribune hier et qui attirait mon attention sur le nécessaire développement de commerces et de services de proximité.
Je voudrais lui dire que j'en suis pleinement convaincu, particulièrement en milieu rural. C'est un pari qu'il nous faut réussir si nous voulons réussir notre politique d'aménagement du territoire. Il nous faut, par exemple, développer l'implantation des points multi-services qui sont un véritable succès dans de nombreuses régions et qui permettent de fixer les populations et d'endiguer l'exode rural.
Enfin, je souhaite que nous mettions tout en oeuvre pour que les entreprises que vous nous aiderez à créer construisent de la valeur ajoutée. Or aujourd'hui, c'est la qualité du service, la qualité du produit, sa traçabilité, son identité, qui font la valeur ajoutée. C'est par le développement des savoir-faire que les entrepreneurs parviendront à cet objectif. Et nous touchons là ce qui, selon moi, constitue notre défi majeur des prochaines années : la formation professionnelle tout au long de la vie. Mais c'est un autre débat.
Mesdames et messieurs, je vous remercie.

(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 14 décembre 2000)