Texte intégral
Q- R. Dutreil, vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC. Elle est très simple : " est-ce que vous êtes pour l'ouverture des magasins le dimanche ? "
R- Bien. Vous savez que c'est la consultation SMS du jour, ça tombe très bien, R. Dutreil. Alors, on en est où, pour l'instant, P. Dufreigne ? P. Dufreigne : Alors, on va jeter un petit coup d'oeil, vraiment en direct, parce que vous savez que j'ai l'informatique juste devant moi, comme ça nous aurons les derniers chiffres actualisés. Les gens disent " oui ", pour l'instant, à 51,2 %, " non ",
48,8 %.
Q- Vous voyez que c'est très, très équilibré.
R- Serré, serré.
Q- C'est serré, serré. Alors, rappelez la loi, R. Dutreil. Que dit la loi, aujourd'hui ?
R- La loi interdit le travail le dimanche pour les salariés, elle l'autorise pour les patrons - un commerçant indépendant, il peut très bien ouvrir le dimanche - et elle autorise cinq dimanches par an, sur décision du maire. C'est le cas, d'ailleurs, en ce moment, c'est souvent au mois de décembre que ces dimanches sont autorisés avant les fêtes.
Q- Est-ce qu'il faut changer la loi, R. Dutreil ?
R- Alors, si on libéralisait complètement le travail le dimanche, qu'est-ce qui se passerait ? Les petits commerçants, qui sont souvent en couple, monsieur et madame, ils seraient confrontés à une concurrence sept jours sur sept de la part de grandes surfaces qui, elles, organiseraient leur travail avec des rotations des salariés, et ils mourraient, disparaîtraient. On aura des milliers de petits commerces, notamment dans le textile - on a la chance en France d'avoir beaucoup de petits magasins de vêtements - qui disparaîtraient. Donc, il ne faut pas faire ça. En revanche, il faut regarder à l'étranger ce qui se fait le mieux et il y a un pays qui a trouvé le bon équilibre, moi, je trouve, c'est l'Espagne. En Espagne, il y a une liberté totale en dessous de 300 m² et au-dessus de 300 m², il y a une dizaine de dimanches autorisés par an. Si bien que les villes espagnoles sont vivantes le dimanche grâce aux petits commerces, et il n'y a pas de concurrence de la part des grandes surfaces le dimanche, et ça a redonné un énorme dynamisme aux petits commerces en Espagne. Et puis il y a aussi....
Q- C'est une proposition que vous faites...
R- Non, parce que nous attendons le rapport du Conseil économique et social, que le Premier ministre a saisi. Et tant qu'il n'a pas prononcé ses propositions, eh bien nous restons prudents, mais moi je considère que ce modèle espagnol est très intéressant.
Q- C'est l'exemple à suivre.
R- Et puis il y a aussi les choses absurdes. C'est absurde que Vuitton ne puisse pas ouvrir sur les Champs Elysées le dimanche, alors que Mc Do, à côté, est ouvert. On a intérêt à ce que Vuitton - c'est des produits français - soit vendu aux touristes qui viennent en grand nombre le dimanche et donc c'est un peu absurde, dans les zones touristiques, d'avoir cette discrimination entre ceux qui ouvrent et ceux qui ferment.
Q- Donc, l'exemple espagnol est l'exemple à suivre, si je vous comprends bien, R. Dutreil.
R- C'est un bon exemple, il faut l'analyser, mais je pense que c'est l'exemple d'un bon équilibre.
Q- En dessous de 300 m², on peut ouvrir et au-dessus une dizaine d'ouvertures par an.
R- Voilà.
Q- Une dizaine de dimanches par an.
R- Voilà, voilà.
Q- Et les 24 et 31 ? Cette année, ça tombe particulièrement...
R- Ce sont deux dimanches.
Q- Deux dimanches.
R- La plupart des maires en France ont autorisé les magasins à ouvrir...
Q- Ils ont eu raison ?
R- ... à l'exception de Nantes et de Angers. Mais ils ont eu raison, eh bien oui, parce que la plupart du temps, les gens sont un peu à la bourre avant Noël et donc ils ont envie de faire leurs cadeaux la veille. Donc ce n'est pas mal de pouvoir aller le dimanche faire un cadeau pour sa maman ou ses enfants.
Q- Et si vous étiez maire de Reims, vous auriez permis l'ouverture.
R- Moi, j'aurais dit " ok pour le 24 et le 31 ".
Q- Vous êtes toujours candidat à la mairie de Reims ?
R- Plus que jamais.
Q- Plus que jamais. R. Dutreil, tiens ! Je lis un message qui est arrivé ce matin sur notre blog, vous savez que les auditeurs sont très présents, ici,sur RMC. Alors, Yves nous écrit : " On entend sur toutes les radios les propos de N. Sarkozy, hier, dans les Ardennes. On croit rêver, il s'apitoie sur la misère des gens : mais qui gouverne aujourd'hui ? "
R- D'abord, aujourd'hui, notre bilan, puisqu'il s'agit de parler de bilan, n'est pas si mauvais que ça : le chômage baisse. Lorsque nous partirons, le chômage sera en dessous du niveau auquel il était quand nous sommes arrivés. Donc, le progrès il est dans le bon sens.
Q- Il n'est pas si mauvais, mais en entendant, en écoutant N. Sarkozy, hier, on avait l'impression que c'était catastrophique.
R- Et malgré ce bon bilan, il y a énormément à faire. Il y a énormément à faire, ce que Nicolas appelle la "capitulation sociale" : on a accepté qu'un certain nombre de gens...
Q- Vous avez accepté, pas " on ", " vous ".
R- Oui, je veux bien tout à fait le reconnaître. Parce que la France, pendant 25 ans, est restée totalement immobile et que passer de l'immobilité pendant 25 ans à une action extrêmement rapide, ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc il faut du temps. Il faut un peu plus de temps que nous n'en avons eu pendant cinq ans. Il faut continuer notre action.
Q- Il faut combien de temps ? Cinq ans, c'est le temps d'une élection présidentielle, cinq ans c'est...
R- Il ne faut pas croire que dans le monde d'aujourd'hui vous pouvez changer un pays du tout au tout en cinq ans.
Q- Donc il faut être élu 20 ans, quoi, pour...
R- Allez voir un maire et demandez-lui ce qu'il a fait en cinq ans. Il a lancé des projets et puis il n'a pas toujours débouché sur des réalisations, mais ça viendra, ça viendra dans deux ans, ou plus. En revanche, il y a une solution qui nous est proposée aujourd'hui, c'est S. Royal, c'est de repartir en arrière. Alors là, pour le coup, on ne perd pas cinq ans, on perd dix, quinze ans, parce que nous ne pouvons plus changer de direction. La nôtre est la bonne. On n'a pas assez de résultats, j'en conviens, mais notre direction est la bonne. Et si nous changeons de direction, ce que propose S. Royal aujourd'hui ou monsieur Hollande qui, hier, dans Le Monde, disait : " on supprime toutes les baisses d'impôts que la droite a faites ". Moi, je connais des artisans, les commerçants, c'est des petites gens, c'est le peuple français ces gens-là - ce n'est pas les nababs du CAC 40 avec des cigares et des costumes trois pièces - si on leur supprime les baisses d'impôts que l'on a mises en place, mais ils vont mourir. Donc, c'est quand même suicidaire de voir aujourd'hui un parti, le Parti socialiste, dire : " on va taxer encore une fois ceux qui travaillent 50, 60 heures par semaine, qui sont artisans, commerçants, professions libérales", sans parler des salariés qui gagnent de l'impôt.
Q- Vous avez entièrement raison. Vous attaquez le Parti socialiste, vous avez tout à fait le droit. La liberté, ici, de...
R- Je vous dis, on n'a pas fait de la France un paradis en cinq ans...
Q- Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que vous avez fait. Si j'écoute, j'y reviens, N. Sarkozy hier, "cette France qui souffre, cette France qui, effectivement, ne lance pas de pierres, cette France dont on ne parle pas, elle a été abandonnée"... Par qui ? Par tous ceux qui ont été au pouvoir depuis 20 ans.
R- N. Sarkozy propose une rupture. Cela veut bien dire que lui-même considère que la droite ou la gauche, avant lui, n'ont pas fait ce qu'il considère comme de vraies ruptures en France. Donc, ça, c'est une position très forte aussi vis-à-vis de son propre camp.
Q- Il faut l'assumer !
R- Il est aussi en différence forte par rapport à son propre camp et c'est vrai que dans son secteur ministériel...
Q- Le problème, c'est qu'il a été ministre.
R- Oui, mais dans son secteur, le ministère de l'Intérieur, il a agi plus qu'aucun autre. Il a été courageux. Moi, je trouve que N. Sarkozy, on peut lui faire des reproches, tout ce que l'on veut, mais il a le mérite d'oser et d'agir. Il ne promet pas la lune. S. Royal, c'est " Objectif lune ". Alors, on connaît l'histoire : à l'aller, tout est gratuit, au retour on paie deux fois.
Q- Moi, je ne vous parle pas de S. Royal, R. Dutreil. Revenons sur ce qu'a dit...
R- - Aujourd'hui, les Français, ils vont avoir à comparer...
Q- - Oui, mais on verra, on comparera... Vous savez ce qu'ils vont demander, les Français ? Ils vont demander des engagements et non plus des promesses et le mot " engagement " n'a pas la même signification, voilà ce qu'ils vont demander. Alors, vous vous engagez à quoi ?
R- - Nous avons tenu nos promesses. 2002, le président de la République dit quelque chose qui a fait hésiter tout le monde. Il a dit : " on va créer un million d'entreprises en 5 ans ". Je fêterai le millionième créateur d'entreprise dans un mois. Pari impossible à tenir en 2002, pari tenu aujourd'hui en 2002 (sic). Une dépêche vient de tomber hier, les chiffres de la création d'entreprises sont sans comparaison avec ce qui existait sous la gauche. On crée aujourd'hui près de 235.000 entreprises chaque année.
Q- Ce qui est vrai.
R- Parmi tous ces entrepreneurs, il y a des chômeurs. Un tiers sont des demandeurs d'emploi. C'est quand même formidable, un pays dans lequel un demandeur d'emploi, au lieu de tomber dans l'assistanat que propose S. Royal, il va créer sa boîte. Moi, je trouve ça, un vrai changement que nous avons apporté au pays, qui n'était pas attendu, qui était difficile à mettre en oeuvre, mais c'est une vraie réussite. Donc, il y a des échecs mais aussi des réussites.
Q- Bon, alors, R. Dutreil, puisque... Attardons-nous encore un instant sur ce qui s'est passé dans les Ardennes, hier, avec cette déclaration du candidat de l'UMP qui s'en est pris aux fonds d'investissements, et notamment aux fonds de pensions anglo-saxons. Vous partagez cette virulente attaque contre ces fonds d'investissements, ces fonds de pension ?
R- Vous savez, moi, je connais bien les entreprises, si elles se reposent uniquement sur les banques pour financer leur croissance, notamment dans les secteurs innovants, à risques, ça ne marchera jamais. On a besoin de ce que l'on appelle du capital-risque. On en a besoin. Parce que les gens qui investissent en capital-risque sont capables d'épouser le risque de l'entrepreneur, donc on en a archi-besoin, donc il ne faut pas crier haro sur le capital investissements, au contraire, on est en train de le développer en France. Ma politique, c'est de le développer. En revanche, N. Sarkozy a raison de souligner un certain nombre d'excès, c'est-à-dire des gens qui investissent et qui veulent sortir de la boîte dans laquelle ils ont mis leur argent, deux ans ou un an après, en ayant fait jackpot. Alors, qu'est-ce qu'ils font dans ces cas-là ? Ils pressurent l'entreprise, ils en tirent vraiment le profit maximum, au détriment de l'emploi et de la survie de l'entreprise. Mais ce sont des excès, ce n'est pas la généralité. La plupart des "capital investisseurs" investissent pour du long terme et pour développer les entreprises.
Q- Ce qui veut dire qu'un retraité de l'Arkansas n'est pas un actionnaire voyou.
R- Non, bien sûr que non.
Q- J'ai entendu parler d'actionnaire voyou, hier.
R- Non, mais les actionnaires voyous, c'est une minorité de gens qui se comportent, en dehors de l'intérêt de l'entreprise, dans laquelle ils ont investi mais c'est une minorité... Aujourd'hui, tous ceux qui investissent dans les entreprises, ils les financent pour qu'elles grandissent et on a besoin de cet argent là. Ce n'est pas avec l'argent de l'Etat que l'on va financer les entreprises demain, ni avec l'argent du contribuable, c'est avec l'argent des capital investisseurs. Donc il faut soutenir le capital investissement.
Q- R. Dutreil, puisque vous parliez de F. Hollande tout à l'heure, il souhaite rapprocher l'impôt sur le revenu et la CSG pour faire un impôt citoyen. Avant de passer au prélèvement à la source, il dit : " il faut une réforme fiscale, une vaste réforme fiscale, avant de passer au prélèvement à la source. La retenue à la source, c'est une technique, dit-il, ce qui compte c'est un impôt juste ".
R- Oui. Le modèle de F. Hollande est très clair : c'est taxer plus ceux qui travaillent et les taxer d'autant plus qu'ils travaillent, et qu'ils gagnent de l'argent et développer l'assistanat, c'est-à-dire le nombre de Français qui vivent d'une ressource publique. Voilà le modèle général.
Q- Ce n'est pas ce qu'il a dit hier.
R- Il faut lire entre les lignes. Voilà ce qu'il dit. Et ce système là, c'est celui que, à mon sens, les Français rejettent, mais pas les Français ultra riches. Et hier, à Charleville-Mézières, c'était vraiment le peuple, c'est des ouvriers, c'est des cadres moyens, c'est des gens qui sont dans les services et qui ont un SMIC à deux SMIC. Ces gens-là ils en ont ras-le-bol de voir une partie des Français vivre de l'assistanat sans qu'il y ait de contrepartie en terme d'activités pour le pays. Et donc ces gens-là, ils sont contre le modèle de F. Hollande et quand ils voient un N. Sarkozy dire clairement les choses, dire que pour lui l'essentiel c'est la valeur du travail, que le travail doit être correctement rémunéré et qu'il faut arrêter de taxer ceux qui gagnent leur vie honnêtement. Il y deux modèles, on voit bien les deux modèles, donc que les Français choisissent entre le modèle de l'assistanat généralisé et de la fiscalité punitive, parce qu'il s'agit de ça chez monsieur Hollande, il s'agit de punir les gens qui gagnent leur vie, parce que c'est considéré comme un mal en France. Les gens qui réussissent, en France, c'est terrible, ils ont péché, ils sont traduits devant l'opinion publique. Monsieur Hollande, il va dresser les tribunaux fiscaux pour que tous ceux qui ont réussi aient vraiment envie de se barrer, c'est ça l'idée. Donc, nous, nous avons une autre conception qui est d'attirer en France tous ceux qui peuvent créer de la richesse et de valoriser ceux qui réussissent. Et c'est en remettant les gens qui sont au bord de la route, aujourd'hui, ceux qui sont au niveau du SMIC, ceux qui tirent le diable par la queue, dans la route de la réussite, par le travail, par la réforme des 35 heures, par l'association à la réussite de leur entreprise, par plus de pouvoir d'achat, que nous créerons un pays dynamique. Il ne faut pas oublier que l'on n'est pas seul au monde. " Objectif lune ", c'est sympathique, mais aujourd'hui on est sur terre et donc il est important de faire un programme réaliste, ce que fait N. Sarkozy.
Q- C'est pour ça que Johnny Halliday s'est barré, comme vous dites, en Suisse ?
R- Moi, j'aimerais que la France soit le pays dans lequel les Johnny des autres viennent s'installer, les Johnny de la culture, de l'économie, du sport...
Q- Eh bien alors il faut réduire la fiscalité.
R- Bien entendu.
Q- Et puis vraiment la réduire.
R- Bien entendu.
Q- Et surtout la fiscalité pour les plus riches, R. Dutreil ?
R- Il faut que la fiscalité pour ceux qui ne sont pas riches...
Q- Pour les plus riches. Johnny il n'est pas malheureux.
R- Mais bien sûr, on a besoin de gens riches en France... arrêtons de dire...
Q- Alors, il faut réduire la fiscalité pour les plus riches.
R- Arrêtons de dire : restons entre nous, pauvres, et on sera plus heureux. Ça c'est une aberration.
Q- Mais non, mais je vous pose la question : faut-il réduire la fiscalité pour les plus riches ?
R- Déjà on l'a fait, je vous rappelle que moi j'ai été à l'origine d'une réforme de l'ISF qui n'avait jamais été faite depuis 15 ans, avec les pactes d'actionnaires et je vois monsieur Hollande, d'ailleurs, reprendre cette idée qu'il a combattue il y a deux ans.
Q- Oui, non, mais vous me dites : oui, il faut réduire la fiscalité pour les plus riches.
R- Il faut que les gens qui sont riches en France aient envie de rester en France.
Q- Donc il faut réduire la fiscalité.
R- Si le niveau de fiscalité est tel qu'il les fait fuir, on n'y gagne rien en France, c'est une perte totale, parce que ces gens là vont aller dépenser leur argent à Bruxelles, à Genève ou à Londres. Qu'est-ce que ça rapporte à la France ? Rien. En revanche, si les gens riches viennent en France, et ceux qui sont riches en France restent en France...
Q- La France, paradis fiscal, donc, R. Dutreil.
R- Mais non, on est en dessous de la moyenne, il faut que l'on atteigne tout simplement la moyenne des pays européens, il ne s'agit pas de devenir une exception, il s'agit de rentrer dans la moyenne, en baissant les impôts et en valorisant le travail honnêtement effectué et les biens correctement acquis. Voilà, tout cela n'est pas choquant. Il y a qu'en France que l'on pourchasse tous ceux qui réussissent comme s'ils étaient des criminels. Eh bien ça suffit, moi j'ai envie de le dire aussi.
Q- Bon. Alors, vous dites : Johnny a raison, quoi ?
[Blanc]
Q- C'est ce que vous venez de dire, c'est ce que vous pensez, R. Dutreil.
R- Mais il ne faut pas juger Johnny, il faut tout faire pour que Johnny reste.
Q- Mais je ne juge pas... Bon, d'accord. R. Dutreil, 08h47. On va parler des PME parce que c'est essentiel, essentiel pour le tissu économique français, les PME de moins de 250 salariés, qui représentent, il faut le savoir, quand même, 58 % de l'emploi salarié en France.
[...]
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 décembre 2006
R- Bien. Vous savez que c'est la consultation SMS du jour, ça tombe très bien, R. Dutreil. Alors, on en est où, pour l'instant, P. Dufreigne ? P. Dufreigne : Alors, on va jeter un petit coup d'oeil, vraiment en direct, parce que vous savez que j'ai l'informatique juste devant moi, comme ça nous aurons les derniers chiffres actualisés. Les gens disent " oui ", pour l'instant, à 51,2 %, " non ",
48,8 %.
Q- Vous voyez que c'est très, très équilibré.
R- Serré, serré.
Q- C'est serré, serré. Alors, rappelez la loi, R. Dutreil. Que dit la loi, aujourd'hui ?
R- La loi interdit le travail le dimanche pour les salariés, elle l'autorise pour les patrons - un commerçant indépendant, il peut très bien ouvrir le dimanche - et elle autorise cinq dimanches par an, sur décision du maire. C'est le cas, d'ailleurs, en ce moment, c'est souvent au mois de décembre que ces dimanches sont autorisés avant les fêtes.
Q- Est-ce qu'il faut changer la loi, R. Dutreil ?
R- Alors, si on libéralisait complètement le travail le dimanche, qu'est-ce qui se passerait ? Les petits commerçants, qui sont souvent en couple, monsieur et madame, ils seraient confrontés à une concurrence sept jours sur sept de la part de grandes surfaces qui, elles, organiseraient leur travail avec des rotations des salariés, et ils mourraient, disparaîtraient. On aura des milliers de petits commerces, notamment dans le textile - on a la chance en France d'avoir beaucoup de petits magasins de vêtements - qui disparaîtraient. Donc, il ne faut pas faire ça. En revanche, il faut regarder à l'étranger ce qui se fait le mieux et il y a un pays qui a trouvé le bon équilibre, moi, je trouve, c'est l'Espagne. En Espagne, il y a une liberté totale en dessous de 300 m² et au-dessus de 300 m², il y a une dizaine de dimanches autorisés par an. Si bien que les villes espagnoles sont vivantes le dimanche grâce aux petits commerces, et il n'y a pas de concurrence de la part des grandes surfaces le dimanche, et ça a redonné un énorme dynamisme aux petits commerces en Espagne. Et puis il y a aussi....
Q- C'est une proposition que vous faites...
R- Non, parce que nous attendons le rapport du Conseil économique et social, que le Premier ministre a saisi. Et tant qu'il n'a pas prononcé ses propositions, eh bien nous restons prudents, mais moi je considère que ce modèle espagnol est très intéressant.
Q- C'est l'exemple à suivre.
R- Et puis il y a aussi les choses absurdes. C'est absurde que Vuitton ne puisse pas ouvrir sur les Champs Elysées le dimanche, alors que Mc Do, à côté, est ouvert. On a intérêt à ce que Vuitton - c'est des produits français - soit vendu aux touristes qui viennent en grand nombre le dimanche et donc c'est un peu absurde, dans les zones touristiques, d'avoir cette discrimination entre ceux qui ouvrent et ceux qui ferment.
Q- Donc, l'exemple espagnol est l'exemple à suivre, si je vous comprends bien, R. Dutreil.
R- C'est un bon exemple, il faut l'analyser, mais je pense que c'est l'exemple d'un bon équilibre.
Q- En dessous de 300 m², on peut ouvrir et au-dessus une dizaine d'ouvertures par an.
R- Voilà.
Q- Une dizaine de dimanches par an.
R- Voilà, voilà.
Q- Et les 24 et 31 ? Cette année, ça tombe particulièrement...
R- Ce sont deux dimanches.
Q- Deux dimanches.
R- La plupart des maires en France ont autorisé les magasins à ouvrir...
Q- Ils ont eu raison ?
R- ... à l'exception de Nantes et de Angers. Mais ils ont eu raison, eh bien oui, parce que la plupart du temps, les gens sont un peu à la bourre avant Noël et donc ils ont envie de faire leurs cadeaux la veille. Donc ce n'est pas mal de pouvoir aller le dimanche faire un cadeau pour sa maman ou ses enfants.
Q- Et si vous étiez maire de Reims, vous auriez permis l'ouverture.
R- Moi, j'aurais dit " ok pour le 24 et le 31 ".
Q- Vous êtes toujours candidat à la mairie de Reims ?
R- Plus que jamais.
Q- Plus que jamais. R. Dutreil, tiens ! Je lis un message qui est arrivé ce matin sur notre blog, vous savez que les auditeurs sont très présents, ici,sur RMC. Alors, Yves nous écrit : " On entend sur toutes les radios les propos de N. Sarkozy, hier, dans les Ardennes. On croit rêver, il s'apitoie sur la misère des gens : mais qui gouverne aujourd'hui ? "
R- D'abord, aujourd'hui, notre bilan, puisqu'il s'agit de parler de bilan, n'est pas si mauvais que ça : le chômage baisse. Lorsque nous partirons, le chômage sera en dessous du niveau auquel il était quand nous sommes arrivés. Donc, le progrès il est dans le bon sens.
Q- Il n'est pas si mauvais, mais en entendant, en écoutant N. Sarkozy, hier, on avait l'impression que c'était catastrophique.
R- Et malgré ce bon bilan, il y a énormément à faire. Il y a énormément à faire, ce que Nicolas appelle la "capitulation sociale" : on a accepté qu'un certain nombre de gens...
Q- Vous avez accepté, pas " on ", " vous ".
R- Oui, je veux bien tout à fait le reconnaître. Parce que la France, pendant 25 ans, est restée totalement immobile et que passer de l'immobilité pendant 25 ans à une action extrêmement rapide, ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc il faut du temps. Il faut un peu plus de temps que nous n'en avons eu pendant cinq ans. Il faut continuer notre action.
Q- Il faut combien de temps ? Cinq ans, c'est le temps d'une élection présidentielle, cinq ans c'est...
R- Il ne faut pas croire que dans le monde d'aujourd'hui vous pouvez changer un pays du tout au tout en cinq ans.
Q- Donc il faut être élu 20 ans, quoi, pour...
R- Allez voir un maire et demandez-lui ce qu'il a fait en cinq ans. Il a lancé des projets et puis il n'a pas toujours débouché sur des réalisations, mais ça viendra, ça viendra dans deux ans, ou plus. En revanche, il y a une solution qui nous est proposée aujourd'hui, c'est S. Royal, c'est de repartir en arrière. Alors là, pour le coup, on ne perd pas cinq ans, on perd dix, quinze ans, parce que nous ne pouvons plus changer de direction. La nôtre est la bonne. On n'a pas assez de résultats, j'en conviens, mais notre direction est la bonne. Et si nous changeons de direction, ce que propose S. Royal aujourd'hui ou monsieur Hollande qui, hier, dans Le Monde, disait : " on supprime toutes les baisses d'impôts que la droite a faites ". Moi, je connais des artisans, les commerçants, c'est des petites gens, c'est le peuple français ces gens-là - ce n'est pas les nababs du CAC 40 avec des cigares et des costumes trois pièces - si on leur supprime les baisses d'impôts que l'on a mises en place, mais ils vont mourir. Donc, c'est quand même suicidaire de voir aujourd'hui un parti, le Parti socialiste, dire : " on va taxer encore une fois ceux qui travaillent 50, 60 heures par semaine, qui sont artisans, commerçants, professions libérales", sans parler des salariés qui gagnent de l'impôt.
Q- Vous avez entièrement raison. Vous attaquez le Parti socialiste, vous avez tout à fait le droit. La liberté, ici, de...
R- Je vous dis, on n'a pas fait de la France un paradis en cinq ans...
Q- Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que vous avez fait. Si j'écoute, j'y reviens, N. Sarkozy hier, "cette France qui souffre, cette France qui, effectivement, ne lance pas de pierres, cette France dont on ne parle pas, elle a été abandonnée"... Par qui ? Par tous ceux qui ont été au pouvoir depuis 20 ans.
R- N. Sarkozy propose une rupture. Cela veut bien dire que lui-même considère que la droite ou la gauche, avant lui, n'ont pas fait ce qu'il considère comme de vraies ruptures en France. Donc, ça, c'est une position très forte aussi vis-à-vis de son propre camp.
Q- Il faut l'assumer !
R- Il est aussi en différence forte par rapport à son propre camp et c'est vrai que dans son secteur ministériel...
Q- Le problème, c'est qu'il a été ministre.
R- Oui, mais dans son secteur, le ministère de l'Intérieur, il a agi plus qu'aucun autre. Il a été courageux. Moi, je trouve que N. Sarkozy, on peut lui faire des reproches, tout ce que l'on veut, mais il a le mérite d'oser et d'agir. Il ne promet pas la lune. S. Royal, c'est " Objectif lune ". Alors, on connaît l'histoire : à l'aller, tout est gratuit, au retour on paie deux fois.
Q- Moi, je ne vous parle pas de S. Royal, R. Dutreil. Revenons sur ce qu'a dit...
R- - Aujourd'hui, les Français, ils vont avoir à comparer...
Q- - Oui, mais on verra, on comparera... Vous savez ce qu'ils vont demander, les Français ? Ils vont demander des engagements et non plus des promesses et le mot " engagement " n'a pas la même signification, voilà ce qu'ils vont demander. Alors, vous vous engagez à quoi ?
R- - Nous avons tenu nos promesses. 2002, le président de la République dit quelque chose qui a fait hésiter tout le monde. Il a dit : " on va créer un million d'entreprises en 5 ans ". Je fêterai le millionième créateur d'entreprise dans un mois. Pari impossible à tenir en 2002, pari tenu aujourd'hui en 2002 (sic). Une dépêche vient de tomber hier, les chiffres de la création d'entreprises sont sans comparaison avec ce qui existait sous la gauche. On crée aujourd'hui près de 235.000 entreprises chaque année.
Q- Ce qui est vrai.
R- Parmi tous ces entrepreneurs, il y a des chômeurs. Un tiers sont des demandeurs d'emploi. C'est quand même formidable, un pays dans lequel un demandeur d'emploi, au lieu de tomber dans l'assistanat que propose S. Royal, il va créer sa boîte. Moi, je trouve ça, un vrai changement que nous avons apporté au pays, qui n'était pas attendu, qui était difficile à mettre en oeuvre, mais c'est une vraie réussite. Donc, il y a des échecs mais aussi des réussites.
Q- Bon, alors, R. Dutreil, puisque... Attardons-nous encore un instant sur ce qui s'est passé dans les Ardennes, hier, avec cette déclaration du candidat de l'UMP qui s'en est pris aux fonds d'investissements, et notamment aux fonds de pensions anglo-saxons. Vous partagez cette virulente attaque contre ces fonds d'investissements, ces fonds de pension ?
R- Vous savez, moi, je connais bien les entreprises, si elles se reposent uniquement sur les banques pour financer leur croissance, notamment dans les secteurs innovants, à risques, ça ne marchera jamais. On a besoin de ce que l'on appelle du capital-risque. On en a besoin. Parce que les gens qui investissent en capital-risque sont capables d'épouser le risque de l'entrepreneur, donc on en a archi-besoin, donc il ne faut pas crier haro sur le capital investissements, au contraire, on est en train de le développer en France. Ma politique, c'est de le développer. En revanche, N. Sarkozy a raison de souligner un certain nombre d'excès, c'est-à-dire des gens qui investissent et qui veulent sortir de la boîte dans laquelle ils ont mis leur argent, deux ans ou un an après, en ayant fait jackpot. Alors, qu'est-ce qu'ils font dans ces cas-là ? Ils pressurent l'entreprise, ils en tirent vraiment le profit maximum, au détriment de l'emploi et de la survie de l'entreprise. Mais ce sont des excès, ce n'est pas la généralité. La plupart des "capital investisseurs" investissent pour du long terme et pour développer les entreprises.
Q- Ce qui veut dire qu'un retraité de l'Arkansas n'est pas un actionnaire voyou.
R- Non, bien sûr que non.
Q- J'ai entendu parler d'actionnaire voyou, hier.
R- Non, mais les actionnaires voyous, c'est une minorité de gens qui se comportent, en dehors de l'intérêt de l'entreprise, dans laquelle ils ont investi mais c'est une minorité... Aujourd'hui, tous ceux qui investissent dans les entreprises, ils les financent pour qu'elles grandissent et on a besoin de cet argent là. Ce n'est pas avec l'argent de l'Etat que l'on va financer les entreprises demain, ni avec l'argent du contribuable, c'est avec l'argent des capital investisseurs. Donc il faut soutenir le capital investissement.
Q- R. Dutreil, puisque vous parliez de F. Hollande tout à l'heure, il souhaite rapprocher l'impôt sur le revenu et la CSG pour faire un impôt citoyen. Avant de passer au prélèvement à la source, il dit : " il faut une réforme fiscale, une vaste réforme fiscale, avant de passer au prélèvement à la source. La retenue à la source, c'est une technique, dit-il, ce qui compte c'est un impôt juste ".
R- Oui. Le modèle de F. Hollande est très clair : c'est taxer plus ceux qui travaillent et les taxer d'autant plus qu'ils travaillent, et qu'ils gagnent de l'argent et développer l'assistanat, c'est-à-dire le nombre de Français qui vivent d'une ressource publique. Voilà le modèle général.
Q- Ce n'est pas ce qu'il a dit hier.
R- Il faut lire entre les lignes. Voilà ce qu'il dit. Et ce système là, c'est celui que, à mon sens, les Français rejettent, mais pas les Français ultra riches. Et hier, à Charleville-Mézières, c'était vraiment le peuple, c'est des ouvriers, c'est des cadres moyens, c'est des gens qui sont dans les services et qui ont un SMIC à deux SMIC. Ces gens-là ils en ont ras-le-bol de voir une partie des Français vivre de l'assistanat sans qu'il y ait de contrepartie en terme d'activités pour le pays. Et donc ces gens-là, ils sont contre le modèle de F. Hollande et quand ils voient un N. Sarkozy dire clairement les choses, dire que pour lui l'essentiel c'est la valeur du travail, que le travail doit être correctement rémunéré et qu'il faut arrêter de taxer ceux qui gagnent leur vie honnêtement. Il y deux modèles, on voit bien les deux modèles, donc que les Français choisissent entre le modèle de l'assistanat généralisé et de la fiscalité punitive, parce qu'il s'agit de ça chez monsieur Hollande, il s'agit de punir les gens qui gagnent leur vie, parce que c'est considéré comme un mal en France. Les gens qui réussissent, en France, c'est terrible, ils ont péché, ils sont traduits devant l'opinion publique. Monsieur Hollande, il va dresser les tribunaux fiscaux pour que tous ceux qui ont réussi aient vraiment envie de se barrer, c'est ça l'idée. Donc, nous, nous avons une autre conception qui est d'attirer en France tous ceux qui peuvent créer de la richesse et de valoriser ceux qui réussissent. Et c'est en remettant les gens qui sont au bord de la route, aujourd'hui, ceux qui sont au niveau du SMIC, ceux qui tirent le diable par la queue, dans la route de la réussite, par le travail, par la réforme des 35 heures, par l'association à la réussite de leur entreprise, par plus de pouvoir d'achat, que nous créerons un pays dynamique. Il ne faut pas oublier que l'on n'est pas seul au monde. " Objectif lune ", c'est sympathique, mais aujourd'hui on est sur terre et donc il est important de faire un programme réaliste, ce que fait N. Sarkozy.
Q- C'est pour ça que Johnny Halliday s'est barré, comme vous dites, en Suisse ?
R- Moi, j'aimerais que la France soit le pays dans lequel les Johnny des autres viennent s'installer, les Johnny de la culture, de l'économie, du sport...
Q- Eh bien alors il faut réduire la fiscalité.
R- Bien entendu.
Q- Et puis vraiment la réduire.
R- Bien entendu.
Q- Et surtout la fiscalité pour les plus riches, R. Dutreil ?
R- Il faut que la fiscalité pour ceux qui ne sont pas riches...
Q- Pour les plus riches. Johnny il n'est pas malheureux.
R- Mais bien sûr, on a besoin de gens riches en France... arrêtons de dire...
Q- Alors, il faut réduire la fiscalité pour les plus riches.
R- Arrêtons de dire : restons entre nous, pauvres, et on sera plus heureux. Ça c'est une aberration.
Q- Mais non, mais je vous pose la question : faut-il réduire la fiscalité pour les plus riches ?
R- Déjà on l'a fait, je vous rappelle que moi j'ai été à l'origine d'une réforme de l'ISF qui n'avait jamais été faite depuis 15 ans, avec les pactes d'actionnaires et je vois monsieur Hollande, d'ailleurs, reprendre cette idée qu'il a combattue il y a deux ans.
Q- Oui, non, mais vous me dites : oui, il faut réduire la fiscalité pour les plus riches.
R- Il faut que les gens qui sont riches en France aient envie de rester en France.
Q- Donc il faut réduire la fiscalité.
R- Si le niveau de fiscalité est tel qu'il les fait fuir, on n'y gagne rien en France, c'est une perte totale, parce que ces gens là vont aller dépenser leur argent à Bruxelles, à Genève ou à Londres. Qu'est-ce que ça rapporte à la France ? Rien. En revanche, si les gens riches viennent en France, et ceux qui sont riches en France restent en France...
Q- La France, paradis fiscal, donc, R. Dutreil.
R- Mais non, on est en dessous de la moyenne, il faut que l'on atteigne tout simplement la moyenne des pays européens, il ne s'agit pas de devenir une exception, il s'agit de rentrer dans la moyenne, en baissant les impôts et en valorisant le travail honnêtement effectué et les biens correctement acquis. Voilà, tout cela n'est pas choquant. Il y a qu'en France que l'on pourchasse tous ceux qui réussissent comme s'ils étaient des criminels. Eh bien ça suffit, moi j'ai envie de le dire aussi.
Q- Bon. Alors, vous dites : Johnny a raison, quoi ?
[Blanc]
Q- C'est ce que vous venez de dire, c'est ce que vous pensez, R. Dutreil.
R- Mais il ne faut pas juger Johnny, il faut tout faire pour que Johnny reste.
Q- Mais je ne juge pas... Bon, d'accord. R. Dutreil, 08h47. On va parler des PME parce que c'est essentiel, essentiel pour le tissu économique français, les PME de moins de 250 salariés, qui représentent, il faut le savoir, quand même, 58 % de l'emploi salarié en France.
[...]
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 décembre 2006