Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai conscience de l'importance que revêt pour l'institution judiciaire l'ouverture devant votre commission du travail parlementaire relatif au premier pan de la réforme globale de la justice commerciale. Réforme tant attendue, réforme indispensable après les travaux que votre commission parlementaire a mené, et les conclusions de la mission d'inspection commune, inspections générales des finances et des services judiciaires.
Les rapports établis par ces deux missions ont mis en lumière les dysfonctionnements des tribunaux de commerce mais aussi ceux relatifs à l'intervention des administrateurs et mandataires judiciaires. Je citerais pour mémoire :
- grande diversité dans la pratique des procédures,
- connaissances juridiques et formation parfois lacunaires des juges consulaires,
- disponibilité insuffisante pour piloter les procédures et contrôler les mandataires de justice,
- risques de conflits d'intérêts liés à une trop grande proximité avec les justiciables.
Mais au delà du constat vous avez su aussi et je dirai même principalement formuler de nombreuses propositions. Elles sont à la mesure de la rigueur - ou devrais-je dire de la vigueur ? - de vos analyses. Les trois projets de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous y puisent leur inspiration.
Soyez remerciés MM. COLCOMBET, MONTEBOURG et CODOGNES pour votre participation, hier, à la mission parlementaire et pour votre contribution, aujourd'hui, au débat parlementaire en qualité de rapporteurs de ces projets de loi.
Je crois que, dans l'ensemble, les textes qui sont soumis à l'examen de votre commission des lois, constituent des réponses adaptées aux dysfonctionnements constatés, même si, sur tel ou tel point, les projets ne reprennent pas intégralement les propositions de votre commission d'enquête. Les débats parlementaires seront l'occasion d'en discuter afin d'enrichir, j'en suis persuadée et vous en remercie par avance, ces projets.
Après avoir mis en évidence le caractère inéluctable d'une réforme de la juridiction commerciale, vos débats créeront les conditions de sa réussite.
Car ce projet, qui suscitait il y a encore un an tant de protestations - au point de nuire au fonctionnement même des juridictions consulaires et aux intérêts des justiciables - cette réforme est maintenant acceptée dans son principe. Elle est même souhaitée par certains de ceux qui en contestaient naguère le principe.
Le dépôt des projets de loi sur le bureau de votre Assemblée au mois de juillet dernier a été le signal de l'apaisement. Les juges consulaires, les professionnels des procédures collectives, ont clairement ressenti et pris conscience qu'une nouvelle étape s'ouvrait et que la confrontation démocratique des idées devait désormais l'emporter sur les affrontements stériles. La réforme vient donc en discussion dans un climat apaisé.
Cette réforme, nous le savons, est nécessaire, d'une part, parce que le cadre juridique de la vie économique est l'un des éléments clés de la compétitivité de notre pays et d'autre part, parce qu'un pays moderne a besoin d'une justice impartiale, rapide et soucieuse de répondre aux attentes des citoyens.
Trois projets de lois vous sont donc présentés. Ils s'articulent autour de trois principes : impartialité, transparence et qualité. C'est cela que les citoyens attendent de la justice en général et de la justice commerciale trop souvent mise en cause au regard de ces principes.
I IMPARTIALITÉ
Le défaut d'impartialité, c'est le principal reproche qui est fait aux tribunaux consulaires. Le rapport de la commission parlementaire en donne des exemples, même s'il rappelle aussi que les juges consulaires exercent leurs fonctions bénévolement et, pour la plupart avec dévouement.
Mais il faut également, chacun en convient et les juges consulaires les premiers, en finir avec l'ère du soupçon. Pour cela, il n'est d'autre solution que de renforcer les garanties d'impartialité de ceux qui oeuvrent au sein des tribunaux de commerce. C'est la voie qui a été choisie. C'est le choix de la mixité.
La mixité - le coeur de la réforme - c'est à dire l'association de juges élus et professionnels dans une même formation de jugement, a pour objectif d'assurer une justice plus rigoureuse, puisque se trouveront réunies la connaissance des règles de fond et de procédure et la perception pour chaque affaire, de sa dimension économique.
Cette réforme équilibrée repose sur une logique : faire intervenir chaque catégorie de juges dans les domaines où leurs qualités sont les plus utiles. Ce qui conduit à mobiliser les magistrats professionnels, aux côtés des juges élus, sur les contentieux où l'ordre public économique est en jeu et pour lesquels les garanties d'impartialité et de respect de la procédure sont les plus nécessaires (procédures collectives, contentieux relatifs au contrat de société commerciale, contentieux relevant de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence). Ces juges siégeront dans des chambres mixtes, le reste du contentieux restant de la compétences de formations constituées uniquement de juges consulaires élus.
Mais, l'impartialité doit être garantie pour exister véritablement, pour n'être pas seulement une garantie formelle.
C'est pourquoi, des règles nouvelles de déontologie ont été prévues. Les juges consulaires se verront ainsi soumis à une obligation de déclaration de leurs intérêts, le manquement à cette obligation étant constitutif d'une faute disciplinaire.
Précisément, en matière disciplinaire des dispositions également nouvelles permettront de garantir l'effectivité de la sanction de comportements répréhensibles, la démission des juges consulaires étant actuellement un obstacle à de réelles sanctions, hors la privation de l'honorariat.
S'agissant des administrateurs et mandataires judiciaires, le projet de loi s'articule autour de la notion de "mandat de justice" qui garantit l'indépendance et la neutralité des professionnels à l'égard du dirigeant défaillant comme des créanciers. Par ailleurs, il opte pour le maintien des deux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. Mais, les statuts de ces deux professions sont profondément rénovés.
La loi prévoit également un encadrement renforcé de leur exercice professionnel en complétant, sur ce point, les premières mesures prises dès 1998.
Sont ainsi prévus : de nouvelles incompatibilités, l'interdiction pour ces professionnels de déléguer à des tiers leurs missions propres, le renforcement du régime disciplinaire (notamment élargissement des autorités de saisine des commissions nationale de discipline, élargissement de l'échelle des peines), l'interdiction de traiter des dossiers après cessation de leurs fonctions.
Toutes ces mesures visent à obtenir des mandataires de justice la délivrance de prestations de qualité, dans des délais raisonnables et moyennant un coût acceptable.
II. TRANSPARENCE
Votre commission d'enquête a mis en lumière ce qui était auparavant pressenti mais caché et diffus. La justice commerciale a trop souffert du manque de transparence dans lequel elle agit. A côté de l'impartialité, cette opacité nourrit aussi le soupçon et il convient de s'en détacher définitivement.
Pour les juges consulaires, c'est avant tout le changement de leur mode d'élection. C'est une mutation profonde, une révolution. Seront désormais électeurs aux tribunaux de commerce, par un scrutin à un seul degré, l'ensemble des justiciables de ces juridictions, y compris les artisans.
Je sais que certains s'interrogent sur les effets de ce choix, qui privilégie la démocratie directe et l'égalité des droits, en mettant tous les électeurs, quelle que soit leur origine ou leur statut, en situation d'être élus. Nous aurons l'occasion d'examiner ces dispositions au cours du débat parlementaire, pour en améliorer le dispositif. Je serai, sur ce point comme sur d'autres questions, attentive à vos propositions.
Mais, quelle que soit la solution retenue, il nous appartient, en tout cas, de nous garder de ressusciter, sous quelque forme que ce soit, les vieilles pratiques de la cooptation réduite à quelques cercles étroits. De telles pratiques ont, autant que les affaires, fortement contribué à la dégradation de l'autorité et de l'image des tribunaux de commerce.
Je ne reviens pas sur l'obligation de déclaration d'intérêts imposée aux juges consulaires, qui contribue aussi à la transparence des comportements.
En ce qui concerne les administrateurs et mandataires judiciaires, la possibilité sera dorénavant offerte aux juridictions de faire un véritable choix entre les professionnels. Il faut mettre fin aux situations de monopole constitutives d'opacité dès lors que les juges sont en fait contraints dans leurs désignations. Ils n'ont trop souvent pas le choix. Les mandataires judiciaires auront ainsi une compétence nationale (jusqu'ici régionale). D'autre part, les tribunaux pourront désigner, sous certaines conditions, des professionnels non inscrits sur ces listes.
III. QUALITÉ
Les projets de loi ont un troisième objectif, dont on ne parle, à mon avis, pas assez et auquel participent l'impartialité et la transparence : c'est la qualité de la justice rendue aux citoyens.
Conférer ma plus grande qualité à la justice commerciale passe par la mixité. Contrairement à ce qui est souvent dit, l'introduction de la mixité dans les juridictions consulaires n'est pas inspirée par une question de pouvoir ou, encore moins, de sanction. Elle est uniquement fondée sur la recherche d'un meilleur service aux justiciables, par l'association de compétences diversifiées. C'est un enrichissement.
C'est pourquoi le Gouvernement a tenu à ce que la mixité soit également introduite dans les chambres commerciales des cours d'appel. Ces cours bénéficieront ainsi (comme déjà la chambre commerciale de la Cour de Cassation) de la participation de praticiens des entreprises, qui apporteront, aux côtés des magistrats professionnels et à égalité de voix avec eux, le regard de leur expérience du monde des affaires. C'est la réciprocité dans la mixité.
Si le projet met fin à l'exception française que constitue les Tribunaux de Commerce, il en respecte aussi les spécificités. Il renoue également avec l'origine, l'essence même des juridictions commerciales : un commerçant jugeant un autre commerçant dans des affaires ne mettant pas en cause l'ordre public économique. C'est-à-dire dans des litiges où la règle de droit doit, sinon céder, du moins être éclairée par les usages et les pratiques. L'expérience du terrain est indispensable, ces affaires continueront de relever de formations composées exclusivement de juges élus.
Dans le même esprit, le président du tribunal de commerce restera un juge élu, doté des pouvoirs juridictionnels attachés à sa fonction. C'est la garantie pour les justiciables et pour les auxiliaires de justice qu'ils s'adressent, notamment pour les mesures urgentes de requête ou de référé, à un juge parfaitement au fait des techniques et des usages de leur environnement professionnel.
S'agissant des administrateurs et mandataires judiciaires, la possibilité donnée aux juridictions de désigner des personnes non inscrites sur les listes professionnelles leur permettra, dans les cas où ce sera utile, de choisir des personnes disposant d'un savoir faire particulier. Cette ouverture des professions d'administrateur et de mandataire judiciaire les incitera en outre à se renouveler et à se structurer pour gagner en efficacité et en performance. C'est-à-dire en qualité.
Par ailleurs, la formation de ces auxiliaires de justice sera mieux encadrée (examen d'accès au stage) et l'instauration d'une limite d'âge permettra d'assurer le traitement des dossiers par des professionnels en phase avec un environnement économique en mutation constante.
En CONCLUSION, je voudrais rappeler que les réformes proposées ne sont qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste, qui intéresse globalement le secteur économique des entreprises et des salariés qui y travaillent. Vous savez que j'ai quelques raisons, par mes précédentes fonctions ministérielles, de me préoccuper de cette question.
La réforme des lois de 1984 sur le redressement amiable des entreprises et de 1985 sur les entreprises en difficultés constituera le second volet de cette reforme d'ensemble. Les textes qui vous sont proposés aujourd'hui ont des rapports parfois directs avec ces lois.
Un projet de réforme de ces deux lois, élaboré par la chancellerie, est en cours d'examen par les milieux juridiques et professionnels intéressés. Je souhaite que le travail en cours qui est d'une grande ampleur et qui met souvent en cause des choix fondamentaux (je pense à la place des banques dans les procédures collectives) puisse déboucher rapidement sur un projet de loi.
Ces textes, lorsqu'ils auront été votés dans leur ensemble, constitueront une réforme majeure et indispensable de notre système judiciaire. Elle devra, ce doit être notre volonté commune, assurer une efficacité accrue, respectueuse des équilibres sociaux économiques et des personnes.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 2 février 2001)
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai conscience de l'importance que revêt pour l'institution judiciaire l'ouverture devant votre commission du travail parlementaire relatif au premier pan de la réforme globale de la justice commerciale. Réforme tant attendue, réforme indispensable après les travaux que votre commission parlementaire a mené, et les conclusions de la mission d'inspection commune, inspections générales des finances et des services judiciaires.
Les rapports établis par ces deux missions ont mis en lumière les dysfonctionnements des tribunaux de commerce mais aussi ceux relatifs à l'intervention des administrateurs et mandataires judiciaires. Je citerais pour mémoire :
- grande diversité dans la pratique des procédures,
- connaissances juridiques et formation parfois lacunaires des juges consulaires,
- disponibilité insuffisante pour piloter les procédures et contrôler les mandataires de justice,
- risques de conflits d'intérêts liés à une trop grande proximité avec les justiciables.
Mais au delà du constat vous avez su aussi et je dirai même principalement formuler de nombreuses propositions. Elles sont à la mesure de la rigueur - ou devrais-je dire de la vigueur ? - de vos analyses. Les trois projets de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous y puisent leur inspiration.
Soyez remerciés MM. COLCOMBET, MONTEBOURG et CODOGNES pour votre participation, hier, à la mission parlementaire et pour votre contribution, aujourd'hui, au débat parlementaire en qualité de rapporteurs de ces projets de loi.
Je crois que, dans l'ensemble, les textes qui sont soumis à l'examen de votre commission des lois, constituent des réponses adaptées aux dysfonctionnements constatés, même si, sur tel ou tel point, les projets ne reprennent pas intégralement les propositions de votre commission d'enquête. Les débats parlementaires seront l'occasion d'en discuter afin d'enrichir, j'en suis persuadée et vous en remercie par avance, ces projets.
Après avoir mis en évidence le caractère inéluctable d'une réforme de la juridiction commerciale, vos débats créeront les conditions de sa réussite.
Car ce projet, qui suscitait il y a encore un an tant de protestations - au point de nuire au fonctionnement même des juridictions consulaires et aux intérêts des justiciables - cette réforme est maintenant acceptée dans son principe. Elle est même souhaitée par certains de ceux qui en contestaient naguère le principe.
Le dépôt des projets de loi sur le bureau de votre Assemblée au mois de juillet dernier a été le signal de l'apaisement. Les juges consulaires, les professionnels des procédures collectives, ont clairement ressenti et pris conscience qu'une nouvelle étape s'ouvrait et que la confrontation démocratique des idées devait désormais l'emporter sur les affrontements stériles. La réforme vient donc en discussion dans un climat apaisé.
Cette réforme, nous le savons, est nécessaire, d'une part, parce que le cadre juridique de la vie économique est l'un des éléments clés de la compétitivité de notre pays et d'autre part, parce qu'un pays moderne a besoin d'une justice impartiale, rapide et soucieuse de répondre aux attentes des citoyens.
Trois projets de lois vous sont donc présentés. Ils s'articulent autour de trois principes : impartialité, transparence et qualité. C'est cela que les citoyens attendent de la justice en général et de la justice commerciale trop souvent mise en cause au regard de ces principes.
I IMPARTIALITÉ
Le défaut d'impartialité, c'est le principal reproche qui est fait aux tribunaux consulaires. Le rapport de la commission parlementaire en donne des exemples, même s'il rappelle aussi que les juges consulaires exercent leurs fonctions bénévolement et, pour la plupart avec dévouement.
Mais il faut également, chacun en convient et les juges consulaires les premiers, en finir avec l'ère du soupçon. Pour cela, il n'est d'autre solution que de renforcer les garanties d'impartialité de ceux qui oeuvrent au sein des tribunaux de commerce. C'est la voie qui a été choisie. C'est le choix de la mixité.
La mixité - le coeur de la réforme - c'est à dire l'association de juges élus et professionnels dans une même formation de jugement, a pour objectif d'assurer une justice plus rigoureuse, puisque se trouveront réunies la connaissance des règles de fond et de procédure et la perception pour chaque affaire, de sa dimension économique.
Cette réforme équilibrée repose sur une logique : faire intervenir chaque catégorie de juges dans les domaines où leurs qualités sont les plus utiles. Ce qui conduit à mobiliser les magistrats professionnels, aux côtés des juges élus, sur les contentieux où l'ordre public économique est en jeu et pour lesquels les garanties d'impartialité et de respect de la procédure sont les plus nécessaires (procédures collectives, contentieux relatifs au contrat de société commerciale, contentieux relevant de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence). Ces juges siégeront dans des chambres mixtes, le reste du contentieux restant de la compétences de formations constituées uniquement de juges consulaires élus.
Mais, l'impartialité doit être garantie pour exister véritablement, pour n'être pas seulement une garantie formelle.
C'est pourquoi, des règles nouvelles de déontologie ont été prévues. Les juges consulaires se verront ainsi soumis à une obligation de déclaration de leurs intérêts, le manquement à cette obligation étant constitutif d'une faute disciplinaire.
Précisément, en matière disciplinaire des dispositions également nouvelles permettront de garantir l'effectivité de la sanction de comportements répréhensibles, la démission des juges consulaires étant actuellement un obstacle à de réelles sanctions, hors la privation de l'honorariat.
S'agissant des administrateurs et mandataires judiciaires, le projet de loi s'articule autour de la notion de "mandat de justice" qui garantit l'indépendance et la neutralité des professionnels à l'égard du dirigeant défaillant comme des créanciers. Par ailleurs, il opte pour le maintien des deux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. Mais, les statuts de ces deux professions sont profondément rénovés.
La loi prévoit également un encadrement renforcé de leur exercice professionnel en complétant, sur ce point, les premières mesures prises dès 1998.
Sont ainsi prévus : de nouvelles incompatibilités, l'interdiction pour ces professionnels de déléguer à des tiers leurs missions propres, le renforcement du régime disciplinaire (notamment élargissement des autorités de saisine des commissions nationale de discipline, élargissement de l'échelle des peines), l'interdiction de traiter des dossiers après cessation de leurs fonctions.
Toutes ces mesures visent à obtenir des mandataires de justice la délivrance de prestations de qualité, dans des délais raisonnables et moyennant un coût acceptable.
II. TRANSPARENCE
Votre commission d'enquête a mis en lumière ce qui était auparavant pressenti mais caché et diffus. La justice commerciale a trop souffert du manque de transparence dans lequel elle agit. A côté de l'impartialité, cette opacité nourrit aussi le soupçon et il convient de s'en détacher définitivement.
Pour les juges consulaires, c'est avant tout le changement de leur mode d'élection. C'est une mutation profonde, une révolution. Seront désormais électeurs aux tribunaux de commerce, par un scrutin à un seul degré, l'ensemble des justiciables de ces juridictions, y compris les artisans.
Je sais que certains s'interrogent sur les effets de ce choix, qui privilégie la démocratie directe et l'égalité des droits, en mettant tous les électeurs, quelle que soit leur origine ou leur statut, en situation d'être élus. Nous aurons l'occasion d'examiner ces dispositions au cours du débat parlementaire, pour en améliorer le dispositif. Je serai, sur ce point comme sur d'autres questions, attentive à vos propositions.
Mais, quelle que soit la solution retenue, il nous appartient, en tout cas, de nous garder de ressusciter, sous quelque forme que ce soit, les vieilles pratiques de la cooptation réduite à quelques cercles étroits. De telles pratiques ont, autant que les affaires, fortement contribué à la dégradation de l'autorité et de l'image des tribunaux de commerce.
Je ne reviens pas sur l'obligation de déclaration d'intérêts imposée aux juges consulaires, qui contribue aussi à la transparence des comportements.
En ce qui concerne les administrateurs et mandataires judiciaires, la possibilité sera dorénavant offerte aux juridictions de faire un véritable choix entre les professionnels. Il faut mettre fin aux situations de monopole constitutives d'opacité dès lors que les juges sont en fait contraints dans leurs désignations. Ils n'ont trop souvent pas le choix. Les mandataires judiciaires auront ainsi une compétence nationale (jusqu'ici régionale). D'autre part, les tribunaux pourront désigner, sous certaines conditions, des professionnels non inscrits sur ces listes.
III. QUALITÉ
Les projets de loi ont un troisième objectif, dont on ne parle, à mon avis, pas assez et auquel participent l'impartialité et la transparence : c'est la qualité de la justice rendue aux citoyens.
Conférer ma plus grande qualité à la justice commerciale passe par la mixité. Contrairement à ce qui est souvent dit, l'introduction de la mixité dans les juridictions consulaires n'est pas inspirée par une question de pouvoir ou, encore moins, de sanction. Elle est uniquement fondée sur la recherche d'un meilleur service aux justiciables, par l'association de compétences diversifiées. C'est un enrichissement.
C'est pourquoi le Gouvernement a tenu à ce que la mixité soit également introduite dans les chambres commerciales des cours d'appel. Ces cours bénéficieront ainsi (comme déjà la chambre commerciale de la Cour de Cassation) de la participation de praticiens des entreprises, qui apporteront, aux côtés des magistrats professionnels et à égalité de voix avec eux, le regard de leur expérience du monde des affaires. C'est la réciprocité dans la mixité.
Si le projet met fin à l'exception française que constitue les Tribunaux de Commerce, il en respecte aussi les spécificités. Il renoue également avec l'origine, l'essence même des juridictions commerciales : un commerçant jugeant un autre commerçant dans des affaires ne mettant pas en cause l'ordre public économique. C'est-à-dire dans des litiges où la règle de droit doit, sinon céder, du moins être éclairée par les usages et les pratiques. L'expérience du terrain est indispensable, ces affaires continueront de relever de formations composées exclusivement de juges élus.
Dans le même esprit, le président du tribunal de commerce restera un juge élu, doté des pouvoirs juridictionnels attachés à sa fonction. C'est la garantie pour les justiciables et pour les auxiliaires de justice qu'ils s'adressent, notamment pour les mesures urgentes de requête ou de référé, à un juge parfaitement au fait des techniques et des usages de leur environnement professionnel.
S'agissant des administrateurs et mandataires judiciaires, la possibilité donnée aux juridictions de désigner des personnes non inscrites sur les listes professionnelles leur permettra, dans les cas où ce sera utile, de choisir des personnes disposant d'un savoir faire particulier. Cette ouverture des professions d'administrateur et de mandataire judiciaire les incitera en outre à se renouveler et à se structurer pour gagner en efficacité et en performance. C'est-à-dire en qualité.
Par ailleurs, la formation de ces auxiliaires de justice sera mieux encadrée (examen d'accès au stage) et l'instauration d'une limite d'âge permettra d'assurer le traitement des dossiers par des professionnels en phase avec un environnement économique en mutation constante.
En CONCLUSION, je voudrais rappeler que les réformes proposées ne sont qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste, qui intéresse globalement le secteur économique des entreprises et des salariés qui y travaillent. Vous savez que j'ai quelques raisons, par mes précédentes fonctions ministérielles, de me préoccuper de cette question.
La réforme des lois de 1984 sur le redressement amiable des entreprises et de 1985 sur les entreprises en difficultés constituera le second volet de cette reforme d'ensemble. Les textes qui vous sont proposés aujourd'hui ont des rapports parfois directs avec ces lois.
Un projet de réforme de ces deux lois, élaboré par la chancellerie, est en cours d'examen par les milieux juridiques et professionnels intéressés. Je souhaite que le travail en cours qui est d'une grande ampleur et qui met souvent en cause des choix fondamentaux (je pense à la place des banques dans les procédures collectives) puisse déboucher rapidement sur un projet de loi.
Ces textes, lorsqu'ils auront été votés dans leur ensemble, constitueront une réforme majeure et indispensable de notre système judiciaire. Elle devra, ce doit être notre volonté commune, assurer une efficacité accrue, respectueuse des équilibres sociaux économiques et des personnes.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 2 février 2001)